Dictionnaire des pseudonymes (Heilly)/Intro

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Dictionnaire des pseudonymes (Heilly), recueillis par Georges d’Heilly. 2e édition, entièrement refondue et augmentée
E. Dentu (p. iii-xxxvi).
PRÉFACE
DE CETTE DEUXIÈME ÉDITION.


I


Je n’ai point l’intention de faire entrer dans cette préface l’histoire générale de la pseudonymie et des pseudonymes aux époques de leurs diverses manifestations. Quérard a fait à fond sur ce sujet une étude[1] des plus détaillées et des plus curieuses, et je ne puis avoir la prétention de redire autrement ni mieux ce qu’il a si bien et si complétement dit lui-même. Mais cette étude est déjà ancienne ; depuis, l’usage et surtout l’abus des pseudonymes ont encore fait des progrès. Je désire simplement les signaler ici en donnant aussi au lecteur quelques rapides explications sur le travail dont je lui offre aujourd’hui une édition nouvelle[2], refondue, corrigée, augmentée, et, en un mot, tout à fait transformée.

Le public a toujours aimé les indiscrétions biographiques et bibliographiques ; il se passionne volontiers pour les renseignements intimes, pour ces petits riens de la vie, auxquels il ne s’attache ni ne s’arrête ordinairement autour de lui, mais qui ont pour lui leur prix et leur valeur aussitôt qu’ils concernent un personnage illustre ou seulement quelque peu célèbre. On peut toujours satisfaire, au profit du lecteur, cette juste passion de la curiosité, sans cependant sortir des bornes permises. Il est facile de lui faire connaître sur les personnages des théâtres, des arts, de la littérature, du monde même, bien des menus détails, restés pour lui inaperçus ou incompris, grâce à ce « loup » discret qu’on appelle le pseudonyme ; détails dont il est d’autant plus avide qu’il les avait plus ou moins soupçonnés, cherchés, ou encore ignorés. Percer un mystère, arracher un masque, dépister l’anonyme, deviner le sphinx ! quoi de plus charmant, de plus piquant, de plus amusant même ? …

— Quoi ! ce livre signé de tel nom est de tel écrivain ? Nous ne l’eussions jamais cru !…

— Vraiment ! ce Courrier de Paris si malin du vendredi soir, signé X., est de M. Z… ? Pas possible ! qui l’aurait supposé ?…

Mlle  R…, cette actrice blonde et rose qui chante si joliment le couplet au petit théâtre de…, a d’abord été femme galante sous un premier nom, danseuse de bal public sous un deuxième, et sa mère est toujours fruitière à la halle, sous son nom véritable ! … — Voilà qui est particulier ! Depuis six ans le feuilleton de mon journal signé A…, et dont je dis toujours du mal devant B…, est précisément de ce même B…, qui ne s’en était pas vanté, le traître ! et qui me laissait dire…

N’est-il pas tout à fait curieux, attrayant, utile même, d’avoir sous la main la clef de tous ces mystères journaliers, et de pouvoir à loisir dénouer le cordon de tous ces masques soi-disant impénétrables, mais qui, en somme, ne tiennent tous que fort peu sur le visage de leurs propriétaires, ou mieux de leurs emprunteurs ? Voyez certaines figures à nu ; regardez les sans fard et sans poudre. Lisez dans les yeux mêmes de ce romancier célèbre si l’esprit de ses drames est bien à lui, et jugez mieux ses livres ; en connaissant l’homme. Sachez enfin que la vie de tel autre écrivain dont les feuilletons vous charment est un perpétuel scandale ; celui-là, il avait pris un faux nom pour ne point désenchanter son lecteur, et son pseudonyme sert à la fois les intérêts de son libraire et ceux de ses passions. Vilain tableau, et qu’il ne faut présenter que comme une exception rare. Les uns se sont masqués par raison de convenances ou par exigences de famille, les autres pour dissimuler un nom désagréable ; ceux-ci par ambition de particule, ceux-là pour avoir le droit d’écrire un peu partout, sans mentir à des traités qui rivent leur signature à un seul engagement ; d’autres, enfin, par obligation de position, voulant se ménager à la fois une attache officielle et une distraction intelligente, et menant de front les graves affaires de l’État et les intrigues multiples du roman et du théâtre.

II


Mais ce n’est point d’hier qu’est né le pseudonyme ; jamais, il est vrai, il n’a été plus fréquemment employé qu’aujourd’hui. Chercher, récolter et réunir en un seul recueil tous les pseudonymes actuels, semble une tâche impossible. L’abus qui s’en fait journellement rend leur complète recherche à peu près illusoire ; souvent un pseudonyme, par le temps qui court, naît le matin pour mourir le soir. Que de fois un nom d’emprunt signant un article n’en a pas signé deux ! Que de fois, dans un journal quelconque, a paru une signature nouvelle improvisée le jour même pour les besoins d’une cause qu’on voulait défendre sans s’y trouver compromis, pseudonyme évanoui aussitôt avec l’éphémère incident qui l’avait fait naître !

Nos pères ne connaissaient pas tous ces raffinements ; eux aussi, ils ont usé du pseudonyme, mais modérément, et avec plus d’apparence de raisonnement et de raison. La plupart des noms qu’ils ont substitués aux leurs signifient quelque chose, et sont surtout des surnoms ; ils rappellent des œuvres grandioses, des actes glorieux ou des incidents extraordinaires ; ils se rattachent à un fait intéressant, ils consacrent une action utile. Quelques villes même, désirant honorer leurs meilleurs ou leurs plus illustres enfants, les ont autorisés à remplacer leur nom patronymique par celui de la cité qui leur avait donné naissance, et qui voulait ainsi montrer qu’elle en était fière et glorieuse.

On trouve rarement, parmi les pseudonymes du temps passé, un nom d’emprunt servant à un personnage conjointement avec son nom même. Au contraire, le nom réel disparaît tout à fait, et si bien que l’histoire n’a enregistré que le nom fabriqué et que la postérité n’a voulu connaître que lui.

Il m’a semblé intéressant de réunir ici, en quelques pages, les principaux pseudonymes, surnoms ou noms d’emprunt sous lesquels sont connus les plus célèbres de nos aïeux dans tous les genres d’illustration, en mettant en regard du nom inventé ou attribué le nom réel de leur famille.

Voici cette nomenclature :

PRINCIPAUX PSEUDONYMES OU SURNOMS
DU TEMPS PASSÉ.

Aceilly (D’), bel esprit et poète léger du xviie siècle, né Chevalier de Cailly (Jacques). C’était surtout un poêtereau de boudoirs et « de ruelles » .

Acosta (Jérôme), savant Dieppois du XVIIe siècle, né Simon (Richard).

Albinus (Bernard), médecin célèbre au xviie siècle, né Weiss, qui signifie blanc en allemand, d’où Albinus.

Alsinoys (Cte d’), poëte du XVIe siècle, né Denisot (Nicolas).

André del Sarto, peintre illustre du xvie siècle, de son vrai nom Vanucci (André) ; fils d’un tailleur (sarto).

Annat (Le père), confesseur de Louis XIV, de son vrai nom Canard (en latin anas).

Annius, savant du XVe siècle, attaché à la cour du pape Alexandre VI (Borgia) ; né Nanni (Jean), à Viterbe.

Aubignac (L’abbé d’), bibliophile et auteur dramatique, rival en tragédie du cardinal de Richelieu ; né, en 1604, Hédelin (François).

Auerbach, médecin allemand du XVie siècle, né Stroemer (Henri).

Avellaneda. Pseudonyme sous lequel le dominicain Luis de Alliaga a publié, en 1614, une fausse suite de la première partie de Don Quichotte, qui seule avait alors paru. Cervantes se hâta alors de publier lui-même la seconde partie de son immortel roman, ce qui n’empêcha pas la contrefaçon d’avoir un vif succès ; elle a même eu les honneurs de plusieurs traductions, dont deux en français.

Bamboche, peintre hollandais du XVIIe siècle, né de Laar (Pierre). Il a donné son surnom au genre de tableaux qu’il faisait, appelés depuis des bambochades.

Baptiste. Deux comédiens ont été célèbres sous ce pseudonyme : Anselme (Nicolas) et Anselme (Eustache), dits au théâtre Baptiste aîné (mort en 1835) et Baptiste cadet (mort en 1839).

Baron. Comédien de la troupe de Molière, en même temps auteur dramatique, né, en 1653, Boyron (Michel).

Bassan (Le). Plusieurs peintres italiens, dont le premier, François da Ponte, était originaire de Bassano, ont porté ce surnom du XVIe au XVIIe siècle.

Beaumarchais, auteur dramatique du XVIIIe siècle, le père de Figaro, né, en 1732, Caron. Le nom sous lequel il s’est illustré lui vient d’une petite propriété de sa première femme.

Beaunoir, fécond auteur dramatique du siècle dernier, mort en 1823, et de son vrai nom Robineau[3].

Bellecour, acteur du Théâtre-Français au siècle dernier, né Gille.

Bellerose, comédien de l’hôtel de Bourgogne, sous Louis XIII et Louis XIV, né Le Messier (Pierre). C’est lui qui a créé le Cinna de Corneille.

Blainville (Henri de), célèbre naturaliste, mort en 1850, et né, en 1777, Ducrotay, à Blainville (Seine-Inférieure).

Bobèche, célèbre farceur de parades, né, à la fin du siècle dernier, Mandelard (Antoine). Il a donné et publié quelques unes des principales pièces où il excellait.

Bock, célèbre botaniste allemand du XVIe siècle. En France il est connu sous le nom de Lebouc, et dans les universités allemandes sous celui de Tragos.

Boerne (Louis), écrivain israélite, mort à Paris en 1837, de son vrai nom Lœb Baruch.

Boileau-Despréaux. Le second nom du célèbre poëte est un surnom.

Bois-Flotté (Le sieur de), étudiant en droit fil. — Le fameux et spirituel marquis de Bièvre a publié sous ce nom, au siècle dernier, une amusante Lettre à la comtesse Tation, et une tragédie burlesque, Vercingétorix, depuis souvent réimprimée.

Botticelli (Sandro), peintre et graveur du XVe siècle, né Filippi (Alessandro). Il porta le nom d’un orfèvre florentin qui avait été son maître.

Bramante, célèbre architecte italien, né, en 1444, Lazzari (Donato).

Bruscambille, acteur et auteur comique de l’hôtel de Bourgogne, au commencement du XVIIe siècle, né Deslauriers.

Burchiello (Le), poëte satirique italien du XVe siècle, de son vrai nom Dominique Nanni.

Cagliostro (Cte de), célèbre aventurier du XVIIIe siècle. Son vrai nom était Joseph Balsamo, auquel il substitua celui d’une de ses tantes.

Cagnacci (Il), peintre italien du {{s|XVIIøø, ainsi surnommé parce qu’il était contrefait ; né, en 1601, Canlassi (Guido).

Camargo (Mlle ), danseuse célèbre au XVIIIe siècle, chantée par Voltaire. Son père se nommait Cuppi ; elle fut baptisée Marie-Anne ; sa mère était née Camargo, en Espagne, et c’est son nom même qu’a illustré sa fille.

Capnion. Le célèbre Reuchlin, savant des XVe et XVIe siècles, dont le nom signifie fumée en allemand, le remplaça par celui de Capnion, lequel en grec signifie également fumée.

Caravage (Le). Deux peintres ont été connus sous ce nom au XVIe siècle.

Caldara (Polidoro), né à Caravaggio, et qui fut assassiné par sa cuisinière ;

Amerighi (Michel-Ange), également né à Caravaggio, et qui fut d’abord maçon. Il a eu des aventures très-romanesques.

Carmagnola, célèbre général vénitien, né Bussone (François), en 1390, à Carmagnola. Le Conseil des Dix lui fit trancher la tête en 1432.

Carteromaco, savant du XVe siècle, né, en Italie, Forte-Guerra (Scipion).

Cartouche, célèbre voleur, roué vif en 1721, et de son vrai nom Bourguignon (Louis-Dominique).

Cecco d’Ascoli, astrologue italien, brûlé vif à Florence en 1327, comme hérétique ; né François de Stabili.

Cerano (Le), peintre italien du XVIIe siècle, né Crespi (Jean-Baptiste), dans la ville de Cerano.

Cerceau (Jacques du), architecte du XVIe siècle, né Androuet. L’enseigne qui pendait à sa maison lui a valu son surnom.

Chamfort, publiciste et homme d’esprit du XVIIIe siècle, né, en 1741, Nicolas (Sébastien).

Clairon (Mlle ), célèbre actrice du XVIIIe siècle, à la fois chanteuse, danseusé et tragédienne, née, en 1723, Legris de Latude (Claire).

Coldoré, premier valet de chambre de Henri IV, et graveur célèbre sous ce pseudonyme ; né Julien de Fontenay.

Commire (Jean), jésuite et poëte latin du xviie siècle, né Commère.

Cornarius, médecin allemand et publiciste du XVIe siècle, de son vrai nom Hagenbut (Jean).

Corrége (Le), peintre illustre, né, en 1494, Allegri (Antonio), à Corregio (Italie).

Cortone, célèbre architecte italien appelé à la cour de François Ier ; né Dominique Boccador.

Au siècle suivant un autre architecte italien, né, en 1596, Berrettini (Pietro), à Cortone, a été également connu sous le surnom de Cortone (Pierre).

Cousin Jacques (Le), auteur dramatique, né, en 1757, Beffroy de Reigny (Abel).

Crébillon. Deux poëtes, le père et le fils, ont été connus sous ce nom au XVIIIe siècle :

Jolyot (Prosper), mort en 1752, et célèbre tragique ;

Jolyot (Claude), mort en 1771, fils du précédent. Il a écrit quelques mauvais romans, dont l’un, le Sopha, est connu pour sa licence et « ses saletés » .

Crinitus, poète italien, qui réécrivait guère qu’en latin, né, à Florence, en 1465, Riccio (Pierre).

Cubières (Chevalier de), poëte du dernier siècle, mort en 1820. Élève du fade Dorat, il joignit le nom de son maître au sien, pour se faire un nom littéraire ; il a signé également Palmezeaux.

Czerni, général albanais, qu’Alexandre Ier de Russie. avait créé prince et feld-maréchal russe ; né, en 1770, Petrovitch (Georges).

Dalembert, écrivain et mathématicien du xviiie siècle, fils naturel de Destouches et de Mme  de Tencin, trouvé sur les marches de l’église de Saint-Jean-le-Rond, à Paris, qui lui donna son nom Jean Le Rond, qu’il changea plus tard contre celui de Dalembert, sous lequel il est seulement connu.

Dancourt, d’abord avocat, puis acteur et auteur dramatique des plus féconds, né, en 1661, Carton (Florent).

D’Assoucy, poëte du XVIIe siècle, né, à Paris, Coypeau (Charles).

Dauberval, danseur de l’Opéra (1761-83), qu’on avait surnommé le Préville de la danse ; né, en 1742, Bercher (Jean).

Dazincourt, acteur du Théâtre-Français, né, en 1747, Albouis (Joseph). C’est lui qui a créé le Figaro de Beaumarchais.

Delisle de Sales, publiciste du siècle dernier, qu’on avait surnommé le Singe de Diderot ; né, en 1743, Isoard (Jean-Baptiste).

Desessarts. Deux personnages ont été connus sous ce nom au siècle dernier :

Dechanet (Denis), comédien du Théâtre-Français, né en 1740 ;

Lemoyne (Nicolas), à la fois libraire, écrivain et même avocat.

Desfaucherets, auteur dramatique, mort en 1808 ; né Brousse (Jean-Louis).

Desfontaines. Nom pris par trois personnages connus dans les XVIIIe et XIXe siècles :

1° L’abbé Guyot, d’abord jésuite, puis homme de lettres mort en 1745 ;

Fougues-Deshayes, censeur chansonnier, auteur dramatique, etc., connu sous le nom de Desfontaines-Lavallée ; mort en 1825.

Louiche (René) célèbre botaniste, membre de l’institut, mort en 1835.

Desforges, auteur et acteur ; on lui doit de jolis livrets d’opéra comique. Né Choudard, en 1746.

Desjardins, sculpteur hollandais, à qui Louis XIV donna beaucoup de travaux, et qui éleva au roi la statue de la place des Victoires renversée par la révolution. Né, en 1640, Van den Bogaert.

Desmahis, petit poète du siècle dernier, agréable et léger, et sans grande importance ; né, en 1722, de Corsambleu.

Dominique. Trois acteurs et auteurs ont été connus sous ce pseudonyme :

Biancolelli (Joseph), artiste de la Comédie-Italienne sous Louis XIV et Mazarin.

2° Ses deux fils, Louis et Pierre, le premier auteur de pièces jouées à la Comédie-Italienne ; le second auteur et acteur sur ce même théâtre.

Dominiquin (Le), célèbre peintre italien, né, en 1581, Zampieri Domenico.

Dorat, poëte français du XVIe siècle et en même temps professeur et critique, né Dinemandy (Jean).

Du Barry (Comtesse). Quand cette célèbre maîtresse de Louis XV épousa le comte Guillaume Du Barry, on lui fabriqua un faux acte de naissance où elle fut nommée Jeanne de Vaubernier, nom que l’histoire lui a conservé. Sa mère se nommait en réalité, d’après des découvertes récentes, Béqus, et son père est resté inconnu.

Duchesnois (Mlle ) célèbre tragédienne, née, en 1777, Rafin (Catherine).

Duclos, auteur de mémoires et de récits historiques, né, en 1704, Pineau (Charles).

Ducroisy, acteur de la troupe de Molière, né, vers 1625, Gassaud (Philibert).

Dufresne, acteur tragique du Théâtre-Français au XVIIIe siècle, né Quinault (Alexis).

Dufresny, poète et auteur dramatique, qu’on fait descendre de Henri IV et de la jardinière d’Anet ; né Rivière (Charles), en 1648.

Dugazon, acteur du Théâtre-Français, né, en 1743, Gourgaud (Henri).

Dupaty, surnom d’une famille du Midi qui a donné à la France trois hommes célèbres :

Mercier (Jean-Baptiste), membre du Parlement sous Louis XV, et auteur des fameuses Lettres sur l’Italie ;

Mercier (Henri), fils aîné du précédent et sculpteur estimé ;

Mercier (Louis), son fils cadet, poète et auteur dramatique, mort membre de l’Institut en 1851.

Egnazio, savant Italien du XVIe siècle, né Cipelli (Jean-Baptiste).

Emery (Michel d’), contrôleur général, puis surintendant des finances sous Mazarin, né, en Italie, Particelli.

Empecinado (El). Ce surnom, qui signifie empoissé, fut donné au général espagnol Martin Diaz, parce que son père était cordonnier, métier dans lequel on se servait alors de poix. Il fut pendu par les rebelles pendant la guerre de 1823.

Érasme, célèbre savant du XVIe siècle, né en 1467, et fils naturel d’une femme qui se nommait Gérard.

Erigène, savant moine du IXe siècle à qui on avait donné pour surnom le nom même de son pays natal, Erin, nom primitif de l’Irlande ; né Scot (Jean)

Eugubinus, écrivain italien, surtout critique ; né Beni (Paul), en 1552, il prit le nom d’Eugubinus parce qu’il fut élevé à Gubbio (Italie).

Farinelli, célèbre chanteur napolitain, né Broschi (Carlo).

Federici (Camille), auteur dramatique italien du XVIII, né Viassolo (Frédéric).

Flamand (François), sculpteur flamand, né, en 1594, Duquesnoy.

Fleury, acteur du Théâtre-Français, dont on a publié les mémoires ; né, en 1750, Bénard (Abraham).

Fra-Diavolo, célèbre brigand napolitain, popularisé chez nous par l’opéra d’Auber ; né Pozza (Michel), en 1760, il fut pendu à Naples en 1806.

Fra Paolo, écrivain et religieux, célèbre par ses controverses avec le pape Paul V, au XVIe siècle ; né Sarpi (Pietro) à Venise.

Galigai (Léonora), femme du. maréchal d’Ancre. Son père se nommait Dori, dit Galigaï.

Garofalo (Le), peintre italien, ainsi surnommé parce que sur beaucoup de ses tableaux il a peint un œillet (garofalo). Né, en 1481, Tisio (Benvenuto).

Gaussin (Mlle ), excellente actrice du Théatre-Français sous Louis XV ; née, en 1711, Gaussem (Jeanne).

Gerson, célèbre théologien, à qui on attribue l’Imitation de Jésus-Christ ; né, en 1363, Lecharlier (Jean), à Gerson (Ardennes). L’usage était alors que les étudiants pauvres qui avaient mérité les palmes du doctorat substituassent le nom de leur ville natale à leur nom patronymique.

Ghirlandajo (Il), peintre du XVe siècle, fils d’un orfévre qui avait inventé un ornement de femme qu’on nommait guirlande, d’où le surnom. donné au peintre ; né Coraddi (Dominique), à Florence.

Giorgion (Le), peintre italien, né Barbarelli (Georges), en 1477. Son surnom lui vient de sa grande taille (le grand Georges).

Giottino, peintre de portraits, petit-fils du célèbre Angelo Giotto, dont on lui donna le nom modifié ; né, en 1324, à Florence, Thomas di Lapo.

Glareanus, savant du XVIe siècle, né, dans le canton de Glaris (Suisse), Loriti (Henri).

Gordon de Percel. L’abbé Lenglet Dufresnoy, mort en 1755, a publié sous ce nom son livre De l’usage des romans (2 vol., 1734), si estimé et si lu au siècle dernier.

Gottfried. Un historien célèbre au XVII, Abelin (Jean-Philippe), a donné sous ce nom la plupart de ses écrits.

Grandval, acteur du Théâtre-Français au siècle dernier, né Racot.

Guillot-Gorju, farceur de la foire sous Louis XIII, d’abord médecin sous son vrai nom, Harduin de Saint-Jacques (Bertrand).

Gutenberg, inventeur de l’imprimerie, né, en 1403, Gensfleisch (Jean), à Mayence.

Hauteroche, acteur du Théâtre-Français et auteur dramatique, né, en 1617, Le Breton (Noël).

Heemskerk, peintre hollandais, né, en 1498, Van Veen (Martin), au village de Heemskerk, où son père était maçon.

Jacquinot, sculpteur du XVIe siècle, né Lescot (Hector).

Jars (Ch. De), conspirateur célèbre sous Richelieu, né François de Rochechouart, et qui, pour ne pas compromettre l’illustre famille à laquelle il appartenait, porta généralement le pseudonyme précité.

Joseppin (Le), célèbre peintre italien, né, en 1560, Cesari (Joseph).

Jouy (de), auteur dramatique, librettiste de la Vestale, de Fernand Cortez, de Moïse, de Guillaume Tell, etc., etc. Né, en 1769, Étienne, au village de Jouy (Seine-et-Oise).

Junius, pseudonyme célèbre au dernier siècle, et sous lequel furent publiées à Londres, dans le Public Advertiser (1769-72), des Lettres politiques contre le ministère d’alors, présidé par Lord North. Ces lettres mystérieuses, dont l’auteur ou les auteurs sont toujours restés inconnus, ont été attribuées à différents hommes politiques ou écrivains de l’époque : Hamilton, Glover, Burke, Gibbon, Young, Almon, Boyd, Lord Grenville, Georges Sackville, etc. L’opinion la plus accréditée et la plus vraisemblable est que leur auteur fut sir Francis, secrétaire de lord Chatam. On les a souvent réimprimées, et traduites dans toutes les langues.

Justinius Febronius, pseudonyme du conseiller d’État, théologien, évêque et chancelier de l’Université de Trèves, né, en 1701, Jean de Hontheim, et sous lequel il a publié ses divers écrits.

Kranach, peintre et graveur allemand du XVIe siècle, né Sunder (Lucas).

Labé (Louise), femme célèbre au XVIe siècle par ses aventures et sa beauté. Née, en 1526, Louise Charlin ou Charly, elle accompagna son père, en 1642, au siége de Perpignan. Elle reçut alors le surnom de capitaine Loys. Peu après, elle épousa un cordier de Lyon, du nom de Perrin, et elle fut Bientôt surnommée la belle Cordière. Elle a laissé des poésies souvent réimprimées.

Labindo, pseudonyme sous lequel fut connu au siècle dernier le poëte italien Fantoni (Jean).

La Chaise (Le père), jésuite qui fut pendant trente-quatre ans le confesseur et le confident de Louis XIV ; né, en 1624, François d’Aix, au château de ce nom, en Forez.

La Hire, officier de Charles VII, illustré à Orléans aux côtés de Jeanne-d’Arc. Né Vignolles (Étienne), il fut surnommé par ses soldats La Hire : (vieux mot, qui signifie « grognement de chien » ) à cause de la brusquerie de son caractère. C’est lui qui faisait chaque soir cette curieuse prière : « Seigneur, fais à La Hire ce que tu voudrais que La Hire te fit s’il était Dieu et que tu fusses La Hire. »

La Noue, acteur et auteur dramatique du XVIIIe siècle, né, en 1702, Sauvé (Jean).

Larive, célèbre acteur tragique du Théâtre-Français, mort en 1827. Il se nommait Mauduit (Jean), et il a donné quelques pièces de théâtre.

Le Daim (Le Diable), valet de chambre et barbier de Louis XI, que celui-ci fit comte de Meulan ; né Teufel (Olivier). Il fut pendu en 1484, sous la régence d’Anne de Beaujeu.

Lely (Le chevalier), peintre célèbre à Londres sous Charles Ier, Cromwell et Charles II ; né, en 1618, Van der Faes.

Lenau (Nicolas), médecin, philosophe et poète allemand du siècle dernier, né Niembs de Stralnau.

Lorrain (Claude le) peintre français du XVIIe siècle, né, en 1600, Gelée (Claude).

Maillard (Mlle ), célèbre cantatrice de l’Opéra au siècle dernier ; née Davoux (Marie).

Martyr (Pierre), théologien protestant, célèbre en Italie et en Angleterre au XVIe siècle. Né Vermigli (Pierre).

Mélanchton (Philippe), célèbre réformateur du XVIe siècle, né, en 1497, Schwartzerd (Terre-Noire), en Allemagne.

Merlin-Coccaie, célèbre moine du XVe siècle, qui a eu de curieuses aventures, et dont les poésies, dites Macaroniques, sont des plus bizarres. Il en a publié quelques-unes sous le nom de Limerno (anagramme de Merlino) Pitocco (gueux c’est-à-dire moine). Son vrai nom était Folengo (Théophile).

Metastase, illustre poète italien, né, en 1698, Trapassi (Bonaventure).

Michel-Ange, prénom de l’illustre peintre, architecte, sculpteur, etc., du XVIe siècle, né Buonarotti, en 1474.

Molanus, célèbre théologien du XVIe siècle, né Vermeulen (Jean), à Lille.

Molé, célèbre acteur du Théâtre-Français, né, en 1734, Molet (François).,

Molière, l’illustre poëte comique, est né en 1622. Son père se nommait Poquelin ; c’est seulement en 1646, lors de son entrée dans la troupe dont il devait être bientôt le chef, le modèle et le maître, qu’il prit le nom de Molière, qui appartenait à un auteur alors oublié.

Montaud (Nicolas de). Sous ce pseudonyme un théologien protestant du XVIe siècle, Nicolas Barnaud, a publié une étude historique sur le règne de Henri III : le Miroir des Français (1582).

Montfleury. Deux acteurs ont été connus sous ce nom :

Jacob (Zacharie), comédien de la troupe de l’hôtel de Bourgogne, vers la fin du règne de Louis XIII, et auteur dramatique ;

2° Son fils, Jacob (Antoine), auteur de la Femme juge et partie, jouée en 1669, et dont le succès fut alors égal à celui du Tartufe.

Montgaillard (l’abbé de), auteur d’histoires et de précis historiques estimés en leur temps, mais bien oubliés aujourd’hui ; né, en 1772, Roques, à Montgaillard (Rhône).

Monvel, comédien du Théâtre-Français au siècle dernier, père de Mlle  Mars ; né, en 1745, Boutet (Jacques).

Nicolo, compositeur de musique, à qui l’on doit Joconde ; né, en 1777, Isouard (Nicolas).

Nidalmo-Tiseo, évêque du XVIIIe siècle, membre de l’académie des Arcades, où il fut admis, comme poëte et traducteur, sous le pseudonyme précité. Son vrai nom est Forteguerra (Nicolas).

Novalis, savant et homme d’État allemand, né, en 1771, Louis de Hardenberg.

Osiander, théologien protestant, né, en 1498, Hosemann (André).

Palestrina, maître de chapelle et compositeur de musique du XVIe siècle, né, à Palestrina (Italie), Pierluigi (Jean).

Panormita, savant poëte italien du XVe siècle, fondateur de l’académie de Naples, né Beccadelli (Antoine).

Parmesan (Le), célèbre peintre italien, né, à Parme, en 1503, Mazzuoli (François).

Passignano (Le), peintre italien, né, en 1638, Cresti (Dominique).

Pastorius, médecin et historien attaché à la cour de Casimir V de Pologne ; né, en 1610, Joachim Hirtenberg.

Perugin (Le), célèbre peintre italien des XVe et XVIe siècles, né Vanucci (Pietro), dans la province de Pérouse.

Pesarèse (Le), célèbre peintre italien du XVIIe siècle, né, à Pesaro, Cantarini (Simon).

Pesello (Il), peintre italien, né, à Florence, en 1380, d’Arrigo (Julien).

Pétion, président et fondateur de la république d’Haïti, au commencement de ce siècle : né, en 1770, Sabès (Alexandre).

Philidor, compositeur du siècle dernier, né Danican, en 1727.

Pinturicchio (Le), peintre italien, né Benedetto (Bernard), à Pérouse, en 1454.

Platina, savant italien attaché au pape Sixte IV, né, en 1421, Sacchi (Barthélemy), à Piadena (dont le nom latin est Platina).

Politien, poète florentin du XVe siècle, né, à Monte-Pulciano, Ambrogini (Ange).

Préville, célèbre acteur des Français au XVIIIe siècle, né Dubus, en 1721.

Ses deux fils ont été connus également au théâtre. L’aîné, excellent comique des Français, y joua sous le pseudonyme de Champville ; le cadet fut danseur à l’Opéra, sous le nom que s’était fabriqué son père.

Quinzano, poëte latin et professeur du XVIe siècle, né Conti (Jean-François).

Racan, poëte du XVII, membre de l’Académie dès sa création ; né, en 1589, Honoré de Bueil, à La-Roche-Racan (Touraine).

Raphael, prénom du peintre illustre du XVIe siècle, dont le nom est Sanzio.

Rapheleng, célèbre imprimeur du xvie siècle, d’abord professeur de grec à l’Université de Cambridge ; né, à Lille, Raulenghien (François).

Regiomontanus, astronome et imprimeur du XVe siècle, né Jean Muller, en Allemagne.

Sacy (Louis-Isaac de), savant célèbre de Port-Royal, né, en 1613, Lemaistre. Le nom sous lequel il est connu est simplement l’anagramme de son deuxième prénom.

Saint-Ange, poëte du XVIIIe siècle, membre de l’Académie, né, en 1747, Fariau (Ange).

Saint-Foix, publiciste, auteur dramatique, historiographe, etc. ; né, en 1698, Poullain (Germain-François).

Saint-Huberti (Mlle ), célèbre cantatrice de l’Opéra, née, en 1756, Clavel (Antoinette). Elle épousa le comte d’Entraigues, et fut assassinée, ainsi que lui, près de Londres, en 1812.

San-Gallo. Trois architectes ont été célèbres sous ce nom d’emprunt aux XVe et XVIe siècles :

Giamberti (Julien), né en 1443, à Florence, qui lui donna par honneur le surnom de San-Gallo, porte de sa ville natale, en récompense des travaux dont il l’avait embellie ;

Giamberti (Antoine), également architecte, né à Florence, et frère du précédent ;

Giamberti (Antoine), le plus célèbre des trois, neveu des précédents, et comme eux architecte. Il a travaillé à Saint-Pierre de Rome en même temps que Raphaël.

Sansovino, architecte et sculpteur italien, né, en 1479, Tatti (Joseph).

Sasso-Ferrato (Le), peintre du xviie siècle, né, à Sasso-Ferrato (Italie), Salvi (Jean-Baptiste).

Scaliger (Jules César), savant italien du XVIe siècle, né en 1484, de l’Escale.

Scander-Beg, héros albanais du {{s|XVøø, né Castriot (Georges). Son surnom en renferme deux : ses compatriotes l’avaient baptisé Scander (Alexandre), à cause de son courage, et les Turcs, Beg (seigneur), en raison de sa dignité de prince[4].

Scaramouche, artiste célèbre dans la troupe italienne, sous le règne de Louis XIII ; né, à Naples, Fiorelli (Tiberio).

Schélandre, pseudonyme sous lequel le poëte d’Anchères (Daniel), né en 1586, à Verdun, donna un poème et deux tragédies.

Segrais, auteur dramatique et poète du XVIIe siècle, né Regnault (Jean).

Senancour, rêveur, philosophe et écrivain, auteur de ce bizarre et décourageant livre Obermann, où dominent les sentiments particuliers de l’auteur, le doute, le désespoir, l’incrédulité, qui conduisent à la négation de tout bonheur et à l’athéisrne. Né, en 1770, Pivert (Étienne).

Sion (Cardinal de), à la fois prêtre et guerrier ; ce « paladin rouge », comme on l’appelait encore, commandait en qualité de général les Suisses à Marignan. Né, en 1487, Schinner (Mathieu), à Sion en Valais.

Sleidan, écrivain politique et historien du XVIe siècle, né Philipson (Jean), à Schleide, en Allemagne.

Smetius, savant du XVIIe siècle, collectionneur émérite de médailles, né Van der Ketten (Jean), en Hollande.

Stilling, savant, publiciste, tailleur, maître d’école, professeur, conseiller aulique, oculiste et physicien, homme, en un mot, universel ; né, en 1740, dans le duché de Nassau, Jung (Henri).

Tabari, historien persan du Xe siècle, dont le livre principal le Kamel, est surtout estimé ; né Djafar ben Djerir, dans le Tabaristam (d’où son surnom).

Thémiseul de Saint-Hyacinthe, officier, puis poëte et journaliste ; né, en 1684, Cordonnier (Hyacinthe).

Théophile, poëte français du XVIIe siècle, né de Viau (Théophile), en 1590.

Théroigne de Méricourt, aventurière de la fin du siècle dernier, née en 1759, à Méricourt (près Liége), où sa mère était vachère et son père laboureur. Elle avait ajouté à son vrai nom, Théroigne, celui de sa ville natale. On l’avait encore surnommée la Liégeoise, et aussi Lambertine.

Tintoret (Le), illustre peintre, né Robusti (Jacques), en 1512, à Venise, où son père était teinturier (d’où son surnom).

Tirso de Molina, auteur dramatique espagnol, et en même temps carme et prieur d’un couvent sous son nom véritable, Tellez (Gabriel). — Mort en 1650.

Tordenskiold, amiral suédois, né Wesel (Jean), en 1691. Son surnom, qui signifie à la fois foudre et bouclier, lui avait été donné par le roi, lui-même, en témoignage d’estime et comme récompense.

Toscanelli, célèbre astronome du XVe siècle, né Paul del Lozzo, en Toscane (d’où son surnom).

Tournefort (Joseph de), botaniste du XVIIe siècle, membre de l’Académie des sciences, docteur en médecine, etc. ; né, en 1656, Pitton.

Ulphilas, évêque célèbre au IVe siècle, né Wœfel.

Vandenbourg, journaliste du commencement du siècle, mort en 1827. Il se nommait Boudens (Martin), et c’est à lui qu’on doit la première édition des trop fameuses poésies de Clotilde de Surville.

Vaugelas, célèbre écrivain du XVIIe siècle, le premier rédacteur du dictionnaire de l’Académie, né Favre (Claude), en 1585.

Victor, maréchal de France, né Perrin (Victor), et créé par Napoléon duc de Bellune.

Vignole, célèbre architecte italien du XVIe siècle, né Barozzio (Jacques), à Vignola.

Visé (Jean de), écrivain critique et auteur dramatique, né, en 1640, Donneau.

Voisenon (l’abbé de), abbé mondain. et poëte léger du XVIIIe siècle ; né Fusée (Claude-Henri).

Voisin (La), sorcière et empoisonneuse célèbre sous Louis XIV, née Catherine Deshayes, et mariée à un sieur Monvoisin.

Voltaire, né Arouet, en 1694, nom d’une tante de l’illustre écrivain du XVIIIe siècle, et qu’il a immortalisé.

Volterre (Daniel de), célèbre peintre et statuaire du XVIe siècle, né Ricciarelli, à Volterra (Italie).

Wilhem. Le célèbre fondateur des écoles de chant, connu sous ce nom en France, se nommait Bocquillon (Guillaume). — Mort en 1842.

Xylander, savant allemand du XVIe siècle, né Holzemann (Guillaume).

Ziska (Jean), célèbre général, puis roi de Bohême, au XVe siècle, ainsi surnommé parce qu’il était borgne (Ziska, borgne). On sait qu’il perdit son second œil au siége de Raby, ce qui ne l’empêcha pas de battre ses ennemis et de gouverner les États qu’il avait conquis. Né Trocznow, en 1377.

Zorg, peintre hollandais du XVIIe siècle, né Rokes (Henri-Martin).
III


Quelques mots maintenant sur la nouvelle édition de ce livre même.

J’ai considéré comme pseudonyme tout nom n’appartenant pas absolument et légalement à son signataire. À ce point de vue, la pseudonymie contemporaine est des plus fournies, et elle a des ramifications nombreuses et étendues. Rien de plus varié ni de plus variable, en effet, que le pseudonyme, dans la manière dont il peut être, pris et présenté. Ou il se substitue tout à fait à l’état civil, aussi bien dans la vie publique et officielle que dans la vie privée, où il est seulement pris dans certaines circonstances et pour certains actes ; quelquefois il n’est que le dérangement partiel d’un nom : c’est une lettre qu’on change dans son orthographe, c’est un prénom qu’on remplace ; c’est encore un nom de famille — celui de sa mère, par exemple, — qu’on portera aux lieu et place du nom patronymique. Il y a aussi le pseudonyme pris par le publiciste qui écrit à la fois sous son nom véritable et sous un ou même sous plusieurs autres noms, et aussi le pseudonyme fabriqué avec le prénom joint au nom patronymique, et encore le prénom lui-même qu’on transforme en nom véritable. Souvent encore, le pseudonyme est commun à deux écrivains qui cachent leur personnalité sous un nom de fabrique, ou même qui réunissent leurs deux noms vrais pour n’en faire qu’un seul, qu’il faut bien aussi considérer comme pseudonyme.

En les comptant bien, on trouve jusqu’à seize diverses manifestations du pseudonyme :

1° Pseudonyme pris par un écrivain connu en même temps sous son vrai nom (Fiorentino signait en même temps de Rovray) ;

2° Pseudonyme substitué tout à fait au vrai nom (Chevallier devenu Gavarni) ;

3° Prénom pris comme pseudonyme (Jules-Simon, né Suisse (Jules-Simon) ;

4° Nom où une ou plusieurs lettres sont changées (Meissonier doit s’écrire légalement Meissonnier ; Houssaye, Housset, etc.) ;

5° Nom à plusieurs parties, et dont le propriétaire ne signe qu’une seule (de Banville est Faullain de Banville ; le marquis de Boissy était Rouillé de Boissy, etc.) ;

6° Nom véritable avec un prénom fabriqué (Mlle  Rosa Bonheur est née Rosalie) ;

7° Nom véritable augmenté d’un autre qui n’appartient pas à son signataire (Jobert de Lamballe était né simplement Jobert) ;

8° Nom de ville natale devenu en quelque sorte partie du nom patronymique (David d’Angers, né David, à Angers) ;

9o  Pseudonyme ajouté au vrai nom (Lambert-Thiboust, né Thiboust) ;

10° Pseudonyme par anagramme (Noriac (Jules) est né Cairon) ;

11° Prénom véritable devenu partie inséparable du nom patronymique (Amaury Duval, né Duval (Amaury) ;

12° Nom véritable altéré (Saint Marc Girardin, né Girardin (Marc) ;

13° Surnom (Rigolboche, de son vrai nom Marguerite Bidon) ;

14° Pseudonyme ou nom commun à plusieurs écrivains (Dinaux, pseudonyme collectif du banquier Beudin et du chef d’institution Goubaux ; Erckmann-Chatrian, noms réunis de MM. Émile Erckmann et Alex. Chatrian) ;

15° Pseudonyme masculin pris par une dame, et vice versa (Sand (George) est Mme Dudevant ; Mélesville a signé Mlle de Lesparat) ;

16° Dames connues sous tout autre nom (soit de famille, soit d’emprunt) que sous celui de leur mari (Mme Alboni est comtesse Pepoli ; Mme Ristori est marquise Capranica del Grillo, etc.).

Cette nomenclature indiquera sommairement au lecteur le point de départ de ce travail. J’ai cherché à réunir dans le présent volume tous les noms d’emprunt ou autres se rapportant aux diverses catégories de « supercheries littéraires », comme les appelle Quérard, que je viens d’énumérer. Mais, tout en faisant ce que j’ai pu pour être aussi exact et complet que possible, que d’erreurs involontaires j’ai dû commettre, et que d’omissions je dois avoir encore sur la conscience !…

J’ai cependant appelé à mon aide, outre mes confrères et amis, le secours indispensable des publicistes principaux qui ont avant moi abordé cette délicate matière.

Quérard[5] est le plus précieux de tous. Il a rendu à l’histoire littéraire contemporaine de signalés services. Ce n’est pas un homme en qui il faille avoir une confiance aveugle : il a souvent tort, et quelquefois sciemment, parce qu’il n’est pas toujours aimable, ni juste ; mais, en le contrôlant avec soin, et en ne le prenant au mot qu’avec précaution, on peut tirer de l’étude de ses divers travaux bibliographiques des documents d’autant plus intéressants qu’ils sont moins connus.

Son continuateur Bourquelot[6] a moins de verve et de malice ; il est aussi moins bien informé des petits secrets intimes qu’a surpris Quérard, ou bien il a craint d’entrer dans des détails qui n’ont pas effrayé son savant prédécesseur. Son livre est des plus sérieux, mais c’est plutôt un catalogue de librairie qu’une source d’informations propres à alimenter la pure curiosité.

Voici venir Vapereau[7], l’utile, l’indispensable Vapereau, clont on médit beaucoup et que cependant on pille tous les jours. Cet habile écrivain a pris dans Quérard et dans Bourquelot la meilleure partie de ses renseignements en ce qui concernait les gens de lettres ; et cela d’ailleurs ne lui était pas défendu, puisqu’il n’avait pas à les inventer.

Il faut citer aussi l’excellent travail de M. de Manne[8]. ancien déjà, et poussé, pour la troisième fois, jusqu’à nos jours, par des compléments et des additions considérables. C’est encore là une source de renseignements précieux, et aussi exacts et authentique que possible. Comme bibliographie, il comprend, plus rapidement exposée que dans les travaux précédents, la nomenclature sommaire des ouvrages pseudonymes et anonymes français de tous les temps. Seulement, c’est une simple liste, beaucoup plus sèche et encore plus dépourvue de détails que le livre de M. Bourquelot.

Je ne parle pas de Barbier[9], dont l’ouvrage était trop âgé pour me servir, mais qu’on réimprime en ce moment, en le complétant jusqu’à nos jours.

Enfin, je trouve encore parmi les écrivains tout à fait contemporains qui se sont occupés des pseudonymes, M. Charles Joliet et son livre les Pseudonymes du jour[10], fort incomplet sans doute, et surtout trop peu explicite, mais bien renseigné quant à ce qu’il cite. Le tort le plus grave de M. Joliet, — et ce n’est pas une mauvaise querelle que je lui cherche ici, qu’il en soit bien persuadé ! — est d’avoir fait entrer dans son livre beaucoup de personnages qui ne sont pas plus connus sous leur pseudonyme que sous leur propre nom, sans nous avoir donné au moins une ligne de notice sur chacun d’eux. Le lecteur en consultant son volume, peut se demander, pour peu qu’il n’ait pas l’habitude de la presse ou de la librairie, si le pseudonyme indiqué est bien le nom vrai de l’auteur qu’il veut connaître, ou si, au contraire, le nom vrai ne serait pas lui-même le pseudonyme.

M. Joliet a affiché aussi une singulière prétention, dans la préface même de son travail :

« J’ignore, dit-il, si d’autres chercheurs auront l’idée d’exploiter une mine que je n’ai pas épuisée ; je dois les prévenir que le fond et l’ensemble de mes recherches ne sont pas des matériaux : un très-grand nombre des pseudonymes que j’ai publiés sont le fruit de mes investigations personnelles et de mes relations particulières avec les journaux et les écrivains ; bon nombre m’ont été fournis, soit directement, soit par intermédiaire, de source pure, c’est-à-dire par les masques eux-mêmes, qui m’ont dit leur nom. Je considère donc cette galerie, sauf ce qui peut être reconnu du domaine commun, comme ma propriété littéraire, dont la reproduction, totale ou partielle, ne peut avoir lieu légalement sans mon consentement.

« Charles Joliet. »

Voici, certes, de bien grands mots appliqués à une bien petite chose ! J’avoue, d’ailleurs, que je ne comprends guère de quelle façon M. Joliet parviendrait à prouver qu’il a été dépouillé « dans sa propriété littéraire

», et surtout comment il pourrait établir qu’aucun autre que lui n’a pu avoir les renseignements pseudonymiques qu’il s’est si bien et si facilement — de visu et auditu — procurés lui-même.

Je ne citerai pas tous les journaux et recueils anciens et nouveaux, tous les documents de toutes sortes, que j’ai consultés, pillés, fouillés et dépouillés : la nomenclature serait longue et n’offrirait pas un grand intérêt ; mais je dois au moins de publics remercîments à ceux de mes confrères et amis qui ont bien voulu me faire d’aimables communications : Octave Lacroix, Jules Claretie, Alexandre Flan, Édouard Fournier, Henry Houssaye, Fernand de Marescot, Gabriel Dentu, etc. Je citerai tout particulièrement mon ami Georges Decaux, un jeune et intelligent chercheur en même temps qu’un érudit de premier ordre en matière bibliographique, et à qui ce livre doit beaucoup de ses meilleurs et plus sûrs renseignements.

Si, après tout cela, j’ai encore à me reprocher des erreurs, et surtout des omissions, j’en demande humblement pardon aux intéressés ; je les prie de me faire parvenir leurs réclamations chez mon éditeur, et j’y satisferai certainement, sinon dans une nouvelle édition, au moins dans une plaquette spéciale, qu’il sera facile de joindre à ce volume.

IV


Il me reste à faire au lecteur une confidence délicate, mais qui ne saurait mieux trouver sa place ailleurs que dans ce volume même. Le nom que j’ai signé jusqu’à ce jour en littérature ne m’appartient pas ; il est simplement un nom d’emprunt, un pseudonyme.

On trouvera étrange peut-être qu’en ma qualité de chercheur et de dénicheur de masques contemporains, je n’aie pas depuis longtemps commencé par ôter le mien tout d’abord, en présence du public, pour lui faire mon très-respectueux salut et lui décliner mes nom, prénoms et qualités, me plaçant ainsi sur la sellette même où j’en ai fait asseoir tant d’autres. J’ai dû — pour des raisons qui intéresseraient certainement fort peu le public — ne pas signer le nom de mon père. Ce nom n’est pas un mystère : plusieurs journaux l’ont donné à propos de mes précédentes publications ; les recueils bibliographiques l’ont également fait connaître, et, si je ne le publie pas moi-même aujourd’hui, c’est que je ne veux en aucun cas le substituer à mon nom littéraire, bien que ce dernier me cause, en ce moment, des ennuis qui sont l’un des nombreux inconvénients du pseudonyme.

Croyant de bonne foi emprunter son nom au petit village d’Heilly (Somme), je m’étais emparé, sans m’en douter, du nom d’une famille ancienne déjà, et qui m’a fait demander, ces jours derniers, par l’un de ses représentants actuels — et, je dois le dire, de la manière la plus convenable et la plus conciliante — ou de changer de pseudonyme, ou de modifier l’orthographe de celui que j’ai jusqu’ici porté, et qui lui appartient en propre comme nom véritable. Certes, je n’ai pas la sotte et insigne fatuité de m’imaginer que mon pseudonyme ait une notoriété suffisante pour que j’y doive tenir par-dessus tout ; néanmoins le public m’a montré, en diverses occasions, par l’accueil qu’il a fait aux quelques ouvrages que j’ai déjà publiés, une approbation qui est aussi bien un encouragement : je dois donc désirer qu’il ne désapprenne pas le nom qui les signait, et voilà pourquoi j’ai voulu le conserver, à peu près du moins, et tout en le modifiant de façon à donner à la fois satisfaction aux trop justes exigences d’une famille et à sauvegarder mes propres intérêts.

Ce livre est donc le dernier que je signerai Georges d’Heilly ; mais je demande au lecteur de vouloir bien continuer sa bienveillance et son intérêt à mes publications futures, qui paraîtront désormais sous ce même pseudonyme, ainsi orthographié :

Georges d’Heylli

  1. Lire la préface des Supercheries littéraires.
  2. La première édition du présent travail : Dictionnaire des pseudonymes (où sont divulgués et rétablis les noms inventés, tronqués, travestis, arrangés ou dérangés), a paru au mois d’octobre 1867, chez Rouquette, libraire au passage Choiseul, en un volume petit in-18, tiré seulement à 500 exemplaires sur papier de Hollande. C’était une nomenclature surtout d’actualité, et qui fut un peu rapidement publiée à cause de certaines circonstances du moment. Elle eut cependant un assez vif succès et aujourd’hui l’éditeur en a tout au plus chez lui une vingtaine d’exemplaires. Elle me valut plusieurs demandes de rectifications, et surtout beaucoup d’indications diverses, d’omissions, d’errata à faire et de renseignements nouveaux à introduire. J’ai mis tout cela à profit dans le présent volume. Néanmoins, je crois encore cette première édition curieuse à consulter, ne serait ce qu’à titre de comparaison. En réunissant les deux éditions de mon livre et l’intéressant travail de M. Joliet : les Pseudonymes du jour, je veux croire qu’on aura sur la pseudonymie actuelle à peu près tous les renseignements désirables.
  3. C’était le plus abondant fournisseur des pièces de Nicolet, qui, ne pouvant pas suffire à représenter tout ce qu’il écrivait, lui envoya un jour ce curieux billet
    « Monsieur,
    « L’administration que je préside a décidé qu’à l’avenir, comme par le passé, vos ouvrages seraient reçus à notre théâtre sans être lus, et que l’on continuerait à vous les payer dix-huit francs la pièce ; mais vous êtes prié de n’en pas présenter plus de trois par semaine. »
    Si Beaunoir prit ce nom, c’est que, peut-être, à cause de sa fécondité si fluide il craignait que de son nom de Robineau on ne fît Robinet.
    Édouard Fournier.
  4. Il était fils du prince Jean Castriot, souverain d’Albanie.
  5. La France littéraire (1826-39, 10 vol. in-8o) ;
    La Littérature française contemporaine (la lettre A et une partie de la lettre B sont seules de Quérard) ;
    Les Auteurs déguisés de la littérature contemporaine (1845) ;
    Les Supercheries littéraires dévoilées (1845-60) Le libraire Daffis en publie aujourd’hui une nouvelle édition, continuée jusqu’à nos jours par MM. Gustave Brunet et P. Jannet ;
    Les Écrivains pseudonymes (1854 à 1864), deux volumes ajoutés à la France littéraire, dont ils forment les tomes XI et XII.
  6. Bourquelot, qui vient de mourir en ces derniers mois, était avant tout un érudit consciencieux. Quérard, chargé de publier la France littéraire contemporaine, y mit une telle lenteur et entra dans des détails hors de telle proportion, que son éditeur obtint contre lui, en juin 1844, un jugement oui l’autorisait à lui retirer la continuation de l’ouvrage commencé. C’est à Bourquelot que fut alors confiée cette continuation, qu’il mena à bonne fin, avec les collaborations successives de MM. Maury et Louandre.
  7. Dictionnaire universel des contemporains, un volume grand in-8o à deux colonnes, de près de 2 000 pages. Il faut conserver et consulter les trois éditions déjà parues : la première en 1858, avec suppléments en 1859 ; la seconde en 1861, avec suppléments en 1863 ; la troisième en 1865, avec de nombreuses additions. La quatrième édition est annoncée. Il faut consulter aussi de Vapereau, à propos de la bibliographie contemporaine, les onze volumes de son excellente Année littéraire (un volume par année).
  8. Nouveau Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, par E. de Manne, 3e édition, complétée par son fils. Lyon, Scheuring, 1868.
  9. Dictionnaire des ouvrages anonymes, par Ales. Barbier (1824). Voir la nouvelle édition qu’en publie en ce moment Daffis, conjointement avec les Supercheries de Quérard. Cette édition, qui est la troisième, est complétée et menée jusqu’à nos jours par le deuxième fils d’Alex. Barbier, M. Olivier Barbier, aujourd’hui sous-directeur à la Bibliothèque impériale.
  10. Un petit volume in-18 de 132 pages, publié en 1867, chez Achille Faure, à 3 francs. Après la déconfiture de cet éditeur, en 1868, M. Joliet a remis de nouvelles couvertures aux exemplaires restant de son volume, avec le nom de l’éditeur Alph. Lemerre. La classification adoptée par lui est ingénieuse ; il a rangé ses pseudonymes en sept catégories. I. Les Dominos féminins. — II. Les Hommes de lettres — III. Les Pavillons neutres. — IV. Les Journaux étrangers. — V. Les Dessinateurs. — VI Les Compositeurs et Musiciens. — VII. Les Comédiens.