Dictionnaire historique de Feller/Nlle éd., Pérennès, 1848/Eschyle

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ESCHYLE, né à Éleusis, l’an 525 avant Jésus-Christ selon les marbres d’Arundel, signala son courage aux journées de Marathon, de Salamine et de Platée ; mais il est moins célèbre par ses combats que par ses poésies dramatiques. Il perfectionna la tragédie grecque, que Thespis avait inventée. Il donna aux acteurs un masque, un habit plus décent, une chaussure plus haute, appelée cothurne, et les fit paraître sur des planches rassemblées pour en former un théâtre. Auparavant ils jouaient sur un tombereau ambulant comme quelques-uns de nos comédiens de campagne. Eschyle régna sur le théâtre, jusqu’à ce que Sophocle lui disputa le prix et l’emporta. Ce vieillard ne put soutenir l’affront d’avoir été vaincu par un jeune homme. Il se retira à la cour d’Hiéron, roi de Syracuse, le plus ardent protecteur qu’eussent alors les lettres. On raconte qu’il perdit la vie par un accident très singulier. Un jour qu’il dormait, dit-on, à la campagne, un aigle laissa tomber une tortue sur sa tête chauve qu’il prenait pour la pointe d’un rocher. Le poète mourut du coup l’an 436 avant J.-C., suivant les calculs de Larcher dans sa Chronologie d’Hérodote. Il paraît que l’aigle a la vue trop perçante, pour ne pas distinguer la tête d’un homme, de la pointe d’un rocher. Cependant les historiens se plaisent à répéter cette catastrophe singulière. On ajoute qu’un astrologue avait prédit à Eschyle qu’il mourrait de la chute d’une maison, et que pour cela il se tenait presque toujours en rase campagne. Ce poète a de l’élévation et de l’énergie ; mais elle dégénère souvent en enflure et en rudesse. Ses tableaux offrent de trop grands traits, des images gigantesques et épouvantables ; ses fictions sont hors de la nature, ses personnages monstrueux. La représentation de ses Euménides était si terrible, que l’effroi et le tumulte qu’elle causa fit écraser des enfans et blesser des femmes enceintes. Ses tragédies sont au nombre de 60, d’après l’auteur grec anonyme de sa vie et de 90 selon Suidas. Sept seulement ont été conservées[1]. Les meilleures éditions de ces pièces sont celles de Henri Etienne, 1557, in-4o ; et de Londres, in-fol., 1663, par Stanley, avec des scholies grecques, une version latine et des commentaires pleins d’érudition. Celle de Paw, la Haye, 1745, 2 vol. in-4.°, est moins estimée ; mais celle de Glascow, 1746, 2 vol. in-8o, est précieuse pour la beauté de l’exécution. M. Schutz en a donné une très bonne édition en 1782, Halle, 3 vol. in-8o. On en a imprimé une traduction française, élégante et fidèle, Paris, 1770, in-8o, par M. Le Franc de Pompignan. M. Laporte du Theil en a publié une nouvelle traduction, Paris, 1794, 2 vol. in-8o, accompagnée du texte grec, d’après l’édition de Stanley.

  1. Les sept tragédies qui nous restent d’Eschyle sont : Prométhée enchaîné ; les Perses ; les Sept contre Thèbes ; Agamemnon ; les Coéphores ; les Euménides ; les Suppliantes.