Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Accarisi 1

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ACCARISI (François), jurisconsulte italien, né à Ancône, fit ses études à Sienne. Bargalio et Benevolente y enseignaient la jurisprudence avec assez de réputation. Il eut pour eux beaucoup d’amitié, mais pour le premier bien plus que pour l’autre. Les raisons de cette inégalité étaient naturelles : Bargalio avait eu toutes sortes d’ouvertures de cabinet pour ce disciple[a] ; il l’avait loué extrêmement dans une harangue qui est imprimée et qui contient les éloges des Accarisi, et il lui avait commis en mourant le soin de faire imprimer sa belle Dispute de Dolo. Le premier emploi public de notre Accarisi fut d’expliquer les Institutes à Sienne : ce qu’il fit pendant six ans. On lui commit ensuite l’explication des Pandectes ; et, comme plusieurs ultramontains allaient étudier à Sienne, le grand-duc Ferdinand Ier. voulut qu’ils trouvassent un professeur qui expliquât le droit civil de la manière que Cujas l’avait expliqué. Accarisi fut choisi pour cette charge, et s’en acquitta dignement ; après quoi il fut promu à celle de professeur ordinaire en droit, vacante par la mort de Bargalio, et la remplit avec gloire pendant vingt ans. Sa réputation se répandit : toutes les universités d’Italie le souhaitèrent et lui offrirent des conditions très-avantageuses. Il résista long-temps à ces tentations par la considération des douceurs dont il jouissait à Sienne. Mais, à force de revenir à la charge, on le gagna enfin, et on lui fit perdre la résolution qu’il avait prise de mourir dans son premier poste, résolution qui n’a presque point d’exemple parmi les personnes de son caractère (A). Ce fut Rainuce Farnèse, duc de Parme, qui le fit succomber à la tentation en ajoutant aux promesses qu’il lui fit, et à la gloire de succéder à Sforce Oddus et à Philippe Marini, le grade de son conseiller dont il l’honora. Le grand-duc ne souffrit point qu’Accarisi fût long-temps au service d’un autre prince. Il le fit revenir bientôt (B) en lui donnant la première chaire de jurisprudence dans l’université de Pise. Accarisi quitta donc le duc de Parme, et alla exercer à Pise l’emploi qu’on lui avait présenté. Il l’exerça jusqu’à sa mort, qui arriva quatre ans après : ce fut le 4 d’octobre 1622 qu’il mourut à Sienne. L’auteur[b] qui me fournit cet article, et qui est le seul que M. Moréri ait cité, ne dit point qu’Accarisi ait écrit divers traités de Droit, ni que Rainuce Farnèse ait tâché en vain de l’attirer. Ce sont deux faussetés de M. Moréri, qui d’ailleurs n’a pas entendu ce que c’est que IV Non. Octobris ; car il s’est imaginé que cela signifiait le 26 septembre. Nous lui marquons une autre méprise dans la seconde remarque.

  1. Ab illo factus fuerat omnium suorum studuorum particeps. Nic. Erythræus. Pinacoth. II, cap. XXV.
  2. Janus Nicius Erythræus, Pinacoth. II, cap. XXV.

(A) Résolution qui n’a presque point d’exemple parmi les personnes de son caractère.] Un des plus ordinaires défauts des professeurs est de ne pouvoir se fixer aux académies où ils commencent d’avoir de l’emploi. Au lieu de regarder cette première vocation comme une espèce de mariage, ils ne la considèrent que comme un engagement passager, que comme un intérim, et une place d’entrepôt. Ils y demeurent en attendant mieux. Ils n’ont pas plus d’attachement pour la seconde vocation que pour la première, et ils attendent à planter leurs tabernacles pour la dernière fois qu’ils soient parvenus aux meilleures chaires. On a dit de quelques personnes qu’en peu de temps elles font tout le tour des religions : il y en a d’autres qui font aussitôt qu’elles peuvent tout le tour des académies. Quelques-uns de ceux qui ne déménagent pas se font bien payer leur constance. Il en coûte une bonne augmentation de gages à qui veut les retenir. Tacite, qui a sans doute compris bien des défauts sous les termes de professoria lingua [1], n’en eût pas exclu celui dont je parle s’il l’avait connu. Les gens d’église ne sont pas exempts de cette petite infirmité : on sait les plaintes des moralistes rigides contre certains prélats qui, commençant par un évêché d’un médiocre revenu, passent de degré en degré jusqu’aux plus éminentes métropoles. C’est une polygamie spirituelle, ou quelque chose de pis ; car, selon l’esprit des anciens canons [2], il se contracte un mariage spirituel entre un pasteur et son troupeau. Les communions à plus petits bénéfices n’ignorent pas les effets de cette humeur.

Parcius ista viris tamen objicienda memento[3].

(B) Il le fit revenir bientôt.] Voilà le succès de tant de sollicitations et de gratifications que le duc de Parme avait employées pour attirer Accarisi. Il l’eut enfin, je l’avoue ; mais on le lui ôta bientôt par les mêmes voies dont il s’était servi pour l’ôter aux autres. M. Moréri dit pourtant qu’Accarisi n’alla point trouver ce duc, et qu’il aurait trop fait de violence à son inclination s’il eût quitté sa patrie, où il était arrêté par les bienfaits de Ferdinand, grand-duc de Toscane. Nouvelle faute que l’on ne saurait excuser ; car nous lisons dans Nicius Erythræus que, lorsque Accarisi alla servir le duc de Parme, il y avait pour le moins vingt ans qu’on lui avait conféré la nouvelle charge que le grand-duc Ferdinand avait fait créer dans le collége de Sienne. Nous lisons aussi dans le même auteur qu’Accarisi ne professa que quatre ans à Pise, où il fut appelé peu après son engagement de Parme. Or il mourut en 1622, quatre ans après qu’il eut accepté la chaire de Pise. Il faut donc que le duc de Parme soit venu à bout de son dessein environ l’an 1616, auquel temps il n’y avait point de grand-duc qui se nommât Ferdinand. M. Moréri dit lui-même dans l’article Médicis que Ferdinand I mourut en l’année 1609, et que Ferdinand II succéda à son père l’an 1621.

  1. Taciti Annal., lib. XIII, cap XIV.
  2. Ne virginalis pauperculæ societate contemptâ ditioris adulteræ quærat amplexus. Hieronymi Epist. ad Oceanum, tom. II, pag. 744, cité dans l’Avis aux Jésuites d’Aix sur un Ballet, etc., pag. 37.
  3. Virgil. Eclog. III, vs. 7.

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