Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Alstédius

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ALSTEDIUS (Jean Henri), théologien allemand de la religion réformée, a été l’une des plus fertiles plumes du XVIIe. siècle. C’était un écrivain infatigable, et qui soutenait merveilleusement son anagramme[a]. Il fut long-temps professeur en philosophie et en théologie à Herborn, dans le comté de Nassau, d’où il passa en Transylvanie, pour professer à Albe-Jule [b]. Il y mourut, l’an 1638, à l’âge de cinquante ans. Il avait été l’un des pères du synode de Dordrecht. L’une de ses principales occupations état de composer des méthodes, et de réduire en certains systèmes toutes les parties des arts et des sciences. Son Encyclopédie[c] trouva grâce devant les catholiques romains (A) ; car elle fut réimprimée à Lyon, et a eu assez de débit en France. Quelques-uns tiennent qu’un de ses meilleurs ouvrages est un Trésor de Chronologie, dont il y a plusieurs éditions : d’autres en parlent avec mépris. Vossius n’en dit rien : il se contente de marquer en général l’Encyclopédie, et en particulier le Traité de l’Arithmétique[d]. Il reconnaît que cet auteur avait beaucoup de lecture, et que son érudition était fort diversifiée. Ceux qui jugent de lui avec le moins de flatterie conviennent qu’il y a du bon dans ses Méthodes et dans ses Systèmes (B). Il n’a pas persuadé à beaucoup de gens ce qu’il a tâché d’établir dans son Triumphus Biblicus, qu’il faut chercher dans l’Écriture les matériaux et les principes de toutes les sciences et de tous les arts. Il était impossible qu’il publiât un si grand nombre de livres[* 1], sans se servir du travail d’autrui ; mais il s’en servait trop : il copiait sans scrupule les autres auteurs (C), et en prenait à toutes mains. Jean Himmelius, théologien de la confession d’Augsbourg, et professeur en théologie à Iëne, est un de ceux qui ont écrit contre lui (D). M. Moréri n’a point su l’année de la mort d’Alstedius (E), et il eût mieux fait de n’en rien dire.

Je ne devais pas oublier qu’il fut millénaire. Il publia en 1627 un Traité de mille Annis, où il débita que les fidèles régneraient avec Jésus-Christ sur la terre pendant mille ans, après quoi arriverait la résurrection de tous les hommes, et le jugement dernier. Il prétendit que ce règne commencerait l’an 1694. Nous savons très-certainement qu’il s’est trompé. Son gendre Bisterfeldius suivit la même opinion[e].

  1. * On en trouve la liste dans le tome 41 des Mémoires de Nicéron.
  1. Le mot Sedulitas se trouve précisément dans Alstedius.
  2. Witte, Diar. Biograph., tom. I.
  3. Elle est in-folio, divisée en 4 tomes.
  4. Vossius, de Scient. Mathem., p. 326.
  5. Heideggeri Dissertatio de Chiliasmo, pag. 652.

(A) Son Encyclopédie trouva grâce devant les catholiques romains. ] Lorenzo Crasso a mis Alstedius entre les grands hommes dont il a publié l’éloge. C’est de là très-apparemment que M. Moréri a tiré l’encens qu’il donne à Alstedius. Je vois qu’on renvoie les lecteurs à un ouvrage de Sorel [1], pour apprendre des nouvelles de ce savant Allemand. Il fallait qu’il fût plus connu et plus estimé que bien d’autres parmi les catholiques romains. Le père Lami, de l’Oratoire, juge qu’Alstedius est presque le seul d’entre tous les faiseurs d’encyclopédies et de Systèmes de Sciences, qui mérite d’étre lu, et de tenir son rang dans une bibliothéque choisie[2]. Voyez la remarque suivante.

(B) On convient qu’il y a du bon dans ses Méthodes et dans ses Systèmes. ] Voici ce que M. Baillet a tiré de l’Allemand anonyme qui a fait la Bibliographia curiosa historico-philologica. « Alstedius renferme à la vérité beaucoup de bonnes choses ; mais il n’est pas assez exact en plusieurs endroits : néanmoins il n’a point laissé d’être reçu du public avec de grands applaudissemens, quand il parut pour la première fois : et il n’est pas inutile à ceux qui étant d’ailleurs destitués des autres secours, et n’ayant pas les auteurs, veulent acquérir quelque connaissance des termes de chaque profession et de chaque science. Au reste, on ne saurait trop louer sa patience et son travail, le discernement et le choix des bons auteurs qu’il a fait pour en tirer ses abrégés : car ce ne sont pas de simples lambeaux et des rapsodies mal cousues ; mais il donne les principes des sciences et des arts, avec beaucoup d’ordre : il tâche même d’être uniforme partout, quoiqu’il y ait des pièces meilleures les unes que les autres, et qu’il s’en trouve même qui ne valent rien, comme son Histoire, sa Chronologie, etc... Il faut avouer qu’il s’est souvent trop embarrassé, pour avoir voulu se rendre trop clair ; qu’il est trop chargé de divisions et de sous-divisions, et qu’il affecte une méthode trop gênée [3]. » Lorenzo Crasso rapporte que quoiqu’il y ait plus de sueur que de génie dans les ouvrages d’Alstedius, on n’a pas laissé de les estimer, et d’avoir pour ses fatigues une admiration qui le fait entrer au temple de la gloire : Con gloria del suo nome s’é emmirata la fatica fatta nelle Storie, e nella Cronologia de’ Tempi : le quali cose, quantunque in Libri diversi di Scrittori illustri sacri e profani truovansi, e vi concorra in tale raccoglimento più sudore che ingegno, tuttavia l’ordine dato da Giovanni Errico alle sudette fatiche storiche è stato da gli uomini amatori della antichita, e dell’ erudizioni assai commendato[4].

(C) Il copiait sans scrupule les autres auteurs. ] Voici ce que remarque Thomasius[5]. Hunc in Paratitlis Theologicis quicquid de silentio sacrorum affert[* 1], observo propè de verbo descripsisse è Casaubone[* 2], quem nominari tamen etiam lectoris intererat, ut sciret undè plura sibi haurienda forent. Vereor autem ne quercum eandem alibi quoque excusserit, cùm in ipso ad lectorem principio reperiam periodum unam alteramque dedicationis Casaubonianæ.

(D) Himmelius… est un de ceux qui ont écrit contre lui. ] Son ouvrage est intitulé Anti-Alstedius, sive Examen Theologiæ Polemicæ Joannis Henrici Alstedii. Quand cette remarque ne servirait qu’à marquer le titre d’un des principaux ouvrages d’Alstedius, elle ne serait pas entièrement inutile.

(E) Moréri n’a point su l’année de la mort d’Alstedius. ] Alstedius, dit-il, mourut vers l’an 1645 ou 46 ; d’autres disent l’an 1640, âgé de cinquante-deux. Des trois auteurs qu’il cite, il y en a deux[6] qui ne disent rien de cela. Lorenzo Crasso, qui est le troisième, dit seulement qu’Alstedius publia les IV tomes de son Encyclopédie à l’âge de cinquante-deux ans[7].

  1. (*) Tit. Initiati, pag. 166, 167, 168.
  2. (*) Exerc. XVI ad Baron., num. 43, p. 399.
  1. De la Perfection du Chrétien, pag. 591, cité par Konig, Bibliothecæ veter. et novæ, p. 29
  2. Entret. sur les Sciences, cité par Baillet, Jugemens des Savans, tom. II, num. 269, p. 328.
  3. Baillet, Jugemens des Savans, tom. II, pag. 328.
  4. Lor. Crasso, Elogii d’Huomiai Letterati, pag. 214.
  5. Dans son Traité de Plagio Literario, num. 354, pag. 155.
  6. Vossius et Zeiller.
  7. Lorenzo Crasso, Elogii d’Huomini Letterati, tom. II, pag. 212.

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