Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Andronicus 2

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ANDRONICUS (Marcus-Pompilius), Syrien de nation, enseigna la grammaire à Rome. S’attachant trop à étudier la philosophie (A), il ne soutenait pas avec la diligence nécessaire sa profession de grammairien ; de sorte que son école fut négligée. Quand il vit qu’on lui préférait, non-seulement Antoine Gniphon, mais aussi d’autres grammairiens inférieurs à celui-là, il ne voulut plus tenir école, ni demeurer à Rome ; il se retira à Cumes, et employa son loisir à faire des livres. Cette occupation ne le tira pas de la misère ; il était si pauvre, qu’il fut obligé de vendre à un très-vil prix le meilleur de ses ouvrages (B). On avait supprimé cet ouvrage ; mais Orbilius le racheta, et le publia sous le nom de l’auteur : il s’en vanta pour le moins. Andronicus était de la secte d’Épicure, et vivait au temps de Cicéron [a]. M. Moréri a commis ici bien des fautes (C).

  1. Ex Suetonio de illustribus Grammat. cap. VIII.

(A) Il s’attacha trop à étudier la philosophie. ] Les paroles de Suétone sont bien choisies : Studio Epicureæ sectæ, desidiosior in professione grammaticæ habebatur, minùsque idoneus ad tuendam scholam. C’est une leçon à tous ceux qui veulent s’attirer un grand nombre de disciples. Il faut, ou qu’ils s’appliquent tout entiers à leur profession, ou que l’on ne sache pas qu’ils s’appliquent à d’autres choses. Un humaniste, qui veut faire le philosophe, qui est curieux d’expériences physiques, qui examine avec ardeur si Descartes a mieux réussi que Gassendi, court grand risque de voir déserter sa classe. Un médecin fort attaché aux médailles, aux mathématiques, aux généalogies, verra diminuer de jour en jour le nombre de ses malades. C’est pour cela que M. Spon fut bien aise d’apprendre au public que l’on se tromperait fort, si l’on croyait que l’étude de l’antiquariat fût sa principale affaire [1]. Il éprouvait que cette opinion lui faisait grand tort, eu égard à la pratique de la médecine. Il est même indubitable, qu’un professeur, qu’on sait engagé à la composition de plusieurs livres, ne passe pas pour être propre à faire de bons écoliers : on s’imagine qu’il n’en a pas le temps. C’est pourquoi ceux qui chercheraient à s’enrichir par l’instruction de la jeunesse, feraient fort mal de s’engager à être auteurs.

(B) Il fut obligé de vendre à très-vil prix le meilleur de ses ouvrages. ] Suétone le traite d’opuscule. Opusculum, dit-il [2], Annalium elenchorum. Le titre devait donc être Elenchi Annalium. Il y a de bons manuscrits de Suétone qui ont cette leçon : Opusculum suum Annalium Ennii elenchorum [3]. Achille Statius [4], et Vossius [5], se déclarent pour cette leçon, et ils font bien ce me semble. De quelque façon qu’on lise, on peut connaître qu’Andronicus avait censuré quelque annaliste.

(C) M. Moréri a commis ici bien des fautes. ] 1°. Il a dit Pompinius, au lieu de Pompilius ; 2°. il avance faussement qu’Andronicus avait été précepteur de Jules César ; et que Cicéron, étant déja préteur, se faisait un grand plaisir d’être du nombre de ses auditeurs ; 3°. il traduit Annalium Elenchi, par des Annales disposées en tables ; 4°. il dit que quelques-uns ont attribué ces tables à Ennius. C’est ainsi qu’il entend ces paroles de Vossius, in quibusdam tamen libris est Annalium Ennii elenchorum ; 5°. il énerve le raisonnement de Suétone. Cet historien avait touché deux circonstances qui prouvaient merveilleusement la pauvreté d’Andronicus : l’une était prise de l’importance de ce qui fut vendu ; c’était le principal ouvrage de l’auteur : l’autre était tirée du vil prix que cet ouvrage fut vendu. M. Moréri croyait tout dire par ces paroles : Il était si pauvre, qu’il fut contraint, pour subsister, de vendre un petit traité qu’il avait composé. Comment ne voyait-il pas qu’il ôtait presque toute la force à la preuve de l’historien latin ? On ne sera pas fâché de savoir d’où est venue sa seconde faute qui comprend deux ou trois insignes faussetés. Il n’a point compris le raisonnement de Vossius. Il s’agissait de prouver qu’Andronicus avait vécu au temps de Sisenna, de Quadrigarius et de quelques autres. Vossius le prouve par la raison qu’Antoine Gniphon et Andronicus ont vécu en même temps, et que ce Gniphon, au rapport de Suétone, enseignait dans la maison de Jules César, et eut Cicéron pour auditeur. Il enseigna dans la maison de Jules César, lorsque Jules César n’était encore qu’un enfant : Cicéron, déjà prêteur, l’allait entendre. Voilà deux circonstances de temps que Vossius emprunte de Suétone, pour établir l’âge de Pompilius Andronicus, en y joignant cet autre fait attesté par Suétone ; c’est qu’Andronicus, et Gniphon tinrent école en même temps. M. Moréri s’est égaré au milieu du plus beau chemin : il a entendu d’Andronicus ce que Vossius disait de Gniphon. Il a cru d’ailleurs que tenir école dans la maison d’un homme, ne soit autre chose qu’être précepteur de son fils.

  1. Voyez la lettre qu’il écrivit à l’auteur des Nouvelles de la République des lettres, mois de janvier 1685, article V.
  2. Sueton., de illustr. Grammat., cap. VIII.
  3. Vide Casaubonum in hunc Suetonii locum.
  4. In Sueton., ibidem.
  5. De Histor, Latin., pag. 47.

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