Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Arnauld 2

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ARNAULD (Antoine [a]), avocat au parlement de Paris, fils d’un autre Antoine dont j’ai parlé dans l’article précédent, s’acquit par son éloquence une merveilleuse réputation. Henri IV, voulant mener le duc de Savoie au parlement, fit choisir [* 1] un jour qu’Arnauld devait plaider une belle cause [b]. Il donna à cet habile homme un brevet de conseiller d’état [* 2]. La reine Marie de Médicis le fit son avocat général, et voulut le faire secrétaire d’état ; mais il refusa cette charge, et dit à la reine, qu’il servirait mieux Sa Majesté étant avocat, que s’il était secrétaire d’état. On a insinué ce fait dans son épitaphe (A). M. l’avocat général Marion [c] fut un jour si satisfait de l’avoir entendu plaider, qu’il le prit dans son carrosse [* 3], l’amena dîner, et fit mettre sa fille aînée Catherine Marion auprès de lui. Après le dîner, il le tira à l’écart, et lui demanda ce qu’il pensait de sa fille ; et ayant su qu’elle lui semblait d’un grand mérite, il la lui donna en mariage [d]. Une des plus fameuses causes qu’Antoine Arnauld ait plaidées, est celle de l’université contre les jésuites, l’an 1594. Nous verrons ci-dessous quelle en fut la récompense (B). Quelques-uns disent qu’il publia un livre, l’an 1602, pour empêcher leur rappel (C) ; mais qu’ayant bien prévu qu’ils reviendraient, et qu’ils seraient redoutables, il tâcha de le supprimer. Il avait été conseiller et procureur général de la reine Catherine de Médicis. Ceux qui ont débité qu’il était de la religion, ont débité un très-grand mensonge (D). Il eut de son mariage avec Catherine Marion vingt-deux [* 4] enfans [e] (E). Il mourut environ l’an 1618 [* 5]. Notez que l’une de ses filles réforma l’abbaye de Port-Royal (F).

Il s’acquitta de la profession du barreau, avec tant d’honneur, et d’une manière si élevée, que « depuis lui il ne s’est trouvé personne, à la réserve de M. le Maître son petit-fils, qui l’ait exercée avec plus d’éclat et plus de dignité. Sa maison était continuellement pleine de princes et de grands seigneurs, qui venaient le consulter sur leurs plus importantes affaires ; et il fut partout en telle vénération, qu’après sa mort il fut exposé sur son lit pendant quelque temps, pour satisfaire au public qui le demanda avec instance [f]. » On a eu grand tort de lui imputer une apologie de Phalaris (G).

  1. * Matthieu, suivant la remarque de Leclerc, dit au contraire que le président de Harlay, ayant su que le roi les voulait venir voir, avait fait choisir une cause pour y être plaidée. Leclerc ajoute que cela arriva en 1600. Le roi assista incognito à l’audience.
  2. * Il n’eut jamais de brevet, dit Leclerc.
  3. * Leclerc prétend qu’en 1587, époque de ce mariage, Marion n’avait certainement pas de carrosse puisqu’il n’était alors que simple avocat. Ce ne fut qu’en 1596 qu’il devint conseiller au parlement, puis président en la seconde chambre des enquêtes, et en 1597 avocat général.
  4. * Leclerc, d’après Quesnel, dit qu’Antoine Arnauld n’eut que vingt enfans.
  5. * Ce fut, dit Leclerc, le 29 décembre 1619, dans sa soixantième année.
  1. Konig le nomme Marc-Antoine. La lettre M, que lui ou d’autres ont vue au-devant d’Antoine, dans quelques livres français, où elle signifiait maître ou monsieur, a été apparemment la cause de cette méprise.
  2. Il s’agissait de la peine des calomniateurs. Voyez dans Matthieu, à l’Histoire de Henri IV, tome I, pag. 455 et suiv., les Plaidoyers sur cela.
  3. MM. Marion, comtes de Druys, descendent de lui.
  4. Tiré du Mémoire inséré dans le Mercure Galant au mois de décembre 1693.
  5. Tiré du Mémoire inséré au Mercure-Galant de décembre 1693.
  6. Perrault, Hommes illustr., pag. 54, 55, édition de Hollande.

(A) Il refusa d’être secrétaire d’état..….. On a insinué ce fait dans son épitaphe. ] M. le Maître, petit-fils et filleul d’Antoine Arnauld l’avocat, est l’auteur de cette épitaphe. Ceux qui la voudront lire n’auront que faire de la chercher ailleurs que sur cette page ; ceux qui n’en seront point curieux n’ont qu’à passer outre. Ils le feraient bien sans attendre mon avis.

Passant, du grand Arnauld révère la mémoire.
Ses vertus à sa race ont servi d’ornement,
Sa plume à son pays, sa voix au parlement,
Son esprit à son siècle, et ses faits à l’histoire [* 1].
Contre un second Philippe, usurpateur des lis,
Ce second Démosthène anime ses écrits,
Et contre Emmanuel arma son éloquence [* 2].
Il vit comme un néant les hautes dignités,
Et préféra l’honneur d’oracle de la France
À tout le vain éclat des titres empruntés.

(B) Il plaida pour l’université contre les jésuites... Voici quelle en fut la récompense. ] Il renvoya à l’université le présent qu’elle lui avait fait donner : il voulut avoir plaidé gratis cette cause si fameuse. L’université fit un acte dans les formes les plus authentiques, par lequel elle s’engagea à une éternelle reconnaissance, tant envers lui qu’envers sa postérité. Voici les termes du décret, Quapropter, cùm consultorum disertissimus et disertorum consultissimus D. Antonius Arnaldus, in foro Parisiensi spectatus à multis annis patronus pro defensione juris academici..…… tantoperè desudârit : et longâ comtâque oratione, quæ doctorum manibus teritur, probârit..…..… Cùmque idem pro defensionis laboribus et patrocinii jure oblatum sibi ab academiâ honorarium remiserit, gratuitamque suam operam esse voluerit ; ne apud nos ingrati animi culpa resideat, placuit rectori, quatuor facultatibus, et singulis nationibus, ut perpetua tanti beneficii memoria publicis tabulis consignata et testata apud posteros extaret, huicque sacramento se omnes academiæ ordines obstringerent, se ea officia quæ à bonis clientibus fido patrono solent deferri, omnia in illum ejusque liberos ac posteros collaturos, nec eorum unquàm honori, commodis, famæque defuturos [1]. Vous trouverez amplement ce fait dans la préface d’un livre imprimé à Liége, l’an 1699, et intitulé : Causa Arnaldina, seu Antonius Arnaldus doctor et socius sorbonicus à censurâ anno 1656 sub nomine facultatis theologicæ Parisiensis vulgatâ vindicatus.

(C) Il publia un livre pour empêcher le rappel des jésuites ; mais... il tâcha de le supprimer. ] C’est un petit livre de 144 pages in-12, intitulé : Le franc et véritable discours au roi, sur le rétablissement qui lui est demandé pour les jésuites [* 3]. Le père Richeome le réfute dans sa Plainte apologétique, où il réfute aussi le Catéchisme des Jésuites qui avait paru en même temps, et qui venait de la plume d’Étienne Pasquier. J’ai lu dans les remarques sur la confession catholique de Sancy [2], un fait que je m’en vais rapporter en simple copiste. « L’avocat Arnauld ne répondit point : ce ne fut pas que le livre de la Vérité défendue [3] l’eût fait fuir, mais c’est qu’il vit bien que la faveur des jésuites auprès d’Henri IV l’emporterait à la fin sur toutes les raisons qu’on pouvait avoir de laisser subsister contre eux l’arrêt de leur bannissement. En effet, le pauvre homme eut même tant de peur d’en avoir trop dit dans son petit livre, que j’en ai vu un exemplaire, où un habile homme de ce temps-là avait fait de sa propre main l’observation suivante : Ce livre (Le Franc et véritable Discours) composé par Me. Antoine Arnauld leur bon ami ; et plus bas, les copies retirées par l’auteur. »

(D) Ceux qui ont dit qu’il était de la religion ont débité un très-grand mensonge. ] L’auteur de l’Amphitheatrum honoris, déguisé sous le nom de Clarus Bonarscius, qui est l’anagramme de Carolus Scribanius, son véritable nom, traite nettement de calviniste, Ant. Arnauld l’avocat. L’Imago primi seculi soc. Jesu le fait aussi. L’auteur de l’Apologie de Jean Châtel dit, page 205, que le nom d’Arnauld vient d’ἀρνοῦμαι, qui signifie renier ou apostasier, et qu’il approche de celui de l’antechrist, où se trouve le nom de la Bête ; et page 206 : Digne ministre de celui auquel a esté donné gueule proférante grandes choses et blasphèmes, Apocal. 13 [4]. Dupleix débita le mensonge dont il s’agit, et s’en rétracta publiquement. Il avait dit dans la première édition de son Histoire d’Henri IV, en parlant du procès qu’eurent les jésuites avec l’université de Paris, l’an 1594, qu’Antoine Arnauld faisant profession du calvinisme, le choix que les agens de l’université avaient fait de lui fut trouvé grandement scandaleux, et de mauvaise grâce. Mais voici comment il se rétracta. Antoine Arnauld, homme très-éloquent, fut employé pour plaider la requête des demandeurs [5]. J’avais cru ci-devant, sur de mauvaises instructions, qu’il fut religionnaire ; mais la vérité est qu’il ne le fut jamais. Il a laissé des enfans très-vertueux et très-zélés à la religion catholique. C’est une chose étrange, qu’un historien, qui n’était pas du commun, ait pu se laisser tromper sur la profession de religion d’un si célèbre avocat, qui avait pris à témoin de sa catholicité tout le parlement, dans le plaidoyer même qui donne lieu à Dupleix de parler de lui. Voyons ce qu’il dit dans ce plaidoyer. Si d’aventure ils ne sont si impudens, et ceux qui les soutiennent, d’oser dire que la Sorbonne estoit hérétique en 1554, lorsqu’elle fit ce décret contre eux : tout ainsi qu’ils sont si eshontez, que de publier parmi les femmes de leur congrégation, que tous ceux qui poursuivent cette cause sont hérétiques, qui viennent de Genève et d’Angleterre. Que si moi, qui parle, n’estois cogneu depuis mon enfance instruit dans le collège royal de Navarre, et que ma profession si notoire et ma réception en charges publiques et honorables dès l’an 80 et 85 ne m’exemptoient trop manifestement de leurs impostures, ils me feindroient volontiers envoyé de là mesmes, pour plaider contre eux. L’expérience lui montra, et nous montre encore aujourd’hui, qu’il avait tort de se croire à couvert de l’imposture ; car, outre les écrivains que j’ai cités, il s’est trouvé depuis peu deux nouveaux accusateurs. Le premier est le père Hazart, le second ne s’est donné qu’un faux nom [6] ; mais il a produit une lettre d’un gentilhomme nommé M. d’Heucourt [7], qui atteste que le père de M. Arnauld, docteur de Sorbonne, est né et mort huguenot. J’ai raison de dire que le père Hazart a renouvelé l’accusation, car voici ses paroles : La rétractation de M. Dupleix ne m’incommode point, ni ne me ravit la liberté de prendre son premier sentiment pour le fils légitime de sa meilleure connaissance, et le second pour celui de sa complaisance pour la parenté du sieur Arnauld, qui était lors d’un suffisant crédit pour gagner ou obliger un auteur à quelque chose de cette nature [8]. On lui a répondu qu’il faut avoir l’esprit très-mal fait « pour préférer ce qu’un historien reconnaît avoir dit sur de mauvaises instructions à ce qu’il assure comme constant et indubitable, étant mieux informé. S’il y avait bien des gens d’un si méchant caractère, le mal qu’aurait fait un historien, en publiant sur de mauvais mémoires des faussetés préjudiciables à l’honneur du prochain, serait irréparable, puisqu’il aurait beau se rétracter [9] : » on se retrancherait dans la réponse du père Hazart. Voilà cependant, conclut-on, M. Dupleix bien récompensé d’avoir été si partial pour les jésuites dans son histoire. Ils lui font bien de l’honneur, en voulant qu’il ait eu si peu de conscience, que n’ayant rien dit que de vrai, lorsqu’il avait assuré que l’avocat qui avait plaidé contre eux était religionnaire, il s’en soit rétracté en mentant par complaisance. Je ne sache point [10] qu’on ait répondu à la sommation [* 4] de celui qui a publié la lettre de M. d’Heucourt. La sommation était néanmoins pressante, car voici les termes dont on se servait en parlant à M. Arnauld : Cette lettre, monsieur, dont on m’a remis l’original pour vous l’envoyer, demande absolument que vous produisiez votre baptistère ; car ce ne sont plus les jésuites vos ennemis, qui vous reprochent d’être né huguenot. Mais on n’a pas laissé de confondre celui qui a fait imprimer la lettre, puisqu’on a informé le public [11] que M. d’Heucourt la désavouait.

Le public a vu cela dans le journal de M. Basnage [12], et dans un livre qui a paru depuis la première impression de cet article ; je veux dire dans l’Histoire abrégée de la Vie et des Ouvrages de M. Arnauld. Voici de quelle hauteur celui qui l’a composé a traité cela dans les pages 17 et 18. On ne s’amuse point à réfuter ici l’impertinent auteur d’un Avis important à M. Arnauld, etc., où l’on produit l’extrait d’une prétendue lettre de M. le marquis d’Heucourt, pour prouver que M. Arnauld était né calviniste, aussi-bien que son père. Tout cela n’est qu’imposture. On a en main, non-seulement l’extrait du baptistère, que ce donneur d’avis désirait que l’on produisît, mais encore un désaveu en forme de la main de ce marquis, daté de Bronton, près de Londres, le 15/25 mai 1692, où il déclare qu’il ne sait ce que c’est, que la lettre ne fut jamais de lui, et que c’est une pièce malicieusement et faussement composée. Je trouve infiniment probable qu’un des frères de notre Arnauld l’avocat se fit huguenot [13] ; car une personne, qui pouvait bien le savoir, m’a écrit que madame de Feuquières [14], et madame d’Heucourt sa sœur, qui, du côté paternel, étaient nièces de cet avocat, ont été de la religion jusqu’à leur mort. La même personne m’a écrit qu’Isaac Arnauld, ministre de la Rochelle, et auteur d’un livre intitulé Mépris du monde, était de la même famille que M. Arnauld. Cet ouvrage a été imprimé plus d’une fois ; car l’édition de Rouen, en 1637, porte qu’il a été revu, corrigé et augmenté de trois traités par l’auteur : savoir, Résolutions vertueuses ; de l’Obéissance due au roi ; Méditation sur la vieillesse [* 5].

(E) Il eut de son mariage... vingt-deux enfans. ] L’aîné s’appelait Robert. C’est celui qui s’est rendu si célèbre sous le nom d’Arnauld d’Andilli : voyez l’article suivant. Le second est mort évêque d’Angers, au mois de juin 1692. Il s’appelait Henri Arnauld [* 6], et s’était fait fort estimer sous le nom de l’abbé de Saint-Nicolas, avant que de parvenir à la mitre. Étant à Rome, il sauva par son adresse et par son courage l’honneur et les biens des Barberins, contre les entreprises des créatures et des parens d’Innocent X. Le prince de Palestrine, et les cardinaux François, Antoine, et Charles Barberin, firent, par reconnaissance, non-seulement frapper sa médaille et tirer son portrait, dont ils remplirent toutes leurs maisons ; mais ils lui érigèrent aussi une statue dans leur palais de Rome, avec un vers que Fortunat [* 7] avait composé pour saint Grégoire de Tours [15]. Il est mort en odeur de sainteté à Angers, dans son diocèse, d’où il n’était jamais sorti depuis près de quarante-quatre ans qu’il était évêque [* 8]. Catherine Arnauld, l’aînée des filles d’Antoine, fut mariée à M. le Maître, conseiller du roi et maître des comptes à Paris, dont elle eut Antoine le Maître, fameux avocat, et Isaac le Maître de Sacy, connu par sa traduction de la Bible, par celle de l’Imitation de Jésus-Christ, par la Vie de dom Barthélemi des Martyrs, et par ses Poésies sacrées. Angélique Arnauld, autre fille d’Antoine, abbesse perpétuelle de Port-Royal-des-Champs, réforma cette abbaye sur le pied de la réforme de Clairvaux, et la rendit élective et triennale. Cinq de ses sœurs, avec leur mère, se firent religieuses dans ce couvent, et y ont mené jusqu’à la mort une vie très-austère [16].

Notez que dans l’Abrégé de la vie de M. Arnauld, page 20, on assure, 1o. qu’il était le vingtième et le dernier des enfans d’Antoine Arnauld, et de Catherine Marion. Cela ne s’accorde pas avec le mémoire que j’ai cité [17], qui leur en donne vingt et deux ; 2o. que lorsque le père de tant d’enfans décéda, il n’en restait plus que dix, quatre garçons et six filles.

(F) Une de ses filles réforma l’abbaye de Port-Royal. ] Le nom de Port-Royal fait tant de bruit, et les Arnauld sont si mêlés là-dedans, et tout cela est si peu connu en détail, qu’on peut être très-assuré que les curieux liront avec joie ce qu’on pourra leur apprendre de particulier sur ce sujet. J’ai donc cru que je ferais plaisir à mon lecteur, si je transportais dans mon livre ce que j’ai lu dans un Factum [18]. Ces sortes d’écrits sont ordinairement inconnus à une infinité de gens [19].

« Port-Royal est originairement un monastère de religieuses bernardines, à six lieues de Paris. Une des sœurs de M. d’Andilli en fut faite abbesse au commencement de ce siècle, n’ayant que onze ans. C’était en ce temps-là un désordre assez commun, dont Dieu à tiré un grand bien. Car, dès l’âge de dix-sept ans, Dieu lui donna une si forte pensée de réformer son abbaye, quoiqu’il n’y en eût aucune, ni d’hommes, ni de filles, qui fût réformée dans tout l’ordre de Cîteaux, qu’elle l’entreprit, et en vint à bout avec assez de facilité, tant Dieu donna de bénédictions à ses bons desseins. Elle en bannit toute propriété, toutes ses religieuses à son exemple ayant mis en commun ce qu’elles avaient en particulier. Elle y établit une exacte clôture, l’abstinence perpétuelle, l’office de la nuit, les jeûnes, le travail, le silence, selon la règle de saint Benoît. Et ç’a été cette odeur de sainteté, comme le parfum de l’époux, qui a attiré dans cette maison ses sœurs, et ses nièces, et sa mère même, chacune en leur temps. Le dessein d’une si parfaite réforme, si courageusement entrepris et si heureusement exécuté, la mit en une si grande estime dans l’ordre, qu’elle fut choisie n’ayant que vingt-sept ou vingt-huit ans, pour réformer la célèbre abbaye de Maubuisson. Elle y passa quatre ou cinq ans, ce qui l’obligea de laisser à sa sœur, qu’on a depuis appelée la Mère Agnès, la conduite de sa maison de Port-Royal, en qualité de coadjutrice. Ce fut en ce temps-là, et pendant qu’elle était à Maubuisson, qu’elle vit saint François de Sales, qui était venu à Paris, pour y établir une maison de la Visitation. Elle le fit prier de la venir voir, et se mit sous sa conduite, et on peut voir par les lettres de ce saint l’estime qu’il faisait de sa chère fille l’abbesse de Port-Royal. »

L’auteur du factum ajoute que la veuve d’Antoine Arnauld, mère de cette abbesse, eut une forte inspiration de se faire religieuse, sous la conduite de sa fille ; et que comme Dieu lui donna ce désir dans le même temps que l’on avait conseillé à l’abbesse de transférer son monastère des Champs à Paris, « elle acheta dans le faubourg Saint-Jacques une maison et un jardin fort beaux et fort grands, qu’elle donna à l’abbesse, couvent, et religieuses de Port-Royal, pour y faire leur établissement, comme elles le firent en effet, ayant mis la maison de Paris, avec une très-grande dépense, en l’état où elle est maintenant, par la bénédiction qu’il a plu à Dieu de donner à leur charité et à leur désintéressement. Ce fut là que cette heureuse mère de tant de pieux enfans prit sa fille pour sa mère, en se consacrant à Dieu par la profession religieuse, pour vivre sous sa discipline : ce qu’ayant fait pendant quatorze ou quinze ans, avec une ferveur et une humilité très-édifiante, elle eut la consolation, avant que de mourir, de donner sa bénédiction à ses six filles, et à ses six petites-filles, qui étaient toutes dans le monastère, et qui y ont toutes été religieuses, hors une qui est morte jeune y étant pensionnaire. » Enfin, on voit dans ce factum, que l’abbesse de Port-Royal était titulaire perpétuelle, et une de ses sœurs coadjutrice ; mais que l’une et l’autre, n’ayant en vue que le plus grand bien de leur maison, voulurent bien quitter leur titre, pour y établir l’élection triennale. M. d’Andilli obtint du roi la permission nécessaire, quoique cela lui enlevât les moyens de retenir toujours cette abbaye dans sa famille. Joignez à ceci ce que nous dirons dans son article.

(G) On a eu grand tort de lui imputer une apologie de Phalaris. ] Les paroles du père Abram, que je vais copier, se rapportent visiblement à notre Arnauld. De Phalaridis Agrigentorum tyranni immani crudelitate supervacaneum fuerit dicere, cùm et pleni sunt aliorum libri, et ipse se nefarium, immanem, et sceleratissimum in epistolis sæpè fateatur. Unus inventus est Arnaldus, qui non ità pridem, orationem dicam an nugas ? de ejus laude conscripserit : videlicet ex eodem calamo Phalaridis Apuleiique laudatio et societatis nostræ criminatio manavit, ut quibus se similem esse mallet, liquidiùs ostenderet [20]. La méprise est lourde ; car celui qui fit le discours pour Phalaris est un Arnaud provençal. Voyez la remarque (M) de l’article d’Épicure.

  1. * Il manque ici, dit Joly, quatre vers à cette épitaphe qui est un sonnet. Il est surprenant, dit-il, que Bayle ne se soit pas aperçu de cette lacune. Voici les quatre vers qui composent le second quatrain :

    Ses discours aux héros dispensèrent la gloire.
    Par lui la vérité triompha puissamment,
    Des princes et des rois il fut l’étonnement
    Et les eut pour témoins d’une illustre victoire.

  2. * C’est d’après ce vers et sur le témoignage de Guichenon, que Bayle attribue à Arnauld la première Savoisienne ; mais la Bibliothéque historique de la France, n°. 19779, élève des doutes là-dessus.
  3. * Leclerc dit que cet ouvrage n’est pas d’Arnauld parce que le style n’en est pas assez impétueux. Leduchat, au contraire, apporte des preuves à l’appui de son opinion, qui est qu’Arnauld est auteur de ce livre qu’on a réimprimé en 1610 à l’occasion de la mort de Henri IV, et en 1762 avec préface et notes de l’abbé Goujet.
  4. * Le Baptistère ayant été imprimé à la page 4 de la Justification de M. Arnauld, docteur, etc., 1702, Leclerc reproche à Bayle d’avoir dit qu’on n’avait point répondu à la sommation. Bayle avertit lui-même dans sa remarque, note (10), qu’il écrit en 1694. La seconde édition est de 1702, et l’impression en était avancée, peut-être même achevée, quand parut la Justification ; Bayle ne pouvait donc en parler.
  5. * Bayle donne la remarque (A) de son article Durant comme pouvant se joindre ici. Voyez ci-dessus sa note (13). Leclerc croit que Bayle a commis quelque erreur dans sa généalogie de la famille Arnauld.
  6. * Ce Henri avait d’abord été avocat, dit Leclerc On trouve dans le tom. II des Mémoires de littérature du père Desmolets, un Mémoire sur la vie et sur la mort de feu messire Henri Arnauld, évêque d’Angers.
  7. * Leclerc nie l’existence de la médaille : il se fonde sur ce que, dix-sept ans plus tard, l’abbé Faydit ayant, à la tête d’un poëme latin de sa composition, fait graver les armes de M. de Pompone, y mit pour inscription :

    Alpibus arvernis en mens mons altior ipsis,

    Ménage et les gens de lettres qui assistèrent à ses mercuriales regardèrent l’application de ce vers comme une pensée toute neuve. Du reste Linage de Vauciennes, qui publia en 1678 le Différend des Barberins avec le pape Innocent X, dit que « les Barberins ne furent pas satisfaits d’Arnauld. »

  8. * Il n’avait pas quarante-quatre ans d’épiscopat, dit Leclerc, puisque nommé en Janvier 1649, sacré en 1650, il est mort en 1692. Il était sorti une seule fois de son diocèse, pour aller à Thouars travailler à ramener à l’Église le prince de Tarente.
  1. Præfat. Causæ Arnaldinæ, pag. xcvij.
  2. Liv. II, chap. VI, pag. 535.
  3. L’auteur des remarques avait dit pag. 534 que Richeome, sous le nom de François de la Montagne, avait répondu l’an 1594 au plaidoyer de Pasquier, par un livre qui avait pour titre, La Vérité défendue. [Au lieu de François de la Montagne et de plaidoyer de Pasquier, il faut, dit Leclerc, lire François des Montagnes et plaidoyer d’Ant. Arnauld. La Vérité défendue n’est point une réponse au Franc discours.]
  4. Ceci a été tiré de la Question curieuse, si M. Arnauld est hérétique ? pag. 13.
  5. C’est-à-dire, de l’université.
  6. Celui de Sainte-Foi, dans les Avis importans à M. Arnauld sur le projet d’une nouvelle Bibliothéque d’auteurs jansénistes. C’est une lettre datée de Paris le 28 de septembre 1691.
  7. C’est ainsi qu’il faut dire, et non pas Reucour, comme dans l’imprimé.
  8. Voyez le IVe. Factum pour les petits-neveux de Jansénius, pag. 20.
  9. Là même.
  10. On écrit ceci l’an 1694.
  11. Dans l’Histoire des Ouvrages des Savans, mois de novembre 1692, pag. 134.
  12. C’est-à-dire, dans l’Histoire des Ouvrages des Savans. Voyez la citation précédente.
  13. Voyez la remarque (A), de l’article de (Samuel) Durant.
  14. Femme de celui qui fut battu devant Thionville.
  15. Le voici :

    Alpibus Arvernis veniens mons altior ipsis.

    Les Barberins faisaient allusion aux armes et à da patrie des Arnauld. Cette famille est d’Auvergne, et porte pour armes une montagne. Mémoire du Mercure Galant, décembre 1693.

  16. Tiré du même Mémoire.
  17. C’est celui qui a été inséré dans le Mercure Galant, au mois de décembre 1693.
  18. C’est le IVe. pour les petits-neveux de Jansénius, contre le père Hazart.
  19. Depuis la première impression de cet article, les factums pour les petits-neveux de Jansénius ont été insérés dans le VIIIe. vol. de la Morale pratique des Jésuites.
  20. Abramus, in Ciceron., Orat., tom. I, pag. 803.

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