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Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Diana

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DIANA [* 1] (Jean-Nicolas de), jésuite, ne m’est connu que par la persécution qu’il souffrit pour un sermon qu’il avait prêché sur saint Lucifer. Les inquisiteurs de Sardaigne condamnèrent ce sermon, et firent paraître beaucoup d’animosité contre ce jésuite. Il n’acquiesça point à leur jugement ; et il employa tant de moyens de défense, qu’enfin il remporta la victoire, la treizième année du procès. Diégo Arze-Reynoso, inquisiteur général, cassa toutes les procédures du tribunal de Sardaigne, et châtia quelques-uns des assesseurs ; et pour mieux réhabiliter la réputation de Diana, il le créa qualificateur du conseil suprême de l’inquisition, et le déchargea de toute note par un décret expédié le 19 de décembre 1653 [a]. J’en rapporterai un morceau (A), afin qu’on voie les iniquités qui se commettent dans ces procédures, mais non pas toujours impunément.

  1. * Ni Ribadeneira, ni Alegambe, ni Sotuel n’a donné place à Diana dans la Bibliotheca scriptorum societatis Jesu. Il est étonnant que cette remarque ait échappé à Bayle.
  1. Tiré d’un écrit intitulé : Libellus supplex à Patribus Societatis Jesu provinciæ Toletanæ catholico Hispaniarum regi oblatus Madriti anno 1696, mense aprili, contra libellum supplicem eidem regiæ majestati oblatum à RR. PP. carmelitis ad suadendum ut universis imponatur silentium circa antiquitatem ordinis carmelitici tenendum, post decretum inquisitionis Toletanæ contra 14 volumina de Actis sanctorum.

(A) Il fut déchargé par un décret du 19 décembre 1653. J’en rapporterai un morceau. ] Je le tire de la requête que les jésuites de la province de Tolède présentèrent au roi d’Espagne l’an 1696 [1]. Ils prétendent que la requête présentée par les carmes au même prince est injuste, vu qu’elle tend à obtenir que l’on garde le silence de part et d’autre depuis que l’inquisition de Tolède a condamné quatorze volumes des Acta sanctorum. Ces jésuites exposent entre autres choses, que, selon le style du saint office, il est permis de se pourvoir contre les décrets de l’inquisition, et que lorsque l’inquisition à condamné un livre, elle ne prétend pas ôter à l’auteur la liberté de justifier ses sentimens. Ils montrent que l’apologie d’un livre condamné par ce tribunal a été trouvée quelquefois si forte, que l’inquisition a révoqué sa sentence [2], et ils le prouvent par l’issue du long procès du jésuite Jean-Nicolas de Diana. Sa réputation demeura noircie plusieurs années ; mais ayant fait voir la partialité de ses juges, il obtint glorieusement la cassation de leur sentence. Per annos omninò duodecim et quinque menses gravissimè passus est optimus ille jesuita pro defensâ veritate : et fuit hæc quidem veritas densis adeò passionum obfuscata nebulis, ut tantùm non pateretur eclipsim. Fuit auctori necesse adversùs Sardiniæ inquisitores excipere velut partiales et passion obnoxios. Suam autem exceptionem illam et damnatas propositiones eâ probavit Diana argumentorum energiâ et evidentiâ, ut etc. [3]. Et parce que les procédures des inquisiteurs de Sardaigne avaient causé du scandale, le conseil suprême de l’inquisition se crut obligé d’y remédier par un décret, dont voici une partie : Ut in omni tempore præsenti perindè ac futuro constet, innotescat atque publica fiat innocentia dicti patris Diana ; ut item illi ad quos hujus rei notitia pervenerit, quique proindè scandalum fuerint passi, ex processibus in illâ causâ commissis, et in libello impresso supra relatis, publicam hanc satisfactionem habeant super dicta præfati patris innocentia et catholica illius in evangelio exponendo doctrina.… Pariter sciant omnes quòd tribunal atque supremum sacræ inquisitionis concilium non solùm convictos contra fidem castiget, sed innocentiam etiam præmiet inculpatorum, additâ satisfactione publicâ contra notorias iisdem impactas injurias, ad Deum denique Dominum nostrum omnipotenten remittente dicto P. Dianâ, publicam ac justam vindictam de gravi sibi latâ injuriâ per delatorem, conjuratores, æmulos ac falsos testes, minùsque benè affectos ministros, supplicando divinæ majestati ejusque piæ clementiæ quatenus omnium talium mentibus lucem dignetur infundere, quâ illustrati errore suo cognito correctoque et peculiariter in hoc casu commissâ culpâ animas suas possint salvas facere, etc. [4]. Je m’assure que plusieurs lecteurs seront bien aises de trouver ici les autres exemples semblables que ces jésuites rapportent dans leur requête. Le premier est celui de Julien, archevêque de Tolède. Il fit un livre de tribus Substantiis, qui fut condamné par le pape Benoît II : il le justifia par une apologie très-vigoureuse, et il fit si bien goûter ses raisons que ce pontife leva la défense, et loua hautement cet archevêque [5]. Le deuxième exemple est celui d’Étienne Fagundez, jésuite. Il publia un ouvrage [6] dont la lecture fut défendue : mais quand on eut vu son apologie, intitulée Apologeticus tractatus pro suo libro in quinque præcepta Ecclesiæ ad quæstionem de lacticiniorum ovorumque esu tempore quadragesimæ, on fit examiner de nouveau le livre, et il fut dit qu’aucune des propositions censurées n’était digne de censure ; de sorte que par un nouveau décret du 18 d’avril 1630, le tribunal de l’inquisition permit la lecture de cet ouvrage. Le troisième exemple est celui du grand Tostat. Quelques-unes de ses opinions ayant été condamnées, il demanda d’être ouï, et ne le put obtenir : la cabale de ses ennemis lui fit trouver ce grand déni de justice. Alors il fit tellement sonner ses plaintes, que le bruit en vint jusqu’aux oreilles d’Eugène IV, qui ordonna que Tostat parût en personne à la cour de Rome pour y soutenir ses sentimens. Tostat comparut, et se défendit si bien qu’il remporta une glorieuse victoire [7].

  1. J’en rapporte le titre tout entier dans la citation (a) de cet article.
  2. Quod ita non raro factum est ut inquisitio edicta sua revocaverit ac propositiones modo confixas suo pristino restituerit splendori, quin et novis approbationibus ac laudibus exornarit. Libell. Supplex, pag. 5.
  3. Libell. Supplex, pag. 5.
  4. Ibidem, pag. 6.
  5. Ibidem, pag. 20, ex Roderico in suâ Historiâ, et ex Toletano concilio XV.
  6. Il a pour titre, Quæstiones de Christianis officiis et casibus conscientiæ in quinque præcepta ecclesiæ.
  7. Libell. Supplex, pag. 21, ex Proœmio Apologetici Tostati, part. II.

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