Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Marot

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MAROT (Clément), valet de chambre de François Ier., et le meilleur poëte de son temps, était de Cahors. Il surpassa in finiment Jean Marot son père, qui n’avait pas mal réussi à faire des vers [a] (A). Quelques-uns disent qu’il fut élevé en qualité de page auprès du seigneur Nicolas de Neufville, qui fut le premier secrétaire d’état de sa famille ; mais ils se trompent (B). Ils ont plus de raison de dire qu’environ l’an 1520, il fut donné à la princesse Marguerite (C), sœur du roi, femme du duc d’Alençon. Il suivit ce duc à l’armée l’an 1521 [b]. Il fut blessé et fait prisonnier à la journée de Pavie (D). Cette aventure est moins connue que la persécution que lui firent les bigots : ils le firent mettre en prison comme suspect d’hérésie (E). Délivré de leurs mains par la protection de François Ier., il ne laissa pas d’avoir une extrême crainte de ces gens-là, et d’autant plus qu’il avait dépeint fort naïvement les injustices du Châtelet dans l’un de ses poëmes [c]. Ayant donc su qu’on recommençait à le rechercher, et qu’on avait fait saisir ses livres, il n’eut pas le courage de retourner à Paris (F) : il partit de Blois où il avait su cette nouvelle, et se retira chez la reine de Navarre, son ancienne maîtresse [d], et ne se croyant point là assez en sûreté, il passa en Italie, et s’arrêta à la cour de la princesse Renée de France, duchesse de Ferrare [e], bonne amie de ceux de la religion. Il obtint de François Ier. la permission de revenir l’an 1536 (G) ; mais il fut tellement connu pour sectateur de ce qu’on nommait les nouvelles opinions, qu’il se sauva quelques années après à Genève. On prétend qu’il y débaucha son hôtesse, et que la peine de mort qu’il avait à craindre fut commuée en celle du fouet par la recommandation de Calvin (H). Il sortit de Genève, et s’en alla en Piémont, où il mourut l’an 1544, à l’âge d’environ soixante ans (I). La faute de chronologie qu’il semble que M. Maimbourg ait faite touchant la première fuite de Clément Marot est très-légère (K). Quant aux autres fautes qu’il a pu faire en parlant de ce personnage, voyez-en la réfutation dans les auteurs qui écrivirent contre son Histoire du Calvinisme. Vous trouverez dans Sleidan [f], et dans Pasquier [g], un bel éloge de Clément Marot. On peut dire sans le flatter, non-seulement que la poésie française n’avait jamais paru avec les charmes et avec les beautés naturelles dont il l’orna, mais aussi que dans toute la suite du XVIe. siècle il ne parut rien qui approchât de l’heureux génie, et des agrémens naïfs, et du sel de ses ouvrages. Les poëtes de la Pléiade sont de fer en comparaison de celui-là ; et si au siècle suivant, un Voiture, un Sarrazin, un Benserade, et quelques autres l’ont surpassé, ce n’est qu’à cause qu’ils ont trouvé tout fait l’établissement d’un meilleur goût, et d’une plus grande délicatesse de leur langue [h]. L’incomparable la Fontaine, qui s’est reconnu son disciple (L), a contribué beaucoup à remettre en vogue les vers de cet ancien poëte. Une infinité de curieux cherchaient ses œuvres avec ardeur, et avaient bien de la peine à les trouver. C’est ce qui a obligé un libraire de la Haye [i] à les remettre sous la presse. Cette édition est très-belle. Vous verrez dans les jugemens qu’on a recueillis sur Clément Marot [j], que les poëtes français lui sont redevables du rondeau, et qu’ils lui doivent en quelque façon la forme moderne ou le rétablissement du sonnet et du madrigal, et de quelques autres espèces de petits vers. On peut ajouter qu’il fut l’inventeur du mélange des rimes masculines et féminines [k], qui est une chose sans laquelle notre poésie serait très-rude et choquante. Il n’y a que trop de pièces obscènes parmi ses œuvres (M), et cela fournit un juste sujet de le blâmer. Je rapporterai quelques faits curieux touchant sa version de L psaumes de David (N). Les particularités les plus notables me seront fournies par l’auteur d’une lettre qui fut écrite à Catherine de Médicis, un peu après la mort de Henri II (O). Il ne faut pas oublier que l’église de Genève, qui s’était servie la première de cette version des psaumes, a été la première à l’abandonner (P), pour se servir d’une version plus accommodée à l’état présent du style français. On ne sait si les autres églises se conformeront à ce changement. Je ne me souviens pas d’avoir pris garde que Marot fasse mention de sa femme dans ses poésies ; mais j’y ai trouvé un endroit qui fait voir qu’il était père, et nous savons d’ailleurs que Michel Marot son fils composa des vers qui ont été imprimés (Q).

Il y a certaines choses, dans l’article de ce poëte, qui doivent être rectifiées. Cela me donnera lieu d’indiquer la plus ample des éditions de ses Œuvres (R). Ce que j’ai dit de certaines éditions du Psautier des protestans de Genève sera un peu augmenté (S).

(A) Jean Marot son père...n’avait pas mal réussi à faire des vers. ] Il était né à Mathieu, proche de Caen, si nous en croyons M. Moréri. D’autres disent simplement qu’il était de Caen, et ils ajoutent qu’il fut poëte de la reine Anne de Bretagne, et puis valet de chambre de François Ier. [1]. Le Recueil de ses Œuvres contient le Doctrinal des Princesses et nobles dames, deduit en 24 rondeaux ; Les voyages de Gennes et Venise victorieusement mis à fin par le roy Loys 12 ; Autres 49 rondeaux ; une Epistre des dames de Paris au roy François premier, estant de là les monts, et ayant desfaict les Suisses ; Autre Epistre des dames de Paris aux courtisans de France estant pour lors en Italie : Autre Epistre à la reine Claude ; l’Église parlant à France ; Chant royal de la Conception Notre-Dame, et un autre Chant royal en l’honneur de Jésus-Christ [2].

(B) Quelques-uns disent qu’il fut élevé en qualité de page ;.... mais ils se trompent. ] C’est. M. de Rocolles, qui avance ce fait-là [3]. J’ai deux raisons à lui opposer ; car le Nicolas de Neufville, qui fut le premier de sa famille élevé au rang de secrétaire d’état, naquit l’an 1542 [4]. Il n’eut donc point pour page Clément Marot, qui avait alors plus de cinquante-cinq ans. Nicolas de Neufville son père mourut fort âgé l’an 1599 [5] ; mais cela n’empêche pas qu’on ne puisse dire qu’il naquit long-temps après notre poëte. Or on ne voit point de gentilshommes beaucoup plus jeunes que leurs pages. Voilà ma première raison. La seconde m’est fournie par un poëme où Marot raconte que depuis qu’il eut quitté son pays, il fut toujours à la suite de François Ier.

À bref parler, c’est Cahors en Quercy,
Que je laissay pour venir querre icy
Mille malheurs, ausquelz ma destinée
M’avoit submis. Car une matinée
N’ayant dix ans en France fus mené :
Là où depuis me suis tant pourmené,
Que j’oubliay ma langue maternelle,
Et grossement apprins la paternelle,
Langue françoise es grands cours estimée
Laquelle en fin quelque peu s’est limée.
Suyvant le roy François premier du nom,
Dont le savoir excede le renom,
C’est le seul bien que j’ay acquis en France
Depuis vingt ans en labeur et souffrance [6].


M. de Rocolles ajoute que Marot dédia à ce seigneur de Neufville une de ses poésies, sous le titre de Temple de Cupidon, et que l’épître par laquelle il lui dédie ce poëme est datée de Lyon, du 15 mai 1538. Plusieurs éditions de Marot [7], que j’ai consultées, ne m’ont appris rien de semblable [* 1] : le Temple de Cupidon y est au commencement sans date, et sans être dédié à qui que ce soit.

Ceci a besoin de réforme. Voyez la remarque (R).

(C) Il fut donné à la princesse Marguerite.] M. de Rocolles assure qu’elle le prit à son service en qualité de secrétaire [8]. Mais Marot, bien plus croyable qu’un autre, nous va dire que ce ne fut pas son emploi.

Rien n’ay acquis des valeurs de ce monde,
Qu’une maistresse, en qui git et abonde
Plus de savoir, parlant, et escrivant,
Qu’en autre femme en ce monde vivant.
C’est du franc lys l’issue Marguerite,
Grande sur terre, envers le ciel petite :
C’est la princesse à l’esprit inspiré,
Au cueur eslu, qui de Dieu est tiré
Mieux (et m’en crois) que le festu de l’ambre :
Et d’elle suis l’humble valet de chambre.
C’est mon estat. O juge plutonique :
Le roy des Francs, dont elle est sœur unique,
M’ha fait ce bien : et quelque jour viendra,
Que la sœur mesme au frère me rendra [9].


Ces vers nous apprennent que François Ier. le donna à la princesse sa sœur. Cela paraît aussi par ce passage :

Ainsi je suis poursuy, et poursuivant
D’estre le moindre, et plus petit servant
De vostre hostel (magnanime princesse)
Ayant espoir que la vostre noblesse
Ne recevra, non pour aucune chose,
Qui soit en moy pour vous servir enclose :
Non pour prier, requeste, ou rhetorique,
Mais pour l’amour de vostre frère unique,
Roy des François qui à l’heure presente
Vers vous m’envoye, et à vous me presente
De par Pothon, gentilhomme honnorable [10].

(D) Il fut blessé et fait prisonnier à la journée de Pavie. ] L’auteur de la Vie de Clément Marot, insérée dans le Recueil des plus excellentes pièces des poëtes français [11], n’a pas oublié cette aventure. Il allègue ces vers de Marot, sans nous apprendre de quelle pièce ils sont tirés [12].

Là fut percé tout outre rudement
Le bras de cil, qui t’ayme loyaument :
Non pas le bras, dont il ha de coustume
De manier ou la lance, ou la plume :
Amour encor le te garde et reserve,
Et par escrits veult que de loing te serve.
Finalement, avec le roy mon maistre
Delà les monts prisonnier se vid estre
Mon triste corps, navré en grand souffrance.
Quant est du cueur, long temps y ha, qu’en France
Ton prisonnier il est sans mesprison.

(E) Les bigots le firent mettre en prison comme suspect d’hérésie. ] Ce fut à l’instance du docteur Bouchard, et lors que François Ier. était prisonnier de Charles-Quint en Espagne. Le premier de ces deux faits se prouve par ces paroles de Marot :

Donne response à mon present affaire,
Docte docteur. Qu t’ha induit à faire
Emprisonner depuis six jours en ça,
Un tien amy, qui unc ne t’offensa ?
Et vouloir mettre en luy crainte, et terreur
D’aigre justice, en disant, que l’erreur
Tient de Luther ? Point ne suis luthériste,
Ne Zuinglien, et moins anabaptiste :
Je suis de Dieu par son filz Jesu Christ [13].


Dans la suite de cette lettre il continue à protester qu’il est orthodoxe, et bon catholique. La preuve du second fait est contenue dans les vers que je vais copier. Notez que Marot y conte ce qui se passa entre ses juges et lui pendant sa prison.

Or suis-je loing de ma dame, et princesse,
Et près d’ennuy, d’infortune, et destresse,
Or suis-je loing de sa tresclere face.
S’elle fust pres (ô cruel) ton audace
Pas ne se fust mise en effort de prendre
Son serviteur, qu’on n’ha point veu mesprendre :
Mais tu vois bien (dont je lamente et pleure)
Qu’elle s’en va (helas) et je demeure
Avec Pluton, et Charon nautonnier.
Elle va veoir un plus grand prisonnier :
Sa noble mere ores elle accompagne
Pour retirer nostre roy hors d’Espagne [14].


Je ne sais point les circonstances de la fin de ce procès : je crois pourtant que le roi et la princesse Marguerite protégèrent notre poëte. Ne me dites point qu’il est constant que la lettre [15], qu’il écrivit à François Ier., le 15e. jour de sa prison, fut très-bien reçue, et que ce prince en fut si charmé qu’il écrivit lui-même à la cour des aides pour faire obtenir la liberté à Clément Marot [16] ; car cela regarde un autre emprisonnement où il n’était point question d’hérésie, et qui fut postérieur au retour du roi en France. Il est aisé de prouver toutes ces particularités. Marot déclare qu’il est en prison depuis quinze jours, et qu’on l’accuse d’avoir ôté aux sergens un prisonnier [17]. Il paraît par le registre de la cour des aides de Paris, que la lettre de François Ier., touchant l’élargissement de Marot, est datée de Paris, le 1er. de novembre 1527 [18]. Ce prince déclare qu’il a été dûment informé de la cause dudit emprisonnement, qui est pour raison de recousse de certains prisonniers ; et il enjoint que toutes excusations cessantes, on mette Marot hors des prisons ; la cour obéit. Voilà donc une faute à corriger dans le Recueil des plus excellentes pièces des poëtes françois, et dans la nouvelle édition des Œuvres de Clément Marot [19]. La Vie de ce poëte, dans l’un et dans l’autre de ces deux ouvrages, porte que la lettre de François Ier. à la cour des aides tira Marot de la prison où il avait été mis pour des soupçons d’hérésie. La cour des aides se mêlait-elle de cela ? Ceci nous doit tenir avertis nous autres qui écrivons la vie des particuliers, qu’il importe de faire attention aux plus petites circonstances.

(F) Il n’eut pas le courage de retourner à Paris. ] Il faut l’entendre lui-même : il nous dira qu’il y retournait ; mais qu’il rebroussa chemin lorsqu’on lui eut fait comprendre qu’on avait prévenu le roi. Les vers que je cite sont dans une lettre qu’il écrivit à ce monarque.

Pour revenir donques à mon propos,
Rhadamanthus aveques ses supposts
Dedans Paris, combien que fusse à Blois,
Encontre moy fait ses premiers exploits,
En saisissant de ses mains violentes
Toutes mes grandes richesses excellentes,
Et beaux tresors, d’avarice delivres :
C’est à savoir mes papiers, et mes livres,
Et mes labeurs. O juge sacrilege,
Qui t’ha donné, ne loy, ne privilege,
D’aller toucher, et faire tes massacres
Au cabinet des saintes muses sacres ?
Bien est-il vray que livres de deffense
On y trouva : mais cela n’est offense
A un poete, à qui on doibt lascher
La bride longue, et rien ne lui cacher [20].
.......................
Le juge donc affecté se monstra
Et mon endroit, quand les premiers outra
Moy qui estois absent, et loing des viles,
Où certains fols feirent choses trop viles,
Et de scandale : hélas ! au grand ennuy,
Au detriment, et à la mort d’autry.
Ce que sçachant, pour me justifier,
En ta bonté je m’osay tant fier,
Que hors de Blois party, pour à toy, Sire,
Me presenter ; mais quelqu’un me vint dire,
Si tu y vas, amy, tu n’es pas sage :
Car tu pourrois avoir mauvais visage
De ton seigneur. Lors comme le nocher,
Qui pour fuir le peril d’un rocher
En pleine mer se destourne tout court,
Ainsi pour vray m’escartay de la court :
Craignant trouver le peril de durté,
Où je n’euz onc fors douceur et seurté [21].


Notez qu’il commence cette lettre par représenter que sa fuite n’est point une preuve qu’il se connaisse coupable, mais seulement qu’il est convaincu de la mauvaise administration de la justice.

Je pense bien que ta magnificence,
Souverain roy, croira que mon absence
Vient par sentir la coulpe, qui me point
D’aucun mesfait ; mais ce n’est pas le poinct.
Je ne me sens du nombre des coulpables ;
Mais je sçay tant de juges corrompables
Dedans Paris, que par pecune prinse,
Ou par amis, ou par leur entreprinse,
Ou en faveur et charité piteuse
De quelque belle humble soliciteuse
Ilz sauveront la vie orde et immunde
Du plus meschant, et criminel du monde :
Et au rebours, par faute de pecune,
Ou de support, ou par quelque rancune,
Aux innocens ilz sont tant inhumains,
Que content suis ne tomber en leurs mains.
Non pas que tous je les mette en un compte :
Mais la grand’ part la meilleure surmonte.
Et tel merite y estre authorisé,
Don le conseil n’est ouy, ne prisé.
Suivant propos, trop me sont ennemys
Pour leur enfer, que par escrit j’ay mis,
Ou quelque peu de leurs tours je descœuvre,
Là me veult on grand mal pour petit œuvre ;
Mais je leur suis encor plus odieux,

Dont je l’osay lire devant les veux
Tant clervoyans de ta majesté haute,
Qui ha pouvoir de reformer leur faute [22].


Il nous apprend ensuite une chose dont ses historiens ne font point mention ; c’est qu’il fut saisi prisonnier pendant une grande maladie, et que le roi donna ordre qu’on le laissât en repos.

.....Mesmes un jour ils vindrent
A moy malade, et prisonnier me tindrent ;
Faisans arrest sus un homme arresté
Au lict de mort, et m’eussent pis traité,
Si ce ne fust ta grand’ bonté, qui à ce
Donna bon ordre avant que t’en priasse,
Leur commandant de laisser choses telles :
Dont je te rends graces tres immortelles [23].


Puis il passe à satiriser la Sorbonne, et à protester que les soupçons d’hérésie qu’on avait tâché de faire naître contre lui dans l’esprit du roi étaient injustes. Voici ce qu’il dit contre la Sorbonne :

Autant comme eux, sans cause qui soit bonne
Me veult de mal l’ignorante Sorbonne :
Bien ignorante elle est d’estre ennemie
De la trilingue et noble academie,
Qu’as erigée. Il est tout manifeste,
Que là-dedans contre ton veuil celeste
Est deffendu qu’on ne voise allegant
Hebrieu, ny grec, ny latin elegant :
Disant que c’est langage d’heretiques.
O povres gens de sçavoir tous ethiques !
Bien faites vray ce proverbe courant,
Science n’ha hayneux que l’ignorant.
Certes, ô roy, si le profond des cueurs
On veult sonder de ces sorboniqueurs,
Trouvé sera que de toy ils se deulent.
Comment douloir ? Mais que grand mal te veulent,
Dont tu as fait les lettres, et les arts
Plus reluisans, que du temps des Cesars :
Car leurs abus void on en façon telle.
C’est toy qui as allumé la chandelle,
Par qui maint œil void mainte verité,
Qui sous épesse et noire obscurité
A fait tant d’ans icy bas demeurance.
Et qu’est-il rien plus obscur qu’ignorance ?
Eux, et leur court, en absence, et en face,
Par plusieurs fois m’ont usé de menace,
Dont la plus douce estoit en criminel
M’executer [24]..............


Je ne rapporte pas le vœu héroïque qu’il ajoute. Il souhaite d’être immolé à leur rage, pourvu que l’église ne soit plus assujetie à leurs abus. Je doute qu’il poussât le zèle aussi loin qu’il le disait ; mais je ne doute point de ce qu’il dit que ces docteurs voulaient maintenir la barbarie. Cette partie du XVIe. siècle sera une tache éternelle à la Sorbonne, vu comme elle se conduisit. Passons aux protestations que ce poëte fit d’être orthodoxe :

Or à ce coup il est bien evident,
Que dessus moy ont une vieille dent,
Quand ne pouvans crime sur moy prouver,
Ont tres bien quis [25], et tres bien sceu trouver,
Pour me fascher, briefve expedition,
En te donnant mauvaise impression
De moy ton serf, pour apres à leur aise
Mieux mettre à fin leur voulonté mauvaise :
Et pour ce faire ilz n’ont certes eu honte
Faire courir de moy vers toy maint compte,
Aveques bruit plein de propos menteurs,
Desquelz ilz sont les premiers inventeurs.
De lutheriste ilz m’ont donné le nom :
Qu’a droit ce soit, je leur responds que non.
Luther pour moy des cieux n’est descendu :
Luther en croix n’ha point esté perdu
Pour mes pechez : et tout bien advisé,
Au nom de luy ne suis point baptizé :
Baptizé suis au nom qui tant bien sonne,
Qu’au son de luy le pere eternel donne
Ce que l’on quiert : le seul nom sous les cieux
En, et par qui, ce monde vicieux
Peut estre sauf ; le nom tant fort puissant,
Qu’il ha rendu tout genouil flechissant,
Soit infernal, soit celeste, ou humain :
Le nom, par qui du seigneur Dieu la main
M’ha preservé de ces grands loups rabis,
Qui m’espioient dessous peaux de brebis [26].

(G) Il obtint... la permission de revenir l’an 1536. ] Cette date se vérifie par son poëme intitulé le Dieugard à la Cour [27]. Il le composa peu-après son arrivée ; il y parle de la mort du dauphin, et du mariage de la princesse Magdeleine [28], et il remarque qu’elle partirait bientôt. Or le dauphin fut empoisonné au mois d’août 1536, et la princesse Magdeleine épousa le roi d’Écosse le Ier. de l’an 1537. Joignez à cela que Marot témoigne qu’il arriva à Lyon un peu après que François Ier. en fut parti [29].

Si qu’à Dieu rends graces un million,
Dont j’ai atteint le gracieux Lyon,
Où j’esperoys à l’arrivee transmettre
Au roy François humble salut en mettre [30] :
Conclud estoit. Mais puis qu’il en est hors,
A qui le puis-je, et doy-je addresser, fors
A toy qui tiens par prudence loyale,
Icy le lieu de sa hauteur royale [31] ?


M. Maimbourg dit que la duchesse de Ferrare obtint du roi le retour de notre poëte, sur l’assurance qu’elle donna qu’il serait désormais plus sage [32]. D’autres disent que François Ier. n’accorda à cette duchesse sa demande, qu’à condition que Marot rentrerait dans la religion romaine qu’il avait quittée, et serait plus discret à l’avenir [33]. Je n’ai point vu dans les Œuvres de Marot, que cette princesse se soit mêlée de cela et je doute que son zèle pour la religion protestante lui ait permis de négocier à de telles conditions le rappel d’un homme. Ce qu’il y a de certain, c’est que Marot, priant le dauphin de lui obtenir un passe-port pour six mois, déclara qu’il avait appris en Italie à être fort circonspect dans ses discours, et à ne parler jamais de Dieu.

Il le feroit [34], s’il savoit bien comment
Depuis un peu je parle sobrement :
Car ces Lombards, avec qui je chemine,
M’ont fort apris à faire bonne mine,
A un mot seul de Dieu ne deviser,
A parler peu, et à poltronniser.
Dessus un mot une heure je m’arreste :
S’on parle à moy, je respons de la teste.
Mais je vous pry mon saufconduit avons,
Et de cela plus ne nous esmayons [35].

(H) On prétend qu’il débaucha son hôtesse à Genève, et que la peine de mort... fut commuée..…. par la recommandation de Calvin. ] Tous ceux qui disent cela se fondent sur le témoignage de Cayet : c’est lui qu’il faut prendre pour le premier et pour le seul déposant. Florimond de Rémont, que l’on cite aussi, n’est que son copiste. Comme pour avoir bien lu et médité les psaumes, en les traduisant si mal, ce sont les paroles de M. Maimbourg, il n’en était pas devenu [* 2] plus homme de bien ; et qu’ensuite menant à son ordinaire une vie très-licencieuse, il eût débauché la femme de son hôte, ce qu’on punissait de mort à Genève, Calvin, par son crédit, fit [* 3] changer cette rigoureuse peine en une autre plus douce, qui fut celle du fouet qu’il eut par tous les carrefours [36]. Voici les paroles d’un autre écrivain : Ayant commis à Genève un adultère avéré, il n’eut pas manqué d’être pendu, si le crédit de Calvin n’eût fait commuer cette peine en celle d’être fouetté par les carrefours de Genève ; selon Cayet. Mais Bèze, par la considération qu’il avait pour un homme qui a suivi les mêmes erreurs que lui, et dont il a rachevé les psaumes, n’a pas expliqué ce fait si nettement [37]. Il est vrai que Théodore de Bèze se contente d’observer en général, que Clément Marot ne put jamais corriger l’habitude des mauvaises mœurs qu’il avait gagnée à la cour de France, Quamvis (ut qui in aulâ, pessimâ pietatis et honestatis magistrâ, vitam ferè omnem consumpsisset) mores parùm christianos ne in extremâ quidem ætate emendârit [38]. Cette expression générale signifie beaucoup, et insinue en particulier que Marot. n’édifia point les Génevois par sa chasteté. Quoi qu’il en soit, je ne trouve pas vraisemblable ce que Cayet conte ; car si un poëte aussi fameux que Marot, et aussi haï dans la communion romaine, eût été fouetté par les carrefours d’une grande ville, toute l’Europe l’eût bientôt su : on l’eût insulté sur cette infamie dans plusieurs livres ; il n’eût pas osé se présenter devant ceux qui commandaient en Piémont pour le roi de France ; nous ne serions pas réduits au seul témoignage de Victor Cayet, postérieur de tant d’années à cette aventure. Quelqu’un pourrait dire que les protestans eussent publié eux-mêmes cette punition, pour faire voir jusqu’où la sévérité de la discipline était portée dans Genève : mais convenons de bonne foi que cette instance n’est point forte ; car sans être consommé dans les finesses de la politique, on juge qu’il faut ménager la réputation d’un frère persécuté [39]. Au reste, il est ridicule de reprocher aux protestans l’usage public de la version de Marot, sous prétexte qu’il aurait été puni de ses adultères. Les mauvaises mœurs d’un poëte ne doivent pas empêcher que, s’il traduit bien les psaumes de David, on ne chante sa version dans les églises : tout de même que les mauvaises mœurs d’un peintre, ou d’un statuaire, ne doivent pas empêcher ceux qui vénèrent les images, de consacrer un tableau, ou une statue.

(I) Il mourut en Piémont l’an 1544, à l’âge d’environ soixante ans. ] Le premier de ces deux faits m’est fourni par Sainte-Marthe, et le second par Théodore de Bèze. Mais ne croyez pas que Sainte-Marthe se soit abaissé jusques à dire que Marot mourut l’an 1544. Cela eût été trop simple, et n’eût point permis que l’on débitât des phrases : il a donc fallu, pour donner lieu aux mots pompeux, marquer la mort de ce poëte à l’année de la bataille de Cérizolles. Cùm extorris et rerum tegenus Taurini apud Insubres procul à tuorum aspectu decesseris, eo ipso anno quo ad Ceresolam illius agri oppidum regius exercitus Anguiano duce insignerm de Cæsarianis victoriam reportavit [40]. Il y a parmi les vers de Marot [41] un dizain au roi, envoyé de Savoie l’an 1543, et [42] une Salutation du camp de M. d’Enghien à Dérizolles. Cela nous montre qu’il quitta Genève la même année qu’il y publia ses cinquante psaumes [43]. On a une églogue sur la victoire de ce duc d’Enghien [44]. À l’égard de ses soixante ans de vie, je dois recourir à d’autres témoins [45], car Sainte-Marthe ne s’abaisse point jusque-là.

Notez qu’on rectifiera ci-dessous, dans la remarque (R), ce qui concerne ces soixante ans. Les vers cités ci-dessus, citation (6) semblent prouver qu’en 1526 il n’avait que trente ans. Notez que dans son églogue, sous le nom de Pan et Robin, il se considère comme au voisinage de la vieillesse.

(K) La faute de chronologie qu’il semble que M. Maimbourg ait faite............ est très-légère. ] Il veut que Clément Marot n’ait pris la fuite qu’en 1535. Comme......... il vit que le roi son maître, après ce qu’il avait hautement déclaré dans la salle de l’évêché, n’épargnerait personne sur cela : il eut peur qu’on ne l’arrêtât, et s’enfuit bien vite en Béarn, et puis encore plus loin au delà des Alpes, à Ferrare, auprès de la duchesse Rence qui protégeait les protestans [46]. Ce que le roi déclara dans la salle de l’évêché concerne l’an 1535 [47]. M. Maimbourg le raconte [48] sous cette année-là avec bien des circonstances. Or nous avons vu ci-dessus que Marot revint de Ferrare en France, l’an 1556, et nous trouvons dans ses poésies [49] une lettre de Lyon Jamet à Marot, de laquelle les deux derniers vers sont ceux-ci :

C’est à Ferrare au huictieme an
De la sienne proscription,
Mais à la tienne intention
Que ce soit le dernier. Amen.


C’est une preuve, dira-t-on, que la fuite de Marot ne peut être mise pour le plus tard qu’en l’année 1528 ; Mais ceux qui parleraient de la sorte seraient très-blâmables ; car Lyon Jamet a marqué sa propre proscription, et non pas celle de Marot. On dira que ce dernier, dans une lettre qu’il écrivit à Ferrare sur le départ de madame de Soubise, dit [50] que cette dame quittait une cour où elle avait demeuré sept ans. Il est probable qu’elle suivit Renée de France, mariée l’an 1527 au duc de Ferrare : d’où l’on pourrait conclure qu’elle retourna en France, l’an 1534 ; ce qui prouverait que Marot était au delà des monts cette année-là. Mais j’avoue que cette preuve me paraît faible, quand je considère que Rabelais écrivit comme une nouvelle, l’an 1536, le renvoi de cette dame [51]. Comme je ne vois rien dans les œuvres de Marot, qui puisse faire juger qu’il demeura fort long-temps à la cour du duc de Ferrare, je ne vois point que M. Maimbourg s’éloigne beaucoup de la vérité ; car Marot nous dit lui-même qu’il demeura peu à la cour du roi de Navarre.

Si m’en allay, evitant ce danger,
Non en païs, non à prince estranger,
Non point usant de fugitif destour,
Mais pour servir l’autre roy à mon tour,
Mon second maistre, et la sœur son espouse,
À qui je fus des ans a quatre et douze,
De ta main noble heureusement donné.
Puis tost apres ; royal chef couronné,
Sçachant plusieurs de vie trop meilleure,
Que je ne suis, estre bruslez à l’heure.
Si durement, que mainte nation
En est tombée en admiration,
J’abandonnay, sans avoir commis crime ;
L’ingrate France, ingrate, ingratissime
A son poëte [52]..........


En comparant ce passage avec celui que l’on a vu ci-dessus [53], l’on reconnaît aisément la vraie époque de la retraite de Clément Marot, et l’on sait de quelle manière il en faut ranger les circonstances. Les ennemis de ce poëte le décrièrent auprès du roi au temps des placards, et sans doute ils le rendirent suspect d’être complice de l’insolence de ceux qui les affichèrent. Il en fut averti, et résolut de s’aller justifier. Mais parce qu’on lui fit craindre de n’en venir pas à bout, il se retira auprès de la reine de Navarre ; et apprenant là que François Ier. faisait brûler quelques luthériens, il s’éloigna encore plus de Paris, et se sauva en Italie. Ainsi M. Maimbourg ne s’est trompé que de peu de mois : il a cru que Marot ne se retira en Béarn qu’après la harangue du roi. On devait dire qu’il s’y retira quelques semaines auparavant [54].

(L) La Fontaine s’est reconnu son disciple. ] Voici ce qu’il écrivit à M. de Saint-Évremond :

Vos beaux ouvrages sont cause ;
Que j’ai su plaire aux neuf sœurs,
Cause en partie, et non toute :
Car vous voulez bien sans doute,
Que j’y joigne les écrits
D’aucuns de nos beaux esprits.
J’ai profité dans Voiture,
Et Marot par sa lecture
M’a fort aidé, j’en conviens.
Je ne sais qui fut son maître ;
Que ce soit qui ce peut être,
Vous êtes tous trois les miens [55].


J’oubliais maître Francois, dont je me dis encore le disciple, aussi bien que celui de maître Vincent, et celui de maitre Clément. À propos de ce qu’il dit qu’il ignore de qui Marot fut disciple, je rapporterai un passage de Louis Camérarius, qui nous apprendra que Jean le Maire de Belges fut le maître de Marot. Audivi ego ex viris dignis fide, eum illum Belgam, hominem doctum et in linguæ latinæ antiquioribus scriptis multùm versatum, pimum fuisse : qui rationem et modum demonstraret elegantioris sermonis gallici loquendo, scribendi autem quasi artis viam indicâsse, quam cùm ipse sequeretur usurpando, tùm aliis præcipiendo traderet : cumque poëtam quem Gallia habuit celeberrimum, et cujus ornatam copiam venustatemque imprimis admirata est, Clementem Marottum, eundem percoluisse, et componendi versus scientiam edocuisse [56]. N’en déplaise à l’auteur de ces paroles latines, elles sont très mal rangées et il n’aurait pas dû se prévaloir de la liberté que donne l’ancienne langue des Romains, de se servir d’expressions que l’on peut entendre en divers sens. Il faut consulter la chronologie, pour bien savoir s’il veut dire que Clément Marot enseigna à Jean le Maire à faire des vers, ou s’il entend que Jean le Maire enseigna cela à Clément Marot. Ce dernier sens est le véritable ; mais on ne le trouve que par une forte attention au but de l’auteur, fortifiée des lumières de la chronologie. Pourquoi fatigue-t-on ainsi sans nécessité l’esprit des lecteurs ? Je remarquerai par occasion une autre chose contre le même écrivain, au sujet du livre dont j’ai tiré le passage que l’on a vu : c’est la traduction latine du traité des schismes, composé en français par Jean le Maire de Belges. Elle fut imprimée à Leipsic, l’an 1572, avec des notes. Louis Camérarius ignore que Jean Schardius eût déjà fait imprimer[57] une traduction latine du même ouvrage, l’an 1566. Vossius ne connaissait pas la traduction de Louis Camérarius ; car il ne fait mention que de l’autre[58]. Notez que Marot, dans sa lettre à madame de Soubise, parle de Jean le Maire sans observer qu’il en eût été instruit.

Or adieu donc, noble dame, qui uses
D’honnesteté tousjours envers les muses.
Adieu par qui les muses desolées
Souventesfois ont été consolées,
Adieu qui voir ne les peult en souffrance.
Adieu la main qui de Flandres en France
Tira jadis Jean le Maire Belgeois,
Qui l’ame avoit d’Homere le Gregeois[59].


Mais voici ce que je trouve dans les recherches d’Étienne Pasquier : Notre gentil Clément Marot en la seconde impression de ses Œuvres reconnaissait que ce fut Jean le Maire de Belges qui lui enseigna de ne faillir en la coupe féminine[* 4] au milieu d’un vers[60].

(M) Il n’y a que trop de pièces obscènes parmi ses œuvres. ] Il suivait en cela, et l’esprit du temps, et celui des meilleurs poëtes de l’antiquité, et qui pis est, ses mœurs et son train de vie : car il était non-seulement un poëte de cour, mais aussi un homme qui aimait les femmes, et qui ne pouvait renoncer aux plaisirs des sens. Nous avons vu en latin le témoignage que Théodore de Bèze lui a rendu [61] : voyons ici en français comment il parle : Clément Marot, depuis son retour d’Italie à la cour, estoit fort mal voulu de la Sorbonne, pour avoir traduit tres-heureusement en langue française trente psaumes de David, dediés au roi, qui les trouva si bons, qu’ils furent imprimez. Mais si fut-il contraint de se saulver, et feit sa retraitte à Geneve, où il en traduit encores vingt. Mais, aiant esté toujours nourri en une tres-mauvaise escole, et ne pouvant assubjectir sa vie à la reformation de l’Evangile, il s’en alla passer le reste de ses jours en Piemont alors possedé par le roi, où il usa sa vie en quelque seureté sous la faveur des gouverneurs[62]. Il faut néanmoins avouer que les obscénités de Clément Marot sont moins grossières et mieux voilées, que celles des anciens poëtes romains, et que celles de plusieurs poëtes français camarades de Théophile. Ce qu’il y a d’étrange, c’est que les talens de son esprit, son sel, le tour agréable, vif, aisé, ingénieux de sa muse ne se font jamais sentir avec plus de distinction, que lorsqu’il traite un sujet sale. N’est-ce pas une chose étrange, que la plupart des poëtes aient le malheureux don de réussir de ce côté-là mieux que sur d’autres sujets ? Tel poëte dont les vers seraient insipides, s’il n’osait s’émanciper à la moindre liberté, fait des pièces excellentes[63] dès qu’il se met au-dessus de la pudeur. Cela ne saurait venir de la nature même de la poésie : il faut donc que cela vienne de la corruption du cœur de l’homme. Quelle qu’en puisse être la cause, l’effet a paru certain à ceux qui ont donné pour maxime qu’un poëte doit être chaste quant à sa personne, mais non pas quant à ses vers, vu qu’ils ne sauraient être gracieux et assaisonnés de sel, s’ils ne sont un peu impudiques.

Num castum esse decet pium poetam
Ipsum. Versiculos nihil necesse est :
Qui tum denique habent salem, ac leporem,
Si sunt molliculi, ac parùm pudici,
Et quod pruriat incitare possunt,
Non dico pueris, sed his pilosis,
Qui duros nequeunt movere lumbos[64].


Maxime fausse, ou pour le moins très-pernicieuse, et qui ne mériterait pas que des gens de bien au fond du cœur la considérassent comme une règle. Mais quoi ! il en va de ceci comme de la démangeaison des bons mots : aucune considération ne la peut brider [65] ; et lorsqu’un poëte se voit en état de faire merveille dans une épigramme, pourvu qu’il y fasse entrer quelques pensées obscènes, il quitte en faveur de son esprit les sentimens de son cœur. Des Accords en usa de cette manière. J’eusse volontiers, dit-il, retranché mes fescennines libertés de cet âge-là ; mais, puisque la pierre est jetée, il n’y a plus de remède : je n’excuserai par ce distique, que j’ai donné à un docte et sévère sénateur de notre parlement de Dijon, avec le livre,

Putidulum scriptoris opus ne despice, namque
Si lasciva legis, ingeniosa leges.


Et à la vérité, c’est chose vraie que je ne me suis jamais plu d’être vu ingénieux pour être lascif, mais j’ai été lascif seulement pour être ingénieux [66]. De tels écrivains peuvent trouver leur leçon dans ce dernier vers d’une épigramme de Martial [67],

Tanti non erat esse te disertum.


Leçon qu’il donnait aux autres, et dont il avait besoin lui-même autant que personne, et qu’il ne pratiquait pas. Revenons à Marot, pour dire que, selon toutes les apparences, son cœur s’accordait avec son esprit ; mais, quoi qu’il en soit, il ne tournait pas mal ces sortes de vers. Son épigramme d’une Épousée Farouche a paru digne à M. Ménage d’être insérée presque toute entière dans l’endroit de ses observations où il veut prouver que l’on disait autrefois j’ai mors, pour j’ai mordu [68].

(N) Je rapporterai quelques faits curieux touchant la version de L psaumes de David. ] Florimond de Rémond [69] assure que Marot, après son retour de Ferrare en France, fut exhorté par Vatable à mettre les psaumes de David en vers français, et qu’ayant suivi ce conseil, il publia la version de trente psaumes, et la dédia à Francois Ier. Elle fut censurée par la faculté de théologie de Paris, qui de plus fit des remontrances et des plaintes à ce monarque. « Le roi, qui aimoyt Marot pour la beauté de son esprit, usa de remises, monstrant avoir veu de bon œil les premiers traicts, et desirer la suite du reste. C’est pourquoy le poëte luy envoya cette épigramme.

» Puisque voulez que je poursuive, ô sire,
» L’œuvre royal du Psautier commencé,
» Et que tout cœur aymant Dieu le desire,
» D’y besongner me tiens pour dispensé :
» S’en sente donc que voudra offensé,
» Car ceux à qui un tel bien ne peut plaire,
» Doivent penser, si ja ne l’ont pensé,
» Qu’en vous plaisant, me plaist de leur desplaire.


» La publication pourtant, après plusieurs remonstrances faites au roy, en fut défendue. Mais.

» Des hommes plus la chose est desirée,
» Quand plus elle est aux hommes prohibée.


» On n’en pouvoit tant imprimer qu’il ne s’en debitast davantage. Ils ne furent pas lors mis en musique, comme on les voit aujourd’huy, pour estre chantés au presche : Mais chacun y donnoit tel air que bon lui sembloit, et ordinairement des vau-de-ville. Chacun des princes et courtisans en prit un pour soi. Le roi Henri second aymoit et prit pour le sien le psaume, ainsi qu’on oyt le cerf bruire, lequel il chantoit à la chasse. Madame de Valentinois qu’il aymoit prit pour elle, du fond de ma pensée, qu’elle chantoit en volte : La Royne avoit choisi, ne vueillez pas, ô Sire, avec un air sur le chant des bouffons. Le roi de Navarre Anthoine prit, revange moy, prend la querelle, qu’il chantoit en bransle de Poitou, ainsi les autres. Marot cependant, pour la seconde fois, craignant d’être mis en cage, car il ne pouvoit contenir sa langue, se refugia à Genefve, où il continua sa version jusques à cinquante psaumes [70]. » Bèze continua la version des cent autres [71], et les pseaumes, qu’il rhyma à limitation de Marot, furent receus et accueillis de tout le monde, avec autant de faveur que livre fut jamais ; non-seulement de ceux qui sentoient au lutherien, mais aussi des catholiques, chacun prenoit plaisir de les chanter. Aussi étoient-ils plaisans, faciles à apprendre, et propres à jouër sur les violes et instrumens. Calvin eut le soin de les mettre entre les mains des plus excellens musiciens qui fussent lors en la chrestienté, entr’autres de Godimel, et d’un autre nommé Bourgeois, pour les coucher en musique [72]... Dix mille exemplaires furent faits deslors de ces pseaumes rhymés, mis en musique, et envoyez par tout. A ce commencement chacun les portoit, les chantoit comme chansons spirituelles, mesmes les catholiques, ne pensant pas faire mal. Car ce n’etoit encores, et ne fut de quelques années après, le formulaire de la religion calviniste ; mais depuis ils furent ordonnez pour être chantez en leurs assemblées, distribuez par petites sections ; ce qui fut l’an 1553, pour servir comme les reposoirs d’un escalier à prendre haleine en une si longue dévotion telle que la leur. Car le chant des pseaumes qui se fait au presche dure demy-quart d’heure pour le plus. Apres qu’ils les eurent accouplez aux catechismes calviniens et genevois, l’usage en fut du tout interdit, et les premieres deffenses renouvelées, avec des peines rigoureuses, de sorte que chanter un pseaume c’estoit être lutherien [73]. Le précis de ce narré de Florimond de Rémond a été mis en très-beau latin par Famien Strada [74], qui observe en particulier que François Ier. chantait souvent cette traduction des psaumes [75].

Comme je m’arrête ici principalement aux faits, je n’ai point voulu me charger des observations critiques de Florimond de Rémond. Il veut que Marot ait falsifié le texte hébreu, quoique Vatable lui en donnât une très-bonne version. On a réfuté la critique de cet historien, non-seulement par des raisons, mais aussi par des autorités [76]. On a produit « l’Appobation des docteurs de Sorbonne, sur laquelle Charles IX, dans la plus grande ferveur des persécutions, accorda un privilége à Antoine Vincent, imprimeur de Lyon, pour l’impression des psaumes. La voici : Nous soussignés, docteurs en théologie, certifions qu’en certaine translation de psaumes à nous présentée, commençant au 48e. psaume, où il y a, c’est en sa très-sainte cité, poursuivant jusqu’à la fin, et dont le dernier vers est, chante à jamais son empire, n’avons rien trouvé contraire à notre foi catholique, ains conforme à icelle, et à la vérité hébraïque ; en témoin de quoi avons signé la présente certification, le 16 d’octobre, signé J. de Salignac. Viboult. Le privilége qui fut accordé à Plantin, pour l’impression de ces Psaumes, dit aussi, que ces psaumes avant l’impression avaient été examinés, visités et approuvés par M. Josse Schelling portionnaire de Saint-Nicolas, à Bruxelles, à ce député par le conseil de Brabant. Et qu’après que ces psaumes ont été achevés d’imprimer, ils ont été visités derechef et trouvés ne répugner point à la foi catholique [77]. » Afin qu’on voie les dates, il faut joindre à ces paroles ce qu’a dit le même auteur trois pages après ; c’est que l’édition pour laquelle Charles IX accorda un privilége à Antoine Vincent, imprimeur de Lyon, se voit encore aujourd’hui ; elle est de 1562, et le privilége du 19 d’octobre de la même année. Trois ans après, Plantin les imprima à Anvers, avec privilége de Philippe, roi d’Espagne [78]. M. Bruguier, ministre et professeur en théologie à Nîmes, a rapporté les propres termes du privilége de Charles IX. La plus authentique approbation de cet ouvrage dit-il [79], « fut celle du roi Charles IX en l’année 1561, lequel, après avoir fait examiner ces Psaumes par des personnes les plus doctes en la Sainte-Écriture et aux langues, trouva qu’ils avaient été fidèlement traduits selon la vérité hébraïque ; de sorte qu’étant en son conseil, il donna agréablement son approbation et son privilége pour l’impression et le chant de ces Psaumes. Voici les termes du privilége qui se trouve encore dams nos vieux psaumes : Par grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, a été donné et octroyé à Antoine, fils d’Antoine Vincent, marchand libraire à Lyon, privilége, congé, licence et permission, pour le temps et terme de dix ans prochains venans, ensuivans et consécutifs, d’imprimer, ou faire imprimer, quand et où bon lui semblera, tous les psaumes du prophète David, TRADUITS SELON LA VÉRITE HEBRAIQUE, et mis en rime française et bonne musique, comme a été bien vu et connu par gens doctes en la Sainte-Écriture et esdites langues, et aussi en l’art de musique, etc. » Il y a quelques difficultés dans tout ceci ; car on ne comprend guère que Charles IX ait donné à un libraire de Lyon un privilége le 19 d’octobre 1562, pour imprimer les psaumes de Clément Marot et de Théodore de Bèze. La première guerre civile de religion était alors dans son plus grand feu. Lyon était au pouvoir des huguenots depuis plus de cinq mois, et on les assiégeait dans Rouen actuellement. Il y a donc plus d’apparence que le privilége fut expédié l’an 1561, comme le dit M. Bruguier. Mais cette différence de date entre lui et les autres ministres [80] n’est point commode. Outre cela, on ne comprend point qu’en 1561 ou en 1562, la traduction qui se chantait à Genève ait été donnée à examiner aux sorbonnistes, tronquée des quarante-sept premiers psaumes ; car, selon Florimond de Rémond, les cinquante psaumes que Marot avait traduits, firent un corps avec les cent autres traduits par Théodore de Bèze, et avec les Catéchismes calviniens, dès l’an 1553 ; et depuis ce temps-là, l’usage en fut du tout interdit, et les premières défenses renouvelées avec des peines rigoureuses [81]. Notez que le psaume XLVIII, qui était le commencement de la translation présentée aux docteurs de Sorbonne, n’est pas de la traduction de Clément Marot, mais de celle de Théodore de Bèze. Il ne faut pas oublier que le sieur de Pours, dans sa vaste liste des psaumes qui ont été imprimés avec privilége [82], ne dit rien de l’édition de Lyon approuvée par la Sorbonne, et autorisée par Charles IX ; mais il observe que l’édition de Plantin, qui fut approuvée par un docteur à ce député par le conseil, et munie d’un privilége royal daté du 16 de juin 1564, fut achevée d’imprimer au mois de septembre suivant ; et que les noms de Clément Marot et de Théodore de Bèze n’y paraissent point [83]. [* 5] Joignez à ceci la remarque (S).

Jérémie de Pours remarque [84] que les cinquante psaumes de Clément Marot furent imprimés à Strasbourg l’an 1545, avec la Liturgie ecclésiastique. La musique n’y est pas partout pareille, dit-il, avec celle qui a suivi, et dont on s’est servi après. La poésie y est aussi, en plusieurs lieux, différente de celle qui est en ces vieilles éditions… Le premier psaume y finit ainsi :

Car le chemin des bons est approuvé
Du seigneur dieu, qui tousiours la trouvé
Droit et uni ; car on ne s’y fourvoye.


Les psaumes y sont entiers, sans pauses et sans les distinguer. Le Symbole des Apôtres et quelques autres cantiques y sont aussi en musique ; et par dessus le Décalogue de la composition ordinaire ; il y en a aussi un autre :

Oyons la voix que de sa voix
Nous a donné le createur,
De tous hommes legislateur,
Notre Dieu souverain. Kyrie-Eleison.


qui est là répété à la fin de tous les versets du Décalogue. Ce qui suit est digne de considération : « La première préface qui a été mise devant les psaumes de Clément Marot par l’église de Genève, est en date du 10 juin 1543, faite par M. Jean Calvin…. On imprima pour la première fois tous les psaumes avec leur musique, à Genève, avec une préface de capitulation de quelque subside pour les pauvres réfugiés à Genève ; que lors les autres imprimeurs, les imprimant sur les premières copies, fourniraient volontairement et libéralement. Les diacres de Genève, en l’an 1567, après la préface des sermons de M. Jean Calvin sur le Deutéronome, s’en sont plaints en la douleur de leur esprit, touchant ceux qui impriment ou font imprimer tous les jours, et qui ont par ci-devant imprimé les Psaumes mis en rhythme par M. de Bèze. Car il n’y a celui d’entre eux tous qui ne sache bien qu’ils ne peuvent en bonne conscience et ne doivent aussi les imprimer, sans payer à nos pauvres ce qu’il fut promis et arrêté avant que jamais on les imprimât la première fois[85]. » De Pours observe[86] que Louis Bourgeois a mis en musique 83 Psaumes à quatre, cinq et six parties, imprimés a Lyon l’an 1561, et[87] que Guidomel[88] a composé les psaumes de David, imprimés à Paris par Adrien le Roy et Robert Balaard, l’an 1565, et que nos psaumes ont été mis en musique à 4 et 5 parties par Claude Guidomel, et puis après par Claude le Jeune, qui était de Valenciennes [89].

Je m’étonne qu’il ne parle pas de celui qui fut le premier auteur de la musique ordinaire ; car la musique à plusieurs parties n’a jamais été en usage dans les temples des réformés. Voici ce qu’un professeur de Lausane m’a fait l’honneur de m’écrire : « J’ai déterré une chose assez curieuse, c’est un témoignage que M. de Bèze donna de sa main, et au nom de la compagnie ecclésiastique, à Guillaume Franc, le 2 de novembre 1552, où il déclare que c’est lui qui a mis le premier en musique les Psaumes comme on les chante dans nos églises : et j’ai encore un exemplaire des Psaumes imprimés à Genève, où est le nom de ce Guillaume Franc, et outre cela, un privilége du magistrat, signé Gallatin, scellé de cire rouge en 1564, où il est aussi reconnu pour l’auteur de cette musique. Notre Plantin, dans sa Lausanna restituta, lui rend le même témoignage [90]. »

Voici la réponse du sieur de Pours à Florimond de Rémond, touchant la conformité des airs de quelques psaumes avec des chansons vulgaires [91] : « Florimond conforme notre psaume 38 :

» Las en ta fureur aigue
» Ne m’argue,
» De mon fait Dieu tout puissant,


» sur ce vaudeville :

» Mon bel ami, vous souviene,
» de Piene,
» Quand vous serez par delà.


» Le ps. 130 est conforme à cet air :

» Languirai-je plus guere,
» Languirai-je toujours !


» s’il eût plu à ce conseiller, il y eût ajouté un cantique de l’adversité d’Angleterre changée en prospérité, sur le chant du ps. 38, ou sur une voix :

» Tous les huguenots de France,
» Mille cinq cens et cinquante,
» La regente,
» Qu’on appelle Élisabeth.


» Dont est dit,

» Comme aussi en Angleterre,
» Bonne terre,
» Dieu sa grâce a fait couler,
» Leur donnant en ce royaume
» Une dame
» Qui ne veut point vaciller.


» Celui-là semble plus ancien, intitulé sur le chant de Piène, sans y faire mention dudit psaume.

» Sus cardinaux archevesques,
» Et evesques,
» Venez tous me secourir,
» Moines, prestres et heremites,
» Jesuites,
» Venez pour me voir mourir.
» Papauté suis appelée,
» Qui meslée
» Me suis de perdre la gent,
» Envoyant dedans la flamme,
» Corps et ame
» Du riche et de l’indigent.
» Je veux que de moi on chante
» La meschante,
» Qui jusqu’au ciel s’eslevoit.
» Elle est cheute et abismée,
» La damnée,
» Qui tout le monde enchantoit.


» Or qu’ils sachent qu’on a ôté aux poëtes amoureux, comme à des injustes possesseurs, ces mignardises, et leur pétulance est convertie en sainteté. Ce qui soulait appartenir leur est ôté, et est comme sanctifié. Anciennement, ce qui était d’un usage commun, fût-ce même d’un butin, en étant cérémoniellement séparé et séquestré, quand on l’appliquait au service du sanctuaire, il était réputé pour chose sainte. » Après cela il use de récrimination [92] : il fait voir que la traduction des Psaumes en vers flamands, imprimée à Anvers par Simon Cock, l’an 1540, avec privilége impérial donné à Bruxelles l’an 1539, contient une musique empruntée des chansons vulgaires, et que cela même est marqué au commencement de chaque psaume [93]. Laissons-le parler son vieux gaulois. Vous trouverez és pseaumes de Cock ces inscriptions selon les pseaumes là marqués. Le ps. 72 est chanté sur la voix D’où vient cela ; de ps. 81, Sur le pont d’Avignon ; le ps. 99, Que maudit soit ce faux vieillard ; le ps. 103, Languir me faut ; le ps. 113, De tristesse et déplaisir ; de même le ps. 120, Madame la régente, ce n’est pas la façon ; le ps. 128, Il me suffit de tous mes maux ; le ps. 135, Le berger et la bergère sont à l’ombre d’un buisson. C’est un psautier flamand, et ces premiers motets tous françois y sont posés in ’t waelsche selon le style impérial annoté en notre preface, qui met le wallon pour bon françois [94].

J’ai coté en note [95] deux auteurs qui ont reproché aux catholiques les airs profanes de leurs noëls, etc. J’ajoute qu’on vient de réimprimer à Genève un écrit qui avait été publié l’an 1645, et qui donne la matière d’une forte récrimination. J’en tirerai ce morceau : Nullo delectu sacra profanaque juxta habet (hæc gens) imò tam præpostero cultu divina curat, ut pios ecclesiæ usus nullis non semper insanientis sæculi ludis pervertat, sordibusque contaminet. Quæ quidem satis denuò experti sumus, his natalis Christi nuper exactis temporibus, cùm omnia templa putidis profanarum cantionum vocibus personarent : ubi quotannis ipsum incarnationis mysterium turpissimis secularium cantuum odis conspurcatur ; tantusque amor est ecclesiasticos hymnos ad mundanas ejusmodi cantilenas inflectere, ut nulla, quantumvis obscœna vulgetur, quin statim in ecclesiis ridiculè detorta audiatur ; vixque in indignatione risum teneo, quoties recordationem subit alicubi videri sacrorum cantuum rituale, in quo hanc (ut alias omittam omninò turpes) rubricam legere est :

MAGNIFICAT : sur le chant,
Que ne vous requinquez-vous, vieille :
Que ne vous requinquez-vous donc [96] ?


L’écrit dont je parle fut composé par un avocat nommé Muret [* 6], qui adresse la parole au fameux Gassendi, pour lui représenter les cérémonies ridicules des Provençaux.

(O) .... Les particularités les plus notables me seront fournies par l’auteur d’une lettre.... écrite.... peu après la mort de Henri II. ] Elle est datée du 26 d’août 1559, et fut envoyée à Catherine de Médicis par un gentilhomme qui avoit servi la feue royne de Navarre, qui se soubscrivit Villemadon, avec lequel ladite dame [97] avoit autrefois privément conféré de ses affaires, et mesmes des poincts de la religion [98]. Je me servirai des termes même de la lettre ; car le nouveau français ne pourrait pas retenir la liberté et la force dont on se servait en ce temps-là. « [99] Je commenceray, madame, par vous dire que regnant le feu roy, lors dauphin, revenu de Piedmont, où il s’oublia tant, que de commettre un ord et sale adultère, par le conseil et conduicte de certains mignons, meschans et infideles serviteurs, et par lesquels d’abondant la miserable grande senechale, Diane de Poictiers, public et commun receptacle de tant d’hommes paillards et effrenez qui sont morts, et qui encore vivent, luy fut introduicte comme une bague dont il apprendroit beaucoup de vertu : et depuis que les nouvelles furent venues, que la bastarde estoit née du susdict adultere, vous fustes mise sur les rengs, madame, par les susdicts moqueurs, et ladicte vieille meretrice : qui vous despescherent et declarerent entre eux incapable de telle grandeur et honneur que d’estre femme d’un daulphin de France, pource que n’auriez jamais enfans, puis que mettiez tant à en porter, veu qu’il ne tenoit à vostre seigneur et mari. Il me souvient que au lieu et chasteau de Rousillon sur le Rosne, ils en tindrent un grand parlement, dont la cognoissance en vint à la feue roine de Navarre, qui vous aimoit singulierement, laquelle me dit [100] :..... Vous n’estiez aussi ignorante, madame, de telle meschanceté contre vous machinée, ains en aviez une playe fort sanglante au cœur, et cherchiez par larmes et prieres le Seigneur, par ce qu’en aviez affaire : et en ce temps-là vous le recognoissiez, honnorant la saincte Bible, qui estoit en vos coffres, ou sur vostre table, en laquelle regardiez et lisiez quelquefois : Et vos femmes et serviteurs avoyent ceste heureuse commodité d’y lire, et n’y avoit que la nourrice qui ne vous aimoit gueres, non plus qu’elle faisoit Dieu, qui en enrageoit..... Dieu ne vous respondit pas incontinent, mais vous laissa plusieurs ans languissante chercher, requerir, demander, qu’il s’esveillast à vostre aide..... L’Eternel vostre protecteur [101]..... va preparer et ouvrir le moyen par lequel il vouloit que toute la benediction du roy et de vous print naissance, et sortît en perfection et évidence. Car ce pere plein de misericorde meit au cœur du feu roy François d’avoir fort aggreables les trente psalmes de David, avec l’oraison dominicale, la salutation angelique, et le symbole des apostres, que feu Clement Marot avoit translatez et traduicts, et dediez à sa grandeur et majesté : laquelle commanda audict Marot presenter le tout à l’empereur Charles le quint, qui receut benignement ladicte translation, la prisa, et par paroles, et par present de deux cens doublons qu’il donna audict Marot, lui donnant aussi courage d’achever de traduire le reste desdicts psalmes, et le priant de luy envoyer le plus tost qu’il pourroit Confitemini Domino, quoniam bonus, d’autant qu’il l’aimoit. Quoy voyans et entendans les musisciens de ces deux princes, voire tous ceux de nostre France, meirent à qui mieux mieux lesdicts Psalmes en musique, et chacun les chantoit. Mais si personne les aima et embrassa estroictement, et ordinairement les chantoit, et faisoit chanter, c’estoit le feu roy Henri de manière que les bons en benissoyent Dieu, et ses mignons et sa meretrice les aimoyent ou faignoyent ordinairement les aimer à tant qu’ils disoyent, monsieur, cestuy-ci ne sera-il pas mien ? vous me donnerez cestuy-là s’il vous plaist : et ce bon prince alors estoit à son gré empesché à leur en donner à sa fantaisie. Toutesfois il retint pour luy, dont il vous pleut bien et doit souvenir, Madame, cestuy,

» Bienheureux est quiconques
» S’est à Dieu volontiers, etc. [102].


» Feit luy-mesme le chant à ce psalme, lequel chant estoit fort bon et plaisant, et bien propre aux paroles. Le chantoit et faisoit chanter si souvent, qu’il monstroit évidemment qu’il estoit poinct et stimulé d’estre benict, ainsi que David le descrit audict psalme, et de vous voir la verité de la figure de la vigne. Cela fut au sortir sa maladie à Angoulesme. La roine ma maistresse (qui pour lors estoit avec le roi Francois son frere) le priant d’embrasser en pitié et clemence les citadins de la Rochelle, en lieu de les massacrer, m’envoya vers vous pour sçavoir de sa maladie : laquelle trouvay ja tant diminuée, qu’il se mettoit à chanter lesdicts psalmes, avec lucs, violes, espinettes, fleustes, les voix de ses chantres parmi, et y prenoit grande delectation, me commandoit approcher ; parce qu’il cognoissoit que j’aymois la musique, et jouois un peu du luc et de la guiterne : et me fit donner le chant et les parties que je portay à la roine ma maistresse, avec la reconvalescence de vostre bonne santé. Je n’oublieray aussi le vostre que demandiez estre souvent chanté : c’estoit,

» Vers l’Éternel des oppressez le pere
» Je m’en iray, luy monstrant l’impropere
» Que l’on me faict, luy feray ma priere
» A haulte voix, qu’il ne jette en arriere
» Mes piteux cris, car en lui seul j’espere [103].


» Quand madicte roine de Navarre vit ces deux psalmes, et entendit comment ils estoient frequentement chantez, mesmes de monseigneur le daulphin, elle demoura toute admirative, puis me dit, je ne sçay où madame la daulphine a pris ce psalme, vers l’Eternel, n’est des traduicts de Marot. Mais il n’est possible qu’elle en eust sçeu trouver un autre où son affliction soit mieux despeincte, et par lequel elle puisse plus clairement monstrer ce qu’elle sent, et demander à Dieu en estre allegée, comme vrayement elle sera. Car puis qu’il a pleu à Dieu mettre ce don en leurs cœurs, voici le temps, voici les jours sont prochains, que les yeux du roi seront contens, les desirs de monsieur le daulphin saoulez et rassasiez, les pensées des ennemis de madame la daulphine renversées, mon esperance aussi et la foy de mes prieres prendront fin. Il ne passera gueres plus d’un an que la visitation misericordieuse du seigneur n’apparoisse, et gaigeray qu’elle aura un fils pour plus grande joye et satisfaction... [104] De treize à quatorze mois en là, vous enfantastes notre roy François, qui vit aujourd’huy….. [105] Mais ainsi que ce bon Dieu vous rendoit plus feconde, ainsi alloit le feu roy negligeant et oubliant tel bienfaict : dont advint que Dieu irrité permit que ce povre prince, enyvré de la menstrue de cette vieille paillarde Diane, donna par elle entrée en sa maison à un jeune serpent [106], qui secrettement leichoit le sein d’elle, dont il se feit oracle, et elle organe de lui, qui commença à blasmer les susdicts psalmes de David, lesquels enseignent à laisser tous pechez, fortifient la chasteté, et corroborent la vertu : et va faire feste des vers lascifs d’Horace qui eschauffent les pensées et la chair à toutes sortes de lubricitez et paillardises, et met en avant toutes chansons folles : et en faisoyent forger de leurs infames amours par ces beaux poëtes du diable, pour non seulement entretenir leur vie impure et impudique, ains pour les engouffrer et absorber en l’abysme de toute iniquité et desordre, voire de toute impieté. Car luy voyant que ladicte grande seneschalle avoit à l’imitation de vous une Bible en françois : avec un grand signe de la croix, un coup de sa main sur sa poictrine, et parole souspirante d’un hypocrite, la luy va despriser et damner, luy remonstrant qu’il n’y falloit pas lire, pour les perils et dangers qu’il y a, mesmes qu’il n’appartenoit aux femmes telle lecture : mais qu’en lieu d’une messe, elle en ouist deux, et se contentast de ses patenostres et de ses heures, où il y avoit tant de belles devotions et belles images. Et par ainsi ceste povre vieille pecheresse persuada tout son dire au feu roy, et vous y contraignoyent, madame, jusques à vous oster vostre confesseur Bouteiller, qui pour lors vous preschoit et administroit purement la verité evangelique, et au lieu dudict Bouteiller, vous bailla par force son docteur Henuyer sorboniste [* 7], pour suborner vostre conscience : et depuis le bailla au feu roy pour gouverner la sienne, sçavoir qu’elle disoit, et y imprimer ce qu’il vouloit. Brief il vous destroussa tous deux de ces saincts meubles qui ne perissent point, mais entretiennent en incorruption celuy qui les possede, et toute sa maison : les vous cacha, et vous rendit tous deux captifs de vaines superstitions, soubs la corde de la vieille, que premierement pour mieux jouer son roole il avoit aveuglée. »

(P) L’église de Genève, qui s’était servie la première de cette version... a été la première à l’abandonner. ] Il y a long-temps qu’on s’apercevait en France que certains endroits de cette version étaient devenus barbares, et cela fit naître à M. Conrart la pensée de la revoir. Il commença ce travail, et monsieur de la Bastide l’acheva. Mais leur nouvelle version ne fut jamais introduite dans le service public des réformés. S’il s’en fit des propositions, elles furent seulement examinées ; la décision fut toujours que l’on s’en tiendrait où l’on en était [107]. Les églises françaises, établies dans les pays étrangers depuis la révocation de l’édit de Nantes, ont continué à chanter la traduction de Clément Marot et de Théodore de Bèze. Enfin, on résolut tout de bon, dans l’église de Genève, de ne s’en plus servir, et d’introduire à la place la version de MM. Conrart et de la Bastide, après l’avoir retouchée, et y avoir fait quelques changemens. Les pasteurs et les professeurs de Genève firent savoir au public leur intention [108], par un avis qui fut imprimé au-devant de édition qu’ils donnèrent de cette nouvelle version, l’an 1695 ; et quelques années après ils abolirent l’usage de l’ancienne traduction, et prièrent les autres églises, par des lettres circulaires, d’en faire autant. Les églises de Hesse-Cassel, et de Neufchâtel ont établi l’innovation sur le même pied que l’église de Genève [109]. On ne sait pas encore [110] ce que feront les églises d’Angleterre et de Brandebourg ; mais on sait que le synode wallon assemblé à Rotterdam au mois d’août 1700, a résolu de retenir l’ancien usage, et de changer seulement quelques expressions ou quelques mots dans le vieux Psautier.

Il a paru une lettre d’un gentilhomme de Montpellier, datée du 5 de juin 1700, sur laquelle je ferai deux observations. Ce gentilhomme débite qu’après que M. Godeau eut fait imprimer sa Paraphrase sur les Psaumes, le jésuite Vavasseur mit en question s’il était poëte, dans une dissertation latine qui parut avec ce titre, An Godellus sit Poëta. Il se trompe : la dissertation de ce jésuite, Antonius Godellus, episcopus Grassensis, utrùm poëta, ne contient rien qui se rapporte aux psaumes de M. Godeau. Il dit qu’on peut appliquer aux poésies de Marot et de Bèze, ce que Quintilien disait d’Ennius : révérons les vers d’Ennius, comme nous révérons les bois que leur vieillesse nous rend vénérables, et dont les chênes antiques ébranchés ont moins de beauté qu’ils n’impriment de religion. Ennium sicut sacros vetustate lucos adoremus in quibus grandia, et antiqua robora jam non tantam habent speciem, quantam religionem. Quintil. lib. 10. cap. i. Il eût pu trouver dans Quintilien un autre passage plus propre à son but : c’est celui où il est marqué que les prêtres mêmes Saliens n’entendaient guère le cantique qu’ils chantaient ; mais que la religion ne permettait pas qu’on le changeât, et qu’il est juste de retenir les usages consacrés. Saliorum carmina vix sacerdotibus suis satis intellecta ; sed illa mutari vetat religio et consecratis utendum est [111]. Quand on allègue qu’il suffit d’ôter de la vieille traduction tantôt un mot, tantôt un autre, à mesure qu’ils deviennent bas, obscènes et inintelligibles, on ne manque pas de raisons très-spécieuses ; car il semble que pour éviter d’assez grands désordres ; il faut que les changemens de cette nature se fassent imperceptiblement. Si l’on emploie plusieurs siècles de suite cette méthode, il arrivera à la version de Marot et de Théodore de Bèze ce qui arriva au fameux navire de Thésée [112]. On le conservait comme une chose précieuse, et l’on n’y faisait des réparations qu’autant qu’il était fort nécessaire, c’est-à-dire qu’à porportion que quelque morceau s’en pourissait. Ce fut enfin un exemple dont les philosophes se servirent dans la dispute sur la question si les corps dont la matière a été changée, sont les mêmes corps, ou non.

Je ne ferai qu’une note sur la lettre que M. Jurieu a fait imprimer, où il condamne l’innovation. Il dit que les églises de France reçurent de l’église de Genève une liturgie et une versification qui même avait été faite et chantée à Paris avant que de l’être à Genève. Cela n’est point exact, puisque la versification faite à Paris ne comprenait que trente psaumes, et que ceux qui la chantèrent étaient indifféremment ou amis ou ennemis de la religion réformée. Ce fut à la cour de François Ier. qu’on la chanta principalement ; et l’on sait combien ce prince persécutait la nouvelle religion. Et si dans la suite les Français chantèrent les autres vingt psaumes de Marot, et ceux de son successeur, ce fut avant que les réformés se distinguassent par cette espèce de chant, et en fissent une partie de leurs exercices de dévotion : or ils ne firent cela qu’après que tout le Psautier eut été mis en musique à Genève, et réuni au catéchisme ; et dès ce temps-là les catholiques renoncèrent au chant de ces psaumes, comme on l’a vu ci-dessus dans un passage de Florimond de Rémond [113]. On ne peut donc point prétendre que cette versification ait été chantée à Paris avant que de l’être à Genève : on ne peut point, dis-je, prétendre cela dans le sens dont il est ici question ; car il s’agit d’un chant considéré comme une partie des exercices de piété. À cet égard-là son berceau est à Genève, et l’on ne peut disputer la primauté à l’église de Genève. Je sais bien ce que l’on peut alléguer touchant les nombreuses assemblées des réformés de Paris, environ l’an 1558. Théodore de Bèze en dit ceci [114] : « Ainsi donc se multiplioit assemblée de jour en jour à Paris, où il advint que quelques-uns estans au pré aux clercs, lieu public de l’université, commencerent à chanter les pseaumes : ce qu’estant entendu, grand nombre de ceux qui se pourmenoient, et s’exerçoient à divers jeux, se joignirent à ceste musique, les uns pour la nouveauté, les autres pour chanter avec ceux qui avoient commencé. Cela fut continué par quelques jours en tres-grande compagnie, où se trouverent le roy de Navarre mesmes avec plusieurs seigneurs et gentilshommes tant François que d’autres nations, se trouvans là et chantans les premiers : et combien qu’en grande multitude se trouve volontiers confusion, toutesfois il y avoit un tel acord, et telle reverence, que chascun des assistans en estoit ravi, voire ceux qui ne pouvoient chanter, et mesmes les plus ignorans estoient montés sur les murailles, et places d’alentour, pour ouïr ce chant, rendans tesmoignage que c’estoit à tort, qu’une chose si bonne estoit defendue. » Mais qui ne voit que tout ceci est postérieur au Psautier que ceux de Genève avaient joint au catéchisme ? Notez qu’avant que Théodore de Bèze eût travaillé à la version de cent psaumes, on chantait ceux de Marot dans les assemblées ecclésiastiques de Genève ; car sans doute les paroles que je vais citer se doivent entendre d’une assemblée de Genève : « [115] Theodore de Bèze escrivit de soi mesme en sa Paraphrase sur les Pseaumes en l’an 1581 : il y a maintenant trente deux ans (assavoir des l’an 1549 [116] que ce pseaume 91 fut le premier que j’ouï chanter en l’assemblée des chrestiens, la premiere fois que je m’y trovai ; et puis dire, que je me suis tellement senti resioui de l’ouïr chanter, à ceste bonne rencontre, que depuis je le porte comme engravé en mon cœur. »

(Q) Il était père... Michel Marot son fils, composa des vers qui ont été imprimés. ] Vous trouverez ceci dans la description de la fuite de Clément Marot.

J’abandonnai, sans avoir commis crime,
L’ingrate France, ingrate, ingratissime
A son poëte : et en la delaissant,
Fort grand regret ne vint mon cueur blessant :
Tu ments, Marot, grand regret tu sentis,
Quand tu pensas à tes enfans petits [117].


Concluons de là sûrement qu’il a été marié ; car il n’était pas assez perdu pour oser dire dans une lettre à François Ier. qu’il regrettait ses bâtards. La Croix du Maine rapporte que Michel Marot, fils de Clément Marot, a écrit quelques poésies françaises qui ont été imprimées avec les Contredits à Nostradamus, composés par le seigneur du Pavillon... imprimés à Paris l’an 1560, par Charles l’Angelier [118].

(R) Il y a certaines choses... qui doivent être rectifiées. Cela me donnera lieu d’indiquer la plus ample des éditions de ses Œuvres. ] Quand on nie ou que l’on révoque en doute ce qui est vrai, on a toujours tort ; mais on est quelquefois fort excusable, parce que l’on s’est fondé sur des raisons très-spécieuses. Je me trouve ici dans ce cas-là. J’ai contredit [119] un auteur qui a débité que Marot fut page d’un Nicolas de Neufville, qui fut le premier secrétaire d’état de sa famille [* 8], et qu’il lui dédia son poëme du temple de Cupidon, le 15 de mai 1538. C’est fort justement que j’ai nié qu’il ait été page de Nicolas de Neufville qui fut secrétaire d’état mais je ne devais pas nier qu’il n’eût été page du père de celui-là. Je me fondais sur la différence d’âge, je prenais pour un fait certain ce que Théodore de Bèze assure que Marot vécut soixante ans. Qui aurait pu s’imaginer que Théodore de Bèze se trompait, lui qui sans doute avait connu à Paris Clément Marot [120], et qui avait pu s’instruire à Genève de plusieurs particularités concernant ce fameux réfugié. Or, en supposant que Marot naquit l’an 1484, comme il fallait le supposer sur le témoignage de Théodore de Béze, on devait nier qu’il eût été page d’un Nicolas de Neufville, mort l’an 1599. Je tirais ma seconde raison d’un passage de Clément Marot, où il assure que depuis l’âge de dix ans il avait été toujours à la suite de François Ier. Cela convient-il à un homme qui a été page de Nicolas de Neufville ? De fort bonnes éditions des Œuvres de Clément Marot ne contiennent point l’épître dédicatoire du Temple de Cupidon. N’est-ce pas un sujet plausible de s’imaginer que si elle se rencontre dans quelques autres éditions, c’est une pièce supposée ? Voilà les principes sur lesquels j’ai raisonné dans la remarque (B) : on ne saurait disconvenir qu’ils ne fussent très-probables ; néanmoins je dois avouer ingénument que Marot a été page d’un Nicolas de Neufville, et qu’il l’avoue lui-même en lui dédiant le Temple de Cupidon. J’ai trouvé cette épître dédicatoire dans l’édition de Niort, par Thomas Portau, 1596. Cette édition [121] est meilleure qu’aucune autre que j’eusse consultée : les paroles de Marot sont celles-ci. « En revoiant les escrits de ma jeunesse, pour les remettre plus clers, que devant en lumiere, il n’est entré en mémoire, que estant encore page, et à toy, trés honoré seigneur, je composay par ton commandement la Queste de ferme amour, laquelle je trouvay au meilleur endroit du temple de Cupidon, en le visitant, comme l’aage lors le requeroit. C’est bien raison doncques, que l’œuvre soit à toi dédiée, qui la commandas, à toi mon premier maistre, et celui seul (hors mis les princes) que jamais je servi [122]. » Vous voyez par-là qu’il fit des vers avant que d’être sorti de page. Cette circonstance me confirme dans l’opinion où je suis présentement, que Marot mourut plus jeune que Bèze dit ; car s’il eût eu soixante ans lorsqu’il mourut en 1544, il serait né l’an 1484, et il eût servi chez Nicolas de Neufville vers le commencement du XVIe. siècle, et dès lors il eût commencé à faire des vers. Cependant, nous ne voyons pas qu’il en ait fait qui se puissent rapporter au règne de Louis XII[123]. Il est plus vraisemblable qu’il vint au monde l’an 1496. Prenez garde aux vers que je cite dans la remarque (B) : ils furent faits l’an 1526, et ils témoignent qu’à l’âge de dix ans il fut mené à la cour, et qu’il y avait vingt ans qu’il la suivait en labeur et souffrance. Nous n’avons point de vers où il parle de sa vieillesse : il se contente de dire qu’il est dans l’automne de son âge ;

...... Car l’yver qui s’appreste
A commencé à neiger sur ma teste [124].


Il dit ailleurs[125].

Plus ne suis ce que j’ay esté,
Et ne le saurois jamais estre :
Mon beau printemps, et mon esté,
On fait le saut par la fenestre.


L’automne de l’âge s’étend d’ordinaire entre quarante et cinquante-cinq ans plus ou moins : on est déjà dans l’hiver, lorsque l’on a soixante ans.

Puisque j’ai dit que l’édition de Niort, 1596, est meilleure que toutes celles que j’avais consultées, il faut que je marque ce qu’elle a de particulier. On y trouve quelques pièces qui manquaient à plusieurs des éditions précédentes, et qui ont été omises dans plusieurs des éditions postérieures. Les premières de ces pièces sont l’Épître en prose de Clément Marot à Étienne Dolet, du dernier jour de juillet mil cinq cent trente-huit. L’Épître en prose dudit Marot, du 12 d’août 1530, à un grand nombre de frères qu’il a, tous enfans d’Apollon. L’Épître en prose dudit Marot, à messire Nicolas de Neufville, chevalier, seigneur de Villeroi, sur son opuscule du Temple de Cupidon. On remit ces trois épîtres[126] de l’auteur, tant pour ce qu’elles donnent à connaître entre autres choses certaines particularités notables, qui servent tant à maintenir ses œuvres en leur entier, par les imprimeurs, que pour voir quel était son style en prose. On employa aussi l’Épître d’Étienne Dolet, avec ses annotations en marge sur l’Enfer dudit Marot. L’Épître dudit Marot à son ami, Antoine Couillart, seigneur du Pavillon, avec une épigramme de Michel Marot, fils unique dudit Clément Marot. Les trois premières de ces pièces sont au commencement du livre : la lettre de Dolet se trouve à la page 47, et celle de Marot au seigneur de Pavillon à la page 211. Celle de Dolet fut écrite à Lion Jamet, et est datée de Lyon, le premier jour de l’an de grâce 1542. Elle nous apprend que le Poëme de l’Enfer n’avait été imprimé, sinon en la ville d’Anvers. Notez que Clément Marot, dans sa lettre au même Dolet, fit beaucoup de plaintes contre ceux qui en imprimant ses œuvres, y avaient mêlé des pièces dont il n’était pas l’auteur, et dont les unes étaient froidement et de mauvaise grâce composées, et les autres toutes pleines de scandale et sedition. Le tort qu’ils m’ont faict, dit-il, est si grand et si outrageux, qu’il a touché mon honneur et mis en danger ma personne. Certes j’ose dire sans mentir (toutes fois sans reproche) que de tous ces miens labeurs le profit leur en retourne. J’ai planté les arbres, ils en cueillent les fruits. J’ai traîné la charrue, ils en serrent la moisson : et à moi n’en revient qu’un peu d’estime entre les hommes, lequel encore ils me veulent esteindre, m’attribuant œuvres sottes et scandaleuses. Je ne sai comment appeller cela, sinon ingratitude, que je ne puis avoir desservie, si ce n’est par la faute que je fis, quand je leur donnai mes coppies. Or je ne suis seul, à qui ce bon tour a été faict, si Alain Chartier vivoit, croi hardiment (ami) que volontiers me tiendroit compagnie à faire plaincte de ceux de leur art, qui à ses œuvres excellentes ajoustèrent la contre Dame sans merci, l’Hôpital d’Amours, la Plaincte de S. Valentin, et la Pastourelle de Granson : œuvres certes indignes de son nom ; et autant sorties de lui, comme de moi la Complainte de la Bazoche, l’Alphabet du temps présent, l’Épitaphe du comte de Sales, et plusieurs autres lourderies qu’on a meslées en mes livres. Voici un nouveau sujet de plainte. Encores ne leur a souffi, continue-t-il, de faire tort à moi seul, mais à plusieurs excellens poëtes de mon temps ; desquels les beaux ouvrages les libraires ont joints avecques les miens, me faisant (malgré moi) usurpateur de l’honneur d’autrui : ce que je n’ai peu savoir et souffrir tout ensemble. Si ai jetté hors de mon livre, non seulement les mauvaises, mais les bonnes choses, qui ne sont à moi, ne de moi : me contentant de celles que nostre muse nous produit. Toutefois, au lieu des choses rejectées (afin que les lecteurs ne se plaignent) si j’ai mis douze fois autant d’œuvres miennes, par ci devant non imprimées : mesmement deux livres d’épigrammes. Et après avoir revu et le vieil et le nouveau, changé l’ordre du livre en mieux, et corrigé mille sortes de fautes infinies procedans de l’imprimerie, j’ai conclu t’envoyer le tout, afin que sous le bel et ample privilege, qui pour ta vertu méritoire t’a esté octroyé du roi, tu le faces (en faveur de notre amitié) r’imprimer, non seulement ainsi correct que je te l’envoye, mais encores mieux : qui te sera facile, si tu y veux mettre la diligence esgale à ton savoir. Si l’on veut savoir en quoi consistait le nouvel arrangement de ses poésies, on n’a qu’à considérer ces paroles : « D’avantage par icelles leurs additions se rompt tout l’ordre de mes livres, qui tant m’a cousté à dresser, lequel ordre (docte Dolet, et vous autres lecteurs debonnaires) j’ai voulu changer à ceste derniere revue, mettant l’adolescence à part, et ce qui est hors de l’adolescence tout en un, de sorte que plus facilement que paravant rencontrerez ce que voudrez lire : et si ne le trouvez-là, où il soulait estre, le trouverez en reng plus convenable. » La conclusion de cette lettre est bien notable. Vous advisant, que de tous les livres, qui par cy devant ont esté imprimez sous mon nom j’advoue ceux-ci pour les meilleurs, plus amples, et mieux ordonnez, et desavoue les autres comme bastars, ou comme enfans gastez. C’est ce qu’il écrivit à Lyon, le 31 de juillet 1538. Il y avait alors près de huit ans qu’il avait fait imprimer les poëmes qu’il intitulait l’Adolescence, et auxquels la lettre à un grand nombre de frères qu’il a, tous enfans d’Apollon, servit de préface. Ce que je vais copier de cette lettre nous fera savoir l’empressement du public pour les productions de la muse de Marot. « Je ne sçay (mes très-chers freres) qui m’a plus incité à mettre ces miennes petites jeunesses en lumiere ; ou vos continuelles prieres, ou le desplaisir que j’ai eu d’en ouir crier et publier par les rues une grande partie toute incorecte, mal imprimée, et plus au profit du libraire, qu’à l’honneur de l’auteur. Certainement toutes les deux occasions y ont servi ; mais plus celle de vos prieres. » C’est dans la même lettre que l’on trouve ce que Pasquier nous a appris ci-dessus [127], « Esperant, de brief vous faire offre de mieux : et pour arres de ce mieux, desia je vous mets en veue, après l’Adolescence [128], ouvrage de meilleure trempe et de plus polie estoffe : mais l’Adolescence ira devant, et la commencerons par la premiere eclogue des buccoliques virgilianes, translatée (certes) en grande jeunesse, comme pourrez en plusieurs sortes connoistre, mesmement par les couppes feminines, lesquelles je n’observois alors ; dont Ian le Maire de Belges (en les m’apprenant) me reprint [129]. » Cette lettre fut écrite de Paris, le 12 d’août 1530 : et il est bon de remarquer cette date ; car c’est l’époque de la première édition que Clément Marot ait avouée et dirigée.

Quand l’édition de Niort ne procurerait que la connaissance des particularités que je viens de rapporter, elle mériterait d’être préférée aux autres ; mais ce n’est point là son seul avantage : les œuvres de Clément Marot y sont rangées en très-bon ordre, et augmentées de plusieurs pièces qui n’avaient point encore paru. Le libraire nous apprend qu’il avait fait ainsi disposer le tout à M. Francois Mizière Poictevin D. M. son ami, qui aimant la mémoire de l’auteur et la conservation de ses œuvres plus graves et moins lascives, en a voulu prendre la peine, par manière de récréation et relâche d’autres études plus sérieuses, s’étant en outre efforcé d’amplifier et éclaircir une bonne partie des petits titres en souscription, de chacun poëme ou sujet, par l’addition qu’il y a faite des circonstances convenables ; à savoir, à qui, de qui, de quoi, en quel lieu, en quel temps, et l’occasion pourquoi ils ont été écrits : voire autant qu’il l’a pu apprendre par l’histoire, de ce temps-là, et par l’édition d’Étienne Dolet, de l’an 1543, et autres précédentes, selon lesquelles ils ont été restitués là où ils avaient été ôté par quelques imprimeurs, qui tronquent trop hardiment les écrits des auteurs, et en ôtent leurs épîtres liminaires ou préfaces [130], empêchant par-là que les lecteurs ne comprennent plus aisément leur intention, avec l’ordre et procédure qu’ils tiennent en leurs livres, que presque toujours ils découvrent en leurs dites préfaces ou épîtres [* 9].

(S) Ce que j’ai dit [131] de certaines éditions du Psautier des protestans de Genève sera un peu augmenté. ] J’ai cité deux ministres [132], qui ont dit que Charles IX accorda un privilége pour l’impression de ce Psautier à Antoine Vincent, libraire de Lyon. Ce privilége est daté du 14 octobre 1562, à ce que dit l’un de ces ministres ; mais selon l’autre il fut donné l’an 1561. J’apprends de M. Daillé [133] ; qu’on l’expédia à Saint-Germain-en-Laie, le 19 octobre 1561 ; que Robertet, l’un des secrétaires d’état, y soussigna, et que ces Psaumes furent imprimés à Paris, l’an 1562, chez Adrien le Roi, chez Robert Balard, chez Martin le jeune, et chez Robin Motet ; et à Lyon, chez Jean Destournes. Par cette date on convainc de fausseté une observation de M. Jurieu [134] ; car il n’est pas vrai que le mois d’octobre 1561 ait été le temps où la ferveur des persécutions fut violente. C’était le temps du colloque de Poissi : les affaires de ceux de la religion n’allaient pas trop mal alors. Il ne sera pas inutile d’observer à quel propos M. Daillé fait mention de ce privilége des Psaumes. Il avait à répondre à une harangue que le clergé avait faite au roi Louis XIII, l’an 1636, dans laquelle on reprochait entre autres choses aux huguenots d’avoir effacé de leurs Psaumes un certain endroit qui contenait une prière pour le roi [135]. L’évêque d’Orléans portait la parole, et récita ces vers de la première version :

Seigneur plaise toi de defendre
Et maintenir le roi :
Veuille nos requestes entendre
Quand nous crions à toi.


Il prétendit qu’il n’y avait pas longtemps que les prétendus réformés avaient changé ces quatre vers-là en ceux-ci :

Seigneur plaise toi nous defendre
Et faire que le roi
Puisse nos requestes entendre
Encontre tout effroi.


Sa déclaration là-dessus fut très-violente. Je laisse ce que M. Daillé répondit quant au principal, c’est-à-dire pour faire voir que le texte hébreu est plus conforme à la dernière version qu’à la première, qui est selon la vulgate ; je dis seulement qu’il observa que la dernière version est celle qui a toujours été suivie depuis que les réformés obtinrent la première liberté de conscience par l’édit de janvier 1562. Il montre que c’est la version qui parut dans le Psautier imprimé avec le privilége que Charles IX accorda le 19 d’octobre 1561. Il avoue que la première manière de traduire est dans quelques éditions ; mais il dit qu’elles n’avaient pas été de l’usage des églises réformées, ou qu’elles ne l’avaient été que peu de temps. Il en avait vu une, qui (autant qu’il s’en pouvait souvenir) était de l’an 1559 [136]. Elle ne contenait qu’une partie des Psaumes. Notez ce qu’on a vu ci-dessus, citation (77), que le Psautier approuvé par les docteurs de Sorbonne ne commençait qu’au XLVIIIe psaume. D’où vint donc que tant d’éditions articulées par M. Daillé, et faites en vertu du privilége accordé par Charles IX ensuite de l’approbation des docteurs, contenaient le psaume XX ? M. Colomiés s’est déclaré pour la première version, et a blâmé Bèze de ce que l’ayant suivie dans sa première version des Psaumes, qui parut, si je ne me trompe, ajoute-t-il, l’an 1560, il l’abandonna depuis [137]. En quoi il fit fort mal, ce me semble, continue-t-il, de se corriger. Car (outre que cette dernière version n’est pas à beaucoup près si fidèle que la première) rapportant au peuple ce qui se doit entendre du roi, il a donné lieu par-là, quoique innocemment, à la calomnie dont on nous charge encore aujourd’hui.

  1. (*) Si M. Bayle avait pu consulter les anciennes, particulièrement celle d’Étienne Dolet, Lyon, 1542, où cette épître se trouve, il aurait va qu’en effet, lorsque Marot composa son poëme du Temple de Cupidon, il était page de Nicolas de Neufville, seigneur de Villeroy. Ce poëme, au reste, paraissait pour le moins dès l’année 1532, puisqu’on le trouve parmi l’Adolescence Clémentine, réimpr., in-8°., à Paris cette année-là, par Geofroy Tory. Ainsi la dédicace du même poëme au seigneur de Villeroy, l’an 1638, regardait proprement une dernière révision que l’auteur en avait faite, et c’est aussi ce que cette dédicace dit expressément Rem. crit.
  2. (*) Hist. ecclésiast. des Églises réf., l. 1.
  3. (*) Cayet, en son Formul. Flor. de Bœm., l. 8, c. 18.
  4. (*) Marot fait cet aveu dans sa lettre à ses confrères en Apollon. Elle est datée de Paris, du 12 d’août 1532, et se trouve en tête de l’Adolescence Clémentine de cette année-là. Rem. crit.
  5. (*) Le privilége pour la version des autres psaumes est, non pas du 19 d’octobre 1562, comme l’a cru M. Jurieu, mais du 17 d’octobre 1561, et c’est le même que M. Bruguier a rapporté sous cette date. Du reste, quoique je suis bien persuadé que l’approbation de la Sorbonne, du 16 d’octobre 1561 existe, je ne puis dire où elle est ; car le privilége du 19 d’octobre ne la contient point, et n’en fait pas même mention. Voici sur tout cela ma pensée, qui pourtant ne me satisfait pas entièrement,

    Il n’y a pas de doute que le roi François Ier. n’ait donné son privilége pour l’impression des Psaumes dont Marot lui dédia la version. Ce fut, je pense, en l’année 1540, en conséquence de l’approbation mentionnée par Sleidan, l. 15, sur l’an 1543. Mais ce privilége ne regardait que les trente psaumes traduits jusqu’alors par ce poëte. Ces trente psaumes font partie des Œuvres de Marot, imprimées in-8°., par Dolet, en 1542, avec privilége pour dix ans, dit le titre de cette édition.

    Il faut pourtant bien que, dans l’intention de la Sorbonne, cette approbation emportât beaucoup moins qu’une permission d’imprimer, puisqu’au rapport de Sleidan, au même endroit, depuis l’impression de ces trente psaumes, procurée par Marot, ce poëte, comme luthérien tout-à-fait déclaré, fut contraint de se retirer à Genève, où en 1543, il mit en vers vingt autres psaumes qui, ayant été imprimés à Genève, la même année, avec les trente premiers, donnèrent lieu à la préface dont Calvin accompagna cette édition.

    On ne voit pas que jusqu’en l’année 1553 les réformés, soit régnicoles, soit simplement français, aient chanté d’autres psaumes que ces cinquante, si ce n’est autres huit psaumes, de versificateurs dont les noms m’ont jamais été bien connus, lesquels huit psaumes avec les trente premiers de Marot, furent en 1542, imprimés en gothique, à Rome, par le commandement du pape, par Théodore Drust, Allemand, son imprimeur ordinaire, le 15 de février, lit-on au dernier feuillet du livre imprimé in-8o., sans autre nom ni de lieu ni d’imprimeur. Jérémie de Pours n’a point connu cette édition, laquelle, soit dit en passant, ne diffère de celle de Strasbourg, 1545, que par le nombre de psaumes. Les cent autres, mis en vers par Bèze, parurent vraisemblablement en 1553, puisque ce fut en ce temps-là, qu’accouplés avec le Catéchisme et avec la Liturgie de Genève, ils excitèrent tout de bon l’aversion des catholiques, qui, à l’exemple du roi François Ier., au lit de la mort (inventaire de Serres, à l’endroit où il y est parlé de la mort du roi François Ier.) n’avaient pas fait de scrupule de se servir des cinquante premiers.

    Cette aversion continua jusqu’au temps du colloque de Poissy, dont l’issue favorable aux réformés, produisit, le 19 d’octobre 1561, le privilège du roi Charles IX, sur l’approbation donnée le 16 par la Sorbonne, pour la version du reste des psaumes huguenots, en conséquence de quoi parut à Lyon, en 1562, l’édition d’Antoine Vincent, sur laquelle, plusieurs années de suite, il s’en fit d’autres en diverses formes à Lyon, à la Rochelle et ailleurs ; toutes en vertu de ce privilége, qu’on aurait bien fait d’y insérer tout au long, et de même l’approbation de la Sorbonne.

    La lettre du nommé Villemadon, rapportée par M. Bayle, sous la lettre O, fait mention du psaume : Vers l’Éternel des oppressés le père, etc. Ce psaume, qui est le 142e., et suivant la remarque de Jérémie de Pours, le 141e., comme on comptait en ce temps-là ; ce psaume, dis-je, est le pénultième de l’édition gothique de 1542, et il était alors tout nouvellement mis en vers, vraisemblablement à l’usage de la dauphine Catherine de Médicis, à laquelle, jusqu’alors stérile, et pour cela même menacée d’un divorce, il faisait espérer dans peu la naissance du prince dont en effet elle accoucha l’année suivante. Rem. crit.

  6. * Joly dit que l’auteur de la Querela ad Gassendum ne s’appelait pas Muret, comme l’a cru Bayle, ni Naudé, comme le dit Thiers, mais Neuré. Joly dit qu’on peut, sur ce Neuré, consulter les Œuvres mêlées de Chevreau ; c’est dans le Chevræana qu’il en est question. Neuré a un article dans le Moréri de 1759.
  7. * Leclerc fait ici une remarque étrangère à Bayle. Du mot sorboniste employé dans le passage transcrit par Bayle, il conclut qu’on a eu tort, dans le Moréri, de donner à Hennuyer la qualité de jacobin, contre l’opinion de lui, Leclerc.
  8. * Leduchat observe, 1°. que Nicolas de Neufville ne fut pas secrétaire d’État, mais secrétaire du roi, maison et couronne de France ; 2°. que du temps de Marot, ceux qu’on nommait pages, n’étaient probablement pas comme depuis, des enfans de qualité, qu’on ne place sur ce pied-là qu’auprès des princes et des personnages du plus haut rang. Marot n’était pas gentilhomme, et la naissance de Nicolas de Neufville, ni son emploi, ne lui donnaient pas le droit d’avoir un page de cet ordre. Aujourd’hui, en France, le roi seul a des pages.
  9. * L’édition la plus ample, comme dit Bayle, des Œuvres de Marot, est celle que l’on doit à Lenglet Dufresnoy, la Haye, 1731, quatre volumes in-4°. ou six volumes in-12.
  1. Voyez Pasquier, Recherches de la France, liv. VII, chap. VI, pag. m. 613.
  2. Voyez l’épître de Marot du Camp d’Attigny, (pag. 104, édition de la Haye, 1700) et la suivante.
  3. Voyez la remarque (F), citation (22).
  4. La duchesse d’Alençon était devenue reine de Navarre par son mariage avec Jean d’Albret.
  5. Voyez l’épître que Marot écrivit au roi pendant son exil.
  6. Sleidan., lib. XV, ad ann. 1543, folio m. 366.
  7. Pasquier, Recherches, liv. VII, chap. V, pag m. 613, 614.
  8. M. de la Bruyère, dont on verra les paroles dans la remarque (M) de l’article Ronsard, tom. XII, confirme ceci.
  9. Adrian Moetjens. Son édition est de l’an 1700, en deux volumes in-12.
  10. Baillet, Jugement sur les Poëtes, article 1275.
  11. Voyez les Observations de M. Ménage sur les poésies de Malherbe, pag. 402. Mais notez que Marot se dispensait quelquefois de ce mélange.
  1. La Croix du Maine, pag. 242.
  2. Tiré de du Verdier Vau-Privas, Biblioth. française, pag. 718.
  3. Rocolles, Histoire véritable du Calvinisme, liv. V, pag. 153.
  4. Selon le père Anselme, Histoire des grands Officiers, pag. 273, il mourut l’an 1617, âgé de soixante-quinze ans.
  5. Anselme, là même.
  6. Marot, au poëme intitulé l’Enfer, pag. 42, édition de la Haye, 1700.
  7. Celle de Paris, chez Nicolas du Chesmin, 1545, in-16. Celle de Paris, chez Etienne Groulleau. 1552, in-16. Celle de Lyon, chez Guillaume Rouille, à l’écu de Venise, 1558, in-16. Celle de Rouen, chez Raphaël du Petit Val, 1596, in-12. Celle de Rouen, chez Claude le Vilain, 1615, in-12. Celle de la Haye, chez Adrien Moetjens, 1700, in-12.
  8. Rocolles, Hist. véritable du Calv., p. 154.
  9. Marot, au poëme intitulée l’Enfer, p. 43.
  10. Marot, dans le Despourveu à madame la duchesse d’Alençon, pag. 194.
  11. Imprimé à Paris, cher Claude Barbin, 1692.
  12. C’est de la Ire. élégie, pag. m. 47. Elle n’est point adressée au roi, comme on l’assure dans la Vie de Clément Marot, au-devant de ses Œuvres, à l’édition de la Haye, 1700.
  13. Marot, Épître à M. Bouchart, docteur en théologie, pag. 116.
  14. Marot, au poëme intitulé l’Enfer, p. 43.
  15. Elle est à la page m. 149 de ses Œuvres.
  16. Vie de Clément Marot, dans le Recueil des plus excellentes pièces des Poëtes français, tom. I.
  17. Voyez sa Lettre au roi, pag. 149.
  18. Voyez l’Anti-Baillet de M. Ménage, ch. CXII.
  19. Celle de la Haye, 1700.
  20. Marot, Épître au Roi, du temps de son exil à Ferrare, pag. 179.
  21. Là même, pag. 180.
  22. Là même, pag. 176.
  23. Là même, pag. 177.
  24. Là même.
  25. C’est-à-dire, cherché.
  26. Marot, Epître au Roi, du temps de son exil à Ferrare, pag. 178,
  27. Pag. m. 191.
  28. Il l’appelle Reine Magdeleine : cela ne prouve pas que les noces fussent faites. Il suffisait que le mariage fût arrêté.
  29. Ce prince en partit après que l’empereur Charles-Quint se fut retiré de Provence, pendant l’automne de l’an 1536.
  30. C’est-à dire envers.
  31. Marot, dans son poëme au cardinal de Tournon, pag. 189.
  32. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 97.
  33. Vie de Marot, dans le Recueil des plus excellentes pièces des Poëtes français.
  34. C’est-à-dire le roi me rappelleroit.
  35. Marot, Épître à monseigneur le dauphin, pag. 183.
  36. Maimbourg, Hist. du Calvinisme, liv. II, pag. m. 99.
  37. Vie de Clément Marot, dans le Recueil des plus excellentes pièces.
  38. Beza, in Iconibus.
  39. Notez que les registres publics de Genève ne font aucune mention de cette peine de Clément Marot. Voyez M. Jurieu, Apologie pour les Réformés, chap. VII, pag. 124.
  40. Sammarthanus, Elog., lib. I, p. m. 24.
  41. À la page 383.
  42. À la page 387.
  43. Edidit illos (quinquaginta Psalmos) hoc anno Genevæ quo sese receperat, cùm in Galliis propter lutheranismi suspicionem parùm esset tutus. Triginta quidem psalmos ediderat antè biennium. Sleidanus, lib. XV, folio m. 366 verso, ad ann. 1543.
  44. À la page 473.
  45. À Théodore de Bèze, qui a dit, in Iconibus, circiter annum vitæ sexagesimum mortuus. C’est apparemment sur la parole de Bèze, que la Croix du Maine a dit, pag. 65, que Marot mourut âgé de soixante ans ou environ.
  46. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 97.
  47. Voyez Bouchet, aux Annales d’Aquitaine folio m. 271.
  48. Pag. 30 et suivantes.
  49. À la page 174.
  50. Œuvres de Marot, pag. m. 209.
  51. Voyez l’article Ferrare, tom. VI, pag. 442, citation (47).
  52. Marot, Épître au roi, du temps de son exil à Ferrare, pag. 180, 181.
  53. Citation (21).
  54. L’affaire des placards regarde le mois de novembre 1534 : la procession et la harangue de Francois Ier. appartiennent au mois de janvier 1535.
  55. La Fontaine, Œuvres posthumes, pag. 107, édition de Hollande.
  56. Ludovicus Joach. F. Camerarius, in Proæmio versionis latinæ Tractatûs de Differentiis Schismatum.
  57. À Bâle, avec les quatre livres de Theodoricus à Niem Historiarum sui temporis.
  58. Vossius, de Histor. lat., pag. 650.
  59. Marot, Epître à madame de Soubise, pag. 209.
  60. Pasquier, Recherches, liv. VII, chap. V, pag. m. 612. Voyez les paroles de Marot, dans la remuarque (R).
  61. Dans la remarque (H), citation (38).
  62. Bèze, Histoire ecclés. des Églises, liv. I, pag. 33.
  63. Poétiquement parlant, mais non pas moralement parlant.
  64. Catul., epigr. XVI.
  65. Voyez, dans ce volume, pag. 284, la remarque (D) de l’article Marie l’Égyptienne.
  66. Des Accords, préface des Bigarrures.
  67. La XLIIIe. du XIIe. livre.
  68. Ménage, Observations sur la langue française, tom. I, pag. 90, édition de Paris, 1675.
  69. Flor. de Lémond, Histoire de la Naissance et Progrès de l’hérésie, liv. VIII, chap. XVI, pag. m. 1042 et suiv. Voyez aussi M. Varillas, son copiste, au livre XXI des Révolutions, pag. 48 et suiv., édition de Hollande.
  70. Le même Flor. de Rémond, Hist. de la Naissance et Progrès de l’hérésie, liv. VIII, chap. XVI, pag. m. 1043.
  71. Là même, pag. 1044.
  72. Là même, pag. 1049.
  73. Là même, pag. 1050.
  74. Strada, de Bello belg., dec. I, lib. III, pag. m. 130, 131.
  75. Rex quamvis ejus (Maroti) versiculos identidem cantitaret. Idem, ibidem.
  76. Voyez M. Jurieu, Apologie pour les Réform., tom. I, pag. 126 et suiv., édition in-4°.
  77. Là même, pag. 127.
  78. Là même, pag. 130.
  79. Bruguier, Discours sur le chant des Psaumes, pag. 32, 33. Ce discours fut imprimé l’an 1664.
  80. M. Drelincourt, dans ses Dialogues contre les Missionnaires sur le service des églises réformées, pag. 59, assure que tous les psaumes furent imprimés à Lyon et à Paris, avec un privilége authentique du roi Charles IX, l’an 1562.
  81. Florim. de Rémond, Histoire de l’hérésie, liv. VIII, chap. XVI, pag. 1050.
  82. Jérémie de Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 570 et suiv.
  83. Là même, pag. 571.
  84. Jérémie de Pours, divine Mélodie au saint Psalmiste, pag. 570.
  85. Là même, pag. 582.
  86. Là même, pag. 575.
  87. Là même, pag. 581.
  88. Il fallait dire Goudimel.
  89. De Pours, divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 721.
  90. Lettre MS. de M. Constant de Rebecque, dont on parlera ci-dessous, dans la citation (h) de la Dissertation concernant Junius Brutus, à la fin de cet ouvrage, tom. XV.
  91. De Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 577, 578.
  92. On en usa aussi quand on répondit à l’Histoire du Calvinisme de Maimbourg ; car on reprocha les airs sur quoi les Noëls sont chantés, et les cantiques spirituels de Colletet, et ceux dont l’auteur de l’Évêque de Cour s’est tant moqué. Voyez M. Jurieu, Apologie pour les Réformateurs, pag. 128, 129, et M. Rou, Remarques sur l’Histoire du Calvinisme, p. 39 et suiv.
  93. De Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 571.
  94. Là même, pag. 578.
  95. Ci-dessus, citation (92).
  96. Querela ad Gassendum de parùm christianis Provincialium suorum ritibus, etc., pag. 71, edit. Genev., 1700.
  97. C’est-à-dire Catherine de Médicis.
  98. Bèze, Histoire ecclésiastique, liv. III, pag. 225.
  99. Recueil des Choses mémorables faites et passées pour le fait de la Religion et État de ce royaume, depuis la mort du roy Henri II, tom. I, pag. 501, édit. de 1565, in-12.
  100. Recueil des choses mémorables, etc., depuis la mort du roi Henri II, tom. I, pag. 502.
  101. Là même, pag. 503 et suiv.
  102. C’est le psaume CXXVIII.
  103. C’est le commencem. du psaume CXLI.
  104. Recueil des choses mémorables... depuis la mort de Henri II, pag. 505.
  105. Là même, pag. 506.
  106. On veut parler du cardinal de Lorraine.
  107. En style latin il faudrait dire que ces propositions furent antiquatæ : car le résultat fut antiqua maneant. Notez que les églises de France n’auraient pu rien décider sur cela ; car depuis que cette version fut faite, elles n’eurent point la permission de tenir un synode national.
  108. Voyez la lettre qui a pour titre : Réponse à une lettre imprimée que M. Jurieu a écrite à un ministre français de Londres, contre le Changement des Psaumes, proposé par l’église de Genève. Cette réponse contient treize pages in-4°., et est datée du 24 de juillet 1700.
  109. Là même, pag. 11.
  110. On écrit ceci en octobre 1700.
  111. Quintil., lib. I, cap. VI, pag. m. 39.
  112. Voyez Plutarque, in Theseo, p. 10, C.
  113. Citation (73).
  114. Bèze, Hist. eccles., liv. II, pag. 141. Voyez aussi Jérémie de Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 731, 732.
  115. De Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 730.
  116. Je ne crois pas que le sieur de Pours ait bien calculé ; car Bèze étant arrivé à Genève, le 24 d’octobre 1548, quelle apparence qu’il n’ait commencé d’assister aux assemblées des fidèles, qu’en 1549 ?
  117. Marot, Épître au roi, au temps de son exil à Ferrare, pag. m. 181. Ajoutez que dans de poëme où il prie le dauphin de lui faire avoir un passe-port, pag. 182, il dit :

    Non pour aller visiter mes chasteaux,
    Mais bien pour voir mes petits Maroteaux.

  118. La Croix du Maine, pag. 326.
  119. Dans la remarque (B).
  120. Bèze, ayant un talent exquis pour la poésie, se fit sans doute connaître à Clément Marot, ou trouva pour le moins les occasions de le voir.
  121. M. des Maizeaux m’a fait la faveur de me donner son exemplaire, en juin 1702.
  122. Marot, épître dédicat. à messire Nicolas de Neufville, Chevalier, seigneur de Villeroy. Elle est datée de Lyon, le 15 de mai 1528.
  123. Voyez son églogue de Pan et Robin, l’on voit que ses premières poésies furent faites sous François Ier.
  124. Marot, Églogue de Pan, pag. 38, édit. de Niort, 159.
  125. Épigramme, pag. 433.
  126. Notez que les deux premières furent prises de l’édition de Lyon, 1543, faite par Étienne Dolet.
  127. Dans la remarque (L), à la fin.
  128. À cette occasion, je remarquerai que le livret de la Suite de l’Adolescence Clémentine fut imprimée, à Lyon, par François Juste, l’an 1534. Voyez l’édition de Niort, pag. 398.
  129. Marot, Épître à un grand nombre de Frères.
  130. Voyez par-là combien est invétérée la coutume dont on se plaint encore aujourd’hui, comme on le peut voir dans la remarque (F) de l’article Alexander ab Alexandro, tom. I, pag. 444.
  131. Dans la remarque (N).
  132. Jurieu et Bruguier.
  133. Dallæus, Respons. apologet. ad Aurelianensis episcopi Orationem, pag. 261.
  134. Voyez ci-dessus, remarque (N), citation (77).
  135. C’est au psaume XIX, selon la Vulgate, et au XXe., selon l’hébreu.
  136. Dallæus, Respons. Apol. ad Episc. Aurelian. Orationem, pag. 260, 261.
  137. Colomiés, Lettre à M. Claude, à la page 184 des Observationes sacræ, édit. 1679.

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