Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/BOUILLON

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BOUILLON : jus des viandes, est de l’eau chargée d’une plus ou moins grande quantité des sucs qu’elle enleve de la chair des animaux & des végétaux, par l’action du feu avec l’eau dans laquelle elles ont bouilli. On en fait de gras & de maigres, & au poisson.

Bouillon de poisson. Prenez de divers poissons avec une anguille coupée par tronçons. Mettez le tout dans un pot, avec la quantité qu’il faudra d’eau, beurre, sel & poivre, fines herbes, oignon piqué de girofle. Laissez bouillir le tout une bonne heure ; passez le tout dans un linge blanc ; faites frire de la farine ; passez-la à l’étamine, pour en faire un coulis, dont vous vous servirez pour colorer & nourrir votre bouillon.

Bouillon de poisson. (Autre) Prenez oignons, carottes & panais coupés par rouelles ; mettez dans une casserole avec du beurre, & faites suer à un feu doux, comme un jus d’oignon. Quand il sera roux, mettez du poisson dans la casserole ; faites-lui faire quelques tours au roux ; mouillez d’une purée claire avec un bouquet de persil, ciboules, fines herbes, girofle, sel & champignons ; faites bouillir une bonne heure ; passez au tamis, & servez-vous-en pour mitonner les potages de poisson.

Bouillon de racines. Faites cuire d’abord deux ou trois litrons de pois verds secs ; écrasez-les & les mettez dans une grande marmite d’environ un sceau d’eau ; faites-les rebouillir une heure & demie ; laissez reposer & refroidir. Passez la purée claire à l’étamine, & la mettez dans une marmite de moindre volume. Ayez des carottes, panais, racines de persil un bon bouquet ; une douzaine d’oignons : assaisonnez de sel, bouquet de fines herbes, oignon piqué de girofle, avec un paquet d’oseille & de cerfeuil ; joignez à ce mêlange deux ou trois cuillerées de jus d’oignons. Ce bouillon sert à mitonner toute sorte de potages de légumes.

Bouillon du matin. Cimier de bœuf, bout saigneux de mouton, collet de veau, deux poulets. Quand les poulets sont cuits, prenez les blancs, pilez-les dans un mortier avec de la mie de pain trempée dans le bouillon : passez à l’étamine, & mettez ce coulis sur vos croûtes bien mitonnées dans le bouillon ci-dessus.

Bouillon en consommé. Éclanche dégraissée, chapon, rouelle de veau, tranche de bœuf, perdrix cuite à la broche, dans trois pintes d’eau en un pot de terre. Faites réduire le tout à moitié à petit feu. Passez & pressez le tout dans un linge, & servez.

Bouillon en restaurant, ou potage sans eau. Tranche de bœuf, rouelles de veau & de mouton, chapon, quatre pigeons, deux perdrix : le tout arrangé dans une marmite ; les grosses viandes battues, avec quelques tranches d’oignons, panais & racines de persil, fines herbes & peu de sel. Lutez bien exactement la marmite, de sorte que rien ne s’évapore : faites cuire, pendant six heures, au bain-marie. Passez le jus que ces viandes auront rendu, & le dégraissez. Hachez ensuite les volailles ; farcissez-en un pain avec de bonnes garnitures. Faites mitonner le tout dans le jus, & mettez par-dessus un ragoût de toutes sortes de garnitures passées au lard, comme crêtes farcies, ris de veau & autres, &c.

Bouillon gras. Prenez tranche de bœuf, rouelle de veau, éclanche de mouton bien dégraissée, selon la quantité ; empotez-les à l’eau froide ; faites cuire à petit feu ; écumez bien ; ajoûtez des volailles, selon l’usage auquel vous destinez ce bouillon : on l’assaisonne de sel, racines, oignons, cloux de girofle. Ce bouillon sert pour toutes sortes de potages qui ne changent de dénomination, que par les diverses choses dont on les accompagne, pour mouiller tous les coulis. Faites cuire toutes sortes de légumes. Faire cuire à part les poulets, cailles, pigeons, dont on garnit les bisques.

Bouillon gras. (Autre) Tranches de bœuf, quatre ou six livres, fort jarret de veau, une poule, une vieille perdrix, & peu de sel. Votre bouillon au quart cuit ; mettez-y des carottes, panais, navets & deux poireaux blanchis auparavant aux trois quarts de la cuisson ; ajoûtez un bouquet de céleri, deux cloux de girofle, moitié d’une racine de persil, quatre oignons, le tout blanchi. Lorsque le tout sera cuit, passez au clair ; & dégraissez, pour en faire usage.

Bouillon maigre. Pour le potage aux herbes ; prenez de toutes bonnes herbes ; mettez-les cuire dans une marmite avec deux ou trois croûtes de pain ; assaisonnez de beurre, sel, bouquet de fines herbes ; après une bonne heure de cuisson, passez à l’étamine. Il sert pour le potage de santé, aux herbes, sans herbes, & tous autres, comme potages de laitues, d’asperges, de chicorée, d’artichauts, de cardes, &c.

Bouillon maigre. (Autre) Faites cuire aux trois quarts une certaine quantité de pois, selon le bouillon dont vous avez besoin ; & passez le bouillon au clair, avant que les pois fassent purée. Mettez ce bouillon dans une autre marmite avec un morceau de beurre fin, carottes, panais, oignons, navets, céleri, racines de persil ; le tout blanchi auparavant à l’eau bouillante, sel, bouquet de fines herbes, persil, ciboules, girofle, macis, coriandre, basilic ; sans qu’aucune chose domine sur l’autre ; faites bouillir jusqu’à la parfaite cuisson ; laissez reposer, & passez.

Observation médecinale.

Les bouillons, soit de viande seule, soit de racines seules, soit de viandes & de racines, soit de poisson, sont des alimens très-nourrissans, fortifians, de facile digestion, & qui conviennent presque à tout le monde : on n’en doit excepter que quelques personnes dont l’estomac est si foible, & les sucs digestifs si peu actifs, que tout aliment un peu substantiel, ne se digere pas chez eux, & leur laisse long-tems une sentiment de pesanteur. Il ne faut à ces personnes que des bouillons très-légers & en petite quantité à la fois.