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Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/BROYER

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BROYER, réduire en poudre, ſe dit particulierement des couleurs qu’on écraſe & que l’on broye ſur le marbre ou ſur le porphire, en y mêlant de l’huile ou de l’eau, ou à ſec. En fait de Peinture, broyer & mêler les couleurs, ne ſont pas la même choſe, comme quelques-uns le penſent. On broye les couleurs ſur la pierre, & on les mêle ſur la palette. Les couleurs bien broyées ſe rompent mieux dans le mêlange, font une peinture plus douce, plus unie, plus gracieuſe : la fonte en eſt plus belle & moins ſenſible. C’eſt ce qui n’a pas peu contribué à la beauté des Peintures du ſiécle paſſé. Les Peintres devroient faire broyer leurs couleurs exprès ; car les Broyeurs d’aujourd’hui ne veulent pas ſe donner la peine de les broyer auſſi ſubtilement qu’elles devroient l’être.

Les couleurs ſe broyent ſur le porphyre, l’écaille de mer, le marbre ou autre pierre dure, en les écraſant avec la molette qu’on paſſe & repaſſe ſouvent deſſus, juſqu’à ce qu’elles deviennent en poudre fine comme de la farine. Lorſqu’on veut les avoir en petits pains, ou trochiſques, on y mêle de l’eau pure, avec laquelle on les humecte peu à peu, à meſure qu’on les broye, & on rapproche toujours la couleur au milieu de la pierre avec l’amaſſette, pour repaſſer deſſus la molette que l’on conduit en tous ſens, juſqu’à ce qu’elle ſoit broyée autant qu’on le deſire. On la partage enſuite par petits tas ſur une feuille de papier blanc & net, où on les laiſſe ſécher. C’eſt ce qu’on appelle couleurs broyées à l’eau.

Quand on veut les broyer à l’huile, on les humecte avec de l’huile de lin, ou d’oliette, ou de noix, au lieu d’eau, & on les broye à la conſiſtance de bouillie un peu épaiſſe. On les conſerve enſuite dans des veſſies ou dans de l’eau fraîche, pour les empêcher de ſécher, & afin de pouvoir en faire le mêlange avec le coûteau ſur la palette.