Dictionnaire pratique et historique de la musique/Tuyau
Tuyau, n : m. Tube en bois ou en métal contenant la colonne d’air dans les instruments à vent à souffle humain et dans l’orgue. La matière du tuyau est indifférente. Sa sonorité, son timbre dépendent : 1o de ses proportions ; 2o du mode d’ébranlement de la colonne d’air. Il y a deux sortes de tuyaux 1o à anche, où la colonne d’air est ébranlée sous l’influence d’une lame vibrante quelconque ; 2o à bouche, où les vibrations sont produites par le choc d’une colonne d’air se brisant contre l’angle d’une paroi fixe. Les orgues, qui ont des tuyaux de ces deux catégories, ont de plus, de la seconde, deux variétés : le tuyau ouvert, et le tuyau bouché. Le tuyau ouvert, pour donner ou renforcer un certain son, doit avoir une longueur double du tuyau fermé. Deux tuyaux de même longueur, l’un ouvert, l’autre fermé, donneront l’octave. || Le nombre des vibrations est en raison inverse de la longueur des tuyaux. Pour connaître la longueur d’un tuyau ouvert donnant un son déterminé, soit le la de 870 vibrations simples, il faut calculer la longueur de l’onde. Celle-ci étant , la longueur du tuyau ouvert sera 0 m. 39. On nomme Lois de Bernouilli une suite de trois principes fondamentaux vérifiés dans la construction des tuyaux (d’orgue ou autres). 1o Le son fondamental d’un tuyau cylindrique (ou prismatique) est sensiblement indépendant de sa section ; 2o Le nombre de vibrations du son fondamental est en raison inverse de la longueur du tuyau ; 3o Un tuyau ouvert donne la série complète des harmoniques. Les harmoniques sont plus faciles à obtenir dans des tuyaux relativement étroits, et lorsque la force du contact d’air est renforcée. De là, les octaves aiguës des flûtes, des clarinettes, etc., obtenues par un souffle plus fort de l’exécutant, et les jeux harmoniques de l’orgue, à pression d’air renforcée. (Voy. Onde, Vibration, Son.) || On distingue dans l’orgue les tuyaux à bouche, à anche, bouchés et ouverts. Une série de tuyaux de même espèce forme un jeu, qui correspond à un registre, ou à deux. Les tuyaux à bouche se font de bois ou de métal.
Tuyau d’orgue en bois (coupe). |
Tuyau d’orgue en métal. |
En bois, ils sont de section carrée ; en
métal, de section cylindrique. Quelles
que soient la matière employée, et
leurs dimensions en largeur et en hauteur,
leur partie inférieure, appelée
pied du tuyau, reçoit le vent par
l’embouchure placée à la base et le
resserre dans un passage étroit dit
boîte à air d’où il s’échappe par la
fente appelée lumière, pour se heurter
contre le biseau, avant de remplir la
cavité du tuyau.
Dans la facture des orgues, on les
construit en forme rectangulaire,
conique (de bas en haut, ou de haut en
bas), cylindrique, en tuyaux ouverts,
tuyaux fermés, tuyaux à cheminée ;
ces différents tuyaux se font en bois
ou en métal. Les tuyaux à cheminée,
dans l’orgue, sont fermés par un fond
annulaire au centre duquel prend
naissance un tuyau plus étroit appelé
cheminée. Les tuyaux octaviants, dans
l’orgue, sont percés d’un petit trou à
la moitié de leur longueur, de manière
à former un ventre de vibration qui
partage le tuyau dans la proportion
requise pour faire sauter le son à
l’octave, et produire le 2e harmonique.
Les règles empiriques données par
Cavaillé-Coll pour les dimensions des
tuyaux d’orgue sont : soit L la longueur
réelle d’un tuyau et L’ sa longueur
effective au point de vue acoustique,
si le tuyau est rectangulaire, de largeur p :
.
Si le tuyau est cylindrique, de diamètre d, .
Mahillon donne autrement la formule,
qui a été présentée par Cavaillé-Coll
pour les tuyaux rectangulaires,
à l’Académie des Sciences, le 23 janvier
1860 :
L la longueur cherchée, V la
vitesse du son, N le nombre de vibrations,
P la profondeur du tuyau.
Tuyau d’orgue à anche.
C’est-à-dire que la longueur théorique
du tuyau ouvert doit être diminuée de
deux fois la profondeur du tuyau.
Pour les tuyaux cylindriques, où la
bouche est formée par un aplatissement
prenant le quart environ de la
circonférence :
,
D représentant le
diamètre. C’est-à-dire que la longueur
théorique du tuyau cylindrique
doit être diminuée d’une
longueur égale aux 5/3 du
diamètre. Les facteurs nomment
diapason, le rapport du
diamètre d’un tuyau et de sa
longueur ; on emploie
aussi le mot taille dans le
même sens. Les tuyaux à
anche ont une grande
importance dans l’orgue,
auquel il fournissent les
jeux les plus éclatants.
L’anche est placée dans
une boîte à air où le vent
est amené par l’embouchure
placée, comme dans
les tuyaux à bouche, à l’extrémité inférieure. Au lieu de se briser sur le
biseau, le vent se heurte contre
l’anche qu’il fait battre par son passage.
La hauteur du son dépend du
nombre des vibrations de la languette.
On règle ce nombre par la rasette, tige
en fer ou en laiton, dont la pression
sur la languette allonge ou raccourcit
la partie battante de celle-ci.
(Voy. Accord, Anche.)
Les tuyaux bouchés sont hermétiquement fermés à leur orifice supérieur les uns par un tampon de bois, les autre par une calotte de métal. Tandis que la colonne d’air, dans un tuyau ouvert en parcourt toute la longueur, et que le premier nœud de vibration se forme au milieu, dans un tuyau bouché, l’onde sonore ayant touché le fond revient sur elle-même, de telle sorte qu’elle parcourt deux fois la même distance. Il en résulte : soit que, de deux tuyaux de même longueur, l’un ouvert, l’autre bouché, le tuyau bouché sonnera une octave plus bas que le tuyau ouvert ; soit que, voulant établir un jeu sonnant au grave, on ne donnera aux tuyaux bouchés que la moitié de la longueur des tuyaux ouverts fournissant le son voulu. Les tuyaux bouchés forment des jeux de 4, 8, 16, et 32 pieds, très importants dans l’orgue. Les jeux bouchés de 32 pieds, dans les très grandes orgues, sont le plus souvent en bois. « Construit en étain, le maître-tuyau a un poids de 450 kilos. Son diamètre est de 18 pouces, sa circonférence de près de 5 pieds. Tel est celui de cathédrale de Lucerne. Construit en bois, le même tuyau pèse 800 kilos et ses parois ont 2 pouces 1/2 d’épaisseur, afin de présenter assez de résistance à la colonne d’air. » (Locher). Pour obtenir une plus grande variété de timbres, on modifie cette relation du diamètre et de la longueur, de façons très diverses. On établit pour le jeu de flûte à fuseau, des tuyaux spéciaux qui sont en étain, terminés en forme de cône, et qui, pour le jeu de flûte à cheminée, sont fermés en haut par une plaque au milieu de laquelle s’engage un second tuyau, quelquefois aussi long que le premier, mais de diamètre différent et très réduit. || *Les tuyaux, ou tubes sonores, dont sont formés les instruments à souffle humain, sont très différents quant à leur forme, et par conséquent doivent avoir une perce différente. Les lois émises sur la résonance des tuyaux et appliquées dans les jeux d’orgue à parois droites doivent être modifiées dans les tuyaux coniques, dont l’orgue a quelques spécimens, mais qui sont représentés dans des familles entières d’instruments. Les vibrations peuvent être provoquées de trois façons différentes dans les tubes sonores à souffle humain, d’où les catégories d’instruments à bouche, à anche, à embouchure. (Voy. Instruments). Les tuyaux des flûte, hautbois, basson, résonnent à peu près de même façon, le premier étant à bouche, les deux autres à anche. Le son le plus grave est donné par le tube entier ; on obtient les autres en raccourcissant graduellement la colonne d’air par l’obturation des trous qui sont percés dans le tube. Toutes les notes d’une seule octave sont ainsi données ; pour la seconde octave on joue avec les mêmes trous, mais l’instrumentiste l’augmente légèrement la pression du souffle et le tuyau alors octavie. (Voy. les flûtes octaviantes de l’orgue.) Pour les octaves aiguës, on recommence le même jeu, mais en forçant de plus en plus le souffle. Dans le basson, le tube est, de plus, rétréci et le souffle en conséquence doit être d’attaque plus nette (comme dans le jeu de gambe de l’orgue) ; l’instrument étant plus grave, avec la même nature de tuyau, celui-ci est beaucoup plus long : il atteint près de deux mètres, d’où la nécessité de le replier sur lui-même, ce qui donne au basson sa forme étrange. Les chalumeaux et saxophones ont un tuyau dont l’intérieur au moins est conique, comme aussi certains hautbois primitifs ; les nœuds et ventres des ondes sonores ne se produisant plus selon les mêmes proportions, la perce de ces instruments est donc différente de ceux de la série précédente. La clarinette à tube cylindrique a cependant un organe qui la fait quintoyer : le son fondamental qui serait théoriquement un fa, sonne seulement le troisième harmonique ut. Les instruments appelés habituellement cuivres ont des tubes en proportion du son donné, mais en tenant compte qu’ils ne sonnent, à cause de la disposition de l’embouchure, qu’à partir du deuxième harmonique. La longueur des tubes des cornets, clairons, bugles, correspond aux jeux d’orgue dits « quatre pieds » (environ 1 m. 33), mais ils sonnent en deux pieds ; ceux des trompettes qui doivent sonner une octave plus bas, atteignent le double, et même un peu plus, à cause de la difficulté d’articulation et de l’étroitesse du tube ; le cor en si ♭ grave, une octave encore au-dessous, atteint théoriquement 5 m. 90 ; la bass-trompete de R. Wagner arrive à plus de 7 m. Les trombones et saxhorns sont des tubes à large taille, dans le genre des montres et cornets de l’orgue. Ces longueurs considérables sont la cause de la forme de ces divers instruments, dans lesquels le tube est contourné de diverses manières, de façon à être du maniement le plus pratique possible, tout en sauvegardant ses résonances.