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Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Fourches patibulaires

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FOURCHES PATIBULAIRES. « Les hautes justices locales, dit M. A. Champollion-Figeac[1], pouvaient élever autant de fourches qu’elles désiraient en établir. Les ordonnances du roi Jean, de 1345 et de 1356, paraissent suffisamment l’indiquer. Mais le sage monarque Charles V y ajouta un privilège nouveau pour certaines localités, celui d’avoir des fourches patibulaires à deux piliers. L’abbaye de Cluny obtint cette permission toute de faveur en 1360, au mois de septembre[2]. N’omettons pas un dernier fait, qui prouvera qu’il n’était pas permis d’orner ces atroces instruments de supplice d’autres signes que ceux que le roi voulait qu’on y plaçât. Le comte de Rhodez ayant mis ses armes au haut d’une potence établie sur la place des Carmes de cette ville, le sénéchal de Rouergue fut immédiatement informé que le roi s’opposait formellement à ce qu’elles y fussent placées, et que le comte serait traduit devant la haute justice du monarque. Il est vrai que l’apposition du comte de Rhodez représentait, dans ce cas, une prise de possession de la justice et de la place ; mais c’était bien mal, pour un seigneur du Rouergue, de choisir cette occasion de faire parade du blason de ses armes, » C’était un privilège ; le mal était d’en user s’il n’en avait pas le droit.

À ce propos, et pour prouver jusqu’à quel point le roi était jaloux de ses droits de juridiction, pendant le séjour des papes à Avignon, un insigne malfaiteur, poursuivi par les officiers de la justice pontificale, traversa, devant la ville, un bras du Rhône et se réfugia dans l’île dite du Mouton. Les gens du pape y abordèrent en même temps que le criminel, s’emparèrent de sa personne et le pendirent sur place à une potence dressée par leur ordre. Le cadavre du supplicié fut inhumé après le délai voulu. Ces faits ne furent rapportés que longtemps après aux officiers du roi de France, qui accusèrent les gens du pape d’avoir empiété sur les droits seigneuriaux du roi ; les officiers du pape alléguèrent, pour leur défense, qu’ils n’avaient pas l’intention d’usurper la juridiction royale, mais qu’ils avaient cru devoir débarrasser la contrée d’un homme dangereux. Les juges royaux n’insistèrent pas ; mais pour que ce précédent ne pût être invoqué plus tard contre les droits de leur souverain, ils se transportèrent à leur tour dans l’île du Mouton, y procédèrent contre le supplicié, et, après lui avoir fait un procès en règle, le rependirent, en effigie, à une potence aux armes du roi[3].

Le droit de haute, moyenne et basse justice, appartenait à la féodalité ; les grands vassaux qui relevaient directement du souverain « inféodèrent certaines portions de leurs domaines à des vassaux d’un rang inférieur ; et ceux-ci, les imitant, constituèrent également de nouveaux fiefs, dont ils gardèrent la suzeraineté. En même temps, les uns et les autres firent cession de leur droit de justice sur ces portions de territoire, non sans mettre, toutefois, quelques restrictions à cet abandon, mais limitant plus ou moins l’étendue du pouvoir qu’ils concédaient[4]… Les fourches patibulaires consistaient en des piliers de pierre réunis au sommet par des traverses de bois auxquelles on attachait les criminels, soit qu’on les pendît aux fourches mêmes, soit que, l’exécution ayant été faite ailleurs, on les y exposât ensuite à la vue des passants. Le nombre des piliers variait suivant la qualité des seigneurs : les simples gentilshommes hauts-justiciers en avaient deux, les châtelains trois, les barons quatre, les comtes six, les ducs huit ; le roi seul pouvait en avoir autant qu’il le jugeait convenable. » Il pouvait aussi faire supprimer les gibets dont il avait permis l’établissement. En 1487[5], « le procureur du roi au Chastelet alla en divers lieux de la prévosté et vicomté de Paris faire démolir les fourches patibulaires, carquans, échelles, et autres marques de haute justice, attendu que le roi Louis XI avoit accordé à plusieurs droit de haute justice, qui fut révoqué par Édit de révocation générale de tous dons de portion du domaine aliéné depuis le deceds de Charles VII que fit publier Charles VIII à son avènement à la couronne. »

Les fourches patibulaires, dit Loyseau[6], étaient placées au milieu des champs, près des routes et sur une éminence. En effet, beaucoup de lieux élevés, en France, dans le voisinage des abbayes, des résidences seigneuriales, ont conservé le nom de la Justice, la grande Justice.

Certains gibets étaient faits de bois, se composaient de deux poteaux avec traverse supérieure et contre-fiches ; mais nous n’avons pas à nous occuper de ceux-ci, qui n’ont aucun caractère monumental. Parmi les gibets renommés, pouvant être considérés comme des édifices, il faut citer en première ligne le gibet de Montfaucon. Sauval dit que, « dès l’an 1188 et peut-être auparavant, il y avait un lieu patibulaire sur le haut de Montfaucon… Montfaucon, ajoute-t-il, est une éminence douce, insensible, élevée, entre le faubourg Saint-Martin et celui du Temple, dans un lieu que l’on découvre de quelques lieues à la ronde. Sur le haut est une masse accompagnée de seize piliers[7], où conduit une rampe de pierre assez large, qui se fermoit autrefois avec une bonne porte. La masse est parallélogramme, haute de deux à trois toises, longue de six à sept, large de cinq ou six, terminée d’une plateforme, et composée de dix ou douze assises de gros quartiers de pierres bien liées et bien cimentées, rustiques ou refendues dans leurs joints. Les piliers gros, quarrés, hauts chacun de trente-deux à trente-trois pieds, et faits de trente-deux ou trente-trois grosses pierres refendues ou rustiques (à bossages), de même que les précédentes, et aussi bien liées et bien cimentées, y étoient rangées en deux files sur la largeur et une sur la longueur. Pour les joindre ensemble et pour y attacher les criminels, on avoit enclavé dans leurs chaperons deux gros liens de bois qui traversoient de l’un à l’autre, avec des chaînes de fer d’espace en espace. Au milieu étoit une cave où se jettoient apparemment les corps des criminels, quand il n’en restoit plus que les carcasses, ou que toutes les chaînes et les places étoient remplies. Présentement cette cave est comblée, la porte de la rampe rompue, ses marches brisées : des pilliers, à peine y en reste-t-il sur pied trois ou quatre, les autres sont ou entièrement ou à demi ruinés. »

Bien que Sauval ne nous dise pas à quelles sources il a puisé ses renseignements, divers documents[8] établissent l’existence d’un gibet à Montfaucon, au moins dès le XIIIe siècle. — Un acte d’accommodement du mois de septembre 1233 entre le prieur de Saint-Martin-des-Champs et le chapitre de Notre-Dame contient le passage suivant : … « Quatuor arpenta et dimidium quarterium juxta pressorium combustum, duo arpenta et dimidium quarterium circa gibetum, quatuordecim, arpenta… » — Un acte de vente du mois de juin 1249 : … « Super tribus arpentis vince site juxta pressorium sancti Martini prope gybetum, in censiva ejusdem capituli[9] » Il résulte de ces deux actes que, dans les années 1233 et 1249, ajoute M. de Lavillegille, il existait un gibet sur le territoire du Cens commun : or le gibet de Montfaucon se trouvant précisément dans cette censive, c’est évidemment de lui dont il est parlé. Dans le roman de Berthe aux grans piés, qui date de 1270 environ, il est question d’un certain Tibot pendu aux fourches de Montfaucon. Il y a donc lieu de croire que Pierre de Brosse ou Enguerrand de Marigny, auxquels on attribue la construction des fourches de Montfaucon, n’ont fait que les réparer ou les reconstruire. L’ouvrage en pierres de taille à bossages dont parle Sauval ferait croire que cet édifice avait été entièrement refait au commencement du XIVe siècle ou à la fin du XIIIe, ce genre d’appareil étant fort usité alors pour les bâtisses civiles. Ce gibet monumental était situé à côté de l’ancien chemin de Meaux, non loin de la barrière du Combat[10]. Comme le fait observer M. de Lavillegille, les seize piliers de l’édifice de Montfaucon étaient encore réunis (ce que Sauval n’explique pas et ne pouvait indiquer clairement, puisque de son temps le gibet était ruiné) par des traverses en bois intermédiaires. Louis X « … commanda pendre et étrangler Enguerrant à la plus haulte traverse de boys du gibet de Paris. Paviot fut puny de pareille punition, excepté qu’il fut attaché au-dessous de Enguerrant[11]. » La tapisserie de l’Hôtel de ville de Paris (plan de Paris) indique le gibet de Montfaucon avec trois traverses de bois. De plus, Sauval, dans les Comptes et ordinaires de la prévôté de Paris (t. III, p. 278), donne la pièce suivante, qui est importante (1425, Charles VII) :

« Œuvres et réparations faites en la grande Justice de Paris. À… pour avoir fait en ladite Justice les besognes cy-après : c’est à sçavoir, avoir pellée et découverte la terre au pourtour des murs qui font closture de ladite Justice, quarante pieds loing d’iceux murs : et si ont découverte et blanchie la place qui est dedans icelle closture, et aussi ont blanchi tous lesdits murs et les pilliers et poultres d’icelle Justice, tant dehors comme dedans, à chaux et colle et… chaux, colle, croye (craie), et eschafaux, peines d’ouvriers pour ce faire, etc.

« À… tailleurs de pierres et maçons, pour avoir fait arracher plusieurs vieux carreaux (de pierre) qui estoient rompus et froissés, tant ès pilliers cormiers (d’angle), comme ès pilliers estraiefs (intermédiaires), et ès murs qui font closture au pourtour de la closture d’icelle Justice ; et en lieu d’iceux y avoir mis et assis quarante carreaux doubles (boutisses) et un cartron de parpaings de la pierre du blanc caillou, et rétabli plusieurs trous qui estoient esdits murs par dehors œuvre, et empli de plastre tous les joints desdits murs, et pour avoir désassis et rassis tous les entablemens de pierre qui sont sur lesdits murs au pourtour de ladite Justice, et fait deux eschiffes de mur qui sont d’un côté et d’autre de l’entrée d’icelle Justice, et désassises et rassises les marches de taille qui sont en icelle entrée, de dessellées quarante-huit vieilles poultres qui ont été otées et descendues d’icelle Justice, et en scellées quarante-huit autres qui y ont été mises neuves, et mis deux coings de pierre en l’un des pilliers estraiefs, au lieu de deux autres qui estoient usés et mangés d’eau et de gelée, dont pour ce avoir fait, ils doivent avoir, etc. »

En 1466, nous lisons dans les mêmes Comptes (p. 389) ce passage : « À la grant Justice de Paris furent attachées et clouées cinquante deux chaînes de fer pour servir à pendre et étrangler les malfaiteurs qui en icelle ont été et seront mis par ordonnance de justice. » En 1485, le gibet de Montfaucon menaçait ruine, car les Comptes de la prévôté contiennent cet article (p. 476) : « et fut fait aussi un gibet joignant le grand gibet, qui est en danger de choir et tomber de jour en jour. »

Les condamnés étaient suspendus aux traverses au moyen d’échelles auxquelles ils devaient monter, précédés du bourreau. « Huit grandes échelles neuves mises en la Justice patibulaire de Montfaucon[12]. » Ces échelles dépassaient chaque traverse de manière à ce que le patient eût la tête à la hauteur voulue ; le bourreau, monté sur le haut de l’échelle, lui passait la chaîne autour du cou, et, descendant, retirait l’échelle.

Voici donc, d’après la description de Sauval et les documents graphiques[13], le plan (1) en A des fourches patibulaires de Montfaucon. Vu leur hauteur (10m,00 au moins), les piliers ne pouvaient pas avoir moins d’un mètre de diamètre ; les seize piliers, rangés « en deux files sur la largeur et une sur la longueur, » devaient laisser quinze intervalles entre eux de 1m,50 sur le grand côté et de 1m,20 sur les deux petits. Il ne pouvait donc y avoir qu’une chaîne à chaque traverse des petits côtés et deux au plus entre celles du grand. Les traverses étant au nombre de trois, cela faisait soixante chaînes. Ainsi s’explique le nombre de cinquante-deux chaînes neuves fournies en 1466 ; peut-être en restait-il quelques-unes anciennes pouvant servir. Les traverses étaient nécessairement doublées, tant pour fixer les chaînes que pour permettre au bourreau de se tenir dessus, et pour étrésillonner convenablement des piles aussi hautes. Il fallait donc quatre-vingt-dix traverses ou soixante seulement, si les traverses basses étaient simples. La fourniture de quarante-huit traverses neuves faite en 1425 n’a donc rien qui puisse surprendre.

La hauteur des piles (en admettant que la tapisserie de l’Hôtel de ville indique une traverse de trop) ne peut laisser de doutes sur le nombre de ces traverses. On n’aurait pas élevé des piles de plus de dix mètres de hauteur pour ne poser qu’une traverse supérieure et une seule intermédiaire, car il y aurait eu ainsi des places perdues en hauteur ; or il est certain qu’on tenait à en avoir le plus grand nombre possible.

On voit, en B, sur le plan A, le caveau indiqué en pointillé, avec son orifice C, destiné à jeter les corps et débris, et sa porte de vidange D. En E est tracée la coupe faite sur ab montrant le degré, avec les murs d’échiffre réparés en 1425, et la porte, munie de vantaux, dont parle Sauval. On dressait les échelles au moment des exécutions, et celles-ci étaient vraisemblablement déposées sur la plate-forme.

Parfois la cave destinée à servir de dépôt pour les restes des suppliciés se trouvait tellement encombrée, la plate-forme jonchée de débris, les chaînes garnies d’ossements, qu’il fallait faire une vidange générale et enterrer ces restes corrompus ou desséchés. Cette opération était nécessaire, par exemple, lorsqu’il fallait remplacer les poutres, ce qui avait lieu assez fréquemment.

Au bas de l’éminence sur laquelle s’élevait le gibet de Montfaucon vers le couchant, une croix de pierre avait été dressée, disent quelques auteurs, par Pierre de Craon, en mémoire de l’ordonnance que ce seigneur avait obtenue de Charles VI en 1396, et par laquelle des confesseurs étaient accordés aux condamnés. Mais cette croix semblerait plutôt avoir été placée là, en 1403, à la suite de l’exécution de deux écoliers de l’Université ordonnée par le prévôt de Paris. En effet, Monstrelet[14] rapporte ainsi le fait : «…Messire Guillaume de Tigouville, prévost de Paris, feit exécuter deux des clercs de l’Université : Est à sçavoir : un nommé Legier de Monthilhier, qui estoit Normant ; et l’autre nommé Olivier Bourgeois, qui estoit Breton : lesquels estoient chargez d’avoir commis plusieurs larcins en divers cas. Et pour ceste cause nonobstant qu’ils fussent clercs, et qu’en les menant à la justice criassent hault et clair, clergie, affin d’estre recoux ; neantmoins (comme il est dit) furent exécutez et mis au gibet ; et depuis par les pourchats de l’Université, fut iceluy prévost privé de tout office royal. Et avec ce fut condamné de faire une croix de pierre de taille, grande et eslevée, assez près du gibet, sur le chemin de Paris ; où estoient les images d’iceux deux clercs, entaillées. Et outre les feit despendre d’iceluy gibet, et mettre sur une charrete couverte de noir drap : et ainsi accompaigné de ses sergens et autres gens portant torches de cire, allumées ; furent menez à S. Mathurin et là rendus par le prévost au recteur de l’Université… » Nous donnons (2) une vue de cet édifice du côté de l’arrivée faisant face au sud-ouest. Le degré étant placé, bien entendu, par derrière, les condamnés étaient amenés sur la plate-forme après avoir fait le tour du massif de maçonnerie. En bas de notre figure est placée la croix de Guillaume de Tigouville, indiquée d’ailleurs dans la tapisserie de l’Hôtel de ville.

La figure 3 présente le gibet du côté de l’entrée.

Il ne paraît pas qu’il ait existé sur le territoire de la France d’autres fourches patibulaires d’un aspect aussi monumental. À Paris, elles n’étaient pas les seules : il existait un gibet hors de la porte Saint-Antoine, un sur le terrain de la Cité derrière l’Évêché, un sur l’emplacement occupé aujourd’hui par l’extrémité occidentale de la place Dauphine, un aux Champeaux, un derrière les jardins des Petits-Augustins, à peu près à la hauteur de la rue Saint-Benoît, et qui se trouvait sur les terrains de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Ce dernier gibet, comme beaucoup d’autres, se composait de quatre piliers de pierre avec quatre traverses de bois. Il est figuré dans la tapisserie de l’Hôtel de ville et dans le grand plan de Mérian. D’autres encore se composaient de deux piles avec une seule traverse, ou de trois posées aux angles d’un triangle équilatéral avec trois traverses de couronnement. L’aspect hideux de ces édifices, l’odeur empestée qui s’en exhalait n’empêchaient pas l’établissement de cabarets, de courtilles et de lieux de débauche dans leur voisinage.

« Pour passer temps joyeusement,
Raconter vueil une repeue
Qui fut faicte subtillement
Près Montfaulcon, c’est chose sçeüe,
..........
Tant parlèrent du bas mestier,
Que fut conclud, par leur façon,
Qu’ilz yroyent, ce soir-là, coucher
Près le gibet de Montfaulcon,

Et auroyent, pour provision,
Ung pasté de façon subtile,
Et menroyent, en conclusion,
Avec eulx chascun une fille.
........... »[15]

« Non loin de Montfaucon, dit M. de Lavillegille[16], se trouvait un autre gibet, plus petit, et qui portait le nom de Montigny. Construit et démoli à plusieurs reprises, il semble n’avoir été destiné qu’à suppléer momentanément au grand gibet, lorsque celui-ci avait besoin de quelques réparations. La première mention du gibet de Montigny remonte à l’année 1328. Il n’existait plus au commencement du XVe siècle, puisqu’en 1416 il fallut construire un gibet provisoire, en attendant les travaux que l’on faisait à Montfaucon. » Ce gibet consistait en quatre poteaux de bois d’un pied d’équarrissage et de vingt pieds environ de hauteur, engagés à leur pied dans un mur d’appui de deux pieds d’épaisseur et d’autant de hauteur environ. Quatre traverses réunissaient la tête des quatre poteaux[17].

Les fourches patibulaires servaient de lieu d’exposition pour les condamnés exécutés en d’autres lieux et qui même n’avaient point été pendus. Les corps des décapités étaient enfermés dans un sac ; on exposait aussi aux gibets les suicidés, des mannequins figurant des condamnés par contumace. Le cadavre de l’amiral de Coligny fut suspendu au gibet de Montfaucon par les pieds. L’Étoile rapporte que Catherine de Médicis, « pour repaître ses yeux, l’alla voir un soir et y mena ses fils, sa fille et son gendre. » Depuis lors ces fourches patibulaires ne servirent guère aux exécutions ou expositions. Sauval cependant dit y avoir encore vu des cadavres, bien qu’alors cet édifice fût en ruines.

Les fourches patibulaires ne servaient pas seulement à pendre des humains, on y suspendait aussi des animaux, et notamment des porcs, condamnés à ce genre de supplice à la suite de jugements et arrêts rendus pour avoir dévoré des enfants. (Voy. à ce sujet la brochure de M. E. Agnel, Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge. Paris, 1858. Dumoulin.) En cas pareil, les formalités judiciaires du temps étaient scrupuleusement suivies, et, comme il était d’usage de pendre les condamnés vêtus de leurs habits, on habillait les animaux que l’on menait au gibet. « En 1386, une sentence du juge de Falaise condamna une truie à être pendue pour avoir tué un enfant. Cette truie fut exécutée sur la place de la ville, en habit d’homme…[18] »

En 1314[19], un taureau qui avait tué un homme fut jugé et pendu aux fourches patibulaires de Moisy-le-Temple. Il y eut appel de la sentence. Le jugement fut trouvé équitable ; mais il fut décidé que le comte de Valois n’avait aucun droit de justice sur le territoire de Moisy, et que les officiers n’auraient pas dû y instrumenter[20].

  1. Droits et usages, p. 165.
  2. Collect. de chartes et diplômes, boîte 267.
  3. Renseignements fournis par M. Achard, archiviste de la préfecture de Vaucluse.
  4. Des anciennes fourches patibulaires de Montfaucon, par A. de Lavillegille. Paris, 1836. Techener.
  5. Comptes et ordinaires de la prévôté de Paris. (Sauval, t. III. p. 481.)
  6. Traité des seigneuries. — Jacquet, Traité des justices.
  7. À chascun le sien, c’est justice :
    À Paris, seize quarteniers :
    À Montfaucon seize pilliers,
    C’est à chacun son bénéfice.

    Seize, Mont-faucon vous appelle,
    À demain, crient les corbeaux,
    Seize pilliers de sa chapelle
    Vous seront autant de tombeaux.

    (Satyre Ménippée.)
  8. Des anciennes fourches patibulaires de Montfaucon, par A. de Lavillegille.
  9. Arch. de l’Empire. Sect. dom. S. 216. Titres du fief du Cens commun que possédait autrefois le chapitre de Notre-Dame de Paris.
  10. Voy. le plan de Verniquet.
  11. Gaguin. Grandes chroniques de France.
  12. Comptes et ordinaires. (Sauval, t. III, p. 533.)
  13. Tapisserie de l’Hôtel de ville, vue de l’hôpital Saint-Louis, 1641, Châtillon Châlonnais. Vue de l’hôpital Saint-Louis, Pérelle.
  14. Chroniques, ch. XIII.
  15. La Repeue faicte auprès de Montfaulcon. Poésie attribuée à Villon. Édit. Jannet, p. 292. 1854.
  16. Les anciennes Fourches patibulaires, p. 38.
  17. Sauval, t. II, p. 612. — Félibien, t. I, p. 564. Pièces justificatives B.
  18. Curiós. judic. M. E. Agnel.
  19. Carlier. Histoire du duché de Valois, t. II, p. 207.
  20. Saint-Foix. Essais hist. sur Paris, t. V, p. 100. 1776.