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Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Trésor

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TRÉSOR, s. m. Pièce réservée, à côté des églises abbatiales et cathédrales, aussi dans les châteaux, pour renfermer les objets les plus précieux ; tels que vases sacrés, reliquaires, pièces d’orfèvrerie, puis encore les chartes, les titres, etc.

La cathédrale de Paris avait son trésor au-dessus de la sacristie (voy. Sacristie, Palais). La sainte Chapelle du Palais, à Paris, possédait également un joli édifice annexe, qui contenait les sacristies et le trésor des chartes. De même, à la chapelle du château de Vincennes (voy. Chapelle). Souvent aussi les trésors des églises étaient pratiqués dans l’intérieur même de l’édifice. On voit encore à la cathédrale de Reims, dans le bas côté du bras de croix septentrional, le trésor entresolé, grillé, qui renfermait les beaux objets que possédait le chapitre de cette église. À la cathédrale de Rouen, dans celle d’Évreux, le trésor n’était qu’une chapelle grillée. À Sens, à Troyes, les trésors des cathédrales sont annexés à l’église, au côté méridional du chœur, et l’on y accède par des escaliers donnant dans le collatéral. Dans les châteaux, les trésors des chartes étaient placés dans le donjon, ceux de la vaisselle dans une tour, proche de la grand’salle, et celui de la chapelle à côté ou au-dessus de la sacristie. Ces trésors, habituellement voûtés et ainsi à l’abri des incendies, n’étaient éclairés que par des fenêtres élevées au-dessus du sol et soigneusement grillées. Leurs portes étaient de fer et doubles, ou tout au moins munies de deux serrures. On voit encore, dans l’hôtel de Jacques Cœur, à Bourges, la pièce qui servait de trésor.

L’habitude de disposer, dans les châteaux ou hôtels, des pièces spécialement affectées à la conservation des trésors, et particulièrement des archives, ne paraît guère remonter, chez les seigneurs laïques, au delà de Philippe-Auguste. Jusqu’alors il était d’usage, parmi les nobles, d’emporter partout avec soi les titres précieux et la plupart des objets précieux que l’on possédait. C’était une habitude mérovingienne que l’on trouve répandue chez tous les peuples de race indo-européenne. Le chef ne se fiait qu’à lui seul pour garder son bien et sa famille, et pendant l’époque romaine on voit que les armées de barbares ne marchent qu’accompagnées des lourds chariots qui portent les vieillards, les femmes, les enfants et les dépouilles amassées à la guerre. Pendant la campagne de 1194, contre Richard, le bagage de Philippe-Auguste tomba dans une embuscade tendue près de Fréteval, en Vendômois, par le roi d’Angleterre, qui mit ainsi la main, non-seulement sur la vaisselle et les joyaux de son rival, mais aussi sur les registres de cens, de taille, de servage, « bref, le chartrier complet de France, que les rois avaient coutume de porter avec eux dans tous leurs voyages. Ce fut, disent les chroniques de Saint-Denis, une rude tâche que de réparer cette perte et de rétablir toute chose en légitime état[1]. » Ce fut à dater de cet événement que les rois français déposèrent les registres d’État dans une résidence fixe. Le chartrier de France, placé d’abord au Temple, fut transféré partie dans la grosse tour du Louvre, partie dans le trésor de la sainte Chapelle, dont nous avons parlé ci-dessus.

  1. Chronique de Saint-Denis (Histoire de France de M. Henri Martin, t. III, p. 551).