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Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Dais

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DAIS, s. m. C’est le nom que l’on donne à des pierres saillantes, plus ou moins ornées de sculptures, qui sont destinées à couvrir des statues à l’extérieur et même à l’intérieur des édifices religieux et civils du moyen âge. Les artistes de cette époque ne trouvaient pas qu’il fût convenable d’adosser une figure de saint ou de personnage célèbre à un mur, sans préserver sa tête de la pluie ou de la poussière par une sorte de petit auvent tenant à la construction. Ce n’est guère qu’à dater du XIIe siècle, cependant, que les dais furent, presque sans exception, placés au-dessus des statues extérieures. Quelquefois, à cette époque, comme par exemple sur la face du porche de l’église de Moissac, les dais ne sont qu’une assise basse, une dalle taillée sur ses faces en forme d’arcades (1). Néanmoins, on voit dans des monuments du XIIe siècle des dais richement décorés déjà et qui figurent de petits monuments suspendus au-dessus des statues. L’église du Saint-Sauveur de Dinan, des deux côtés du portail, nous montre deux dais, importants comme masse et délicatement travaillés, qui couvrent des figures de saints. Taillés dans un granit friable, ils sont malheureusement très-altérés par le temps. Quelquefois les statues étant adossées à des colonnes, les dais tiennent également à leur fût. Alors la colonne, la statue, son support et le dais sont taillés dans un seul morceau de pierre. Au portail royal de la cathédrale de Chartres on remarque, suspendus sur la tête des figures du XIIe siècle qui décorent les trois portes, plusieurs dais d’un beau style ; nous donnons ici (2) l’un d’eux.

Les dais nous fournissent souvent des motifs variés de couronnements d’édifices, c’est-à-dire certaines parties de ces édifices qui sont presque toujours détruites ou modifiées. Il est à remarquer, même pendant les XIIe et XIIIe siècles, que ces petits modèles reproduisent généralement des exemples d’édifices antérieurs à l’époque où les dais ont été sculptés.


Ce fait peut être observé au-dessus des statues de la porte centrale du portail occidental de la cathédrale de Paris (3). Ces dais figurent encore des coupoles, des combles plats comme on n’en faisait plus alors dans cette partie de la France.

Les dais qui protègent les statues du XIIe siècle et du commencement du XIIIe, placées dans les ébrasements des portails, sont taillés sur un modèle différent. Chaque statue possède son cul-de-lampe et son dais particuliers. Cependant il est à cette règle une exception fort remarquable à la porte de la Vierge de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris. Les statues qui décorent les deux ébrasements de cette porte sont surmontées d’une série de dais tous pareils qui forment au-dessus de la tête de ces statues un abri d’un style peu commun. La sculpture de la porte de la Vierge est, d’ailleurs, empreinte d’un caractère original, et nous ne connaissons rien de cette époque (1215 à 1220) qui puisse lui être comparé comme grandeur de composition et comme beauté d’exécution.


Voici (4) comment sont disposés ces dais formant une sorte d’entablement au-dessus des chapiteaux des colonnettes placées entre et derrière les statues, et ne se confondant pas avec ces chapiteaux mêmes, ainsi que cela se pratiquait alors.

Les monuments religieux de la Bourgogne sont presque tous dépouillés de leurs statues extérieures. Dans cette province, la révolution du dernier siècle a mutilé les églises avec plus d’acharnement que dans l’Île-de-France et les provinces de l’Ouest. Jetant bas les statues, la rage des iconoclastes n’a pas respecté davantage ce qui les accompagnait, et les sculptures des portails ont été non-seulement brisées, mais coupées au ras des murs, ainsi qu’on peut le voir à Semur, à Beaune, à Notre-Dame de Dijon. Le peu de dais qui restent du commencement du XIIIe siècle, dans cette province, font regretter qu’on les ait presque partout détruits, car ces rares exemples sont admirablement composés et sculptés. On en jugera par l’exemple que nous donnons ici (5), et qui provient du portail de la petite église de Saint-Père-sous-Vézelay.
Ce dais était peint comme toute la sculpture du portail. La statue était adossée à la colonnette A, dont le chapiteau est pénétré par le dais.

À cette époque déjà, les dais bourguignons sont surmontés d’édicules en forme de pyramide ou de tour, posés sur l’assise engagée dans la bâtisse. Cette superfétation ne se trouve que plus tard dans les édifices de l’Île-de-France et de la Champagne.

Vers le milieu du XIIIe siècle, au moment où l’architecture devient plus délicate, l’ornementation plus fine, les dais sont souvent d’une extrême richesse de sculpture ; alors ce sont de petits châteaux couronnés de tours crénelées, avec leur donjon. À l’intérieur de la Sainte-Chapelle de Paris, au-dessus des douze apôtres adossés aux piliers, on voit des dais crénelés dont les tourelles sont percées de fenêtres remplies de verres bleus ou rouges. Mais les dais les plus remarquables, en ce genre, que nous connaissions, existent au-dessus des figures de la porte du nord de la cathédrale de Bordeaux (6)[1].
Jusqu’à cette époque, ainsi que nous l’avons fait remarquer tout à l’heure, les dais d’une même ordonnance de statues juxtaposées sont variés dans leur forme et leur dimension ; mais, à dater du milieu du XIIIe siècle, les dais d’une même rangée de figures sont habituellement semblables et forment une ceinture d’arcatures uniformes, ainsi qu’on le peut voir au portail occidental de la cathédrale de Reims (7) ;
cependant ils ne sont pas encore surmontés de hautes pyramides, si ce n’est en Bourgogne, où l’on voit déjà, au milieu du XIIIe siècle, quelques dais terminés en façons de pinacles ou clochetons. Pendant le XIVe siècle les dais prennent beaucoup d’importance, se couvrent de détails, sont taillés en forme de petites voûtes précieusement travaillées ; quelquefois, dans les ébrasements des portails, sous les porches, ils figurent une arcature saillante découpée, portée de distance en distance sur des pilettes très-déliées, entre lesquelles sont alors posées les figures. On voit des pinacles ainsi disposés sous le porche occidental non-terminé de l’église Saint-Urbain de Troyes (8), sous le porche de l’église de Semur en Auxois.
Alors, au lieu de poser sur des culs-de-lampe, les statues sont debout, sur une saillie continue A, recevant les pilettes B, figure 8 ; elles s’abritent ainsi sous une galerie profonde, peuvent prendre des mouvements variés, se toucher, faire partie d’une même scène, comme l’Adoration des Mages, la Présentation au temple, le Baptême de Jésus-Christ, etc. Cette disposition nouvelle se prêtait au sentiment dramatique que cherchait déjà la statuaire à cette époque.

Au-dessus des statues isolées, posées soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des édifices, au XIVe siècle, les dais sont généralement surmontés de riches pyramides à jour qui n’offrent rien de particulier et ressemblent à toutes les terminaisons des clochetons d’alors (voyez Pinacle ).

Sans changer notablement les formes de ces dais du XIVe siècle, le XVe siècle ne fait que les exagérer ; les dais se voient encore dans l’architecture du XVIe siècle au-dessus des figures ; ils sont refouillés à l’excès, couverts de détails sans nombre : tels sont ceux du portail de la cathédrale de Tours, ceux de l’église de Saint-Michel de Dijon. Il paraît inutile de donner des exemples de ces derniers détails qui sont entre les mains de tout le monde. Les stalles en bois des chœurs des églises étaient surmontées de dais qui préservaient les religieux du froid. Ces dais ont une grande importance comme ouvrage de menuiserie (voyez Stalle). Quelquefois des statues assises du Christ ou de la sainte Vierge, dépendant de retables ou posées dans les tympans des portails ou même des pignons d’églises, sont sculptées sous un dais porté sur des colonnes, disposé comme un cyborium. Ces sortes de couronnements accompagnant des figures sacrées méritent toute l’attention des artistes, car ils fournissent des exemples de ces décorations intérieures de sanctuaires, détruites en France, aujourd’hui, sans exception. Un retable fort curieux, du commencement du XIIe siècle, et qui fut, il y a quelques années, l’objet d’un procès entre l’État et un conseil de fabrique qui avait vendu cet objet à un marchand de curiosités (procès gagné par l’État, et à la suite duquel le bas-relief fut réintégré dans l’église de Carrières-Saint-Denis, près Paris), se compose de trois sujets : d’une Annonciation, d’un Baptême de Jésus-Christ, et, au centre, d’une figure assise de la Vierge tenant l’Enfant sur ses genoux. La Vierge est surmontée d’un dais figurant la Jérusalem céleste, porté sur deux colonnes (9).


À la cathédrale de Chartres, dans le tympan de la porte de droite du portail royal, on voit aussi une Vierge dans la même attitude, surmontée d’un dais. À la cathédrale de Paris, la porte Sainte-Anne présente au sommet de son tympan un dais magnifique protégeant la statue assise de la Mère de Dieu. L’article Arche d’Alliance, du Dictionnaire, donne un dessin du dais posé au-dessus de la statue adossée au trumeau de la porte de la Vierge (même édifice).

  1. Cette porte se trouve aujourd’hui engagée dans une sacristie, toute la sculpture en est fort belle ; les statues des douze apôtres ont été enlevées de cette porte et sont déposées depuis peu dans la cathédrale.