Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance/Armure

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Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance
VE A. MOREL ET CIE, ÉDITEURS (tome 5p. 65-148).

ARMURE, s. f. On ne peut donner ce nom qu’aux harnais de guerre ou de joute composés entièrement de plates, c’est-à-dire de pièces de forge assemblées, de fer ou d’acier. Ce n’est en effet qu’au xve siècle que le nom d'armures de fer est donné aux gens d’armes montés et armés de toutes pièces. On disait, depuis le règne de Charles vii jusqu’au commencement du xvie siècle : « Tel capitaine s’en vint avec vingt-cinq armures de fer », ce qui s’entendait comme vingt-cinq cavaliers armés de toutes pièces, accompagnés de leurs écuyers, varlets, coutilliers, etc., ce qui donnait cinquante hommes à cheval et soixante au moins à pied. Plus tard on dit « tant de lances », pour désigner tant de cavaliers armés. Le nom d'armure ne peut s’appliquer aux harnais de mailles ou aux harnais mixtes composés de mailles et de plates, adoptés pendant le cours du xive siècle. Ces habillements de guerre avaient pour nom adoubement et harnois. Cependant, afin d’éviter la confusion et les redites, nous comprenons dans cet article les diverses modifications qu’a subies l’habillement militaire de l’homme d’armes, du cavalier armé, depuis l’époque carlovingienne jusqu’à la renaissance. Les articles du Dictionnaire donnant chacune des pièces de cet habillement par le menu, nous ne présentons ici qu’un aperçu général des transformations du harnais militaire du cavalier.

Au viiie siècle, sous le règne de Charlemagne, l'habillement de l’homme de guerre à cheval, en Occident, était un mélange des traditions romaines ou apportées par les populations venues du nord-est. On sait que la cavalerie des armées romaines se composait en très-grande partie d’auxiliaires numides, germains, gaulois, et même asiatiques vers les bas-temps. Le noyau de l’armée romaine était formé des légions, c’est-à-dire d’une infanterie solide, aguerrie, propre à tout, combattant et faisant des routes, des campements, des travaux de siège. La cavalerie était employée à faire des reconnaissances, à couvrir les ailes, à fourrager, à tourner un ennemi tenace, à poursuivre des fuyards et ramener des prisonniers. Il n’en fut plus ainsi dans les armées qui, du nord-est, se précipitèrent sur les provinces occidentales, si toutefois on peut donner le nom d’armées aux masses qui, sous le titre d’auxiliaires, hâtèrent la chute de l’empire. L’infanterie n’a de valeur qu’autant qu’elle est soumise à une discipline sévère, à une organisation administrative puissante ; aussi n’y a-t-il d’infanterie que chez les peuples civilisés. Les troupes de barbares se composent principalement d’une cavalerie chez laquelle l’élan, la fougue, remplacent la discipline et la tactique. Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que les peuplades guerrières qui s’établirent en Occident dès le ve siècle étaient de race aryane, et que les aryâs, aussi loin que l’on remonte dans l’histoire, ont été les premiers cavaliers du monde. Ceci explique comment, pendant le moyen âge, le cavalier fut longtemps considéré comme l’homme de guerre par excellence, et comment l’infanterie, qui sous l’empire avait la prépondérance dans les opérations militaires, ne fut plus considérée que comme un corps auxiliaire auquel, dans une action, n’était réservé qu’un rôle secondaire.

Nous prendrons donc comme premier type l’homme de guerre à cheval, sous Charlemagne. D’assez nombreux monuments permettent de se faire une idée exacte de son équipement. Il était de diverses sortes, ce qui peut s’expliquer par les différentes peuplades appelées à combattre sous ce prince. L’équipement romain, à quelques modifications près, est conservé souvent dans les peintures et monuments sculptés qui datent de cette époque, soit que cet équipement ait été réellement maintenu, soit que les artistes, auteurs de ces peintures et bas-reliefs, aient reproduit des formes antérieures à leur temps ; de ceux-là nous ne parlerons pas. Mais, à côté de ces documents, il en est d’autres qui, pour nous, ont un intérêt sérieux en ce qu’ils paraissent être inspirés par un sentiment de la réalité très-frappant ; et, en première ligne, nous citerons le célèbre jeu d’échecs d’ivoire qui provient du trésor de l’abbaye de Saint-Denis et qui passe pour avoir appartenu à Charlemagne[1]. Ce jeu comprend deux cavaliers dont l’équipement diffère. L’un (fig. 1) nous montre un homme d’armes vêtu d’une lorica composée d’écaillés de métal, bronze ou fer, posée sur une tunique descendant jusqu’au-dessous des genoux. Une sorte d’aumusse juste, de peau ou de feutre, couvre la tête, et un écu en forme d’amande est attaché au bras gauche. En A, la figure montre le cavalier de profil du côté droit, et en B est tracée la cuiller de la selle. Nous ne parlerons pas ici du harnais du cheval[2]. L’autre cavalier (fig. 2[3]) est mieux armé. Le corps et les cuisses sont revêtus d’une sorte de justaucorps de peau ou de toile couvert de tuiles de métal se recouvrant. Sur la tête est posée une calotte de métal avec aumusse de peau passant sous la cotte ; les jambes sont protégées par des chausses de peau, et entre les cuissards et ces chausses, à la hauteur des genoux, on aperçoit un bourrelet d’étoffe, comme un caleçon serré par le haut des jambières. Ce cavalier porte un bouclier circulaire couvert d’ornements et bordé de cercles de métal. En A, est montré le bras droit qui tient l’épée. L’avant-bras est nu, et, sous la manche armée, on aperçoit une autre manche d’étoffe. En B, est présenté le dos de la cotte couverte de tuiles de métal, et en C la cuiller de la selle. Ces cottes d’armes étaient faites généralement de peau ou de doubles de toile ; les plaques de métal, quelquefois en forme d’écailles, mais plus souvent rectangulaires, étaient rivées et cousues sur le vêtement, qui était bouclé latéralement de l’aisselle au genou d’un seul côté, sans quoi il eût été impossible de se couler dedans. Ainsi les boucles étant posées du côté gauche, on enfilait la jambe droite, puis le bras droit, la tête et le bras gauche, et l’on bouclait tout le côté gauche. Afin de faciliter l’entrée, le col de ces cottes d’armes est très-ouvert et large. L’aumusse de cuir que portent les deux cavaliers est destinée à bien couvrir cette large ouverture[4]. Ces cottes sont sans ceinture et laissaient aux mouvements toute leur liberté ; leur poids, combiné avec le trot du cheval, devait fatiguer beaucoup les épaules, aussi essaya-t-on de remédier à cet inconvénient. Vers la fin du ixe siècle, on voit apparaître la cotte treillissée, c’est-à-dire composée, comme la précédente, d’un vêtement de toiles doublées et rembourrées ou de peau, et armé de bandes de cuir en façon de treillis, avec rivets à larges têtes à chaque jonction des bandes et dans leurs intervalles. Cette armure était moins lourde que la précédente, était plus souple, et permettait la ceinture, qui empêchait tout le poids de la cotte de fatiguer les épaules. Voici (fig. 3) un exemple de ce genre d’armure[5]. Le détail A montre comment était composé le treillis de bandes de cuir avec rivets de fer ou de bronze. Sous la cotte d’armes est une première tunique longue, d’étoffe, descendant aux genoux ; cette tunique est à manches justes ; puis est posée une seconde tunique ne descendant guère plus bas que la cotte et à manches courtes. Les jambes ne sont pas armées, mais couvertes de chausses justes. Aux souliers sont attachés des éperons. La cotte se réunit au casque par un couvre-nuque. Pour faciliter le passage de la tête, un vantail carré, posé sur la poitrine, s’ouvre d’un côté comme une porte, et se rattache par des agrafes. On trouve la même disposition adoptée pour les cottes d’armes normandes. Celles-ci sont parfaitement indiquées dans la tapisserie de Bayeux et dans un assez grand nombre de monuments datant de la fin du xi" siècle. Ce qui donne aux représentations de la tapisserie de Bayeux un intérêt particulier, c’est que les cottes d’armes sont figurées non-seulement sur le corps des personnages, mais portées sur des bâtons au moment de l’embarquement de Guillaume. Aussi voit-on exactement la manière dont elles étaient faites. Elles formaient un seul vêtement couvrant tout le corps, les deux bras jusqu’au-dessous du coude, et les deux cuisses jusqu’au-dessous des genoux. Pour revêtir cette cotte, un large plastron carré s’ouvrait sur la poitrine, permettait d’enfourcher les jambes, une manche, puis l’autre, après quoi on boutonnait ce plastron ; un camail était attaché au large collet par derrière ; sa partie antérieure était prise sous le plastron quand on le fermait sur la poitrine. Dans la tapisserie de Bayeux, ces cottes sont parfois treillissées ou paraissent revêtues de plaques de métal; le plus souvent elles sont entièrement couvertes d’anneaux de métal, figurés par de petits cercles. On pourrait, vu le dessin grossier de cette broderie, supposer que ces anneaux représentent des mailles, mais d’autres monuments de la même époque, et d’une exécution minutieuse[6] quant aux détails, font bien voir que ces petits cercles ne sont autre chose que des anneaux de métal cousus sur la cotte de peau ou de toile rembourrée et doublée. Le colonel Penguilly L'Haridon, dans le Catalogue de la collection du Musée d’artillerie, a fait avec raison la distinction entre la cotte de mailles et la cotte de peau ou d’étoffe chargée d’anneaux de métal ; car il ne parait pas que les cottes de mailles aient été adoptées en France avant le xiie siècle, encore apparaissent-elles rarement pendant la première moitié de ce siècle. Voici donc (fig. 4) un des cavaliers normands représentés sur la tapisserie de Bayeux. Il faut dire que ce précieux monument ne date pas de l’époque de l’expédition de Guillaume, mais ne remonte guère qu’à la fin du xie siècle, c’est-à-dire à l’époque des expéditions des Normands en Italie, en Sicile et en Orient. Tout porte à croire, d’ailleurs, que l’équipement de ces rudes cavaliers s’était peu modifié pendant le cours du xie siècle. La cotte était ample, mais pas assez pour ne pas suivre les formes du corps ; les manches larges, pour pouvoir être passées facilement, ainsi que les cuisses. On voit sur la poitrine du cavalier le plastron-volet, qui s’ouvrait de haut en bas et permettait de passer le corps par cette ouverture, afin d’enfourcher les cuisses, le camail étant rapporté. Ce camail ne tenait pas au casque, mais s’attachait à la cotte d’armes, et l’on voit, sur la tapisserie de Bayeux, des guerriers qui n’ont sur la tête que ce camail, sans le casque conique avec nasal, que l’on mettait au moment du combat. L’homme, sous la cotte d’armes, est vêtu d’un pourpoint à manches très-probablement de peau ou de toile double piquée ; les jambes sont passées dans des chausses avec ou sans bandelettes[7]. Tous ces cavaliers portent des souliers garnis d’éperons très-relevés au-dessus de la semelle. Ils tiennent des écus longs en forme d’amande, avec système de courroies et guige qui permettait de les passer à l’avant-bras gauche en deux sens et de les suspendre au cou[8]. Assis verticalement sur la selle, leurs jambes sont à peine pliées et portaient presque tout le poids du corps sur les étriers, afin de donner plus de force au coup de lance. L’épée, posée sur la hanche gauche, passait à travers la cotte et était bouclée par-dessous ; sa poignée seule restait apparente sous le coude gauche. A la même époque, les hommes d’armes en France portaient aussi des cottes d’armes composées de fines nattes de cuir posées verticalement sur un fond d’étoffe. On voit un de ces guerriers sculpté sur le linteau de droite de la porte principale de l’église abbatiale de Vézelay[9]. Ce personnage (fig. 5) est vêtu d’une tunique d’étoffe descendant aux genoux, avec manche large fendue de quelques centimètres, couvrant le bras droit, et manche juste au poignet, couvrant le bras gauche. La figure 5 bis montre la manche droite. La manche gauche était serrée, afin de ne pas gêner l’homme d’armes lorsqu’il se servait du bouclier. Sur cette tunique est posée la cotte d’armes faite de peau ou de toile doublée, avec treillis et torsades de cuir espacées[10]. Le treillis de cuir est d’abord cousu sur le fond, puis par-dessus des torsades de cuir entourant des lanières ou des cordelettes de chanvre (voy. le détail A fig. 5 bis). Une aumusse de peau avec petit camail protège la tête et le cou. Des chausses justes couvrent les jambes, et les pieds sont chaussés de souliers. Des hommes d’armes, sur ce même bas-relief, portent des boucliers circulaires avec orle et disque central de métal. Ces boucliers n'ont guère que 0m,60 de diamètre. Les épées sont courtes, larges au talon, avec garde sans quittons.

Un manuscrit de 1125 environ, écrit en France et faisant partie aujourd’hui de la bibliothèque Cottonienne[11], présente un guerrier vêtu d’une cotte d’armes fendue à la jupe latéralement et couverte de rivets de métal en manière de petits besants rapprochés. Le fourreau de l’épée, placée sur la hanche droite, passe à travers cette cotte ou broigne (fig. 6). Le casque est conique, légèrement recourbé* par devant au sommet ; il porte un nasal fixe. Sous la broigne est une longue tunique d’étoffe souple. L’homme d’armes est chaussé de brodequins par-dessus des chausses justes.

Au milieu du xiie siècle, l’adoubement de l’homme d’armes avait subi quelques modifications. La tunique de dessous ne descendait qu’au-dessous des genoux. La broigne n’était pas fendue latéralement, étant assez courte de jupe ; ses manches étaient plus amples. Elle était garnie encore de plaques rivées ou d’écaillés, d’anneaux, de rivets ou même de chaînettes jointives[12].

Le casque est encore conique, composé de plaques de fer rivées, avec ou sans nasal, mais souvent garni d’une queue de fer mobile, à laquelle on attachait un morceau d’étoffe : c’était à la fois un couvre-nuque et un ornement. Rarement les jambes sont couvertes autrement que par des chausses, bien que l’on remarque, dans certains monuments, une arête sur le tibia , qui semble être une verge de métal cousue sur le devant du bas-de-chausses ; les souliers, séparés de ces chausses, persistent. L’écu est circulaire dans les provinces françaises occidentales (fig. 7[13]). C’est alors aussi que dans les provinces de l’est et jusqu’en Champagne, on voit apparaître le casque bombé, très-haut, avec nasal, couvre-nuque et garde-joues[14]. On peut admettre que dès cette époque, les cottes d’armes étaient déjà composées de mailles, c’est-à-dire d’anneaux de fer entrelacés et rivés. Ces anciennes mailles sont grosses, épaisses et assez irrégulières ; on en a trouvé quelques débris dans des tombeaux, dont les anneaux ont plus de 0m,01 de diamètre et 0m,002 d’épaisseur ; d’ailleurs ces cottes d’armes avaient la coupe de celle représentée figure 7.

Ce n’est qu’après la croisade de Louis le Jeune (1150), que la maille est définitivement adoptée pour couvrir l'homme d’armes. Alors la broigne descend à mi-jambes et s’attache au bas du cou par derrière, sur un camail de peau dont le capuchon couvre la tête en laissant le visage découvert. Ce vêtement prend alors le nom de haubert ; ses manches sont justes, et les mains sont couvertes de gants de peau souple. Le casque (elme, heaume ou hiaumet, est pointu) légèrement recourbé sur le devant, saisit l’occiput, et possède un nasal fixe, très-large à la base. Le gambison, ou pourpoint de dessous, rembourré sur la poitrine, les épaules et le dos, afin d’amortir les coups de pointe, de masse, et surtout d’empêcher les flèches ou carreaux d’arbalète de pénétrer à travers les maillons, était terminé par une jupe sous la maille qui descendait aux chevilles. Les souliers sont de cuir et portent un nerf saillant de métal sur le cou-de-pied. L’écu en amande est très-long[15] et peut cacher l’homme à pied, pour peu qu’il se baisse ; il est muni d’un umbo très-saillant (fig. 8[16]). La cotte de mailles n’est fendue que par devant et par derrière, ainsi que la jupe du gambison, pour laisser les jambes libres et couvertes lorsque l’homme d’armes est à cheval.

L’épée, large au talon, pointue, moyennement longue (80 centimètres environ), est portée la poignée un peu en avant de la hanche gauche et le fourreau incliné, mais de manière à ne pas dépasser l’aplomb postérieur de la cotte d’armes.

Plus tard, de 1180 à 1200, le haubert descend au-dessous des genoux ; ses manches sont justes, et les mains sont couvertes de gants de peau ; mais le capuchon, fait de peau, est en partie couvert de mailles à la nuque, sur les joues et au menton. L’épée est longue, tombe verticalement le long de la jambe gauche, et est attachée à un ceinturon qui serre le haubert à la hauteur de la taille.

Le hiaumet affecte des formes variées : il est ou conique, comme dans l’exemple figure 8, mais sans couvre-nuque, ou en forme de demi-sphère, ou bombé, avec rebords, ou pointu, avec nasal fixe ou mobile. Le haubert de mailles est fendu devant et derrière jusqu’à la hauteur de l’entre-cuisses, et latéralement jusqu’à la hauteur de la main étendue. La jupe du gambison est fendue de la même manière. Un camail de mailles recouvre le haubert et s’attache sur un capuchon de peau. Les jambes sont armées de mailles sur le tibia, ou vêtues de jambières de cuir piqué avec souliers et éperons. L’écu est triangulaire, très-concave et large au chef, dont les angles sont arrondis. La cotte d’armes et le gambison se séparaient donc en quatre parties lorsqu’on montait à cheval. Cette cotte maillée s’attachait sous le camail par devant, au moyen de quelques boutons, mais plus souvent était lacée derrière le cou jusqu’au milieu du dos (fig. 9[17]). On disait alors fervestir pour s’armer ; et « tant de fervestis », comme plus tard on disait « tant d'armures de fer », pour indiquer une troupe d’hommes d’armes à cheval :


« Li vassaus monte qu’il ot le cuer hardi
« A bien set cens chevaliers fervestis[18]. »

« De l’ost se part à trois mil fervestis[19]. »

« A quatre portes ot loragais baslis,
« Et à chascune ot cinq cens fervestis[20]. »

« Atendez tant que je soie garis,
« Que je pourai mes garnemens sofrir.
« Et que je puisse chevauchier fervestis[21]. »


Il y avait d’ailleurs, à cette époque de transition, en toutes choses peu d’uniformité dans l'habillement de l'homme d’armes. On portait simultanément la broigne et le haubert avec camail ou sans camail fixe, le haubert avec ou sans ceinturon, le haubert ne descendant qu’au-dessus des genoux, ou le grand haubert atteignant presque les chevilles. Les mailles des jambes étaient ou de véritables chausses, ou des gardes de tibia lacées derrière les mollets. Le capuchon de mailles couvrait parfois le crâne, les joues, les oreilles, l’occiput et posait sur un serre-tête de peau.

La figure 9, en A, montre comment la maille du camail était fixée sur le serre-tête de peau, qui permettait de mieux asseoir le hiaumet. La maille n’étant pas ainsi interposée entre le serre-tête et le hiaumet, le poids de celui-ci n’imprimait pas les maillons dans le crâne de l’homme d’armes. Ce hiaumet était fixé par deux courroies à deux petits crochets ou boutons latéraux. Si un cavalier se jetait dans la mêlée, il remplaçait le hiaumet par le grand heaume qui couvrait entièrement la tête, ainsi que le montre la figure 10[22]. Deux fentes horizontales percées au-dessus du cercle inférieur de ce heaume permettaient au cavalier de voir. Dans cet exemple, l'homme d’armes n’a pas de ceinturon, et son épée est attachée à deux chainettes passant par deux fentes ménagées dans la jupe du haubert, qui ne descend guère qu’aux deux tiers des cuisses. Le gambison s’arrête au-dessus des genoux. Les jambes sont couvertes de chausses de peau. L’écu, très-recourbé, enveloppait complètement le corps du cavalier et sa pointe couvrait le genou droit. Ces cottes courtes n’étaient fendues que devant et derrière (fig. 11[23]). Le haubert portait le camail et se passait par le bas en relevant les bras (fig. 12[24]), comme on fait d’une chemise. La figure 12 bis[25] montre un varlet tenant une broigne ou un haubert sur son bras et s’apprêtant à en revêtir son maître.

Bien que ces deux exemples datent d’une époque postérieure de cinquante ans environ à celle à laquelle appartiennent les figures 8 et 9, cependant nous les classons ici parce qu’ils montrent la manière de mettre la cotte de mailles ou la broigne de la fin du xiie siècle, aussi bien que celle du xiii- siècle.

Le beau Psautier latin de la Bibliothèque nationale, de 1200[26], montre, dans une de ses miniatures, un Goliath armé comme un chevalier des premières années du xiiie siècle. Son haubert de mailles (fig. 13) est court, fendu en quatre au bas, avec bordure ornée. Le camail est disposé comme celui présenté figure 8. Le hiaumet est pourvu d’un nasal fixe. L’écu est long, en amande, l’épée large au talon. Les jambes sont garnies de mailles sur le tibia, lacées par derrière sur des chausses rouges. Le gambison d’étoffe est pourpre clair. La lance est armée d’un pennon losangé attaché à cinq clous :


« Il vest l’auberc et le vert heaume lace
« Et ceint l’espée par les renges de palle.
« L’en li amaine l’auferrant en la place :
« Li cuens i monte si que estrier n’i baille.
« A son col pent une vermeille targe,
« Entre ses poinz un roit espié qui taille,
« A. V. clos d’or une eusaigne de paile[27]. »


L’adoption du haubert de mailles ou haubert jaseran :


« Trestut le cors et l’osbere jazerene[28].... »
« El dos li vestent une haubere jazerant[29]... »


qu’on appelait aussi simplement un jaseran :


« Car encor ai entier mon jazerant[30]... »


ne fit pas cependant disparaître entièrement la broigne. Peut-être convient-il d’établir clairement la différence entre ces deux vêtements de guerre. La broigne est faite de peau ou de toile, revêtue de lames, d’anneaux ou de chaînettes de fer ou même de simples rivets. Le haubert est la cotte composée de mailles, lesquelles, entrelacées, forment un tissu de fer, souple, indépendant du vêtement de dessous sur lequel il est posé. Or on voit la broigne, c’est-à-dire le vêtement de peau ou de toile en double, revêtu de maillons cousus, persister très-tard. Il paraîtrait même que vers le milieu du xiiie siècle, ce vêtement de guerre fut très-fréquemment adopté. Il préservait mieux des coups de pointe que ne pouvait le faire la cotte de mailles, et fatiguait moins le cavalier en s’adaptant mieux au corps. Beaucoup de vignettes de manuscrits de cette époque représentent des hommes d’armes dont l’armure est exprimée par le travail qu’indique la figure 14. Des monuments sculptés montrent également des cottes à armer dont les rangs d’anneaux serrés sont séparés par un filet saillant[31]. Ce filet est souvent peint en vert, en pourpre, en rouge, tandis que les rangs d’anneaux sont ou dorés, ou colorés en gris. On peut en conclure que ces filets figurent une étoffe. A l’article Broigne nous expliquons en détail ce genre de travail.

Avant de suivre les transformations de l’équipement, ou, comme on disait alors, du garnement de l’homme d’armes français, on ne saurait passer sous silence certaines particularités remarquables de l’armement des chevaliers des provinces voisines du Rhin vers la fin du xiie siècle, et qui expliquent quelques-unes des modifications apportées alors à l’habillement militaire de la Champagne. Le vêtement de mailles paraît avoir été adopté sur les bords du Rhin d’une manière complète avant d’être admis définitivement en France. Le beau manuscrit de Herrade de Landsberg[32] fournissait sur cet habillement des documents précieux ; il montrait des chevaliers entièrement couverts de mailles sans apparence de gambison ou de tunique d’étoffe sous-jacente. Le haubert ne se termine pas par une jupe fendue, mais en manière de braies, à peu près comme l’était la cotte à armer normande.

Sous le capuchon qui tient au haubert (fig. 15), est posée une cervelière de mailles doublée de peau ou de double toile (voy. en A). Le heaume est de deux sortes : l’un (voy. en B) est conique, légèrement bombé, avec pointe recourbée sur le devant et nasal fixe ; l’autre (voy. en C), hémisphérique, très-haut, avec ventaille qui laisse seulement les yeux à découvert. Le haubert est terminé en manière de caleçon ample ; les jambes sont couvertes de mailles sur le devant, lacées sur le mollet. La maille ne couvre que la moitié de la main, comme des mitaines, le reste est une garniture de peau. Le ceinturon, soit de cuir souple ou d’étoffe, n’est pas serré par une boucle, mais au moyen d’un œil à travers lequel passe l’autre extrémité. L’épée est très-large au talon. L’écu est triangulaire, arrondi aux deux angles supérieurs et pris dans un cylindre ; il est toujours pendu au cou par la guige. Cette manière d’armer les jambes paraît avoir été adoptée sur les bords du Rhin tout d’abord et n’avoir été admise en France que vers les premières années du xiiie siècle. La singulière ventaille qui accompagne le heaume C est une pièce d’armure toute particulière aux contrées germaniques, mais qui fournit les éléments d’un appendice adapté quelques années plus tard au heaume français. Il est à observer que, pendant le cours du moyen âge, les hommes de guerre d'outre-Rhin ont pris de grandes précautions pour se couvrir, et que leur habillement militaire est en général plus préservatif que ne le sont ceux de nos hommes d’armes. C’est d’Allemagne que nous viennent toujours les pièces d’armes les plus solides et défensives. Aujourd’hui les troupes allemandes n’ont pas perdu ces habitudes fort prudentes, pour lesquelles nous avons peu de goût, mais que tôt ou tard nous adoptons forcément.

De 1220 à 1230, l’habillement de l’homme d’armes français subit de nouvelles modifications. Le haubert de mailles descend au-dessous des genoux, laissant apparaître le bord inférieur de la jupe du gambison. Le capuchon de mailles couvre le menton, les oreilles et le sommet du crâne ; par-dessus est posée une sorte de cervelière d’étoile avec turban, appelée parfois mortier, destinée, ainsi que le montre la figure 16[33], à maintenir le heaume de fer et à l’empêcher de froisser le front et les tempes. Le ceinturon est porté bas déjà sur la cotte de mailles. Le heaume est cylindrique, très-large et terminé carrément. Il est maintenu d’aplomb par le turban de la cervelière. Déjà la cotte d’armes d’étoffe recouvre parfois le haubert de mailles et descend plus bas ; elle est fendue devant, derrière et latéralement. Alors le ceinturon serre la taille.

Les jambes sont habituellement revêtues de chausses de mailles, bien que l’usage des chausses d’étoffe ou de peau fût encore assez fréquent, ainsi que nous l’apprend ce curieux passage de la croisade contre les Albigeois[34] :


« Yen couose las costumas dels Frauces bobanciers
Quilh an garnitz los corses tinament a dobliers
E de jos en las cambas non an mas los cauciers
E sils datz a las garras nils firetz soendiers
Al partir dela coila i remandral carniers[35]. »


Le heaume cylindrique plat au sommet, si étrange que paraisse sa forme, avait sa raison d’être, eu égard aux armes offensives employées. Il parait parfaitement les coups de lance, qui glissaient sur ses parois ; il préservait des coups d’épée, de masse ou de hache, beaucoup mieux que ne le pouvait faire le heaume conique ou sphérique. Ces coups ne pouvaient être dirigés qu’obliquement ; dès lors, au lieu de rencontrer une surface normale à leur direction, ils frappaient sur un angle qui offrait une très-grande résistance. Pour qu’un cavalier pût frapper son adversaire de manière à faire tomber le poids de sa hache ou de sa masse normalement à la partie plate du sommet du heaume, il eût fallu qu’il se trouvât plus élevé que cet adversaire, qu’il se mît à genoux sur la selle de son cheval : aussi le cavalier, au moment de diriger un coup de hache ou de masse, se dressait-il autant que possible sur ses étriers, afin que son arme pût enfoncer la partie plane du heaume. Avait-on aussi pour cette sorte d’attaque des haches à fer pesant et à long manche flexible, semblables à celle qui est représentée sur la figure 16. Il fallait bien que ces heaumes cylindriques fussent un bon habillement de tête, car ils persistent très-tard ; on en portait encore à la croisade de saint Louis (voy. Heaume). L’écu était peint aux armes de chacun. Voici un passage de la Chanson des Saxons[36], qui vient appuyer les monuments figurés d’où nous avons tiré les exemples précédents :


« Qui dont véist chascun son hernois aprester,
« Ces espées forbir et ces hauberz roller.
« Cauces et covertures froier et escurer,
« Cez heaumes rebrunir, ces escuz enarmer
« Cez fers de cez espiez an fraisnez anhanter,
« Et ces chevax de garde torchier et conraer. »


Roller veut dire battre, équivaut à la locution vulgaire de rouler. Le moyen de dérouiller et de nettoyer les hauberts de mailles ne pouvait consister qu’en un froissement répété des maillons les uns contre les autres. Froier veut dire frotter ; le verbe escurer a la signification qu’on lui donne aujourd’hui. Donc il s’agit de pièces d’armures de fer poli, c’est-à-dire de grèves (cauces) et d’ailettes (covertures) ; et, en effet, dès le milieu du xiiie siècle, ces deux pièces d’armures étaient ajoutées au garnement de mailles. Ecus enarmez veut dire écus peints aux armes de ceux auxquels ils appartenaient. C’était en bois de fresne que l’on fabriquait les manches de lance.

A cette époque, c’est-à-dire vers 1250, sans être sensiblement modifié, l’habillement de l’homme d’armes gagne en élégance. La cotte d’armes d’étoffe, ne descendant qu’au-dessus des genoux, couvre entièrement le haubert de mailles, dont les manches seules restent apparentes. Le capuchon de mailles tient au haubert et est serré à la hauteur des tempes par une mince courroie bouclée ou nouée par derrière. Les gantelets de mailles tiennent aux manches et peuvent laisser la main libre au moyen d’une fente pratiquée longitudinalement au poignet. Le ceinturon, large, pendant, est retenu par une ceinture qui serre la taille. Les jambes sont, ainsi que les pieds, revêtus de chausses de mailles (fig. 17[37]). Le heaume est cylindro-conique tronqué, avec vue barrée par un renfort vertical. Ce heaume avait l’avantage de mieux tenir sur la tête que celui de l’exemple précédent, et posait sur la cervelière de mailles. Il était garni intérieurement d’une coiffe rembourrée qui portait sur cette cervelière. Sous la maille, le gambison, sorte de pourpoint, était fait de toile fortement rembourrée sur le dos, la poitrine et les hanches. L’écu, moins recourbé que précédemment, était aussi plus petit et triangulaire. La cotte d’armes est parfois à cette époque portée sans ceinture, collante sur la poitrine et le dos, et faite d’étoffe fortement doublée. Le heaume est surmonté d’un cimier, suivant le goût de chacun. La figure 18[38] montre un de ces chevaliers monté ; son écuyer porte l’écu et la lance. Lorsqu’on portait la cotte d’armes épaisse, roide et collante sur le torse, l’épée était attachée à un ceinturon serrant le haubert de mailles. Sa poignée seule sortait par une fente pratiquée latéralement dans la cotte d’armes du côté gauche. C’est alors aussi[39] que, pour garantir les épaules contre les coups de masse et de hache, l’homme d’armes adopte les ailettes[40], qui sont deux plaques de fer quadrangulaires attachées sous les aisselles et joignant le heaume au moyen d’une courroie transversale, au moment du combat. C’est vers 1230 qu’apparaissent les ailettes. Le heaume cylindro-conique est aussi parfois remplacé alors, en France, par le heaume large du haut, bombé à sa partie supérieure et se rétrécissant vers le cou (fig. 19), pas assez cependant pour que la tête n’y pût passer ; car ce heaume, pas plus que les précédents, ne s’ouvrait pour faciliter le passage du crâne. Une coiffe intérieure bien rembourrée permettait au heaume d’adhérer parfaitement à la cervelière de mailles. Le cheval de cet homme d’armes est houssé. C’est alors en effet que ce harnais est adopté. La housse d'étoffe n’était pas un simple ornement, elle préservait efficacement le cheval des traits d’arc ou d’arbalète, et même des coups d’épée. Flottante à la partie inférieure, elle était fortement doublée sur le cou, le poitrail et la croupe. Mais on ne se contenta pas de cette houssure d’étoffe. Voici (fig. 20[41]) un chevalier dont l’adoubement date de 1300 environ. Cet adoubement est plus compliqué et appartient à une époque de transition. La broigne est de nouveau substituée à la maille, c’est-à-dire le vêtement de peau, de toile ou de velours, sur lequel sont cousus des rangs de maillons. Au poignet même apparaît, entre le gantelet et la manche de la broigne, le gambison de peau piqué. Outre les ailettes, les arrière-bras sont armés de plaques de fer, et les coudes de cubitières légèrement coniques. Les jambes sont aussi armées de grèves et de genouillères par-dessus les chausses façonnées comme la broigne. Celle-ci ne descend qu’aux genoux, et la cotte d’armes d’étoffe souple recouvre le torse et les cuisses. Le heaume est pointu[42], avec vue barrée verticalement par un renfort, comme dans les exemples précédents ; les mains sont gantées de peau. Sous la housse d’étoffe, le cheval est armé d’une couverture maillée comme la broigne de l’homme d’armes, et sa tête est garantie par un frontal de fer[43]. Évidemment alors l’habillement de mailles ne paraissait plus suffisant : on y avait ajouté d’abord les ailettes, puis des lames de fer sur les arrière-bras, puis des cubitières ; on préservait les genoux et les jambes par des genouillères et des grèves ; puis encore on revenait, sous ces renforts de fer, à la broigne, plus résistante que n’était la maille, et sous la broigne on posait un gambison de toile ou de peau piqué. De même aussi on armait plus fortement le cheval. Il ne faut pas s’étonner si alors chaque homme d’armes cherchait à perfectionner l’adoubement, et si, par conséquent, on trouve une grande variété dans les diverses pièces d’armures adoptées ; s’il se présente des singularités en raison de la force, du goût et des idées plus ou moins ingénieuses de chacun. L’état mixte de l’armure, de 1290 à 1310, ne pouvait former un ensemble complet. Les plaques de métal en plus ou moins grand nombre, la maille ou la broigne maillée, la cotte d’armes rembourrée ou souple, longue ou courte, le gambison piqué ou simple, se trouvent dans les monuments figurés de cette époque. Le heaume subit alors d’importantes modifications. Sa partie basse antérieure devient mobile, ce qui permettait au cavalier de respirer à l’aise sans être obligé d’ôter cet habillement de tète. Cette partie mobile (la ventaille primitive) couvre le bas du visage jusqu’au-dessous du menton[42] et peut être relevée en pivotant sur deux axes placés à la hauteur de la vue (fig. 21[44]). Cet homme d’armes est vêtu de la broigne sous la cotte d’armes, qui est épaisse sur les épaules, souple à sa partie inférieure. De petites cubitières coniques préservent les coudes. Ses jambes sont armées de mailles avec grèves, solerets et genouillères de fer. Le cheval est houssé entièrement de mailles, genre de harnais qui est peu commun et devait coûter fort cher. Le manuscrit de la Bibliothèque nationale, d’où nous tirons l’exemple précédent, nous montre des hommes d’armes qui déjà ont les bras entièrement armés de fer, ce qui était alors peu ordinaire. Outre la cubitière conique, l’arrière-bras et l’avant-bras sont entièrement enfermés dans deux cylindres de fer à charnières, comme on les façonnait vers la fin du xive siècle (fig. 22). Cet exemple prouve qu’aux époques de transition, il se fait des tentatives partielles de perfectionnements qui ne sont définitivement adoptés que beaucoup plus tard. Dans cet exemple, le heaume abandonne la forme cylindro-conique ou conique tronquée, pour revenir à la forme conique qu’il n’abandonnera plus guère jusqu’au xve siècle. La ventaille est disposée comme dans la précédente figure. La cotte d’armes est doublée et roide sur les épaules et la poitrine, est souple à sa partie inférieure, fendue en quatre parties et longue. Des rivets se voient autour du col de la cotte d'arme, ce qui indique assez que cette cotte était solidement doublée à sa partie supérieure.

Un très-curieux manuscrit de la Bibliothèque nationale, intitulé, Pèlerinage de la vie humaine[45], fournit de précieux détails sur l’adoubement de l’homme d’armes à la fin du xiiie siècle, et donne les noms de chaque partie du vêtement. Une des vignettes représente la perche à laquelle sont appendues les pièces de l’armure (fig. 23). Au-dessous on lit les vers suivants :


« Là sont heaumes et haubergeons
« Gorgereites et gambesons
« Targes et quanques faillir puet
« A cil qui deffendre se veult. »


Sur la perche on voit en effet : en A l’épée, en B le haubert ou haubergeon, en C le gambison, en D l’écu ou targe et les gants, en E le heaume. Ailleurs une femme prend une tunique (fig. 24) et au-dessous on lit :

« Adone prist-elle un gambeson
« D'une desguisée façon
« . . . . . . . . . . .
« Car droit derriere estoit mise
« En la dossiere et assise
« Une enclume qui faite estoit
« Pour cops de martiaus recevoir. »


Puis c’est le tour du haubergeon (fig. 25) :


« Donc le haubergeou je pris. »


L’homme d’armes est ainsi vêtu (fig. 26) : Ses chausses sont noires ; par dessus apparaît le bas du gambison recouvert du hauhergeon, puis de la gorgerette (camail) sous le bacinet[46]. Les gants sont très-longs et garantissent les avant-bras[47]. Le fourreau de l’épée est le fourrel. Ainsi donc, point de doutes sur les dénominations de ces pièces de l'adoubement, et, dans cet inventaire, seule la cotte d’armes d’étoffe fait défaut, mais elle n’est pas, à proprement parler, une pièce d’armure.

Le gambison était alors fait de toile ou de peau souple piquée, rembourrée. Voici (fig. 27[48]) une sculpture provenant du portail occidental de la cathédrale de Lyon (commencement du xive siècle), qui nous montre deux hommes d’armes combattant à pied. Celui de gauche est vêtu du gambison piqué, du haubergeon de mailles et de la cotte d’armes. Celui de droite n’est vêtu que du gambison piqué et du haubergeon de mailles. Un bacinet protège la tête de ce dernier ; ses mains sont couvertes de gants. Les solerets sont de mailles avec grèves complètes de cuir, probablement. Le premier possède une targe ronde, le second un écu pendu au cou. Ces deux hommes d’armes sont complètement dépourvus de pièces d’acier, de plates ; bien que, ainsi que nous venons de le voir, ces pièces d’armures fussent usitées depuis longtemps déjà pour couvrir les épaules, les arrière-bras, les coudes, les genoux et les tibias.

Il était assez habituel, dès le commencement du xiiie siècle, que les seigneurs suzerains se distinguassent, au milieu de leurs barons, par un signe indépendant de leur blason : c’était une couronne ou un cercle de pierreries sur le heaume ; c’était aussi par la bannière portée devant ou près d’eux. Pendant le xive siècle il en fut de même, en France du moins ; le roi seul, entre tous, portait une couronne entourant le heaume. Mais il ne paraît pas que les princes de la famille royale portassent sur leur armure d’autre signe que leur blason. Les évêques, qui, comme seigneurs féodaux combattaient parfois à la tête de leurs gens, portaient, pendant les xiiie et xive siècles, la mitre posée sur le heaume.

La figure 27 bis[49] montre un de ces prélats armés, portant une mitre rouge posée sur le heaume.

À la bataille de Poitiers, en 1356, l’archevêque de Sens fut fait prisonnier et l’évêque de Châlons demeura parmi les morts[50].

Alors, au commencement du xive siècle, chacun s’évertuait à trouver le genre d’armure le plus approprié à la défense, en adoptant simultanément la broigne, le gambison piqué, le haubert de mailles, le surcot ou la cotte de peau rembourrée, les plates, les canons de cuir bouilli pour les bras et les cuisses (cuissots), les grèves d’acier, ou les chausses de mailles, le bacinet et la simple cervelière attachée au camail ou à la gorgerette. On voyait persister cependant une sorte d’armure d’ordonnance, classique, qui semblait particulièrement affectionnée par la maison de France. Nous ne devons pas nous en tenir à ce vêtement de guerre, mais montrer les divers essais tentés par la chevalerie et qui ont un caractère pratique, en laissant de côté ce qui doit être mis au compte de la fantaisie des artistes peintres de miniatures. Mais on ne peut se méprendre à cet égard, pour peu qu’on ait l'habitude de consulter les manuscrits. On reconnaît bien vite ceux dont les peintures sont dues à des artistes reproduisant scrupuleusement ce qu’ils voyaient, parmi un certain nombre où la fantaisie guidait seule les miniaturistes. Il est bon aussi, dans l'étude de ces documents, de distinguer ceux qui appartiennent aux écoles italienne, flamande ou provençale, et de ne point considérer les exemples qu’ils donnent comme français. A dater de cette époque, en effet, on observe, entre les vêtements de guerre de ces contrées et ceux proprement français, de très-notables différences. Les armures anglaises se rapprochent davantage des nôtres, mais avec une certaine exagération dans les formes. Les Anglais outraient la mode des armures comme ils outraient la mode du vêtement civil dès la fin du xiiie siècle.

Voici (fig. 28) un des hommes d’armes que l’on voit représenté plusieurs fois dans un manuscrit français des premières années du xive siècle[51]. Cet homme d’armes est vêtu du gambison piqué verticalement, qui ne descend qu’au-dessus du genou. Par-dessus est posé le haubert de mailles, qui couvre les bras, et possède un camail, une gorgerette à laquelle est rivée la cervelière conique d’acier. Sur le haubert est posée une broigne, ou vêtement de peau avec clous rivés, puis une cotte ou surcotte, qui paraît être également de peau ; roulée sur le ventre pour ne pas gêner les mouvements et de manière à former une sorte de veste sans manches avec pans postérieurs. Les bras sont couverts (arrière-bras et avant-bras) de canons faits de bandes de cuir bouilli réunies par des coutures. Les coudes sont protégés par des cubitières d’acier attachées au moyen de courroies ; le ceinturon passe sous la surcotte et est bouclé au milieu du ventre. Les jambes sont armées de chausses de mailles avec genouillères, grèves et plaques d’acier sur le cou-de-pied. Une dague est pendue le long de la cuisse droite. L’artiste a rendu minutieusement les détails de cette armure, ce que ne font jamais ceux qui se livrent à des compositions de fantaisie.

En regard de cette armure singulière, nous donnons celle du comte de Valois, Charles, troisième fils de Philippe le Hardi, qui, suivant Guillaume de Nangis, mourut le dixième jour de l’année 1325 (fig. 29). La statue de ce prince est déposée aujourd’hui à Saint-Denis et provient des Jacobins de Paris. Sous le haubert de mailles qui porte le camail et les gants, on voit le gambison piqué, puis la cotte d’armes d’étoffe souple, descendant, comme le gambison, au-dessous des genoux. Les jambes sont enfermées dans des grèves complètes d’acier, et les solerets sont de mailles. Une fine courroie maintient la cotte à la hauteur de la taille ; quant au ceinturon de l’épée, il est large et descend bas. L’écu est suspendu sur l’épaule par la guige. Sous le camail du haubert apparaît la chemisette à petits plis. La cotte est fendue en quatre parties pour ne pas gêner à cheval. Le gambison ni le haubert ne sont échancrés. Très-amples, ils se développaient en couvrant les genoux du cavalier. On voit que cette armure conserve le caractère de celles de la fin du xiiie siècle, et ne présente aucune de ces étrangetés fréquentes au commencement du xive siècle, dans l’adoubement de l'homme d’armes.

Le caractère flottant de la cotte d’armes se perd bientôt cependant parmi la chevalerie française vers 1340. Cette cotte est rembourrée, épaisse ; des pièces d’acier articulées couvrent les épaules et les bras. Le gambison piqué disparait, et c’est la résistance de la cotte elle-même qui protège le haubert de mailles. C’est ainsi qu’est armée la statue du comte d’Alençon, frère du roi Philippe vi et fils de Charles de Valois. Il fut tué à Crécy en engageant si malheureusement la bataille, sans attendre que l’ordre du combat fût réglé, et lorsque les troupes françaises étaient harassées par une longue marche. Cette armure date donc de 1445 environ. Elle se compose (fig. 30[52]) d’un haubert de mailles qui ne descend qu’au-dessus des genoux et est dépourvu de camail. Le bacinet remplace cette armure de cou et de tête. Sur le haubert est une surcotte de peau fortement rembourrée et juste au corps, lacée par derrière. Les épaules et arrière-bras sont couverts de lames d’acier articulées, et les canons des avant-bras sont complets ; les cubitières ont deux grandes rondelles externes qui protègent la saignée. Pas de courroie pour maintenir la surcotte ajustée, mais une large ceinture tombant pour suspendre l’épée. Les jambes sont garnies de grèves complètes et les genouillères sont très-ajustées au membre. Les solerets sont d’acier et articulés. Le haubert n’est pas fendu. Seule la cotte porte une fente peu prononcée par derrière. Étant courts, ces vêtements n’avaient pas besoin d’être échancrés pour monter à cheval, d’autant qu’en chargeant, les hommes d’armes se tenaient debout sur leurs étriers.

Relativement à ce que nous disions tout à l’heure sur les caractères des armures appartenant aux diverses contrées de l’Europe occidentale, et pour montrer combien il est nécessaire de ne pas prendre sans examen les renseignements lorsqu’on veut reproduire exactement l’adoubement de l’homme d’armes, notamment de cette époque, nous donnerons ici l’armure d’Ulrick, landgrave d’Alsace, dont le tombeau est placé dans le chœur de l’église Saint-Guillaume à Strasbourg[53]. C’est une admirable statue, un des chefs d’œuvre de l’art du xive siècle, dû à maître Woelfelein de Ruffach, bourgeois de Strasbourg. L’armure diffère autant de celles usitées en Allemagne que de celles usitées en France. La figure 31 en donne l'ensemble[54]. Cette œuvre est datée de 1344 ; elle est donc contemporaine de la précédente.

L’armure se compose d'un gambison de peau non piqué, fendu par devant seulement ; d’un haubert de mailles à manches larges et ne tombant qu’au milieu des avant-bras ; d’une cotte de plates d’acier rivées ; d’une surcotte d’étoffe armoyée, sans manches, fendue par devant et latéralement percée à la hauteur des mamelles de deux ouvertures pour passer à droite deux bouts de chaînes, à gauche un seul avec barrette, les deux premiers pour suspendre l’écu, le second pour arrêter le baudrier de l’épée qui passait sur l’épaule droite. Sous les larges manches du haubert apparaissent les canons protecteurs des avant-bras faits de lames d’acier avec forts rivets ; les gantelets sont de même revêtus, sur la partie externe, de lames d’acier rivées sur de la peau. Les cuisses sont couvertes d’un caleçon juste, de peau piquée verticalement, qui se termine par des découpures au-dessous des genoux, lesquels sont protégés par des genouillères d’acier maintenues par des courroies bouclées par derrière. Les jambes et les pieds sont enfermés dans des chausses de mailles. Un camail de mailles, attaché à une cervelière d’acier, couvre les épaules par-dessus la surcotte, dont nous donnons (fig. 32) la face antérieure développée.

Cette surcotte est une sorte de dalmatique, c’est-à-dire qu’elle se compose de deux parties exactement semblables réunies seulement aux épaules. Au-dessous des aisselles, ces deux parties se joignent à droite et à gauche par trois boutons a, et de a en b l’étoffe est laissée libre. On remarquera que l’échancrure du bras droit c est plus profonde que celle du bras gauche, afin de laisser à ce bras droit toute sa liberté de mouvements. Nous avons figuré sur le devant de la surcotte les trois chaînes qui passent par les deux ouvertures. Ces chaînes étaient nécessairement attachées derrière le cou sous le camail. La tête du personnage repose sur un heaume d’un beau caractère (voyez Heaume), que l’on mettait au moment du combat, par-dessus la cervelière d’acier.

Laissant de côté l’admirable exécution de cette œuvre de sculpture, cet habillement est loin d’avoir la grâce et l’élégance de nos armures françaises. Les armures allemandes de la même époque sont encore plus lourdes et chargées ; cependant elles sont remarquables par leur caractère pratique. Les hommes d’armes d’outre-Rhin, notamment de la Bavière, cherchaient à se garantir de l’effet des armes offensives qui se perfectionnaient chaque jour, par une accumulation de précautions, une superfétation de vêtements défensifs, et surtout par des plastronnages de plus en plus épais, ce qui leur donnait une apparence lourde et gênait beaucoup leurs mouvements. En France, au contraire, tout en cherchant à rendre les armures plus résistantes, on faisait des efforts de plus en plus marqués pour dégager les mouvements de l’homme d’armes. C’est en France que les armures de plates se développent tout d’abord, pour couvrir les membres, auxquels il était important de laisser leur souplesse. Sous le roi Jean, on voit s’opérer une transition, et cependant on trouve encore des adoubements français équivalant à celui du landgrave d’Alsace, vers la fin du règne de Philippe de Valois. Nous en avons la preuve dans un précieux manuscrit de la Bibliothèque nationale[55]. Une des vignettes que nous reproduisons (fig. 33) en fac-simile nous montre un cheyalier-type armé, dans la posture réglementaire, sur son cheval. Voici la légende qui accompagne cette vignette : « Le chevalier doit estre sus son cheval armé de toutes armes, le hauberc vestu, le hyaume en la teste, armé de jambes et de piez. La lance à la main destre, couvert à sénestre de son escu ; ses plates vestues si come il appartient. Et doit avoir mace, espée et coutel et ganz de plates es mains, et doit avoir cheval convenable et enseigné por bataille. Et leur doit souvenir que quant il furent fais chevaliers, il furent premièrement baignez, le chief lavé et roignié et la barbe tondue ou rase. »

De 1350 à 1360, on voit apparaître le vêtement militaire de l’homme d’armes, juste au corps. La surcotte n’est plus flottante, et, serrée par une ceinture, elle recouvre un plastronnage très-épais, garnissant la poitrine, les épaules et les arrière-bras, quelquefois dépourvus de pièces de fer (fig. 34[56]). Ce personnage porte une surcotte d’étoile sur un plastronnage excessivement épais, qui protège la partie antérieure du torse, les épaules et les arrière-bras. Un camail de mailles avec bacinet d’acier couvre le cou et la tête. Ce bacinet est fixé derrière le dos, avec une courroie, pour l’empêcher de basculer en avant. Les jambes sont armées et les mains sont couvertes de gants de plates. L’épée est pendue basse à une double chaînette attachée à la ceinture. La figure 35[57] donne une armure contemporaine de la précédente, mais la cotte est remplacée par une brigantine fortement plastronnée sur la poitrine et les épaules, lesquelles sont en outre couvertes de spallières d’acier. Les arrière-bras et les avant-bras sont enfermés dans des canons d’acier à charnières, avec cubitières complètes. Les gants sont faits de forte peau. Les cuisses et les jambes sont armées entièrement, ainsi que les pieds.

Une gorgerette de mailles couvre le cou sous le bacinet, attaché comme le précédent. Cet homme d’armes porte la ceinture militaire, signe de son rang de chevalier, ceinture d’orfèvrerie à laquelle n’était pas habituellement suspendue l’épée, mais la dague. L’épée, sans fourreau, était fréquemment passée dans des courroies attachées au pommeau de la selle. La visière de ce bacinet ne se relève pas, mais pouvait s’ouvrir comme un volet. (Voyez Bacinet.)

Bien qu’il fût d’usage d’armer les bras de pièces de fer à dater du commencement du xive siècle, cependant on voit, encore, vers la fin de ce siècle, des hommes d’armes vêtus d’un surcot très-rembourré sur la poitrine, avec jaseran de mailles par-dessous et manches de mailles sur étoffe également rembourrée, camail de mailles sur le tout, attaché au bacinet (fig. 35 bis). La visière, comme dans le précédent exemple, ne se relevait pas, mais s’enlevait au besoin[58].

De 1350 à 1390, l’armure s’ajuste de plus en plus au corps, mais cependant elle est accompagnée parfois d’accessoires flottants, manches, jupes, sous la cotte. C’était la mode alors, vers 1350, dans le costume civil, de porter de longues manches taillées en barbes d’écrevisse, et des cottes fendues de même, découpées sur les bords. L’exemple que nous donnons ici (fig. 36) provient d’un manuscrit fait pour le roi Jean[59], et qui doit dater par conséquent de 1355 environ. L’homme d’armes est vêtu d’une cotte fendue du côté dextre, descendant à mi-jambes, sur laquelle est une surcotte courte de mailles. Fait rare à cette époque, le torse est entièrement renfermé dans un corselet d’acier avec spallières d'étoffe formant bourrelets et manches longues taillées en barbes d’écrevisse, par-dessus l’armure complète des bras. Les jambes sont entièrement armées. Un bacinet appartenant aux mêmes vignettes est à côté du personnage et complète son adoubement. Les manches et la cotte sont rouges, doublées de pourpre. Le col de mailles est juste et passe sous le pourpoint d’étoffe rouge, auquel sont attachées les spallières et les manches.

Otant le corselet d’acier et la surcotte de mailles, cet homme d’armes se trouvait presque en habit civil, sauf les jambes et les bras, qui restaient armes, et la maille, qui paraissait au cou. Il était assez d’usage alors de mêler les vêtements civil et militaire de manière à rester arme, tout en conservant l’apparence du vêtement civil.

Cependant les accessoires amples disparaissent entièrement de l’armure ou s’y adaptent suivant le goût de la noblesse, jusqu’à la fin du xive siècle.

Un récit de Froissart nous donne à ce sujet de précieux détails. Le fameux Jehan Chandos, sénéchal de Poitou, voulait s’emparer de Saint-Savin, dont la garnison française gênait ses opérations. Le dernier jour de l’année 1369 il se mit en route avec les principaux seigneurs du Poitou et environ trois cents lances ; mais l’attaque n’ayant pas réussi, il dut se retirer à Chauvigny et renvoya une bonne partie de son monde. Nous laissons parler Froissart :

« Et messire Jehan Chandos demeura, qui estoit tout mélencolieux de ce qu’il avoit failli à son entencion, et estoit entré en une grande cuisine, et trait au fouier, et là se chaufoit de feu d’estrain que son héraut lui faisoit, et se gengloit[60] à ses gens et ses gens à lui, qui voulentiers l’eussent osté de sa mélencolie.

Une grande espace après ce qu’il fu là venus et qu’il s’ordonnoit pour un pou dormir, et avoit demandé se il estoit près de jour, et vecy entrer un homme tantost après en l’ostel et venir devant lui, qui lui dist : Monseigneur, je vous apporte nouvelles. — Quelles, respondi-il ? — Monseigneur, les François chevauchent. — Et comment le scés-tu ? — Monseigneur, je suis parti de Saint-alvin avec eux. — Et quel chemin tiennent-ils ? — Monseigneur, je ne scay de vérité, fors tant qu’ilz tiennent, ce me semble, le chemin de Poitiers. — Et lesquelz sont-ce des François ? — C’est messire Loys de Saint-Julien et Carlouet le breton et leurs routes. — Ne me chault, dit messire Johan Chandos. Je n’ay mais hui nulle voulenté de chevauchier. Ilz pourront bien trouver encontre sanz moy. » Si demoura un espace en ce propos tout pensis, et puis s’avisa et dist : « — Quoy que j’aye dit, c’est bon que je chevauche tous jours. Il me faut retourner à Poitiers, et tantost sera jour. — C’est voir, sire » ; ce respondirent ses chevaliers qui là estoient.

Lors fist ledit messire Jehan Chandos restraindre ses plattes[61], et se mit en arroy pour chevauchier, et aussi firent tous les autres. Si montèrent à cheval, et se partirent, et prindrent le droit chemin de Poitiers, costoiant la rivière. Et si pouvoient estre les François en ce propre chemin une grande lieue devant eulx, qui tiroient à passer la rivière au pont de Luzac, et en orent la cognoissance les Anglois par leurs chevaulx qui suivoient la route des chcvaulx des François, et entrèrent ou froie des chevaulx des François et dirent : « Ou les François ou messire Thomas de Persy chevauchent devant nous[62]. »

Tantost fut adjournée et jour, car à l’entrée de janvier les matinées sont tantost espandues. Et povoient estre les François et les Bretons environ une lieue du dit pont, quand ils apperceurent d’autre part la rivière, monseigneur Thomas de Persy et sa route ; et messire Thomas et les siens les avoient jà aperceus. Si chevauchèrent les grans galos pour avoir l’avantage du pont dessus dit, et avoient dit : « Vela les François ! Ilz sont une grosse route contre nous. Expoitons-nous ; si arons, et prennons l’avantage du pont. »

Quant messire Loys et Carlouet aperceurent les Anglois d’autre part la rivière, qui se hastoient pour venir au pont, si se avancierent aussi. Toutefoiz les Anglois y vinrent devant et en furent maistres et descendirent tous à pié et s’ordonnèrent pour le pont garder et deffendre. Quant les François furent là venus jusques au pont, ilz se mirent à pié, et baillerent leurs chevaulx à leurs varlez, et les firent traire arrière et prinrent leurs lances, et se mirent en bonne ordonnance pour aler gaigner le pont et assaillir les Anglois qui se tenoient franchement sur leur pas[63], et n’estoient de riens effraiez, combien qu’ilz feussent un petit au regard des François. Ainsi que ces François et Bretons estudioient et ymaginoient comment et par quel tour à leur plus grant avantage les Anglois envaïr et assaillir ilz pourroient, et vecy monseigneur Jehan Chandos et sa route, banniere desploiée tout ventelant, qui estoit d’argent à un pel aguisié de gueules, laquelle Jacques Alery, uns bons homs d’armes portoit, et povoient estre environ quarante lances, qui approucherent durement les François. Et ainsi que les Anglois estoient sur un tertre, espoir trois bonniers de terre en sus du pont, les garçons des François qui les apperceurent, et qui se tenoient entre le pont et ledit tertre, furent tous effraiez et dirent : « Alons ! Alons nous en ! Vecy Chandos. Sauvons nous et nos chevaulx. » Si s’en partirent et fuirent et laissierent là leurs maistres.

Quant messire Jeban Chandos fu là venus jusques à eulx, sa baniere devant lui, si n’en tist pas trop grant compte, car petit les prisoit et amoit, et tout à cheval les commença à ramposner en disant : « Entre vous, François, si estes malement bonnes gens d’armes. Vous chevauchez à vostre aise et à votre voulenté, de nuit et de jour. Vous prennez villes et forteresses en Poitou, dont je suis séneschal ; vous raençonnez povres gens sans mon congié ; vous chevauchiez partout à ceste armée : il semble que le païs soit tout vostre, et par Dieu non est. Messire Loys, messire Loys, et vous, Carlouet, vous estes maintenant trop grans maistres ! Il y a plus d’un an et demy que j’ay mis toutes mes ententes que je vous peusse trouver ou encontrer. Or vous voy-je, Dieu merci, et parlerons à vous et saurons lequel est le plus fort en ce païs, ou je, ou vous. On m’a dit et compté par pluseurs fois que vous me desiriez à veoir : si m’avez trouvé. Je suis Jean Chandos. Se bien me ravisez voz grans appertises d’armes, qui sont maintenant si renommées, se Dieu plaist, nous les esprouverons. » Ainsi et de telz langages les recueilloit messire Jehan Chandos, qui ne voulsist nulle part estre fors que là : tant les desiroit-il à combatre !

Messire Loys et Carlouet se tenoient tous quois, ainsi que tous confortez qu’ilz seroient combatus, et riens n’en savoient messire Thomas de Persy et les Anglois qui de là le pont estoient : car le pont de Lanzac est hault, à boce ou milieu, et ce la leur en tolloit la veue.

Entre ces ramposnes et paroles de messire Jehan Chandos, qu’il faisoit et disoit aux François, un breton prist son glaive[64] et ne se pot abstenir de commencier meslée, et vint assener à un escuier anglois qui s’appelloit Simekins Dodale, et lui arresta son glaive en la poitrine, et tant le bouta et tira que ledit escuier il mist jus dessus son cheval à terre. Messire Jehan Chandos, qui oy effroy derrière lui, se retourna sur son costé, et vit son escuier gésir à terre, et que on féroit sur lui. Si s’eschaufa en parlant plus que devant, et dist à ses compaignons et à ses gens : « Comment lairrez vous ainsi cest homme tuer ? A pié ! à pié ! » Tantost il sailli à pié ; aussi firent tous les siens, et fu Simekins rescous. Vecy la bataille commenciée.

Messire Jehan Chandos, qui estoit grant chevalier, fort et hardi et confortez en toutes les besoingnes, sa bannière devant lui, environnez des siens et vestu dessus ses armeures d’un grant vestement qui lui batoit jusques à terre, armoié de son armoierie, d’un blanc samit à deux pelz aguisiez de gueules, l’un devant et l’autre derrière, et bien sembloit souffisant homme et entreprenant en cel estat, pié avant autre, le glaive ou poing, s’en vint sur ses ennemis.

Or il faisoit à ce matin un petit reslet[65] ; si estoit la voie moillie, si que, en passant, il s’entorteilla en son parement, qui estoit sur le plus long, tant que un petit il trébucha. Et vecy un cop qui vint sur lui lancié d’un escuier qui s’appeloit Jacques de Saint-Martin, qui estoit fort homme et appert durement, et fu le cop d’un glaive qui le prist en char, et s’arresta dessoubs l’œil entre le nés et le front, et ne vit point messire Jehan Chandos le cop venir sur lui de ce lez là, car il avoit l’œil estaint, et avoit bien cinq ans qu’il l’avoit perdu ès landes de Bordeaux, en chaçant un cerf. Avec tout ce meschief, messire Jehan Chandos ne porta onques point de visière, si que en trébuchant il s’appuia sur le cop qui estoit lancié de bras roide.

Si lui entra le fer là dedens, qui s’en cousi jusques au cervel, et puis retira cil son glaive à lui. Messire Jehan Cliandos, pour la douleur qu’il senti ne se pot tenir en estant, mais chey à terre, et tourna deux tours moult doulereusement, ainsi que cil qui estoit férus à mort : car onques depuis ne parla[66]. »
Nous avons donné tout au long ce remarquable passage du chroniqueur, parce qu’il peint de la manière la plus saisissante les habitudes militaires des hommes d’armes de l’époque, et nous fournit sur le vêtement des chevaliers des renseignements précieux. Chandos,
par-dessus ses plates, portait un long parement de samit, c’est-à-dire d’étoffe épaisse de soie, descendant jusqu’à terre et armoyé de ses armes. On voit, en effet, pendant le règne de Charles V et jusqu’à la fin du xive siècle, les hommes d’armes de haut lignage ainsi vêtus, sur nos monuments et les miniatures des manuscrits français.

Cependant, comme alors la chevalerie combattait souvent à pied, cette sorte de vêtement devait être fort gênante. Chandos se prend les pieds dans son parement, trébuche, et tombe sur le coup qui lui est adressé. Il est à croire qu’habituellement, lorsque les hommes d’armes mettaient pied à terre pour combattre, ils se débarrassaient de ces parements incommodes. Mais, en la circonstance, Chandos, irrité, à quelques pas de ses ennemis, s’empresse de sauter à terre, et combat avec ce malencontreux parement, dessous lequel on était armé de pièces justes au corps.

L’homme d’armes que nous présentons ici (fig. 37[67]) est vêtu d’un corselet de peau ou de toile en double, rembourré, recouvert de plaques d’acier rectangulaires avec un rivet au centre et disposées comme des tuiles. Ce corselet est terminé par des tassettes au nombre de six, à recouvrements, attachées à la ceinture d’acier ou braconnière, laquelle, dans cet exemple, est complètement masquée. La dernière lame est ornée de la ceinture militaire d’orfèvrerie. Un crochet fixé sous les tassettes suspend l’épée. Les bras et jambes sont complètement armés. Un large camail de mailles, attaché au bacinet, couvre le cou et les épaules.

C’est par-dessus cette armure de plates qu’on mettait le parement en question, ainsi que le montre la figure 38[68], copiée sur une des statues des preux qui ornent les parois extérieures des tours du château de Pierrefonds. Ces sculptures, très-fidèlement exécutées dans les moindres détails, présentent les habillements de guerre des nobles chevaliers de la fin du xive siècle[69]. Celui-ci est à peu près armé comme le précédent, si ce n’est que les tassettes sont remplacées par des rangs de plaques d’acier posées en tuiles avec rivets latéraux. Sous les tassettes apparaît un haubert de mailles. Le bacinet, d’une forme excellente, retient fortement la gorgerette de mailles au moyen d’un cordon de cuir passant dans des cylindres de fer traversant la base du casque. Le parement de samit est pourvu de manches très-amples taillées, ainsi que la cotte, en barbes d’écrevisse. Par-dessus le parement sont fixées des ailettes en forme de rouelles. L’épée est attachée au ceinturon et la guige de l’écu passe sur l'épaule droite de l’homme d’armes.
Quoique la date de cette sculpture ne puisse être l'objet d’un doute (1395 à 1400), il est certain que l’artiste, en sculptant les preux, a voulu sortir du temps où il vivait. Pour habiller un Charlemagne, un César, un Artus, un Hector, un Judas Machabée, le sculpteur, afin de donner à ces figures un caractère d’ancienneté,
prenait l’armure de la génération précédente. C’est ainsi qu’on entendait la fidélité historique au xive siècle. Cette armure n’est donc pas celle d’un homme d’armes de 1395, mais d’un chevalier de 1360 à 1370, et nous fournit l'adoubement que devaient porter Jehan Chandos et les gentilshommes de son temps. Ces belles statues sont évidemment faites sur des modèles existants, mais alors il ne manquait pas, dans les châteaux, d’armures ayant appartenu à de vieux châtelains dans leur jeunesse. De 1390 à 1400, on ne portait plus de parements de cette coupe, plus de tassettes en tuiles, plus d’ailettes en rouelles ; les solerets étaient plus pointus, les genouillères plus saillantes, et le bacinet avait une autre forme.

La mort de Jehan Chandos fit grand bruit. Froissart dit qu’il fut fort regretté, « car onques depuis cent ans ne fu plus courtois, plus gentilz ne plus plain de toutes bonnes et nobles vertus et condicions entre les Anglois de lui ». Il fut pleuré par la noblesse de sa nation et même par une partie notable des barons français. La chevalerie en venait alors, très-fréquemment, à combattre à pied ; cet événement et cette façon de combattre durent faire abandonner assez tôt ces parements d’une si noble apparence à cheval, mais si incommodes pour se battre à pied.

De 1395 à 1400, et plus tard encore, on voit cependant les longues manches adoptées parfois avec l’armure. L’homme d’armes que donne la figure 39[70] porte, par-dessus un corselet ou une brigantine, un habillement d’étoffe à jupe fendue par devant, boutonné ou lacé de cette fente jusqu’à la poitrine, garni de longues manches découpées. Une ceinture étrange orne ce parement. Elle se compose de deux galons d’orfèvrerie réunis par des chaînettes d’or, posés en losanges et terminés par des pendeloques en forme de disques. Quelquefois ces pendeloques sont des grelots. Notre homme d’armes porte le heaume ; ses jambes sont complètement armées et ses mains couvertes de gants de peau. Le cheval est houssé. Souvent ce parement est dépourvu de manches et forme simplement corset[71] ; alors les bras sont armés de plates, ou même encore de mailles.

Nous arrivons au moment où l’armure prend un caractère nouveau. Les parements d’étoffe disparaissent ou sont ajustés ; les plates, composées de tant de parties variables, se changent en pièces fixes, solidaires. L’armure, de fer battu, est construite d’après une méthode plus suivie et à l’aide de moyens perfectionnés. C’était la conséquence des guerres incessantes qui avaient occupé la moitié du XIVe siècle. L’état de paix des dernières années du règne de Charles V et des premières du règne de Charles VI avait donné à l’industrie un grand développement en France. Le luxe, vers ces derniers temps, dépassait tout ce qu’on peut imaginer, et les armures notamment avaient acquis une rare perfection de travail. Elles étaient d’un prix considérable, et tous les hommes d’armes n’étaient pas en état de les payer. Aussi beaucoup s’habillaient-ils de brigantines, de gambisons garnis de lames d’acier et de rivets ; mais, vers 1400, l’armure de fer fut adoptée définitivement par la chevalerie, coûte que coûte. C’était le harnais blanc, c’est-à-dire simplement poli, sans aucun agrément et garantissant absolument le corps et les membres. Le bacinet remplaçait le heaume, dont on ne se servait plus guère que dans les tournois. Le corselet d’acier, composé du plastron, de la pansière et de la dossière, suppléait aux plastronnages plus ou moins armes, dont on se servait si fréquemment avant cette époque. Aux cottes succédaient les tassettes ; les spallières prenaient un grand développement et protégeaient efficacement les épaules, les aisselles et les omoplates. Rarement des gorgerettes de mailles, mais de lames d’acier, à recouvrements articulés. Les cubitières, amples, garantissaient la saignée et le coude. Les gantelets étaient merveilleux de souplesse.

Les armuriers avaient certainement observé scrupuleusement le jeu des articulations de la queue de l’écrevisse, et, partant de ce principe, ils composaient les plaques de recouvrement destinées à former les tassettes, certaines parties des arrière-bras, les gorgerins, les alentours du genou et quelquefois même les pansières. L’infanterie commençait alors à prendre dans les batailles un rôle important. Les troupes à pied, de l’Angleterre surtout, étaient bien disciplinées, solides, et faisaient beaucoup de mal à la cavalerie avec les plomées, les fauchards et vouges. Les arbalètes, plus fortes, envoyaient des carreaux qui perçaient les plastrons et les brigantines. On croyait rendre à la cavalerie la puissance qu’elle perdait chaque jour en perfectionnant son armement défensif. D’ailleurs, cette cavalerie mettait alors pied à terre, souvent, pour combattre. On s’abordait à la lance raccourcie ou à l’épée, ou à la masse ; il paraissait nécessaire de couvrir de fer exactement toutes les parties du corps, en évitant les jointures, les défauts, pour mieux résister à ce genre de combat très-meurtrier. Cependant la pesanteur de ces armes était grande , et cette chevalerie combattant à pied, peu mobile, promptement épuisée de forces, ne pouvait soutenir une longue lutte.

La figure 40[72] nous montre la transition entre l’armure de plates et l’armure de fer. Cet homme d’armes est vêtu du corselet avec doublure, à laquelle est fixée, par une courroie devant et une courroie derrière, la bavière qui protège le cou et le menton. Au corselet est rivé le fautre pour mettre la lance en arrêt. La poitrine et les arrière-bras sont fortement plastronnes sous le corselet et sous la
maille qui couvre ces arrière-bras. La tête est protégée par une salade à visière mobile. Le corselet se termine par une braconnière forgée avec la doublure, braconnière à laquelle sont suspendues les tassettes au moyen de courroies. Les jambes sont complètement armées avec genouillères très-saillantes, pour rendre facile le pliage du genou. Les grèves sont renforcées par des doublures en haut des tibias. Des plates supplémentaires attachées aux tassettes protègent les cuissots devant et latéralement ; un bout de mailles ferme l’entrecuisses. L’écu est suspendu au cou, sur l’épaule gauche, par la guige. Nous dirons comment est combiné le corselet et comment on peut l’attacher au torse (voyez Corselet). Les gantelets sont revêtus de lames d’acier articulées.
Le même manuscrit[73] représente, dans ses miniatures, des chevaliers complètement armés de pièces de fer et où la maille n’apparait plus (fig. 41). Cet homme d’armes est revêtu d’un corselet fortement bombé avec doublures, sous lequel est une braconnière à laquelle sont attachées les tassettes réunies cette fois, non par des courroies, mais par des rivets latéralement, de manière à présenter exactement le jeu des articulations de la queue des écrevisses.
Des plates latérales garantissent la jonction des deux parties des cuissots. Les jambes sont entièrement armées, et la tête est couverte d’un bacinet avec bavière articulée et visière mobile. Il est évident que cette armure est faite pour présenter aux coups de lance des surfaces glissantes, dérobées, en évitant, autant que possible, les angles et jonctions qui peuvent donner prise à la pointe du fer. L’écu, suspendu au cou par la guige, couvre le bras gauche et peut être ramené en avant. On remarquera la selle de ce cavalier avec son troussequin emboîtant le haut des cuisses et ses larges gardes de peau piquée. Quelquefois, sur le corselet, on mettait une très-courte cotte d’étoffe, une sorte de chemisette, armoyée ou blanche, et destinée alors à éviter l’effet des rayons solaires sur le fer[74].

L’armurier a supprimé, dans la façon de cette armure, toutes boucles et courroies apparentes, lesquelles étaient souvent brisées pendant le combat. Les diverses pièces tiennent ensemble, soit par des rivets, soit par des courroies sous-jacentes, soit par des boutons ta ressort.

Il faut croire cependant que ces corselets présentaient des difficultés de fabrication, ou qu’on les trouvait souvent trop lourds et gênants, car des tentatives sont faites encore, au commencement du xve siècle, pour obtenir un vêtement de fer plus facile à façonner, ou plus souple et plus léger. Un manuscrit de 1404 à 1417[75] nous montre, dans la collection de ses très-remarquables miniatures, des hommes d’armes dont le corps est entièrement couvert de cottes de fer composées comme les tassettes, au moyen de lames à recouvrement, maintenues solidaires par des rivets latéraux (fig. 42). Ces hommes d’armes portent encore la gorgerette de mailles attachée au bacinet. Les plates composant ces cottes devaient être assez souples et élastiques pour s’ouvrir et permettre de passer les bras, car elles étaient fixées par derrière au moyen de fortes boucles et courroies (fig. 43), comme certaines brigantines. Il est certain que cet habillement de guerre était loin d’avoir la résistance des corselets et tassettes, mais il devait coûter beaucoup moins cher ; il était plus léger et laissait plus de liberté aux mouvements du corps. On tâtonnait, mais en adoptant définitivement le fer battu pour le vêtement de l’homme d’armes.

Désormais la partie inférieure de l’armure était à peu près fixée et ne devait plus guère être modifiée, mais il n’en était pas de même pour les épaules, le torse et la tête. Lorsque la chevalerie ne combattait qu’à cheval, il importait assez peu que les mouvements du torse et de la tête fussent libres. Le haut du corps agissait par sa masse immobile lorsqu’on chargeait. Il n’en pouvait être ainsi dès que les hommes d’armes devaient combattre aussi souvent à pied qu’à cheval. Dans ce premier cas, il fallait que la tête, les bras, le torse, pussent conserver une certaine liberté de mouvements. La difficulté était de ne pas affaiblir ces parties essentielles, tout en
leur laissant la souplesse nécessaire. La protection des épaules était ce qui préoccupait le plus les armuriers. Pour laisser une certaine liberté aux mouvements de la tète, on adaptait le camail, ou gorgerette, au bacinet. Mais ce tissu de mailles, si bien plastronné qu’il fût par- dessous, ne préservait pas suffisamment des coups de masse et de marteaux aigus ou faussards. Les ailettes étaient souvent insuffisantes et faciles à déranger pendant une action.
Il fallait des spallières fixes ; il fallait que le bacinet pût se mouvoir de droite et de gauche, et que sa jonction aver le corselet fût préservée. C’est vers 1415 que les essais tentés jusqu’alors arrivent à

peu près à un résultat satisfaisant. Une tombe gravée, qui date de 1419, appartenant à l’église Saint-Alpin de Châlons-sur-Marne[76] nous fournit un renseignement précieux.

Quoique la gravure de cette tombe soit d’une exécution médiocre, elle présente fidèlement les détails de l’armure de ce temps (fig. 44). Le bacinet de ce gentilhomme entre dans deux lames de métal à recouvrement, qui forment gorgerin et permettent les mouvements de droite et de gauche. Ces deux lames, qui, circulairement, préservent le cou, sont fixées à un camail de mailles qui passe sous le corselet, qui est de deux pièces, plastron et dossière.

Au plastron est fixé le fautre à charnière, qui, développé, permet d’appuyer la lance en arrêt. Les épaules sont protégées par deux spallières qui les enveloppent entièrement, mais qui ne sont pas semblables. Celle de droite est échancrée au droit de l’aisselle pour le passage du bois de la lance. Celle de gauche reçoit en avant une rouelle qui couvre le défaut. Celle-ci monte plus haut sur le gorgerin, car le côté gauche est particulièrement exposé aux coups de lance. La braconnière est une véritable ceinture de fer à laquelle s’attachent les tassettes, au nombre de sept lames, sans courroies, mais maintenues par des rivets. L’épée et la dague sont suspendues à des courroies fixées au haut des cuissots. Le bas des grèves est articulé, tandis que les solerets possèdent des cous-de-pied d’une seule pièce ; leurs articulations ne commençaient qu’au droit des doigts. Cette armure est complète, et figure celles que la chevalerie française portait à la bataille d’Azincourt.

Les spallières, larges, saillantes, ne permettaient pas de passer pardessus la chemise ou cotte courte armoyée, sans manches et sans ceinture. Il fallait, pour pouvoir vêtir ces cottes, que le chevalier fût armé comme le sont ceux représentés figures 40 et 42. Il est certain qu’à la bataille d’Azincourt[77] quelques nobles français portaient des cottes armoyées par-dessus leurs armures, mais non tous, car beaucoup ne furent pas tout d’abord reconnus parmi les morts. Il ne paraît pas que le duc d’Alençon, qui se conduisit si bravement pendant cette journée, eût une cotte à ses armes sur son armure. Entouré, déjà blessé, en vain voulut-il se rendre en se nommant et en levant sa visière, il fut massacré, n’ayant point été reconnu à temps.

Après cette journée qui vit périr l’élite de la chevalerie française, des modifications furent apportées dans la manière de s’armer. Le pays était ruiné, le luxe des armes était moins que jamais de saison. Les traditions, déjà fort altérées chez la noblesse guerrière, étaient perdues, le royaume, envahi par l’étranger, était la proie des factions des Armagnacs et des Bourguignons. C’était à la cour du duc de Bourgogne et à celle du roi d’Angleterre que le luxe s’était réfugié.

Les habillements des hommes d’armes français subissaient les influences de ces deux cours. Certaines parties de l’armure étaient empruntées à la mode anglaise, d’autres à la mode de Bourgogne. L’armée du duc était recrutée parmi des populations diverses, dont quelques-unes ne laissaient pas d’avoir plus de rapports avec les habitudes des Allemands qu’avec celles des Français. C’est pourquoi, vers cette époque (1420 à 1430), on trouve dans l’armure française des étrangetés qui semblent interrompre le progrès logique de l’habillement de guerre jusqu’alors. C’est vers 1420 que l’on voit apparaître la lourde bavière allemande, les spallières, cubitières et garde-bras démesurés adoptés par les Anglais ; que l’habillement de tête adopte toutes sortes de formes. Nous n’entrerons pas, à ce propos, dans de trop longs détails, les articles du Dictionnaire devant s’occuper de ces diverses pièces et de leurs modifications.

Le seul exemple que nous donnons ici (fig. 45[78]) suffira pour faire saisir ces influences qui viennent modifier pour un temps, et d’une façon irrégulière, notre armure. Cet homme d’armes est vêtu d’un corselet avec tassettes, le tout recouvert d’une étoffe collée, suivant une habitude qui avait été adoptée en Italie dès la fin du xive siècle. Les épaules sont couvertes d’énormes spallières. Une lourde bavière fixe, suivant la mode allemande, protège le cou et le menton. Une salade sans visière défend le chef. Les garde-bras, épais, sont ouverts à la partie supérieure externe, pour permettre le jeu du bras, ce qui ne se voit guère dans les armures françaises. Le harnais de jambe seul conserve bien son caractère national.

La guerre poursuivie contre les Anglais, possesseurs de la plus grande partie du royaume, obligea de donner aux armures un caractère pratique.

Les gentilshommes qui, dans ces temps calamiteux, tenaient encore pour le roi de France, n’avaient guère le loisir de penser, comme leurs prédécesseurs, à faire faire de brillantes armures, couvertes des plus somptueux parements. Tenant continuellement les champs, ce qu’il leur fallait, c’étaient de bonnes armes, pas trop lourdes, qui ne
demandassent pas un entretien coûteux et deux ou trois varlets pour aider à les endosser. On recrutait alors la gendarmerie un peu partout, et beaucoup de braves gens, qui voulaient bien concourir à la défense du pays ruiné, n’étaient pas en état de payer ces belles armures forgées, qui, sous le règne de Charles VI, étaient très-coûteuses. A défaut de la noblesse, en partie détruite à Azincourt, plus soucieuse souvent de se retirer dans ses châteaux que de concourir à la défense d’un royaume que l’on pouvait considérer alors comme en complète dissolution, la nation elle-même commençait à s’armer. L’artillerie à feu prenait alors assez d’importance pour modifier l’ancienne tactique de la chevalerie. L’apparition de la Pucelle hâtait ce mouvement du pays qui, moins d’un siècle plus tard, devait

tendre à se substituer à la féodalité armée et à composer des troupes nationales.

Nous voudrions bien pouvoir donner à cette page de notre étude l’armure que portait Jeanne Darc. Les documents que l’on possède sur le genre de vêtement de guerre qu’elle avait adopté sont vagues et ne permettent guère que des hypothèses plus ou moins ingénieuses. Toutefois, ces documents s’accordent à la représenter comme ayant revêtu une armure d’homme. D’après la chronique de Mathieu Thomassin, lorsque la Pucelle fut présentée au Dauphin, « elle avoit courts les cheveulx et un chapperon de layne sur la teste, et portoit petits draps (braies) comme les hommes, de bien simple manière. Et parloit peu, sinon que on parloit à elle. » Plus loin, le même auteur ajoute : « Mondit seigneur le Daulphin feit armer et monter ladicte Pucelle. Et si ay oi dire a ceulx qui l’ont veue armée qu’il la faisoit très bon voir, et se y contenoit aussi bien comme eust fait ung bon homme d’armes. Et quant elle estoit sur faict d’armes, elle estoit hardye et courageuse, et parloit haultement du fait des guerres. Et quant elle estoit sans harnoys, elle estoit moult simple et peu parlant. » La chronique anonyme, très-postérieure à Jeanne Darc[79], dit que Robert de Baudricourt, qui fit conduire la Pucelle devant le Dauphin, lui fit faire « robe et chaperon à homme, gipon, chausses à attacher houseaux et espérons, et luy bailla un cheval et un varlet ». Ailleurs, la même chronique dit « qu’elle chevauchoit toujours armée de toutes pièces, et en habillement de guerre, autant ou plus que capitaine de guerre qui y fust ; et quand on parloit de guerre, ou qu’il falloit mettre gens en ordonnance, il la faisoit bel ouyr et veoir faire les diligences ; et si on crioit aucunes fois à l’arme, elle estoit la plus diligente et premiere, fust à pied ou à cheval... »

Étant devant Paris, la Pucelle avait fait offrande de ses armes à l'abbaye de Saint-Denis, où elles restèrent appendues jusqu’au pillage de l’église qui eut lieu peu après. Pendant son procès : « Interrogée quelz armes elle offry à Saint Denis, respond que ung blanc harnas entier à ung homme d’armes, avec une espée ; et le gaigna devant Paris.

Interrogée à quelle fin elle les offry, respond que ce fut par devocion, ainsi qu’il est accoustumé par les gens d’armes, quant ils sont bléciés ; et pour ce qu’elle avoit esté blécée devant Paris, les offrit à Saint Denis, pour ce que c’est le cry de France.

Interrogée ce c’estoit pour ce que on les armast (sic), respond que non[80]. »

Il est difficile d’expliquer le sens de ce dernier passage ; mais la version latine qui dit : « Interrogata utrum hoc fecerit ut arma ipsa adorentur », rétablit le sens.

Il ressort de ce texte que les armes suspendues à Saint-Denis, en manière d’ex-voto, n’étaient pas les armes que Jeanne Darc portait habituellement, mais un harnais blanc qu’elle avait gagné à l’attaque des barrières de Paris.

La persistance avec laquelle la Pucelle gardait l’habit d’homme, le sens religieux qu’elle semblait y attacher, ne portant rien qui pût rappeler son sexe, permettent de supposer que son harnais était exactement semblable à celui des hommes d’armes.

Le plastron bombé de l’époque, la disposition des tassettes, couvrant les hanches, convenaient d’ailleurs aussi bien à la conformation féminine qu’à la taille de l’homme.

Dans le journal du siège d’Orléans, il est dit qu’à l’attaque du boulevard des Tournelles du pont, où elle fut blessée à l’épaule d’un carreau d’arbalète, elle n’était vêtue que d’un jazerant, c’est-à-dire d’un camail de mailles. C’était pour ce temps une armure insuffisante, mais bien d’autres que la Pucelle en portaient encore.

Cependant Jeanne Darc ne fut pas la seule femme qui se soit armée en guerre dans ces temps de luttes incessantes. Suivant sa propre déclaration, si Jeanne avait pris l’habit d’homme, c’est qu’elle voulait éloigner de la pensée de ses compagnons d’armes toute idée qui pût être une offense pour elle. Des scrupules de cette nature ne préoccupèrent pas, peut-être, les quelques femmes qui prirent le harnais de guerre, et, en chevauchant, elles prétendaient conserver les privilèges attachés à leur sexe. Avec l’armure, celles-ci conservaient donc la longue jupe d’étoffe. Un manuscrit de la Bibliothèque nationale[81] représente les Amazones qui vinrent défendre Troie. Les femmes sont armées à la mode du temps et comme ont pu l’être vraisemblablement les dames qui, de 1425
à 1435, voulurent courir les chances de la guerre. Les unes ont, pardessus leur longue jupe, le corps couvert d’un jaseran, avec habillement de tête et de bras ; d’autres possèdent le corselet articulé avec longues tassettes (fig. 46), brassards, garde-bras, spallières, salade avec bavière. Cet habillement de guerre féminin ne nous parait pas être une fantaisie du miniaturiste, mais conserver un caractère de réalité qu’on ne trouve pas dans les représentations purement imaginaires. Il est évident que Jeanne Darc ne voulait pas qu’on la confondît avec ces dames guerrières qui, sans trop médire, étaient plus renommées par leur bravoure que par la rigidité de leurs mœurs. Nous arrivons au moment où l’armure de fer devient correcte. La belle période du harnais de fer battu, en France, est comprise entre les années 1430 et 1460. Légèreté relative, souplesse, exécution irréprochable, formes élégantes et bien appropriées au corps ; toutes les qualités se rencontrent dans ces babillements de guerre. La figure 47 montre les derniers tâtonnements[82]. Le corselet se compose, comme ceux des exemples précédents, du plastron, de la pansière et de la dossière. Dans cet exemple, les tassettes sont remplacées par une jupe de brigantine, c’est-à-dire faite de lames d’acier à recouvrement, rivées entre deux étoffes, l’une qui fait parement extérieur et qui est de soie épaisse ou velours, l’autre qui fait doublure et qui est de peau ou de forte toile en double. Les deux spallières diffèrent, celle de droite entaillée au droit de l’aisselle, et celle de gauche couvrant bien le défaut. Les garde-bras remplacent les cubitières et sont solidaires des arrière-bras et avant-bras, auxquels ils sont attachés par des rivets et lanières de cuir. Les gantelets sont séparés des avant-bras. Le harnais de jambes se compose d’un garde-cuisse d’une seule pièce avec partie postérieure articulée. Les genouillères sont armées, à leur partie externe, de belles gardes. Les grèves sont complètes, doublées sous les genouillères, avec molletières à charnières descendant jusqu’aux talons ; les solerets, articulés, sont attachés aux grèves, et passent sous les extrémités inférieures des molletières, avec lesquelles ils s’assemblent au moyen de boutons à ressort. Nous donnons deux habillements de tête différents. L’un, A, est une salade sans visière mobile, mais avec couvre-nuque articulé. Le cou et le menton sont protégés par une bavière attachée au corselet. L’autre, B, est un bacinet avec gorgerin attaché de même au corselet par des courroies. L’une devant, l’autre derrière. Ce bacinet, dont le profil est donné en C, est très-simple. Il se compose d’un tymbre avec mentonnière s’ouvrant latéralement et visière qu’on ne peut lever, mais qu’on supprime ou qu’on fait tourner de côté en enlevant une goupille des deux charnières latérales, comme on ferait d’un volet. Il n’y avait pas à craindre qu’un coup de lance ou d’épée enlevât
cette visière. C’est là une des dernières formes données au bacinet, qui est bientôt remplacé par l’armet, babillement de tête irréprochable (voyez Armet).

Un des meilleurs types de l’armure de fer de 1440 se voyait au musée de Pierrefonds (pl. II). Cette armure est une merveille au point de vue de la composition et de l’exécution. Les mouvements du corps ne sont gênés en rien sous ce harnais, qui épouse si bien les formes en les protégeant. Le harnais de jambes est d’une finesse remarquable, et il demeure évident que ces armures étaient faites pour celui qui les portait. C’est là un des caractères des armures de fer. Jusqu’alors des hommes de même taille pouvaient endosser toutes les armures ; mais, à l’époque où le harnais de fer battu enveloppa exactement les formes, il fallait que l’armurier pût mouler, pour ainsi dire, l’homme pour lequel il fabriquait un habillement de guerre. Aussi trouve-t-on dans les armures, à dater de 1430, des singularités qui sont motivées par la conformation particulière à chaque individu. C’est surtout dans les cuissots et les jambières que l’on observe un caractère personnel. Et de fait, lorsqu’on trouve un de ces habillements appropriés à la taille, si on l’endosse, on n’éprouve aucune gêne et tous les mouvements s’exécutent librement. Le poids même de ces harnais est peu sensible, tant il est bien réparti sur toutes les parties du corps et combiné en raison des résistances. Le harnais (planche II) ne pèse pas plus de 25 kilogrammes. Il est composé de feuilles d’acier battu très-minces, mais très-résistantes. Le métal, écroui, a acquis une fermeté et une rigidité extraordinaires.

Le corselet se compose d’un plastron et d’une pansière articulés au moyen d’une attache centrale, ce qui permet au corps de se plier en avant. La dossière se compose également de deux pièces principales pouvant permettre le pliage du torse ; plus, de deux entournures articulées qui facilitent le mouvement en arrière des épaules. Entaillé très-profondément latéralement, le corselet ne peut gêner les mouvements latéraux du torse. Les tassettes sont articulées devant et derrière avec garde-cuisses. L’armet, dont le gorgerin passe sous le corselet, est une pièce excellente laissant à la tête tous ses mouvements. (Voy. Armet, fig. 1, 1 bis et 2.)

La spallière de droite est légèrement entaillée au droit du fautre, qui est à charnière et peut se relever. Les arrière-bras, les garde-bras et les avant-bras tiennent ensemble et sont d’une souplesse parfaite. Les gantelets sont attachés par des courroies aux avant-bras et n’ont plus de gardes. Les cuissots sont soigneusement articulés sous les aines et au-dessus des genouillères, armées latéralement de gardes délicates. Les grèves sont articulées au-dessous des genouillères et descendent jusqu’au sol, en couvrant les chevilles. Les solerets et les talonnières sont rapportés. Quant aux poulaines, elles peuvent être facilement enlevées, si l’homme d’armes combat à pied.
Il faut recourir, pour les détails de cette belle armure française, aux

articles Armet, Brassard, Corselet, Cuissot, Gantelet, Grève et Tassettes.

À cette époque et même antérieurement, les fabriques d’armes les plus renommées étaient à Milan, et, en France, à Poitiers, à Bourges, à Beauvais et à Paris. Pavie était, dès le xiie siècle, renommée pour la fabrication des heaumes. Dans le Nord, on fabriquait de bonnes armures, à Arras, à Gand, et en Allemagne à Nuremberg, dès le xiv. En notre qualité de mauvais conservateurs, nous avons peu d’armures de fer françaises dans nos musées ; par compensation, nous en possédons un assez grand nombre provenant d’Allemagne et de fort belles, mais elles n’ont pas la grâce que possèdent celles que l’on faisait chez nous. Les armures de fer de Nuremberg, dont il existe un assez grand nombre d’exemples et qui datent de 1450 environ, sont belles, admirablement forgées ; toutefois elles manquent de souplesse, malgré la multiplicité de leurs pièces, et sont généralement plus lourdes que les nôtres. Les garde-bras sont exagérés, les angles saillants abondent ; les gantelets avec grandes gardes sont gênants. L’armet si fin, si bien composé, est remplacé par la bavière immobile qu’affectionnaient les Allemands, et par la salade à visière, pouvant être enlevée d’un bon coup de lance. Les spallières, très-articulées, sont encore garnies de rouelles, pièces si faciles à faire sauter. Les planches III et IV donnent une de ces armures de Nuremberg, provenant de la belle collection de M. le comte de Nieuwerkerke et datant de 1450 environ, avec le chanfrein, le harnais du cheval et la selle avec son garde-corps d’acier. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette belle armure, dont tous les détails méritent un examen attentif.

Beaucoup de chevaliers français se faisaient faire des armures soit en Italie, à Milan, soit en Allemagne, surtout à dater du milleu du xve siècle. Déjà Charles V avait approvisionné son arsenal du Louvre d’une grande quantité d’armures de Milan, ainsi que nous l’apprend Christine de Pisan ; mais alors ces armures de Milan consistaient surtout en des pièces de mailles. « Il fist (Charles V) pourveance de riches armeures, beauls destriers amenre d’Alemaigne, de Pulle (Pouille), courciers, haubergons et azarans (jazerans) camailz forgiez à Millau à grant foison apportés par deçà, par l’affinité messer Barnabo, lors seigneur dudit lieu ; à Paris faire toutes pièces de harnois : et de tout ce donna largement aux compaignons d’armes, aux riches gentilz hommes les choses belles et jolies, aux povres les proffitables et fortes[83]… »

Pendant les xve et xvie siècle, Milan ne fut pas moins renommée pour la fabrication des armures de fer battu, qui passaient pour
résister mieux aux chocs, malgré leur légèreté, que celles de France et d’Allemagne. C’est dans cette dernière contrée, à Nuremberg, que les armuriers paraissent avoir les premiers adopté les nerfs
saillants et cannelures pour les habillements de fer. Sans augmenter le poids de l’armure, on donnait ainsi aux pièces une plus grande résistance. La planche IV fait voir que la dossière de l’armure de Nuremberg est ainsi forgée avec un grand nombre de nerfs laissant une cannelure concave entre chacun d’eux. Les armures dites maximiliennes, et qui datent de la fin du xve siècle, ont amené ce genre de fabrication à la dernière perfection.

Déjà de 1440 à 1450, en France, on avait fait des armures dont les cuissots étaient articulés aussi bien sur la pièce antérieure que sur la pièce postérieure ; et, avec le corselet d’acier et les avant-bras armés, on portait encore des arrière-bras et spallières d’étoffe rembourrée sur plaques d’acier rivées sous-jacentes. La figure 48[84] nous montre un chevalier ainsi vêtu. La tête est désarmée et couverte d’un chapeau de feutre garni de joyaux d’or et doublé de martre. Les épaules et arrière-bras sont protégés par des manches de velours violet avec rivets d’or, fortement rembourrées au sommet. Le corselet est orné d’un rinceau rapporté avec des rivures, assez élastique pour ne pas empêcher le mouvement de la pansière. Les tassettes sont faites comme les précédentes, mais les cuissots sont articulés dans toute leur longueur. On remarquera les gardes des genouillères faites en forme de croissant. Cette mode appartient aux années comprises entre 1440 et 1450. Le cheval est houssé, avec chanfrein solide sous la houssure de la tête.

Un manuscrit du xve siècle, publié en 1866 par M. René de Belleval, donne, sur l’habillement de l’homme d’armes français en 1446, des renseignements assez précieux[85]. L’auteur de ce manuscrit n’a qu’un tort, c’est d’être trop laconique et de ne pas s’étendre assez sur les divers genres d’habillements de guerre des hommes d’armes de son temps. Il y avait encore cependant bien des variétés dans les harnais ; les monuments figurés, fort nombreux, de cette époque, nous en fournissent la preuve.

Voici quelques-uns des passages du manuscrit en question, qui peuvent toutefois fournir des renseignements curieux :

« Et premièrement, les dits homes darmes sont armez voulentiers, quant ilz vont en guerre, de tous harnois blanc ; c’est assavoir curasse close, avant braz, grans garde braz, harnois de jambes, gantelez, salades à visière et une petite baviere qui ne couvre que le menton[86].

Item, les aucuns portent différance en harnois de braz, de teste et de jambes ; premièrement la différance des harnoys de teste, c’est assavoir de bicoques et de chappaulx de Montauban. Et premièrement, les biquoques sont de faczon à que sur la teste, en telle forme et manière comme ancienement les bacinez à camail souloient estre, et d’autre part vers les aureilles viennent joindre aval, en telle forme et faczon comme souloient faire les berniers[87].

Item, et les chappaulx de Montauban[88] sont rons en teste à une creste au milieu qui vait tout du long, de la hauteur de deux doiz, et tout autour y a ung avantal (bord en saillie) de quatre ou cinq doiz de large en forme ou manière d’un chapeau. »

L’auteur décrit ensuite la salade, les avant-bras avec les garde-bras ; mais il fait une distinction entre le garde-bras du bras droit et celui du bras gauche ; le premier devant avoir des gardes plus grandes, parce qu’il n’est pas défendu par l’écu et doit parer le coup de lance. Il admet deux armures des bras, celle dont les trois pièces tiennent ensemble, c’est-à-dire l’avant-bras, le garde-bras et l’arrière-bras, qu’il appelle de Milan, et celle qui se compose de trois pièces distinctes réunies seulement par des aiguillettes (voy. Aiguillette).

Pour les harnais des jambes, le manuscrit en décrit également de deux sortes : le harnais de Milan qui « est clos davant et derrière par le bas, ainsi que on le fait à Millan, et à grandes gardes au genouil, et ung pou de mailles sur le cou du pié ; et l’autre faczon du harnoys de jambes est tout pareil à l’autre cy dessus déclairé, sinon entant que par la jambe bas s’en fault trois doiz que ne soit cloz, et ont les gardes plus petites en droit le genouil. »

Cela n’est pas parfaitement exact, au moins quant à la deuxième manière d’armer les jambes.

Les grèves françaises sont de deux pièces, la grève proprement dite et la molletière, réunies par des charnières, des boutons et des œillets latéralement ; mais la grève recouvre les chevilles et descend jusqu’à la semelle. Le talon forme une pièce à part, ainsi que le soleret, attaché à la partie inférieure de la grève par des boutons et œillets ; quant à la pièce du talon, elle est rivée articulée à la molletière. Il y a aussi les grèves françaises qui s’arrêtent au-dessus des solerets, et laissent ceux-ci indépendants, qu’ils soient d’acier ou de cuir, sans apparence de mailles. (Voye Grève, Soleret.)

Par-dessus les armures, telles que les dernières figures les représentent, on portait de nouveau, vers le milieu du xve siècle, des cottes armoyées courtes, sans ceinture, à larges manches ne descendant pas plus bas que le milieu de l'arrière-bras (fig. 49[89]). Ce personnage est coiffé d’un chapeau de Montauban.

Ainsi la cotte d’armes ne cessa guère d’être portée que de 1420 à 1450, car on ne peut donner le nom de cotte d’armes aux étoiles marouflées sur le corselet et les tassettes si fort en vogue vers 1440. A dater de 1460, la cotte d’armes se retrouve fréquemment dans la forme de celle donnée ci-contre, mais elle semble être le privilège des personnages marquants ou de leurs hérauts.

Vers 1470, la noblesse adopte une autre forme de cotte et qui laissait aux mouvements une plus grande liberté. La belle statue de Charles d’Artois, comte d’Eu, mort en 1471, et déposée autrefois dans le chœur de l’église abbatiale de cette ville[90], présente un des exemples les plus remarquables de ce vêtement d’un très-noble chevalier (fig. 50). Cette cotte, serrée autour de la taille, est doublée à sa partie supérieure d’une sorte de large pèlerine qui couvre seulement le haut des bras et le dos. Cette cotte est armoyée de pièces saillantes d’orfèvrerie et brodées, qui sont trois fleurs de lis d’or sur la cotte d’azur, surmontées d’un lambel à trois pendants de gueules, chargés chacun de trois châtelets d’or. L’armure de ce prince était dorée en plein[91]. Vers la fin du xve siècle, on renonce absolument, en France comme en Allemagne, aux corselets articulés. La cuirasse ne se compose plus que d’un plastron et d’une dossière. Mais, pour laisser une certaine aisance au haut du torse, le gorgerin et le colletin descendent très-bas sous les deux pièces de la cuirasse. À cette époque, les armures dites maximiliennes étaient fort en vogue, et celles qu’on fabriquait en France avaient, avec ces armures, beaucoup de ressemblance. Toutefois la cannelure ne paraît pas avoir été pratiquée sur les armures françaises, et, comme nous l’avons dit plus haut, ces cannelures ajoutaient beaucoup à la résistance des pièces d’acier ; aussi les armures dites maximiliennes étaient-elles fort estimées et d’un trop grand prix pour ne pouvoir être portées que par les gentilshommes riches. La planche V donne une de ces armures maximiliennes[92]. Elle est entièrement couverte de fines cannelures. On observera que le plastron est fort échancré du haut, et que l’intervalle qui le sépare de l’armet est rempli par des pièces qui sont : le colletin et le gorgerin.

La spallière de droite est échancrée au droit de l’aisselle pour laisser passer le bois de la lance ; mais une rouelle mobile et pouvant se relever, laisse le jeu nécessaire au passage du bois et couvre le défaut. La spalhlière de gauche masque bien l’aisselle ; sa garde de
colletin est basse, tandis que la garde de celle de droite est haute : ce qui était calculé en raison de la direction des coups de lance. Les tassettes laissent une profonde échancrure pour l’entre-cuisses, car
alors les chevaliers ne montaient plus guère sur ces selles hautes qui permettaient de se tenir debout sur les étriers. Les cuissots ne sont

articulés qu’à la partie supérieure, et les grèves sont d’une seule pièce sur le devant. Les solerets sont larges et carrés du bout pour bien tenir dans les étriers. Les gantelets n’ont pas de gardes saillantes, mais sont attachés par des courroies aux canons des avant-bras.

Nous ne croyons pas utile de pousser plus loin cet examen sommaire des armures. Celles du xvie siècle sont en si grand nombre et tellement communes, que nous ne nous en occuperons pas ; ce serait d’ailleurs sortir de notre cadre.

L’armure de fer n’avait plus trop de raison d’être du moment que l’artillerie à feu prenait à la guerre une importance de plus en plus sérieuse. Cependant telle était la puissance de la tradition, que les gentilshommes ne croyaient pas pouvoir guerroyer sans cet accoutrement si lourd et si gênant. La plupart des armées de l’Europe n’ont-elles pas encore conservé les cuirassiers, bien que les cuirasses ne soient plus à l’épreuve d’une balle conique ? Ce ne fut guère que sous Louis XIII que les gentilshommes remplacèrent l’armure par le justaucorps de buffle. Cependant le roi se prononça à diverses reprises contre cette innovation, et prétendit faire reprendre les armures qu’il considérait comme une des conditions essentielles à la bonne ordonnance de la noblesse à cheval. Sa volonté et ses recommandations ne purent faire reprendre l’armure, que l’on ne portait plus que dans certaines solennités et comme signe de haute noblesse féodale. Toutefois, jusqu’à sa mort, les mousquetaires noirs de sa maison conservèrent l’armure en campagne, complète, sauf les grèves, remplacées par de grandes bottes ; un chapeau de fer avec nasal était substitué à l’armet[93].

  1. Ce monument, de la plus haute valeur, est déposé aujourd’hui dans le cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Toutes ces pièces d’ivoire sont d’une grande dimension, et, bien que le travail en soit barbare, le caractère des personnages indique une observation fidèle de la nature.
  2. Voyez Harnais.
  3. La figure 1 est la copie fidèle de l’une des pièces ; la figure 2, l’interprétation de l’autre, afin de la rendre plus intelligible. D’ailleurs, pour cette figure 2, on s’est aidé de vignettes de manuscrits datant de la même époque.
  4. Vovez Cotte d’armes.
  5. Manuscr. Biblioth. nation., fonds Saint-Germain, latin.
  6. Vovez a l’article Cotte d’armes.
  7. Seuls sur la tapisserie de Bayeux, les chefs, et entre autres Guillaume, ont les jambes armées de la même manière que la cotte, c’est-à-dire de chausses couvertes d’anneaux de métal.
  8. Voyez Écu.
  9. 1100 environ.
  10. On remarquera que cette cotte n’est plus divisée en façon de caleçon pour passer les cuisses, comme l'était la cotte d’armes normande (voy. Cotte d’armes). Le fourreau de l'épée passe sous la cotte d'armes, et ne laisse voir que son orifice supérieur par une fente ménagée dans cette cotte.
  11. Brit. Muséum, Nero, c. iv, fol. 13.
  12. Voyez Broigne. Lorsque cette colle d’armes est revêtue de maillons de fer, elle prend le nom de broigne tresne.
  13. Bas-relief de la façade de la cathédrale d’Angoulême, à droite de la porte principale.
  14. Voyez Casque.
  15. Voyez Écu.
  16. Bronze de la collection de M. le comte de Nieuwerkerke ; vitraux de Chartres ; statue du Courage, portait principal de la cathédrale de Chartres.
  17. Statue tombale de 1195 environ, musée de Niort ; manuscr. de la même époque ; manuscr. Biblioth. nation, Psalt, latin, n°8846 (premières années du xiiie siècle.
  18. Li romans de Garin le Loherain, t. i, p. 69.
  19. Li Romans de Garin le Loherain, t. ii, p. 123.
  20. Ibid., p. 157.
  21. Ibid., p. 191.
  22. Manuscr. Biblioth. nation., Psalt., latin (1200 environ).
  23. Même manuscrit.
  24. Manuscr. Biblioth. nation., Lancelot du Lac, français, t. iii (1250 environ).
  25. Manuscr. Biblioth. nation., li Roumans d'Alixandre, français (1260 environ).
  26. N° 8846.
  27. Guillaume d'Orange, Li coronemens Looys, vers 409 et suiv.
  28. Chanson de Rolan, stance 123.
  29. Girard de Vienne, vers 2086.
  30. Agolant, vers 886.
  31. Voyez, entre autres, l’effigie d’un chevalier de la famille de Sulney, reproduite dans l’ouvrage de M. J. Hewit : Ancient Armour and Weapons in Europa, t. i, p. 261.
  32. Biblioth. de Strasbourg, brûlée en 1870 par l’armée prussienne.
  33. Bas-relief déposé dans l’église Saint-Nazaire de Carcassonne et représentant la mort de Simon de Montfort ; bas-relief de la cathédrale de Reims, face nord (1225).
  34. Chap ccv, vers 8350 et suiv.
  35. « Je sais les coutumes des Français fanfarons. Ils ont le corps couvert de fins doubliers, mais ils n’ont aux jambes que leurs chauciers. Si donc vous les visez aux jarrets et que vous frappiez fort, au départir de la mêlée, il restera là de leur chair. »
  36. Chap. XXXIV.
  37. Cathédrale de Reims, sculptures du portail principal à l’extérieur et à l’intérieur.
  38. Manuscr. Biblioth. natio., Roman de Tristan, français (1260 environ)
  39. Millieu du xiiie siècle.
  40. Voyez Ailette
  41. Manuscr. Biblioth. nation., Godefroy de Bouillon, français (dernières années du xiii13 siècle).
  42. a et b Voyez Heaume.
  43. Voyez Harnais.
  44. Manuscr. Biblioth. nation., li Roumans d’Alexandre, français (fin, du xiiie siècle).
  45. Français, n°1643.
  46. L’habillement de tête de cet homme d’armes n’est pas le heaume, mais le bacinet (voy. Bacinet), qui n’empêchait pas de se servir du heaume à l’occasion.
  47. Voyez Gant.
  48. Manuscr. Bibl. nation., Godefrey de Bouillon, franç. (1ères années du xiv).
  49. Manuscr. Bibl. nat., Godefroy de Bouillon, franç. (commencem. du xive siècle).
  50. Suivant Villani, cet évêque de Châlons avait contribué par ses exhortations à engager la bataille et a repousser les propositions du prince de Galles.
  51. Biblioth. nation., Lancelot du Lac, français, t. ii.
  52. Église de Saint-Denis.
  53. Nous ignorons si cette admirable statue a résisté au bombardement des Prussiens.
  54. M. Boeswillwald a bien voulu nous fournir tous les détails de cette statue et l’a fait mouler pour les musées de Paris, Nous ne savons si ce moulage, fait peu avant la guerre avec la Prusse, a pu être préservé.
  55. Français, le Livre des échecs de Jehan de Vignay, partie intitulée : De l’estat de la forme des chevaliers et de l’ordre de chevalerie.
  56. Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, trad. française, écrite sous le roi Jean avant sa captivité (1350 à 1356).
  57. Manuscr. Biblioth. nation , Tite-Live, trad. française (1350 environ).
  58. Manuscr. Biblioth. nation., le Miroir historial, français (fin du xive siècle).
  59. Biblioth. nation., Tite-Live, trad. franç., n°239.
  60. « Plaisantait avec ses sens. »
  61. « Se fit vêtir de son armure »
  62. Thomas de Percy était parti peu avant Jehan Chandos pour retourner chez lui.
  63. « Passage. »
  64. « Sa lance. »
  65. « Petite gelée blanche. »
  66. Froissart, livr. I, part. 2, chap. ccxcx (voy. l'Hist. du château et des sires de Saint-Sauveur le Vicomte, par M. Léopold Delisle : ce passage est donné en entier d’après les meilleurs manuscrits de Froissart).
  67. Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, français, n°30 (1395 environ).
  68. Cette statue est celle de Judas Machabée, placée à l’extérieur de la tour de la chapelle. Judas Machabée est un des neuf preux.
  69. La construction du château de Pierrefonds remonte aux dernières années du xive siècle.
  70. Manuscr. Biblioth. nation., Tristan, t. I, français (1395 à 1400).
  71. Même manuscrit.
  72. Manuscr. Biblioth. nation., le Livre de Guyron le Courtois, français (1400 env.).
  73. De Guyron le Courtois, Biblioth. nation., français (1400 environ).
  74. Même Manuscrit. Tous les détails de ces armures sont donnés dans le Dictionnaire.
  75. Biblioth. nation., les Merveilles du monde, français.
  76. Du seigneur de Mairet, mort en juillet 1419.
  77. Le 25 octobre 1415.
  78. Manuscr. Biblioth. nation., Boccace, trad. française (1420 environ).
  79. 1467 au plus tard. Voyez Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, publ. par M. J. Quicherat, t. IV, p. 206.
  80. Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, par M. Jules Quicherat, t. I, p. 179.
  81. Destruction de la ville de Troyes (sic), français (1425 à 1450).
  82. Manuscr. Biblioth. nation., Destruction de la ville de Troyes (sic), français (1425 à 1430).
  83. Christine de Pisan, le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles.
  84. Manuscr. Biblioth. nation., le Miroir historial, franrais (1440 environ).
  85. Du costume militaire des Français en 1446, par M. René de Belleval, 1866.
  86. Voyez l’habillement de tête de l’homme d’armes (fig. 47, A).
  87. Les biquoques sont évidemment des armets qui se divisaient au droit des oreilles en deux coques (voy. Armet). Quant au mot bernier, nous n’en trouvons pas la signification dans le cas présent. Les berniers sont des valets de chiens de chasse. On leur donnait ce nom pendant les xiiie, xive et xve siècle. Appliqué aux armures de tête, nous n’avons trouvé ce mot nulle part dans les anciens textes. Ainsi, notre auteur entend qu’il y avait deux sortes d’habillements de tête, la salade et la bicoque ; et en effet, sur les miniatures, à dater du milieu du xve siècle, on ne voit guère que ces deux sortes de casques, avec le chapeau de Montauban.
  88. Vovez Chapel de fer.
  89. Manuscr. Biblioth. nation., Froissart, Chroniques, t. IV.
  90. Aujourd’hui dans la crypte de la même église.
  91. Voyez, pour la coloration de cette statue, fort altérée, la collection Gaignières d’Oxford, biblioth. Bodleienne, ou les copies de cette collection déposées au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale.
  92. Du musée de Pierrefonds.
  93. Ces armures étaient noires avec clous dorés. Il en existe une encore, dépendant du musée de Pierrefonds.