Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/AUVERS-LE-HAMON

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AUVERS-LE-HAMON, ANVERS ; Alverso-Hamonis, Averso, et mieux Alvernum, Allevatio, par syncope, qui signifient élévation, le terrain de cette commune étant extrêmement montueux. Quant au surnom de Hamon, il vient, suivant la tradition de Hamon d’Avoise, un des fondateurs du prieuré d’Auvers ; mais, suivant sa véritable étymologie, il doit signifier hameau. Ainsi, Auvers-le-Hamon, veut dire hameau sur une hauteur, ce qui est exact.

Commune du canton et à 7 kilom. N. de Sablé ; de l’arrondissement et à 32 k. N. O. de la Flèche ; à 42 k. O. S. G. du Mans. Autrefois du doyenné de Brûlon, de l’archidiac. de Sablé, et du diocèse du Mans ; de l’élection de la Flèche et de la province d’Anjou. Distances légales, 8, 37 et 51 kilom.

descript. Bornée au N. par Epineu-le-Seguin (Mayenne) ; au N. E. et à l’O. par Poillé ; au S. E. par Juigné ; au S. par Gastine ; au S. O., à l’O. et au N. O. par Boissay, S.-Loup et Ballée (Mayenne). La forme de cette commune est celle d’une élipse, qui s’étend du N. E. au S. O. ; son plus grand diamètre dans ce sens est de 8 k., et celui du N. O. au S. E., de 6 kilom.

Le bourg, construit sur le penchant E. d’un coteau qui borde la rive droite du ruisseau le Treulon, se trouve situé vers le milieu de la commune. Il se compose d’une assez jolie place entourant l’église au N., à l’O. et au S., plantée d’ormeaux disposés en quinconce, sur l’emplacement de l’ancien cimetière ; et de deux rues partant des angles de cette place, et se prolongeant à l’O. On y voit plusieurs maisons qui paraissent d’une grande ancienneté.

L’église, dont toutes les ouvertures, les arcades et les voûtes, extérieures et intérieures, présentent le mélange du plein-cintre et de l’ogive, semble offrir un caractère particulier, appartenant au style de transition ; l’inscription de l’ogive dans le plein-cintre est un genre de construction qui paraît se rapprocher de l’époque de la fondation du prieuré, que nous indiquerons plus bas. Clocher en flèche assez raccourcie, placée sur une grosse tour carrée, sans entablement.

Le cimetière actuel est situé à l’extrémité O. du bourg, entouré de haies, ayant deux chapelles, dans l’une desquelles l’on officie lors des processions des Rogations.

populat. Jadis de 344 feux, aujourd’hui de 530, elle se compose de 1,048 indiv. mâl., et de 1,081 fem. ; lot, 2,129., dont 710 dans le bourg.

Plusieurs hameaux, dont ceux des Landes, des Hubinières, des Peschardières et du Clot, contiennent 30, 36, 40 et 60 individus.

Mouv. décenn. De 1793 à 1802, inclus, : mar,, 182 ; naiss., 479 ; déc., 331. De 1803 à 1812, inclus. : mar., 149 ; naiss., 505 ; déc., 464. De 1813 à 1822, inclus. : mar., 135 ; naiss., 601 ; déc., 537.

hist. eccl. L’église d’Auvers est dédiée à N.-D. du Rosaire, dont on fait la fête, avec assemblée, le 1er dimanche d’octobre. Une seconde assemblée a lieu le dimanche de la Pentecôte.

La cure, ainsi que le prieuré, qui valait plus de cent louis de revenu, dépendaient de l’abbaye de la Couture du Mans ; tous deux étaient à la présentation de l’abbé. Il existait deux chapelles appelées de la Chaberdière et de Notre-Dame ; celle de la Cour-du-Bois, au coin du bois d’Epineu, sert encore au culte ; on y va en procession.

Hugues Ier, comte du Maine, de 990 à 1015, consentit une indemnité pour la fondation du prieuré d’Auvers, faite par Gui d’Avoise, lequel le dota d’une partie des terres de son domaine, et en outre de toute la seigneurie et des droits féodaux de cette paroisse, qui lui appartenaient ; d’où il résulta que cette seigneurie, qui avait le titre de baronnie, fut annexée audit prieuré.

Hugues approuva ensuite la donation, que fit le même fondateur, de ce prieuré à l’abbaye de la Couture du Mans, en 1050, laquelle fut acceptée par Asselin, abbé, et ratifiée par Jean et par Hamon ou Aimond d’Avoise, les fils du donateur, en présence de l’évêque Sigefroi, d’Avesgaud, abbé de S.-Calais ; de Rodolphe de Vaige, de Robert d’Entrames, de Guillaume d’Antenaise, de Henri de Pezé, de Robert de Fercé, de Hubert d’Ancinnes, de Geoffroi de S.te-Osmane, de Lizandre d’Asnières, de Foulques de Chevillé, et de plusieurs autres seigneurs de la province, dont les seings sont apposés au bas de cette donation. Depuis longtems le prieuré d’Auvers n’avait plus de communauté.

La longue nomenclature qu’on vient de lire prouve qu’à cette époque les nobles n’avaient point de noms propres, autres que ceux des lieux dont ils possédaient les seigneuries. De tous les noms de cette liste, celui de Pezé s’est conservé jusqu’à nos jours, encore le croyons-nous éteint aujourd’hui.

hist. féod. Dans le 12.e siècle, Robert d’Auvers contribua de ses dons à la fondation de l’abbaye des chanoines réguliers des prémontrés du Gaut, autrement le Bois-Renou, modò le Perrai-Neuf, faite en 1189 par Robert de Sablé, III.e du nom. C’est une erreur de dire, comme Fa écrit Ménage, que le même Robert signa aussi le titre de la fondation du prieuré de Solême, par Geoffroi de Sablé, dit le Vieux, en 1010, puisqu'il faudrait pour cela qu’il eût vécu près de deux cents ans.

Dans le 14.e siècle, un Robin d’Auvers fut procureur de Guillaume de Craon, seigneur de la Ferté-Bernard, dans un accord fait entre ledit Guillaume et le comte de Dreux, probablement Amauri IV de Craon, son neveu.

Il existait à Auvers une famille le Maczon de la Motte d’Attaise (sic, ménage) d’Atenaise, ou plutôt d’Avoise, dite le Maczon d’Auvers. Un Jean le Maczon, de cette famille, était fils d’Ives d’Auvers et de Renée Morin. Ils portaient d’azur à la face d’or, accompagnée de trois besans d’argent.

hist. civ. Auvers est la patrie de Claude Dugué, prêtre, auteur de plusieurs ouvrages ; de Pioger, simple particulier, qui seul pût obtenir justice de Louis XIV, contre les vexations du marquis de Charnacé. Voyez la biographie.

Auvers a été, à toutes les époques de nos troubles civils, depuis 1789, le foyer où l’insurrection armée s’alluma avec le plus d’ardeur dans notre département. Son territoire fut souvent ensanglanté, et plus de 200 affaires peut-être y ont eu lieu, entre les royalistes, les républicains, et les napoléonistes en 1814. Il est affligeant de dire que dans cette lutte des opinions, les différens partis n’eurent rien à se reprocher en intolérance, en excès et en cruautés.

Voici une lettre assez curieuse, écrite d’Auvers, le 26 janvier 1796, par un des principaux acteurs de cette époque.

« Chevreul, dit Armand, à M. le Comte de la Châtre.

« Un émigré débarqué lors de l’affaire de Quiberon, m’a assuré que vous espériez effectuer un débarquement au printems. Nous attendons tous cet instant avec la plus vive impatience ; dans mon particulier, je suis on ne peut pas plus désireux d’en voir le succès, car ces cantons qui sont entièrement soulevés, et qui sont décidés à ne quitter les armes que lors que le trône et l’autel seront en pleine sécurité, feraient des merveilles si des commandans expérimentés, tels que vous, étaient à leur tête. Je suis chef de canton en l’armée de M. le Vicomte de Scépeaux (dite armée catholique et royale de Bretagne, d’Anjou et du Maine). Je suis fils d’un de vos fermiers de la terre de Varennes, aujourd’hui à la tête de cinq compagnies de cent hommes chacune. Il n’y a presque pas de paroisse par ici, où il n’y ait une compagnie de chouans, et dans les environs, tant du Mans que de Laval et autres.

Nous avons eu la semaine dernière une affaire sérieuse contre les bleus : le feu a duré quatre heures. Il y a eu de la perte des deux côtés ; les républicains n’ont pas lieu de se louer beaucoup de cette fusillade. »

Le capitaine Armand ne tarda pas lui-même à succomber, dans une de ces fréquentes rencontres : il fut tué sur le territoire d’Auvers.

François Menault, prieur régulier d’Auvers, fonda en 1516 un collège, dont la dotation fut augmentée des libéralités successives de Claude Dugué et de Jean Charruau, prêtres ; de Mathurin Pèlerin, de François Barbier, principal ; et de P. Péan de la Morinière. L’instituteur, chargé d’enseigner gratuitement les lettres, les humanités et la religion, aux indigens, devait être prêtre, roturier et né dans la paroisse. La dotation première, de 750 liv., servit à l’achat d’un domaine rural. Il ne reste plus de cette fondation qu’une rente de 135 fr. sur l’état.

En 1745, une école de charité pour les filles fut créée, au moyen du legs fait par la dame Renée-Charlotte de Barenton, le 15 avril 1716, d’une rente de 200 fr., des intérêts courus depuis la mort de cette dame, et d’une partie de l’indemnité à laquelle furent condamnés ses héritiers, pour les frais occasionnés par leur refus de délivrance de legs. Cette école qui devait être tenue par deux veuves ou par deux sœurs, fut confiée à celles de la Chapelle-au-Riboul. A l’époque de la révolution, elle possédait 850 liv. de rente, dont il ne reste aujourd’hui que 210 fr., sur l’état. Trois sœurs du même ordre, établi actuellement à Evron, tiennent cette école, et sont de plus chargées de l’administration des secours à domicile ; elles sont logées dans une maison appartenant à la commune, et qui paraît être un ancien don non aliéné. Le bureau de charité d’Auvers a en outre l’administration d’une rente d’environ 100 fr., produit de la donation d’un champ, faite au profit des pauvres, depuis quelques années.

antiq. On croit généralement qu’Auvers faisait partie de la petite nation des Arviens, dont le chef-lieu, connu encore sous le nom de Cité, se trouve à S.-Pierre-d’Erve, et n’est éloigné que de 12 kilom. au N. N. O. d’Auvers. Nous avons dit à l’article Arviens ce qui nous paraît devoir être compris, du territoire de la Sarthe, dans celui de cet ancien peuple Gaulois.

hydrogr. La commune est arrosée, dans sa partie O. et dans son centre, du N. E. au S. par la rivière de Vaige, par celle d’Erve, et le ruisseau le Treulon ; au S. par le petit ruiss. de la Batardière, dont le cours est seulement de 2 k., de l’E. à O. ; celui de la Diacrie, ayant une direction semblable, dans le centre de la commune, et un cours de 4 k. ; et par celui des Herdières, qui se jette dans le précèdent, après 1 k. 1/2 de cours. Ces trois ruisseaux vont se perdre, le premier dans l’Erve, les deux derniers dans le Treulon.

Etangs : de Fresnay, de 88 ares de superficie ; des Touches, 1 hect. 77 ar. ; de la Joussetière, 3 hect, 7 ar. ; peuplés de carpes et de tanches.

Moulins de Mère-Fontaine, Cutesson, Bas-Ecuré, Pont-Neuf, Vieille-Panne et Panne, sur l’Erve ; de Fresnay, sur la Vaige ; de Rimer et de la Boche, sur le Treulon ; tous à blé, excepté celui de la Panne, qui est aussi à huile.

géolog. Surface inégale, montueuse, sillonnée de coteaux qui s’étendent du N. et du N. E. au S., principalement sur les bords du Treulon, de l’Erve et sur la rive gauche de la Vaige, entrecoupés de vallons étroits. Terrain houiller, de formation intermédiaire ou de transition, dont les principales roches qui le caractérisent sont des marbres ou des grès, alternant avec des couches d’anthracite, dont les veines ne se trouvent que dans les schistes et les grès. D’assez vastes terrains contiennent des rochers à pic qui hérissent les bords des rivières que nous venons d’indiquer ; ils s’élèvent jusqu’à 50 mètres, et sont dépourvus de toute espèce de végétation, si ce n’est le chêne verd qui croît abondamment dans leurs fissures. On nomme ces roches dénudées Cahuvières, dans le pays.

Quelques vieux castels couronnent les sommets de ces rochers et produisent l’effet le plus pittoresque. Ces sites mériteraient d’exercer les crayons d’habiles paysagistes, qui y trouveraient des points de vue fort curieux et peu communs dans le centre et dans l’ouest de la France.

hist. natur. Minéral. Anthracite, découverte vers 1814, reconnue plus abondamment deux ans après, comme formant un banc de 14 à 15 k. de long sur 10 de large environ, et s’étendant dans les communes d’Auvers, Epineu-le-Séguin (Mayenne) et Poillé. Fer sulfuré cristallisé (Pyrite martiale), dans des rognons de schiste noir, veiné de quartz blanc amorphe ; mine de fer d’alluvion ; schiste argileux ; marbre gris, à très-petits grains noirs, presque uni, que l’on calcine pour la chaux ; grès.

On trouve des détails intéressans sur la découverte de l’Anthracite, dans le Disc. sur les richess. minér. du départ. de la Sarthe, par M. Daudin, Ann. pour 1817 ; et Analyse des trav. de la Soc. des Arts, 1.re part. pag. 129.

Plant. rares. Asplenium adianthum-nigrum, lin ; Ceterach officinarum, dec. ; Ornithogalum pyrenaïcum, lin. ; Quercus ilex, lin. ; Silene nutans, lin. ; Umbilicus pendulinus, dec.

cadastrem. Les résultats cadastraux, quant à la nature des terres et à leur estimation, n’étant pas encore connus, nous les donnerons au supplément que nous avons promis.

La superficie de la commune, d’après le levé géométrique cadastral, est de 4,500 hectares. On peut, d’après les anciennes évaluations, les diviser provisoirement ainsi :

Terr. labour., 3,888 hect. ; jardins, 30 ; vignes, 48 ; prés, 520 ; bois de futaies, 2 ; taillis, en plusieurs bouquets, 48 ; étangs, 6 ; superf. des bâtim., 20 ; eaux cour., 11 ; chemins, 117.

contrib. Foncier, 14,952 fr. ; pers. et mobil., 1,186 fr. ; port. et fen., 481 fr, ; 38 patentés : dr. fixe, 192 fr. ; dr. prop, 107 fr. 33 c. ; Tot., 16,918 fr. 33 c. — Perception d’Auvers, seul.

cultur. Terres argileuses, calcaires ou siliceuses, suivant la nature des roches que la couche végétale recouvre de 30 à 40 centim. de profondeur ; humides et compactes, en grande partie, mais faciles à diviser et à rendre fertiles, par l’emploi de la chaux, à l’aide de laquelle on est parvenu à en faire des terres douces, qui produisent : froment, seigle, orge, en quantité ; peu d’avoine ; sarrazin, pommes de terre, trèfle, lin, peu de chanvre et de vignes ; arbres à fruits, noyers, bois. Élèves de chevaux, de bœufs et de vaches, porcs et moutons.

Assolement triennal, de manière à ne pas ensemencer les gros blés en retour ; 20 grandes fermes, beaucoup de moyennes et de closeries ; 135 charrues ; fermages à prix d’argent, et à moitié de fruits.

Auvers est une des communes où l’agriculture a fait le plus de progrès, depuis une vingtaine d’années, par l’usage de la chaux, dans l’un des cantons du département, celui de Sablé, où la culture est le mieux entendue. Voyez sablé (Canton de).

comm. agric. Beaucoup de froment, très-estimé, et autres grains, si ce n’est l’avoine ; pommes de terre et graine de trèfle, en quantité ; lin et sa graine ; peu de chanvre ; fruits, cidre pommé et poiré ; vin, consommé sur le lieu ; noix, bois de chauffage. Jeunes chevaux, beaucoup de jeunes bœufs et de jeunes vaches ; porcs maigres et gras ; moutons, laine, beurre, menues denrées.

comm. industr. Dix métiers à toile de façon, pour la consommation des habitans ; extraction du marbre et de l’anthracite, suspendue en ce moment pour ce dernier, où elle n’a plus lieu que sur la commune de Poillé. Ce combustible est employé dans deux fours à la calcination de la chaux, et par les maréchaux, serruriers, etc. ; mais il manque dans le pays de grandes usines qui en fassent une consommation assez considérable, pour en permettre une plus ample extraction.

march. fréq. Sablé, Brûlon ; Ballée (Mayenne), pour acheter seulement.

Un marché de menues denrées, légalement autorisé, tient à Auvers, le dimanche matin.

Deux foires d’un jour chacune, fixées au 5 et 29 mai, par ordonn. royale du 10 oct. 1816, ne sont déjà plus suivies.

rout. et chem. Les routes départementales de Sablé à Evron, et de Brûlon à Sablé, passent sur la commune et sont, ainsi que les chemins vicinaux, passablement réparés.

habit. et lieux remarq. La Panne, ancien château reconstruit à la moderne ; c’était l’habitation de feu M. de la Panne, propriétaire agriculteur, qui le premier a donné l’impulsion pour les améliorations agricoles opérées dans le pays. Le Plessis, château avec chapelle, également reconstruit à la moderne, appartenant à la famille de Charnacé ; c’est là que venait chasser le célèbre marquis de ce nom : Voir à la Biographie l’article pioger. Monfrou, château fort autrefois, entouré de douves, où l’on remarque encore quelques restes de tours et de murs d’enceinte ; Vautors, ancienne maison de maître, avec chapelle, convertie en deux fermes aujourd’hui ; le Plessis-Jobart, la Morelière, le Ménil, Manpertuis, anciens fiefs ; le Prieuré, dans le bourg, et la Diacrie, anciens établissemens religieux ; la Rommerie, dont le nom semble attester le séjour des Romains, ne sont plus que des fermes aujourd’hui. Le Presbytère, dans le bourg, bien bâti, avec jardin et verger, rendu à son ancienne destination. Plusieurs maisons aussi dans le bourg, à fenêtres carrées, décorées de moulures à filets, qui témoignent de leur ancienneté.

établ. publ. Mairie, succursale, bureau de charité, trois sœurs d’Evron (V. plus haut, hist. civ.) ; instituteur primaire, avec une indemnité portée au budjet annuel ; résidence d’un notaire ; deux débits de tabac et un de poudre de chasse. Bureau de poste aux lettres à Sablé.