Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/Précis historique/IV/III

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Julien Remy Pesche
(Tome 1p. CLVIII-CCXXXIII).

§. III. Depuis Louis XI, jusqu’à la fin de la Ligue.

L’époque dont nous allons avoir à retracer les événemens, est tout à la fois l’une des plus affreuses et des plus honteuses de l’histoire de France en général, et de la province du Maine en particulier ; celle de la plus funeste de nos guerres de religion. Ce ne sera point, comme dans le 11.e siècle et au commencement du 13.e, une population armée pour rester française, en défendant le pays du joug étranger ; ce seront de malheureux citoyens, aveuglément barbares, armés les uns contre les autres pour des intérêts de conscience mal entendus et perfidement définis, par des princes ambitieux et des prêtres comme eux avides de domination, mettant au nom du ciel un poignard à la main d’un peuple fanatisé. Ainsi, pendant deux tiers de siècle environ, le sang français inondera de nouveau notre malheureuse province, et deux fléaux, non moins funestes que la guerre civile, la famine et les maladies épidémiques, ses compagnes ordinaires, aideront à la décimer.

Peu d’événemens intéressans, depuis la paix rétablie par l’expulsion des Anglais, se feront remarquer dans l’espace de temps qui sépare cette paix des premières étincelles des troubles de la Ligue, espace de plus d’un siècle, pendant lequel la province put jouir enfin, après tant de misères, de quelque tranquillité ; encore cette tranquillité fut-elle troublée par de cruelles calamités, la famine et la contagion. Ces époques, les moins riches en documens historiques, sont en général celles qui indiquent les temps de félicité publique. Ainsi, ce ne sont pas toujours les nations les plus célèbres dans l’histoire, qui ont eu les destins les plus heureux ; de même que dans la vie civile, la plus honnête, la plus respectable et par cela même la plus heureuse des femmes, est souvent celle dont on parle le moins.

1465. — Le mécontentement du prince Charles, frère, unique de Louis XI, l’alliance qu’il forma avec le comte de Charolais, les ducs de Bretagne et de Bourbon, le comte de Dunois et plusieurs autres seigneurs à qui le roi avait ôté leurs charges à son avènement au trône, donna lieu à la ligue ou guerre du bien public. Jean d’Anjou, duc de Calibre, fils du roi René d’Anjou, se joignit aux princes et amena un corps de suisses, les premiers qui aient paru dans nos armées. Louis XI vint au Mans avec des troupes dont il donna le commandement à Charles IV d’Anjou, comte du Maine, qu’il chargea d’aller soumettre Jean II, duc d’Alençon, entre dans le parti des princes : le roi resta au Mans pendant le temps que dura le siège d’Alençon, et fit don à la cathédrale de S.-Julien, d’une plaque d’argent sur laquelle il avait fait graver la représentation de la ville qu’il venait de reconquérir. La paix fut faite la même année, au moyen des concessions que fit Louis XI avec sa bonne foi caractéristique, c’est-à-dire avec l’intention de ne rien tenir de ce qu’il promettait.

1487. — Charles VIII ayant succédé fort jeune au roi Louis XI son père, la régence fut conférée à la dame de Beaujeu sœur du nouveau roi. Le duc d’Orléans, cousin du monarque, conçut un vif dépit d’être frustré du gouvernement de l’état qu’il croyait devoir lui appartenir ; et, profitant des troubles qui s’étaient élevés en Bretagne, se jeta dans cette province avec le comte de Dunois, pour tirer avantage des dissentions qui y existaient. Charles VIII porta ses armes de ce côté, à la tête d’une armée considérable, pour aller faire la guerre à François II duc de cette province : il passa par le Mans et fit un long séjour à Laval, poste d’où il pouvait facilement donner ses ordres partout où il en était besoin. Cette guerre se termina promptement à l’avantage de Charles, et fut suivie, en 1491, du mariage de ce prince avec Anne, héritière du duché de Bretagne, que le duc d’Orléans avait eu l’espoir d’épouser. Pierre de Baujeu, duc de Bourbon, époux de la régente, vint aussi au Mans, en 1488, acquitter les fondations qu’avait faites dans l’église de S. Julien, Louis de Bourbon son aïeul,

1499. — Anne de Bretagne, devenue veuve par la mort de Charles VIII, s’était retirée de la cour pendant que le duc d’Orléans, devenu roi sous le nom de Louis XII, sollicitait du pape Alexandre VI la dissolution de son mariage avec Jeanne fille de Louis XI, dans l’intention d’épouser la veuve du roi défunt. Un amour réciproque mal éteint, l’intérêt du royaume pour lequel une nouvelle séparation de la Bretagne pouvait être encore une source de guerres, justifiaient s’ils ne légitimaient cette séparation. Anne retournant à Paris pour son nouveau mariage, passa par le Mans, s’y arrêta et fut remercier Dieu dans l’église de S.-Julien d’un événement qui, en accomplissant ses désirs, était également heureux pour la province du Maine, toujours rudement froissée des collisions qui avaient lieu depuis si long-temps entre les deux états.

1508. — C’est sous le règne de Louis XII, et par les ordres de ce roi, le père du Peuple, que les coutumes des différentes provinces de France furent mises par écrit. Celle du Mans fut rédigée par le président Baillet et Jean le Lièvre, conseiller au parlement ; soumise à l’examen de trois ordres de la province, dans une assemblée où chacun des assistans eut la liberté de faire insérer au procès-verbal ses observations et protestations, pour la conservation de ses droits ; elle fut promulguée le 8 octobre 1508.

1533. — Plus de quarante années de paix venaient de reposer le Maine, lorsque l’hérésie de Calvin commença à y pénétrer et à y jeter les germes des dissentions qui amenèrent de si funestes calamités. Mais pendant cette période, à peine se trouva-t-il quelques instans pour le bonheur. Une de ces maladies épidémiques si fréquentes dans le moyen âge, toujours appelées du nom de peste dans ces temps d’ignorance, y fit de grands ravages en 1484, pendant quatre mois qu’elle dura ; et se renouvela l’année suivante avec une nouvelle intensité.

Ensuite, de 1520 à 1530, l’intempérie des saisons fut tellement prolongée et contraire aux productions de la terre, que la stérilité engendra la famine et celle-ci une mortalité si cruelle, qu’elle emporta dans le Maine un tiers de ses habitans. Ajoutons encore, qu’une compagnie de francs-archers fut levée en 1521, dans le Maine et l’Anjou, qu’elle avait pour capitaine Charles de Couesme, seigneur du Grand-Lucé, et que cette troupe, établie sans doute pour assurer la tranquillité publique, ne fut, par les désordres qu’elle commit dans les campagnes, qu’un surcroît de calamités pour le pays.

Il ne peut entrer dans le plan de cet ouvrage d’offrir un tableau complet de la réformation, des dissensions religieuses qui en furent la suite, et, enfin, de cette guerre odieuse de la Ligue, pendant laquelle, sous le masque spécieux d’une religion de paix et de charité, et pour des intérêts purement terrestres, le sang français fut répandu à flots, les crimes les plus abominables furent commis, l’état entraîné sur le bord de l’abîme, et les notions du juste et de l’injuste tellement obscurcies ou méconnues, que cet ancien droit de la légitimité royale, toujours mis en avant et si souvent méprisé, manqua d’être submergé au milieu de cette longue tempête, au profit d’un sang étranger. Ce que nous avons particulièrement à faire connaître dans ce précis, c’est la part que prit notre province dans ces grands et malheureux événemens ; ceux qui lui furent particuliers et dont elle devint la victime pendant ce long et sanglant drame politique qui devait, en définitive, donner à la France l’un des meilleurs et, peut-être, le plus grand de ses rois.

Luther ayant commencé à développer ses dogmes en 1517, leur introduction eut lieu en France deux ans après, et, en 1521, la Sorbonne les condamna. Cette censure, loin de leur être nuisible, leur procura, dès 1523, des défenseurs et de nombreux partisans, dans les différentes classes de la nation ; l’an 1528, un gentilhomme de l’Artois fut brûlé sur la place de Grève, pour avoir professé hautement ces opinions. Telle est la marche de l’esprit humain : ce sont les obstacles qu’on veut apporter à son développement, à son émancipation, qui en assurent le triomphe ; et le martyre, dans toutes les sectes, n’a servi qu’à les consolider. C’est ce qui arriva alors ; cette impolitique et cruelle exécution ne découragea point les sectaires qui parvinrent à s’appuyer de Marguerite de Navarre, sœur de François I.er, qu’ils gagnèrent à leur religion. En 1536, Calvin publiait ses Institutions Chrétiennes, qu’il dédiait au roi, ouvrage dans lequel il érigeait en système des croyances vagues et discordantes jusques-là. Le massacre des Vaudois, en 1545, où les plus atroces barbaries furent exercées contre une population entière, réunie dans vingt-deux bourgs ou villages, qui furent brûlés ou saccagés en entier, loin d’affaiblir la religion nouvelle, ne fit qu’augmenter le nombre de ses sectaires : bientôt on vit une église réformée s’établir dans la capitale, et cet exemple s’étendre dans les principales villes du royaume. On rapporte à l’an 1560 la création au Mans du premier consistoire de l’Église réformée ; et les calvinistes de Laval demandaient un ministre à cette église, vers la fin de l’année 1561.

Sous Henri II, la cour était remplie de calvinistes, se rendant chaque soir aux prédications qui avaient lieu au Préaux-Clercs, où l’on chantait en français les cantiques de David, que Marot avait mis en vers : le roi de Navarre Antoine de Bourbon, et Jeanne d’Albret son épouse, assistaient à ces exercices de piété. En 1552, le parlement rendit un arrêt qui défendait les Écoles buissonnières, arrêt dirigé contre les luthériens qui, pour se soustraire à la juridiction du chantre de l’église de Paris, tenaient leurs écoles dans les campagnes ; et, en 1550, un édit d’Henri II, vérifié par tous les parlemens du royaume, punit de mort tous les luthériens : c’est à cette occasion que le roi fait arrêter au milieu du parlement de Paris, cinq conseillers qui penchaient pour des mesures de modération : de ce nombre était Anne du Bourg, qui fut brûlé comme hérétique. Le règne fort court de François II, qui monta sur le trône le 10 juillet 1550, à l’âge de seize ans, donna naissance à deux partis puissans, par les grands hommes qui se mirent à leur tête et les familles auxquelles ils appartenaient : les Guises, d’un côté, à qui le roi accorda sa confiance et le gouvernement de l’état ; de l’autre, le roi de Navarre et le prince de Condé son frère qui, appartenant au sang royal, devaient être et furent jaloux d’une préférence qu’ils croyaient devoir leur appartenir. Les querelles de religion furent le prétexte qui couvrit l’ambition de ces deux partis redoutables. La faiblesse de Charles IX et de Henri III qui, successivement, régnèrent après François II, vint bientôt compliquer cet état de dissension, que la perfidie de Catherine de Médicis leur mère, ne cessa d’envenimer. Telle fut l’origine des malheurs de la France à cette époque, du massacre des protestans le jour de la Saint-Barthélémy, de la Sainte-Ligue et des horreurs qu’elle enfanta. Ce court exposé nous paraît suffire pour servir d’introduction au récit des événemens particuliers à notre pays. Nous ajouterons que ces événemens sont peu liés entr’eux, par le défaut de documens suffisans ; qu’il serait bien difficile, en ne consultant que les mémoires particuliers, en très-petit nombre, écrits à ces époques, par ceux qui en furent ou les auteurs ou les victimes, de prononcer de quel côté furent les plus grands torts, les plus cruels, les plus repréhensibles excès, chaque parti s’accusant avec acharnement ; si le massacre de la Saint-Barthélémy et toutes les fureurs de la Ligue ne venaient mettre un poids énorme dans la balance, en faveur des religionnaires et contre leurs ennemis.

Charles IX monte sur le trône à l’âge de dix ans, le 5 décembre 1560 ; sa devise, que lui choisit le chancelier de l’Hôpital, consistait en deux colombes avec ces mots : pieux et juste ; elle est remarquable, pour un prince tel que lui.

Charles envoie au parlement, le 8 décembre, une déclaration par laquelle il annonce qu’attendu son bas-âge, il a supplié sa mère, Catherine de Médicis, « de prendre en main l’administration du royaume, avec le sage conseil et avis du roi de Navarre (Antoine de Bourbon) et des notables et grands personnages du conseil du feu roi. » C’est à cette occasion que le président Hénault fait remarquer l’erreur dans laquelle sont tombés les historiens, à commencer par de Thou, Mezerai, Daniel, etc., en attribuant le titre de régente à Catherine, qui ne le fut en effet qu’en vertu des lettres-patentes que lui donna Charles IX, le jour de sa mort, et seulement jusqu’au retour de Pologne de Henri III. Ce qu’on appelle la conjuration d’Amboise fut le dessein qu’avaient formé les calvinistes, révoltés dans plusieurs endroits du royaume, de se saisir de François II, dans le temps qu’il était à Amboise, et de tuer le duc et le cardinal de Guise. Le prince de Condé, frère du roi de Navarre, passait pour être le chef muet de cette conspiration, qui ne servit qu’à procurer une plus grande autorité à ses ennemis, en faisant déclarer le duc de Guise lieutenant-général du royaume. Mandé, avec Antoine de Bourbon, pour assister aux états-généraux convoqués à Orléans, le prince de Condé fut arrêté en arrivant dans cette ville, où était le roi ; son procès lui fut fait ; son arrêt de mort dressé, sans être signé, n’eut point d’exécution, par le décès de François II : dès les premiers jours du nouveau règne, le prince fut mis en liberté, et absous l’année suivante des faits de cette conjuration, par arrêt du parlement ; ce qui prouve, avec tant d’autres exemples postérieurs, que commencer par soustraire sa tête aux premières poursuites des vengeances politiques, c’est prudence et bien souvent la sauver.

Ces événemens sont tous de l’année 1560, année où fut rendu, à Fontainebleau, un édit de tolérance en faveur des réformés, édit renouvelé l’année d’après par Charles IX. C’est aussi à la fin de cette même année, que se forma le triumvirat entre le duc de Guise, le connétable de Montmorency, et le maréchal de Saint-André. L’année suivante, 1561, eut lieu la célèbre assemblée des docteurs catholiques et des docteurs protestans, connue sous le nom de Colloque de Poissy. « Le cardinal de Tournon eut la sagesse de s’y opposer, dit Hénault ; mais la vanité du cardinal de Lorraine, qui comptait y briller, le lui fit accepter. Théodore de Bèze porta la parole pour les réformés, qu’on commençait, vers cette époque, à appeler huguenots. » Après de longs discours étudiés, la conférence se termina, comme il arrive souvent dans ces sortes de matières, par des subtilités qui empêchèrent de s’entendre et de rien terminer.

1562. — Cette année s’ouvrit par l’édit du mois de janvier, qui accorde aux huguenots l’exercice public de leur religion : c’est le premier qui leur eut concédé cette liberté ; et la reine le fit rendre par la crainte que le roi de Navarre, d’un caractère indécis et flottant, ne se joignît au triumvirat des Guises, et ne rendit leur parti trop puissant. Le parlement refusa d’enregistrer cet édit, et ne le fit qu’après deux lettres de jussion : ses dispositions consistaient en une sorte de règlement sur la manière dont les protestans devaient se conduire ; il leur était prescrit de n’avancer rien de contraire au concile de Nicée, au symbole, et aux livres de l’ancien et du nouveau testament.

La paix, que semblait assurer cet acte de la politique tortueuse de Catherine, fut bientôt troublée par le massacre des protestans à Vassy, événement qu’on peut croire avoir été fortuit, puisque le duc de Guise s’en excusa toujours, même à son lit de mort. Alors tout fut en commotion parmi les religionnaires, qui déclarèrent le prince de Condé leur chef. Orléans et la moitié des villes de France sont prises ou se rendent à eux dans moins de six mois ; le roi de Navarre est blessé devant Rouen, où il combat contre les calvinistes, qu’il aurait dû commander, et meurt quelques jours après, peu estimé, quoique brave ; car dans le doute où s’égarait son esprit, sur la prééminence des deux religions, il avait négligé, comme le lui reprochait Jeanne d’Albret son épouse, celle qui était la plus utile à sa fortune, puisqu’il ne fut jamais qu’après le duc de Guise, dans le parti catholique, tandis qu’il eût tenu le premier rang parmi les protestans.

Des événemens généraux, passons à ceux qui sont particuliers à notre pays.

Les progrès de la réformation amenèrent de Tours au Mans, en 1559, un ministre protestant nommé Henri Salvert, auquel succéda bientôt un homme plus célèbre, ami de Théodore de Rèze, l’éloquent prédicateur Jean-Raymond Merlin. Au milieu de ses sectateurs armés de piques, de bâtons, d’épées, Merlin prêchait sous les halles du Mans, trois fois la semaine, y célébrait la Cène, administrait le baptême, et y entonnait les psaumes traduits par Marot. C’est-là qu’il admonestait les grands et les magistrats ses disciples, quand ils ne se rendaient pas assidûment aux prêches ; qu’il faisait faire à chacun l’aveu de ses fautes et des infractions à la nouvelle discipline ; c’est-là encore qu’il fut ordonné à deux orfèvres, sur leur aveu public d’avoir confectionné, l’un une croix, l’autre un calice, de les remettre en masse, ainsi que toute autre œuvre commencée qui pourrait servir à idolâtrie.

Les conquêtes spirituelles de Merlin ne furent pas moindres au Mans qu’à la Rochelle, dont il était ministre, et qu’il n’avait quittée que pour répandre et faire prospérer la nouvelle doctrine dans le Maine. Ses prédications lui attirèrent promptement de nombreux sectaires : de ce nombre furent les officiers du présidial, des domaines, de l’élection ; le chef de la maréchaussée avec ses archers ; des avocats, et plus de deux cents bourgeois qui tous firent profession publique de la nouvelle religion. Merlin n’était pourtant, suivant le bénédictin Bondonnet, « qu’un apostat, vivant publiquement avec une religieuse qu’il avait débauchée ; mais, dit un autre prêtre, P. Renouard, cet apostat était du moins conséquent aux principes de sa nouvelle secte, qui détruisait tous les vœux, et qui ne voulait point priver la classe des lévites du seigneur, des droits imprescriptibles de la nature. »

Long-tems avant l’arrivée de Merlin au Mans, avant celle du ministre Salvert, des novateurs avaient fait retentir la chaire, de l’hérésie des nouvelles opinions. « Le relâchement dans lequel vivaient les gens d’église, dit le chanoine Morand, faisait gémir les gens de bien ; et les déclamations contre ces désordres, ouvraient les voies par où l’hérésie se glissait dans les cœurs, déjà mal édifiés des déréglemens du clergé. Les gens de la campagne se gagnaient surtout par l’espérance qu’on leur donnait de ne plus payer les dîmes, les prémices, les oblations, ni cette foule de droits dont ils étaient surchargés ; d’autres se flattaient de l’espoir de s’enrichir bientôt par le pillage des églises et des biens du clergé ; le retranchement de la confession sacramentelle, de l’abstinence du vendredi et des jeûnes du carême, étaient du goût de bien des gens ; et ceux qui, malgré eux, se voyaient engagés dans le célibat, trouvaient bonne une doctrine qui les en allait dispenser. Ainsi, clergé, noblesse, magistrats, financiers, bourgeois, artisans, paysans, chacun trouvait dans la réforme quelque chose de conforme à ses goûts ou à ses opinions. »

Pour opposer une digue à ces innovations, l’évêque René du Bellay n’avait rien trouvé de mieux que de faire souscrire à son clergé un formulaire, approuvé par la Sorbonne, afin de connaître par là les partisans des nouvelles erreurs. D’un autre côté, on poursuivit un bourgeois du Mans et un religieux de Montoire, qui avaient tenu des discours impies, prêché des nouveautés sorties de l’école de Luther ; on défendit la prédication à quelques autres. Enfin, un cordelier s’étant étendu, en chaire, sur l’ignorance et le dérèglement des mœurs qui régnaient dans le clergé séculier, le chapitre dressa des statuts touchant la résidence, la régularité dans le service divin, la modestie dans l’église, le bon exemple et l’édification à donner aux laïques ; mais il était trop tard : le torrent était entièrement débordé.

Les succès de leurs co-religionnaires dans toute la France, inspirèrent aux calvinistes du Mans le désir de s’emparer de l’autorité dans cette ville. Pour cet effet, ils se rassemblèrent le 1.er avril 1562 à l’hôtel du Louvre, situé près du marché Saint-Pierre, chez Jean de Vignolles, lieutenant - particulier, l’un d’eux, afin de se concerter sur les moyens d’exécution. L’intention des conjurés n’était point hostile envers les habitans, car, pour éviter les excès que pourraient commettre un grand nombre de soldats, venus secrètement de Mamers et de Bélesme, pour se réunir à eux, il fut résolu que Vignolles et Bouju sieur de Verdigny, premier lieutenant-criminel du Maine, se saisiraient des clés de la ville, et qu’en même temps on établirait aux portes des capitaines de leur parti. Louis Dagues était alors connétable du Mans : c’était une dignité créée lors des guerres des princes Normands dans le Maine, et qui avait toujours subsisté jusqu’alors ; le connétable était choisi comme un homme de confiance par excellence, à qui les clés de la cité étaient confiées, et mises en sûreté entre ses mains ; c’est à ce titre que Dagues en était dépositaire. Mais étant absent alors pour le service du cardinal de Bourbon, dont il était un des officiers, on profita de son absence, pour contraindre Renée de Landisson, sa femme, à les livrer. Alors, les portes furent fermées sur le champ, des corps-de-garde y furent placés, la place d’armes fut établie sur le marché Saint-Pierre, d’où partaient continuellement des patrouilles, pour empêcher le tumulte et le soulèvement des habitans dans les quartiers éloignés. C’est ainsi que le vendredi de la semaine de Pâques, troisième jour d’avril, les chefs calvinistes, au nombre desquels nous devons désigner Jean de Champagne, sire de Pescheseul, et Jean de Boisjourdan, se rendirent maîtres de la place sans coup férir, et sans aucunes voies de fait.

Il est surprenant que l’abbé P. Ledru, écrivain ordinairement judicieux et impartial, dans la relation qu’il a donnée de cet événement (Annuaire de la Sarthe, pour l’an X), d’après les mémoires du temps, ait dit que, depuis le 3 avril jusqu’au 11 juillet suivant, époque à laquelle les calvinistes évacuèrent la ville, elle avait été le théâtre de mille scènes indécentes et atroces ; que les places, les rues retentissaient sans cesse de vociférations et d’injures, et que le peuple, soulevé par ses propres magistrats, se permettait tous les excès. Sans doute, quelques écrivains contemporains ont retracé avec détail les scènes de carnage et d’horreur qu’il reproduit et n’invente pas ; mais, comment l’a-t-il pu faire sans leur opposer, au moins, l’assertion contraire d’un annaliste qui ne mérite pas moins de foi que ceux qui se rendent les accusateurs de ces faits ? L’auteur anonyme de l’Invasion de la ville du Mans par les Religionnaires, en l’année 1565, que P. Ledru, lui-même, indique être Blondeau, dit positivement que « les choses eurent lieu d’une autre manière que le peuple le débite, et que ne le racontent ceux qui se vantent d’avoir des mémoires de ce temps-là ; » que cinq semaines se passèrent entre la prise de la ville et le pillage de la cathédrale ; que Bouju, Vignolles et Taron, ce dernier le plus ancien des avocats du roi, gardèrent quelques formalités de justice pour donner des prétextes à leur sacrilège ; qu’il est faux que les religionnaires, « aussitôt qu’ils furent maîtres de la ville, entrèrent à main-armée dans l’église pour faire passer par le tranchant de leur épée les chanoines qui assistaient au service divin ; » que toutes ces histoires, comme celle des chanoines qui prolongent l’office pour retarder l’instant de leur mort, et celle de l’un d’entr’eux qui tire un coup de pistolet sur les assaillans, sont autant de fables dignes de mépris, suffisamment réfutées par l’information qui fut faite par le lieutenant-général Taron, à la requête du doyen de la cathédrale et des pères Jacobins, laquelle enquête, pas plus que la plainte qui la provoqua, ne parlent de violences exercées contre les chanoines, quoiqu’elle contienne la déposition de plus de cent-vingt témoins. « Il n’y a donc point de vérité mieux établie, ajoute Blondeau, que celle qui nous assure que la ville du Mans fut prise sans carnage. »

Dès que l’évêque Charles d’Angennes eut connaissance du mouvement insurrectionnel des calvinistes, il s’éloigna de la ville, emportant avec lui douze grandes statues d’argent, fort pesantes et ornées de pierres précieuses : elles représentaient les douze apôtres, et, fruit de l’ancienne munificence des comtes du Maine, servaient de décoration à la cathédrale, d’où elles avaient été enlevées et mises en lieu de sûreté, dès les premiers instans de trouble. Le prélat se réfugia avec ce trésor à son château de Touvoye (voir ce mot au dictionnaire), qu’il fit fortifier. Nous verrons plus loin à quelle accusation donna lieu contre l’évêque, l’enlèvement de ces statues qui ne reparurent plus.

Aussitôt après l’exécution de ce coup hardi, les religionnaires députèrent le sieur Dumortier auprès de la reine mère, pour l’assurer de leur soumission, et protester qu’ils ne s’étaient emparés de la ville, que pour la tenir dans l’obéissance du roi, et la soustraire aux entreprises du triumvirat des Guises. Mais, dans cet intervalle, le parlement de Paris ayant, par un arrêt, déclaré les huguenots criminels de lèze-majesté, avec injonction de courir sur eux, cet arrêt sanguinaire, publié chaque dimanche au prône, et qu’on appela dans le langage du temps, lâcher la grande Leuvrière, irrita tellement ceux de la religion réformée, qu’ils ne mirent plus de bornes à leurs ressentimens.

Les excès commencèrent de la part de ceux du Mans, par le pillage du couvent des Jacobins, auquel ils voulurent mettre le feu : mais, les voisins s’y étant opposés, dans la crainte d’en être eux-mêmes les victimes, on se contenta d’en enlever les provisions de bouche, pour la subsistance des soldats : le reste fut pillé, et ce qu’il y eut de plus fâcheux dans ce désordre, c’est que des manuscrits précieux, notamment huit grands volumes en parchemin, écrits en lettres d’or et ornés de figures enluminées, furent brûlés ; d’autres manuscrits rares et en grand nombre pillés. Le couvent des cordeliers fut réduit en cendres, et l’acharnement fut tel contre cette maison, que les incendiaires portaient de la paille et des étoupes allumées aux lieux où le feu ne pouvait pénétrer. Tout ce qui ne fut pas consumé par les flammes devint la proie de la populace ; et un avocat nommé Guillaume Thomas, en fit transporter des poutres et des solives dans son lieu de la Futaye, paroisse de S.-Pavin-des-Champs.

Les mémoires du temps rendent compte des causes de l’acharnement des réformés contre ces deux communautés : « Ils avaient avisé et regardé tous ensemblement, qu’en ôtant ces deux couvents de belistres ( ce sont les titres dont ils qualifiaient ces religieux), il se trouvait d’épargné la somme de 15 mille livres par an pour le pays du Maine ; qu’on n’avait affaire de Jacobins ni de Cordeliers ; qu’ils ne servaient à rien ; que le couvent des premiers était trop magnifique pour des moines, et conviendrait mieux pour loger un prince. »

L’église de Saint-Pierre de la Cour, enrichie des dons considérables d’Henri II roi d’Angleterre et comte du Maine, en pierreries et ornemens, ne fut point épargnée par eux ; et le 7 mai, jour de l’Ascension, ils procédèrent, avec une sorte de régularité, à la spoliation du trésor et des objets les plus précieux de l’église cathédrale, l’une des plus riches de France, dont le pillage fut évalué à 256,536 livres, à une époque où le marc d’argent valait 16 livres, ce qui ferait une somme plus que triple aujourd’hui. Les profanations suivirent l’enlèvement des objets précieux : elles étaient la conséquence de leur dissidence avec les catholiques, sur le culte des images, et sur une foule de choses qu’ils avaient cessé de vénérer et de considérer comme sacrées. Mais ce qui rendit le dommage irréparable, ce fut la destruction par le feu de la plupart des titres de cette ancienne église, et la rupture des magnifiques tombeaux des évêques et des comtes de la province, dont ils ne respectèrent que ceux de Charles IV, duc d’Anjou, et de Langey-Dubellay, pour la mémoire desquels ils avaient quelques motifs de vénération. Ces deux tombeaux subsistent encore ; mais ceux des évêques Robert de Clinchamp, Geoffroy de la Chapelle et Gontier ; et des cardinaux Thibaut, Philippe et François de Luxembourg, furent impitoyablement brisés. « Des temples de la ville, dit un chroniqueur du temps qui ne paraît pas exempt d’exagération, ils coururent les villages circonvoisins, et, ajoutant mal sur mal, firent quelques pillages, entr’autres au couvent des Chartreux (à Saint-Denis-d’Orques), et au château de Touvoye ; ce qui occasionna aux paysans de leur courir sus, et d’en tuer plusieurs, qui se retiraient à la débandée avec leur proie. »

Il est honteux pour l’humanité, il faut l’avouer, d’avoir à retracer la conduite odieuse de quelques femmes des principaux auteurs de ces scènes de vandales, les dames de Vignolles, de Versé, Macé Potier et une autre que Blondeau ne désigne que sous le nom abrégé de Ba...., lesquelles, pendant l’embrasement et le pillage de la maison des Cordeliers, étaient montées sur les tours et les murailles de la ville, et, de-là, applaudissaient à l’incendie, excitant de la voix et du battement des mains, les soldats à ce pillage. Ces femmes, la honte de leur sexe et l’effroi des gens paisibles, assistaient au prêche, armées d’arquebuses et de pistolets ; l’une d’elles, la dame de Versé, sollicitait les épouses à quitter leurs maris, pour suivre la nouvelle loi ; elle donna même, un jour, 300 l. à une fille pour qu’elle célébrât son mariage à la huguenote, c’est-à-dire, suivant les rites de la nouvelle religion. Mais, ce qui est bien pis, les dames Macé Potier et de Vignolles témoignaient souvent le bonheur qu’elles éprouveraient à tenir la tête de la bête, en parlant de l’évêque, pour en manger à mon souper, disait la dernière ; celles de ce vilain Guise, de la Grande Cardinale, (Madame d’Aumale), et des frères frapparts ; en parlant des jacobins. Vœux sanguinaires, qu’il faut avoir entendu reproduire de nos jours, encore par des femmes, et dans des circonstances analogues, pour croire à une si coupable exaspération, de la part d’un sexe naturellement humain et compatissant !

De l’exaltation des mots, on passe aisément à l’exaltation des faits ; aussi, d’opprimés que les protestans avaient été, tant qu’ils furent faibles, ils devinrent bientôt oppresseurs, aussitôt qu’ils se crurent forts ; et, tandis qu’ils célébraient leur culte en plein jour, dans tous les lieux publics à leur convenance, ils forçaient leurs adversaires à cacher dans les ténèbres l’exercice du leur. Enfin, plusieurs auteurs, de ceux il est vrai dont, suivant Blondeau, la véracité est suspecte, prétendent qu’un des conjurés, Berault Corderie, entrait de force dans les maisons des catholiques, pour avoir leur vie ; qu’un autre appelé Flotte, disait qu’il fallait tuer tous les papistes, parce qu’ils avaient tué des huguenots ; et qu’en effet, plusieurs des premiers furent mis à mort. Pour justifier ces excès, les calvinistes s’autorisaient des ordres donnés par le duc de Guise aux gouverneurs des villes de Mayenne, Sablé, et la Ferté-Bernard, qui étaient de son domaine, d’y exterminer tous les serviteurs du Christ, ainsi que se qualifiaient les réformés, qui arguaient aussi de la conduite de l’évêque Charles d’Angennes. Ce prélat, oubliant les véritables devoirs d’un bon pasteur, avait levé un corps de troupes à la tête duquel, armé en homme de guerre, il parcourait les environs du Mans, pillait et mettait tout à feu et à sang, et même, un jour de marché à Montfort-le-Rotrou, il se porta lui-même à des violences envers un sergent du comté du Maine, moins en haine de la religion réformée, que parce que ce sergent l’avait exécuté pour le paiement des décimes dus au roi. Un auteur contemporain l’accuse même d’avoir commis divers meurtres et brigandages dans son château de Touvoye.

Cependant, soit que le bruit de la marche du duc de Montpensier, à qui Charles IX avait donné le gouvernement de l’Anjou, de la Touraine et du Maine, et qui s’avançait avec une armée pour soumettre les rebelles, engageât les religionnaires du Mans à abandonner cette ville, soit que le bruit qui se répandit qu’à l’occasion de la fête de S.te-Scholastique, qui y était en grande vénération, l’évêque d’Angennes eût fait pénétrer dans la place un grand nombre de soldats, qui s’y étaient introduits travestis en paysans, sous prétexte de dévotion à cette sainte ; et que la défection des capitaines de Champagne et de Boisjourdan, qu’on accusait d’avoir des intelligences avec le prélat, leur fissent craindre d’être exposés à un massacre général, dont on les disait menacés ; soit enfin, que quelque terreur panique se fût emparée d’eux, ce que la crédulité populaire attribue à un miracle de la Sainte dont la fête se célébrait ce jour-là ; toujours est-il qu’ils évacuèrent la ville le 11 juillet 1562, après trois mois et huit jours d’occupation.

Ce mouvement n’eut point lieu en désordre, comme l’ont dit des écrivains passionnés, qui ont dénaturé tous les faits. La garnison, composée de douze compagnies de gens de pied, et de six cornettes de cavalerie, en tout huit à neuf cents hommes, avec tous les habitans qui voulurent s’y joindre, défilèrent par la porte du Pont-Ysoard, traînant avec eux, entre les fantassins et la cavalerie, huit pièces d’artillerie, tirées du château. Dans cet ordre, et commandés par la Motte-Tibergeau, ayant le grade de mestre-de-camp, les calvinistes arrivèrent aux portes de Beaumont-le-Vicomte, qu’ils canonnèrent et forcèrent, après une résistance dans laquelle les habitans eurent huit hommes tués et plusieurs blessés. Entrés dans la ville, ils en brûlèrent l’église, les halles et plusieurs maisons, fondirent les cloches et pillèrent les habitans ; après quoi, continuant leur marche vers la Normandie, une partie d’entr’eux passa en Angleterre ; le plus grand nombre se réunit aux troupes de Montgommery, qui les envoya en garnison à Vire, où ils se rendirent odieux aux habitans par leurs excès : c’est là qu’ils trouvèrent la fin de leur carrière aventureuse, ayant tous été passés au fil de l’épée, lorsque cette ville fut prise par leurs adversaires.

Les catholiques ne furent pas plutôt redevenus les maîtres dans la ville, qu’ils se livrèrent à la plus affreuse réaction ; et, ce qui est horrible, mais trop ordinaire dans toutes les circonstances semblables, ce furent leurs complices, les traîtres, les transfuges du parti protestant, qui devinrent les agens les plus actifs et les plus cruels de leurs fureurs. Deux gentilshommes, Marin Chalopin et son fils, désignés sous le nom de Pezats dans les relations du temps, « esprits grands et hardis, mais inquiets et ennemis du repos, » se servirent avec tant d’adresse du masque de la religion, que s’étant mis à la tête des catholiques, ils se rendirent maîtres des affaires, de telle sorte que rien ne s’exécutait que par leur ordre et qu’ils parvinrent à s’enrichir de plus de cinquante mille écus, (qui feraient près d’un demi-million de nos jours) en dépouillant ceux qu’ils persécutaient. Un cabaretier, nommé Tréguin, fut choisi pour capitaine du château, ou plutôt pour le geôlier de cette vaste prison, où l’on jetait dans une basse fosse, tous ceux qui refusaient, de racheter leur liberté par des sommes excessives. Les maisons des plus riches et des plus qualifiés des religionnaires, furent bientôt mises au pillage ; le jeune Chalopin, à la tête de la populace armée, se porta au palais pour y arrêter Taron, premier avocat du roi ; des soldats furent envoyés pour se saisir de Bouju qui, dépouillé de sa charge de lieutenant-criminel, s’était retiré à sa terre de Verdigny ; mais Bouju s’y étant mis en défense, les meurtriers se vengèrent de ce qu’ils n’avaient pu l’atteindre, en massacrant René d’Argenson, sieur d’Avaines, qui venait de le visiter. Deux frères, professant la religion réformée, dont l’un était militaire, et l’autre marchand, avaient épousé les deux filles de la dame d’Isaac, de la religion catholique ; ces deux jeunes gens s’étaient retirés à Château-du-Loir, lieu de leur naissance, en laissant leurs épouses au Mans, chez leur mère. Les barbares épièrent le moment où ces pauvres femmes, dont l’aînée n’avait pas trente ans, étaient allées à la messe, à l’église Saint-Jean leur paroisse, les saisissent au retour, les lient, les traînent sur le Ponl-Perrin, et, sans pitié pour leur jeunesse et leur beauté, les jettent dans la rivière, sous les yeux de leur mère, pétrifiée à ce spectacle d’horreur.

Tous les récits du temps s’accordent à accuser l’évêque Charles d’Angennes d’avoir été un des plus fougueux persécuteurs des malheureux que la charité chrétienne eût dû lui faire un devoir de ramener, par la persuasion et la douceur. Ce fut lui qui leva un corps de cinq cents archers, qui servirent merveilleusement les fureurs réactionnaires, en exerçant dans la ville ainsi que dans les campagnes, tout ce que la licence la plus effrénée peut inspirer d’abominables cruautés. Sous prétexte d’informer de la rébellion, non-seulement on accueillit toutes les dénonciations, mais on les encouragea, par des primes, par des subornations de dénonciateurs et de témoins, que les accusés ne furent pas admis à récuser. La pitié, cette douce vertu, consolation de toutes les infortunes, fut elle-même proscrite, car il fut interdit d’intercéder pour les malheureux qu’on poursuivait ; et, nonobstant l’action judiciaire dirigée avec tant d’activité contre les religionnaires, plusieurs d’entr’eux furent sacrifiés sans jugement : c’est ainsi qu’un nommé Rolandière fut décapité, qu’un pauvre menuisier fut pendu, que quatre autres individus furent massacrés la nuit, au clair de lune, et leurs corps jetés dans la rivière, à demi-morts.

Une sentence fut rendue au présidial du Mans, par laquelle on déclarait que, sans avoir égard aux lettres d’absolution obtenues par les accusés, notamment à celles données par le roi, à la date du 20 septembre, ils étaient déclarés rebelles et convaincus du crime de lèse-majesté divine et humaine et condamnés, le lieutenant-particulier, Jean de Vignolles, à être roué, son corps mis en quatre quartiers et sa tête à la pointe d’une lance, pour être exposés sur les principales avenues de la ville ; et, à l’égard des autres condamnés, les uns à avoir la tête tranchée, les autres à être pendus dans la place des balles, sur les ponts, devant le palais et en divers autres endroits ; tous à des amendes, des dommages et intérêts, à avoir leurs biens confisqués ; leurs enfans dégradés de tous états, déclarés inhabiles à leur succéder, etc., etc. ; enfin, il fut ordonné que cette sentence serait gravée sur deux lames d’airain, attachées à deux poteaux, l’une devant l’église cathédrale, l’autre, devant celle de S.-Pierre-de-la-Cour. C’est en vertu de cet arrêt que périrent deux cents personnes des deux sexes et de toutes qualités, parmi lesquelles se trouvèrent compris quatre jeunes gens dont le plus âgé avait moins de 17 ans, et deux insensés ; qu’un grand nombre d’autres, qui avaient fui, furent exécutés par effigie. On raconte de deux manières différentes un événement arrivé à cette époque dans l’abbaye de S.-Calais. Les moines de ce monastère apprenant que Joachim Levasseur, seigneur de Coigners, se rendait au Mans avec une troupe de calvinistes, pour se réunir à ceux qui venaient de s’emparer de cette ville, lui demandèrent une sauve-garde qu’il leur accorda ; mais ces moines, après avoir reçu les calvinistes dans leur maison, en prévinrent secrètement un corps de catholiques qui, au signal de la cloche, à l’heure de matines, égorgèrent les religionnaires dans le couvent. Le seigneur de Coigners, instruit de cette trahison, revint sur ses pas et fit pendre aux cloches de leur église, le prieur, plusieurs des moines et des serviteurs de l’abbaye, qui avaient pris part à cette abominable action. Suivant l’autre version, ce n’aurait été qu’après la reprise du Mans par les catholiques, que les religionnaires des environs de Saint-Calais auraient demandé à se réfugier dans cette abbaye, comme dans un lieu de sûreté, et y auraient été égorgés au mépris des droits sacrés de l’hospitalité. Quoiqu’il en soit de ces détails, les historiens sont tous d’accord sur le fait principal. On ajoute encore que le jour même du massacre des protestans, dans l’abbaye de Saint-Calais, le curé de Rahay, paroisse voisine, suivi de ses paroissiens, tua deux hommes de la religion ; trois autres qui allaient à Montdoubleau, furent massacrés par des paysans ; et peu de jours après, un sieur de la Constandière fut égorgé par quelques autres massacreurs du pays, sa femme lapidée et jetée dans un puits. Enfin, à la même époque, le seigneur de Coigners, à la tête de quelques gentilshommes protestans de la contrée, fut obligé de se mettre en campagne contre une troupe de catholiques ayant pour chef un curé d’Evaillé, du nom de Ronsard, qu’on a cru être le poète de ce nom, mais qui paraît avoir été son frère : il vint à bout de réprimer le brigandage de cette troupe qui fut entièrement exterminée ; le curé Ronsard parvint seul à s’échapper.

Les deux hommes les plus féroces de cette époque de férocité, furent deux anciens chefs et déserteurs de la cause des calvinistes, dont il a été parlé plus haut. Jean de Champagne[1], ayant le titre de capitaine du parti, après l’avoir trahi et avoir fui du Mans, se retira à son château de Pescheseul, près Sablé, et là, attirant chez lui par ruse ou par force ses anciens co-religionnaires, il les faisait jeter dans la Sarthe, rivière qui baignait les murs de son château, ce qu’il appelait les faire boire à son grand godet. Charles IX, qui le visita quelque temps après dans cet antre de carnage, lui ayant demandé combien il avait fait boire de calvinistes dans son grand godet : — « Je n’ai pas fait assez d’attention à cette misère, pour en rendre un compte exact à votre majesté » ; question et réponse bien dignes de celui à qui elle était faite, et du prince qui devait, quelques années après, ordonner le massacre de ses sujets : elle prouve le vice de cœur, la cruauté de caractère dont on a vainement essayé de le justifier.

Le digne lieutenant de Champagne, Joachim de Boisjourdan, seigneur de Bouère, capitaine du château de Sablé, et, comme son chef ayant trahi et déserté le parti qu’il persécutait, exerça contre ce parti les mêmes cruautés : on trouva, dans les fossés de son château, les cadavres d’une cinquantaine de religionnaires qu’il y avait fait noyer.

Les mêmes horreurs se répétaient partout. Un sieur des Fougerais qui, sur l’assurance des lettres d’abolition données par Charles IX, s’était retiré dans sa terre de Marcilly, fut massacré aux environs de sa maison, traîné jusqu’à sa porte où l’on força sa femme à venir, nue en chemise, contempler le cadavre de son époux : on tua devant elle ensuite trois de ses domestiques, après qu’on eût pillé sa maison. À Chahaignes, près la ville de Château-du-Loir, un sieur de Fontaines fut arraché de son lit, traîné dans un champ, près d’un trou de marnière, où l’on jeta son corps après l’avoir tué : sa femme enceinte, qui l’avait suivi pour invoquer la miséricorde des assassins, n’en obtint d’autre grâce que de partager son sort. Charles de Breuil, sieur de la Ripe, lieutenant du prévôt de la province, fut également assassiné près de sa maison de la Roche, dans la paroisse de Pruillé-l’Éguillé.

Dans celle de Saint-Georges- de-la-Couée, une dame de la Guinandière, son fils âgé de onze à douze ans, deux filles, dont l’aînée n’en avait pas dix-huit, et deux servantes, sont égorgés avec des circonstances si affreuses, qu’on ne peut les retracer sans horreur ; des pourceaux sont ensuite renfermés dans l’appartement où gissent les cadavres sanglans pour les leur donner à dévorer. Faut-il ajouter à cette triste nomenclature, le meurtre d’un sieur de la Gauguière, dont l’épouse, accouchée de la veille, est tirée dans son lit de trois coups d’arquebuse ; ceux de Mathurin Chassebœuf, de sa femme et de sa fille, tués à coups de la même arme, dans la paroisse de Grèz ; et une foule d’autres assassinats, viols, pillages, tous commis avec des circonstances plus ou moins atroces, plus ou moins pénibles à raconter ?

Si la vérité exige de dire que les religionnaires étaient les premiers coupables, qu’ils avaient commis les premières violences, surtout les premières attaques contre la religion établie, les premières infractions à la tranquillité publique et par conséquent aux lois ; qu’ils ne s’épargnèrent pas les pillages d’églises, les outrages aux choses sacrées ; nous devons rappeler aussi l’observation que nous avons déjà faite, que ces outrages, ces pillages, n’étaient qu’une conséquence de leur défaut de croyance pour une foule de dogmes des catholiques, qu’ils avaient abjurés ; de leur irrévérence pour les images auxquels ils avaient cessé d’avoir de la dévotion. En leur refusant de l’indulgence, en manquant à la charité chrétienne envers eux, n’était-ce pas justifier le martyre des premiers chrétiens, brisant aussi les idoles, outrageant la religion établie, et par ces outrages, par l’exercice d’un nouveau culte, troublant la tranquillité publique et se mettant en insurrection contre les lois ? Quant à ce qui concerne la violence envers les individus, nous ne dissimulerons point les reproches dont ils furent l’objet, de la part des catholiques. « Il y a eu tel, disent les écrits de leurs adversaires, qui a fendu un prestre par le milieu, au droit de l’estomac, et là-dedans fait manger l’avoine à ses chevaux, afin que les bestes se sentissent de la nature farouche de leur maître ; d’autres qui les ont enterrés tout vifs et autres liez en des arbres par les bois, et là les laisser pendus à la merci des bestes cruelles. Il y en a eu qui se sont de tant pleus en leur méchanceté que de porter les oreilles des prestres comme chaisne d’or au col : c’était un piteux spectacle que de voir les pauvres gens d’église traînés, fouettés, pendus, essorillés et pis encore. » Mais, outre qu’on peut rétorquer tous ces reproches par des reproches semblables, témoin les circonstances du meurtre de la dame de la Guinandière, dans le sein de laquelle on lira cinq coups de pistolet ; de sa fille aînée, dont on brûla les pieds pour lui faire avouer où était l’argent que devait avoir reçu sa mère d’un retrait lignager ; celles du meurtre du sieur de la Gauguière, dont les assassins portèrent les oreilles au gouverneur du Château-du-Loir, qui avait commandé ce meurtre, pour lui prouver qu’il avait été obéi ; non-seulement il est croyable que Belleforêt, dont nous venons de citer les paroles, a anticipé sur les époques, et voulu parler de celle de la Ligue, où de cruelles représailles semblaient justifiées par des événemens antécédens ; et d’ailleurs, la suite du récit de cet historien suffit pour prouver que les catholiques ne demeurèrent pas inférieurs en cruautés à leurs ennemis, s’ils ne les surpassèrent, car, dit-il, « je ne veux tant accuser un côté que pour cela j’excuse l’autre, et dirai que les catholiques usèrent un peu trop de cruauté en plusieurs endroits, jetant dans les rivières, sans jugement ni procès, plusieurs de ces pauvres gens qu’on appelait ou estimait huguenots. Et estoit telle et si aveuglée la rage du peuple, qu’il ne fallait que dire c’est un huguenot, que soudain vous ne veissiez des massacres plus cruels que ne le feraient des cannibales. Je ne dis rien sans l’avoir vu et souvent cogneu, que l’envie d’un méchant causait la mort d’un homme de bien ; voire les gens d’église, èsvilles où ils estoient en seureté et crédit, estoient les premiers qui criaient à l’eau, et qui incitaient le peuple à s’ensanglanter sur tel qui, peut-être, estoit innocent. » Et une remarque que nous ferons encore, pour ce qui est relatif à notre province, c’est que toutes les accusations des catholiques, dans leurs écrits contre les protestans, se bornent à des déclamations et à des généralités, si ce n’est en matière de pillage, de dévastation d’églises, de profanations ; tandis que les calvinistes, dans leurs mémoires adressés au roi ou aux gouverneurs de la province, précisent les faits, en nommant les victimes, les jours, les lieux où les événemens se sont passés. Au surplus, et pour terminer l’affreux tableau qu’offre cette période des deux années 1562 et 1563, on peut s’en rapporter à Castelnau, historien contemporain. Voici le tableau qu’il fait de la France, à la suite du récit de tous les attentats dont il avait été le témoin : « L’agriculture y était délaissée, dit-il, et les villes et villages en quantité innombrable, estant saccagéz, pillez et brûlez, s’en allaient en déserts, et les pauvres laboureurs chassez de leurs maisons, spoliez de leurs meubles et bestial, pris à rançon et volez aujourd’hui des uns et demain des autres, de quelque religion ou faction qu’ils fussent, s’enfuyaient, abandonnant tout ce qu’ils avaient ; les marchands et artisans quittaient leurs boutiques et mestiers, pour prendre la cuirasse ; la noblesse était divisée, et l’état ecclésiastique opprimé. Enfin, la guerre civile estoit une source inépuisable de toutes méchancetéz, voleries, meurtres, incestes, adultères, parricides, et le pis était qu’en cette guerre, les armes que l’on avait prises pour la défense de la religion annéantissaient toute religion, et produisaient la vermine d’une infinité d’athéistes. Voilà les beaux fruits que produisait cette guerre civile, et tout ce qu’elle produira quand nous serons si affligés que d’y rentrer. » Malheureusement cette époque funeste n’en était encore que le début !

Cependant, la bataille de Dreux, où les calvinistes furent battus, et le prince de Condé fait prisonnier par le duc de Guise, offre une circonstance propre à distraire agréablement l’esprit de ces nombreuses séries de cruautés. Le duc de Guise et son prisonnier couchèrent dans le même lit, le soir de la bataille, et le lendemain matin Condé raconta qu’il n’avait pu fermer l’œil de la nuit, mais que le duc de Guise avait dormi à côté de lui, aussi profondément que s’ils avaient été les meilleurs amis du monde. C’est ce même duc François de Guise qui, peu après, au siège d’Orléans, fut assassiné par Poltrot, à l’âge de quarante-quatre ans : son pouvoir était si grand, que le connétable Anne de Montmorency le traitait de Monseigneur dans ses lettres, qu’il souscrivait de la formule votre très-humble et très-obéissant serviteur, tandis que celles du duc ne portaient que Monsieur le Connétable, et au bas votre bien bon ami. Quoiqu’il n’eut d’autre grade militaire que celui de capitaine de gens d’armes, et qu’il dut, à ce titre, obéir aux maréchaux de camp, de Guise avait pourtant commandé à plusieurs reprises des armées, été deux fois lieutenant-général du royaume, ce qui lui donnait le commandement sur le connétable même, de sorte qu’il fut pour ainsi dire toujours le général de ses généraux. « Nul, dit Hénault, n’a tant ressemblé à Pompée, qui commanda les armées, et qui eut les honneurs du triomphe, n’étant que simple chevalier romain. »

La paix fut faite avec les huguenots et donna lieu à l’édit de pacification du 19 mai 1563, qui leur accordait beaucoup plus que celui de janvier, puisqu’il leur permettait de se construire des temples, leur accordait l’entière absolution du passé, les rétablissait dans leurs biens, charges et emplois ; « de sorte que l’on vit au Mans, dit Morand, s’asseoir sur les fleurs-de-lys, tel dont l’effigie était attachée à un gibet quelque temps auparavant. » Cette paix, fruit de la ruse de Catherine de Médicis, lui avait paru nécessaire par la crainte que l’on avait des Anglais, entre les mains desquels les calvinistes avaient remis le Hâvre-de-Grâce : elle permit de le leur enlever bientôt. Alors ne se croyant plus obligée de tenir les promesses faites au prince de Condé, celles de lui continuer dans le conseil le rang et la confiance qu’y avait eu Antoine de Bourbon son frère, la reine fit reconnaître par le parlement de Rouen, Charles IX majeur, à l’âge de treize-ans, un an avant l’époque fixée par Charles V et suivie jusqu’alors ; et fit déclarer par son fils, au sein même de ce parlement, qu’il continuait de la charger de l’administration des affaires, ce qui écartait tous ceux qui pouvaient y prétendre, le prince de Condé en particulier.

1664. Plusieurs commissaires avaient été envoyés dans le Maine, à la suite de l’édit du mois de mai, afin d’en cicatriser les plaies et d’y rétablir la tranquillité : ces commissaires furent les conseillers au parlement de Paris, Brissonnet et le Vau, et le président Boucher, qui ne tarda pas à remplacer Brissonnet. Mais loin de faire cesser les outrages et les violences auxquelles les calvinistes étaient continuellement en butte, loin de réprimer les torts du gouverneur de la ville du Mans, nommé Leroy de Chavigny, qui exerçait contre eux une foule d’injustices et de déprédations, les commissaires ne s’entourèrent que des chefs catholiques, n’écoutèrent aucunes des plaintes des malheureux opprimés, dont ils se montrèrent beaucoup plus les ennemis que les protecteurs ; et, par cette conduite, bouleversèrent la province et y rallumèrent les brandons de la discorde, bien loin de la pacifier.

L’évêque Charles d’Angennes était de retour du concile de Trente, où il avait suivi le cardinal de Lorraine ; sa présence à ce concile avait donné lieu à ce jeu de mots que « non-seulement le Saint-Esprit, mais les douze apôtres avaient assisté à cette assemblée, » faisant allusion aux douze statues d’argent de ces apôtres, qu’on l’accusait d’avoir enlevées de la cathédrale, sous prétexte de les mettre en sûreté contre la violence des religionnaires ; ces statues, dès-lors, ne reparurent plus. Rentré dans son diocèse, sa conduite n’y fut pas plus pacifique, pas marquée davantage qu’autrefois du sceau de la charité. Non-seulement, il fit signer au clergé de son diocèse une profession de foi qui lui garantit son orthodoxie ; mais encore on l’accusa d’avoir été, de maison en maison, faire souscrire à tous les gentilshommes catholiques une espèce d’association ou de conjuration publique, qui paraît avoir été l’origine de la sainte-ligue ; et d’avoir fait dresser, par tous les curés de son diocèse, la liste de tous les hérétiques et suspects d’hérésie, leurs qualités, leurs forces, « pour leur sonner à la première occasion un retour de vêpres Siciliennes ; enfin, d’être auteur de sédition et violateur de la paix, en faisant des levées de gens d’armes, comme par le passé, en recelant les meurtriers et en empêchant le prévôt d’instruire et de sévir contre eux. »

Miron, conseiller au parlement de Paris, avait été délégué par le roi en qualité de commissaire dans tout le gouvernement de Touraine, pour y faire exécuter le dernier édit : son arrivée à Vendôme, au mois de juillet 1564, loin d’être, comme on aurait dû s’y attendre, un présage de paix et de réparation, ne fut, en quelque sorte, que le commencement d’une nouvelle ère de calamités.

Une partie de ce qu’on appelle le Bas-Vendômois, qui s’étend depuis Vendôme, le long de la rivière du Loir, jusques aux environs de la ville de Château-du-Loir, appartenait alors au diocèse du Mans, comme il en dépend encore en partie aujourd’hui, ainsi que du département de la Sarthe : presque tout ce pays relevait du duché de Vendôme, alors dans la maison de Bourbon. Joachim Levasseur, seigneur de Coigners, paroisse comprise dans ce territoire, venait d’être appelé par Jeanne d’Albret à remplacer René de Malherbe, seigneur de Marçon, dans le gouvernement de Vendôme et du Vendômois. Philippe de la Curée était lieutenant du roi, dans le même pays. Ces deux gentilshommes, la Curée et le Vasseur, ayant fait connaître à Miron l’état fâcheux du pays, et combien il était nécessaire de le débarrasser des bandes de brigands, voleurs et assassins qui l’infestaient, et dont le repaire ordinaire était dans les paroisses de Courdemanche et de S.-Vincent-du-Lorouer ; Miron feignit de se rendre à leurs remontrances, leur donna commission pour informer contre ceux qui troublaient la tranquillité publique ; mais, en même temps, il adressa des commissions semblables au gouverneur du Mans, Leroy de Chavigny, à René de Bellay, sieur de la Flotte, à Jean de Maillé de Benehart et à Jean Hardiau, lieutenant du prévôt des maréchaux au Mans, pour informer contre les calvinistes, et fit défense d’exécuter un décret de prise de corps qui avait été obtenu au conseil privé, contre les Chalopin père et fils, surnommés Pezats, si horriblement célèbres dans la province pour leurs crimes, que nous n’avons pu énumerer en entier.

Non-seulement Miron favorisait les catholiques dans toutes les occasions, au détriment des protestans, soit en refusant d’entendre les justes plaintes de ces derniers, soit, lorsqu’il s’y trouvait contraint, en faisant connaître aux premiers les dépositions qui les chargeaient ; mais encore, ayant appris que la reine de Navarre était en route pour Vendôme, il en instruisit le duc de Montpensier, qui commandait dans le Maine, et lui écrivit qu’elle venait avec quinze cents chevaux pour surprendre Orléans, Blois, Tours et Amboise ; « et au cas, ajoutait-il, que vous n’ayez vos forces promptement, il faut, s’il vous plaît, Monseigneur, que vous donniez pouvoir, liberté et commandement au peuple de s’eslever et avecques le son du toxin, prendre les armes pour courir sus la reine de Navarre » ; conseil qui, s’il eût été suivi, eut amené inévitablement le massacre de cette princesse, dont toute la suite consistait en douze gentilshommes servans, et un grand train de dames de sa maison.

Tandis que les assassinats, les pillages, les violences de tout genre, envers les calvinistes et leurs propriétés, étaient si scandaleusement tolérés, et s’exécutaient, même en plein jour, dans la ville du Mans et dans toute la province, la plus lâche vengeance s’organisait contre un des hommes qui avaient le plus à cœur d’y mettre un terme et de rétablir la tranquillité.

Le sieur de la Curée, dont il a été parlé plus haut, avait sa demeure dans la paroisse d’Artins ; un de ses frères était établi non loin de-là dans celle de Tréhel. De la Flotte et de Maillé, leurs voisins, comme on l’est à quelques lieues dans la campagne, circonviennent ce frère pour l’engager à attirer chez lui de la Curée. Le jour de cette visite est fixé, on en avertit à la hâte Leroy de Chavigny, gouverneur du Maine, qui envoie deux de ses lieutenans, nommés des Rues et Hardiau, avec trente archers à cheval, pour aider l’exécution du crime médité. On répand le bruit que cette troupe est chargée d’aller arrêter les brigands de Courdemanche et de Saint-Vincent-du-Lorouer, et on lui fait faire une traite de dix lieues, sans s’arrêter, pour se réunir à la Flotte, à Maillé, et au sieur de la Poissonnière. Un nommé Bernadet, gascon, meurtrier du comte de Sancerre, va se poster près de la maison du sieur de la Curée ; il le voit sortir de chez lui, sur les cinq heures et demie du matin, accompagné seulement d’un serviteur à cheval, « portant un tiercelet d’autours (pour la chasse à l’oiseau ) » et de deux laquais qui menaient les chiens. Bernardet le suit, l’atteint près de la maison de la Poissonnière, y entre prendre un renfort de deux coupe-jarrets comme lui, avec lesquels il le suit jusques dans la plaine de Couture. « Il trouve à l’entrée d’icelle les deux laquais qui menaient les chiens, et un peu plus avant l’homme de cheval qui ne pouvait piquer quant et quant son maître, pour autant que son oiseau se battait » ; Bernardet et les siens séparent le sieur de la Curée de ses serviteurs, lui coupent le chemin, l’attaquent d’un coup de pistolet ; la Curée, après quelques paroles échangées, pique son cheval et cherche à reprendre le chemin de sa maison ; mais, en sortant de la plaine, il rencontre les archers de Chavigny qui lui barrent le passage ; tournant à droite, il essaie de passer le Loir à gué, lorsqu’il apperçoit huit cavaliers sortis de la maison de la Flotte, qui l’attendaient de l’autre côté de la rivière ; alors, ne voyant plus aucun moyen de fuite, et résolu à vendre chèrement sa vie, il se met en défense et charge un des compagnons de Bernardet, gascon comme lui, nommé la Veille dit Poudrier, qui le pressait davantage, et décharge sur lui son pistolet ; mais, ayant voulu ensuite mettre l’épée à la main, Poudrier l’atteint dans l’œil droit d’un coup de feu qui le renverse : alors il est achevé par Bernardet et un nommé Monchenon, qui, avec Poudrier, le dépouillent, volent son cheval, ses armes et ses autres effets.

Cet assassinat, par ses circonstances et surtout par la personne qui en était la victime, ainsi qu’un autre commis dans le gros bourg d’Authon, au Perche, voisin du Bas-Vendômois, par des brigands de S.-Vincent-du-Lorouer, stipendiés par le seigneur d’Authon, pour assassiner une famille protestante de ses vassaux, seraient deux des crimes les plus affreux de cette époque, si, parmi un grand nombre d’autres, il ne s’en présentait particulièrement un, bien fait pour démontrer jusqu’à quel point le fanatisme peut faire oublier tous les sentimens de la nature et de l’humanité : cet horrible assassinat est celui de Julien le Vayer, fils puîné du sieur de Saint-Pavace, que ce vieillard, alors nonogénaire, fit massacrer en sa présence par ses propres domestiques, ensuite renfermer dans un sac, et jeter dans la Sarthe près de sa maison, à une lieue du Mans, pour le punir d’avoir trahi sa croyance en se rangeant parmi les disciples de Calvin.

Que l’on ne croie pas que ces dénis de justice, ces actes d’une partialité révoltante, reprochés aux commissaires chargés de faire exécuter les édits de pacification, ainsi qu’à la plupart des magistrats de la province, qui auraient du être portés par amour de leur pays comme par devoir à les seconder, soient de calomnieuses accusations des religionnaires, ou de piteuses récriminations de cœurs ulcérés ; ce passage de l’histoire du chanoine Morand, dont la partialité en faveur des catholiques et du clergé n’est pas douteuse, prouve qu’il n’en est malheureusement pas ainsi : « Les calvinistes, dit-il, obtinrent amnistie, et il fut résolu que l’édit de pacification serait exécuté avec quelques modifications ; les accusés du Mans obtinrent aussi des défenses aux magistrats de passer outre à la poursuite de leur procès, et le duc de Montpensier, gouverneur de la province, fut chargé de signifier ces défenses au présidial. Le procureur du roi en donna communication à l’évêque, au chapitre, au clergé, à la ville, qui furent d’avis qu’on ne cesserait pas d’informer, les rebelles se rendant indignes de toutes grâces, puisqu’ils s’obstinaient dans leur impiété. En effet, on continua la procédure comme on l’avait commencée, peut-être que l’on eut un consentement secret de la cour, car, dans ces temps-là, les affaires avaient toutes une double face. » Ainsi, d’après cet aveu non suspect, peut-être la mission des commissaires, chargés en apparence de faire exécuter les édits, avait-elle un objet réel tout autre que celui de leur exécution.

Au surplus, la confusion était telle que les prétextes ne manquaient pas pour se refuser à l’obéissance, car les habitans et le clergé de la ville du Mans ayant été convoqués en assemblée, à l’hôtel-de-ville, pour y entendre la lecture des articles du traité de paix, et l’injonction leur ayant été faite de s’y conformer, en déposant les armes ; l’évêque, le chapitre et toutes les paroisses comparantes, chacun par leurs députés, conclurent « à ce qu’il plut au roi leur laisser leurs armes, pour être en état de défense contre les incursions des huguenots rebelles et ennemis de la paix. »

1567. — Tandis que les partis étaient ainsi en présence, et dans un état permanent d’hostilité, la disette vint ajouter son fléau à celui de la guerre civile, dont elle est la compagne ordinaire. A peine les particuliers les plus riches de la province trouvaient-ils, dans leurs greniers, de quoi suffire aux besoins de leurs familles : ce qui peut donner une idée de la misère dans laquelle le peuple était plongé.

Les Pays-Bas s’insurgèrent à cette époque, afin d’empêcher l’établissement de l’inquisition sur leur territoire. On prétend que ce fut, dans l’origine, pour s’opposer à ce que la France pût donner des secours à ces révoltés, désignés sous le nom de Gueux, que Philippe II roi d’Espagne, qui possédait alors ces provinces, alimenta les troubles dans le royaume, pendant tout le temps de la Ligue : on ne peut pourtant douter que l’ambition ne soit venue se joindre à ce premier motif.

Les calvinistes de France, devinrent plus remuans à leur tour, et, pour faire diversion en faveur de leurs co-religionnaires étrangers, sous le motif ou le prétexte que les édits qui leur étaient favorables, étaient sans cesse éludés ou interprétés à leur désavantage, le prince de Condé et l’amiral de Coligny à leur tête, ils tentèrent de s’emparer de la personne du roi qui était à Monceaux en Brie. Condé devint en telle gloire à cette époque, dit Brantôme, qu’il fit faire de la monnaie d’argent à son effigie, avec l’inscription : louis xiii, roi de France. Dandelot, frère de l’amiral, fit battre le tambour, c’est-à-dire recruter dans le Maine, où il leva quelques compagnies : cette nouvelle révolte y causa beaucoup d’agitation et de mouvement ; tout le monde, jusqu’au clergé lui-même, fut appelé à prendre les armes ; un ordre du 15 octobre porte qu’aussitôt après dîner : « Tous messieurs et chanoines et chapelains se présenteront devant M. l’évêque, en équipage militaire, cum vestibus et armis, pour apprendre ce qu’ils auront à faire. » On célèbre une messe solennelle dans la cathédrale pour demander au ciel la paix, la conservation du roi et celle de l’évêque, dont l’humeur, toujours belliqueuse, le portait à poursuivre à outrance les hérétiques à Montfort, au Pont-de-Gennes, à Saint-Mars-la-Bruyère et lieux circonvoisins. On confie la garde du château aux chanoines, qui l’acceptent, mais qui refusent celle des fontaines de la ville, postes où ils auraient été plus exposés. On les taxe, pour contribuer à la défense commune et à la solde de la garnison ; deux chanoines font la ronde avec quelques officiers des troupes, pour visiter les postes, s’assurer de la diligence des gardes, entretenir un drapeau blanc sur la tour de Saint-Julien, etc. ; enfin, un édit du roi, ordonnant la confiscation des biens des hérétiques, est mis à exécution dans la province, tandis que la victoire reste indécise en quelque sorte, à la suite de la bataille de Saint-Denis, entre les catholiques et les protestans ; bataille où le célèbre connétable Anne de Montmorency fut blessé à mort.

1568. — La paix fut encore une fois rétablie, mais ne dura que six mois, ce qui lui fit donner le nom de la petite paix : elle confirmait l’édit de pacification du mois de mars 1563. Depuis cette époque jusqu’à l’année 1672, tristement célèbre dans les annales de la France, par la sanglante journée de la Saint-Barthélemy, les événemens arrivés dans le Maine sont peu connus. On ne sait rien de ce qui s’y passa, que la reprise sur les calvinistes du château fort de Lassai, en 1569 ; et la bonne contenance que fit à Laval Paul de Coligny, neveu de l’amiral, qui, étant comte de cette ville, la maintint seule de toutes celles du Maine, au pouvoir des réformés.

L’évêque Charles d’Angennes, envoyé à Rome par Charles IX, pour faire agréer au pape les motifs qui l’avaient décidé à conclure la paix, ne reparut plus dans la province ; et l’on serait tenté d’attribuer à son absence la paix dont on paraît y avoir joui, si l’on en juge sur ce que les pages de l’histoire d’un pays qui offrent le plus d’intérêt, étant souvent dues au temps où ce pays à souffert le plus de calamités ; on peut inférer du silence de notre histoire à cette époque, que ce fut une de celles où il put enfin goûter quelque repos.

La perfidie de Catherine de Médicis, qui avait résolu de faire arrêter le prince de Condé et l’amiral de Coligny retirés dans leurs terres, où ils reçurent avis de ce projet, donna lieu à la rupture de la petite paix, et à la troisième guerre civile, à laquelle prirent part les princes protestans. Le chancelier de l’Hôpital, l’un des plus grands magistrats qu’ait eu la France, devenu suspect à la reine mère, prend le parti de se retirer de la cour. A la même époque, Philippe II était contraint d’accorder le libre exercice de leur religion aux réformés des Pays-Bas, après avoir répandu des torrens de sang pour s’y opposer. La célèbre bataille de Jarnac a lieu en 1569, et Louis I.er, prince de Condé, oncle d’Henri IV, y est tué de sang-froid, par Montesquiou. Alors, l’amiral de Coligny rallie le parti protestant et se met à sa tête ; de son côté, la reine de Navarre lui amène son fils Henri de Bourbon, prince de Béarn, et le prince Henri de Condé, fils de celui qui vient de périr. Le prince de Béarn qui, quoiqu’il eût perdu son père, ne prit le titre de roi qu’après la mort de Jeanne d’Albret sa mère, fut déclaré chef du parti protestant. Ce fut dans une escarmouche, proche de la Roche-la-Belle, en Limousin, que le jeune Henri de Bourbon fit ses premières armes : il était âgé de seize ans alors ; le prince de Condé son cousin, en avait dix-sept. N’oublions pas que, malgré son nom de Béarnais, ce jeune prince, qui bientôt va devenir le plus grand de nos rois, appartient autant aux provinces du Maine et de l’Anjou qu’à celle dont il porte le nom[2]. Enfin, la malheureuse bataille de Moncontour, donnée en octobre, sept mois après celle de Jarnac, fut la quatrième que perdirent les calvinistes, depuis le règne de Charles IX.

L’année suivante, 1570, une troisième paix est conclue au mois d’août, à Saint-Germain-en-Laye : elle est connue dans l'histoire sous le nom de Paix boiteuse et mal assise, parce que l’un des négociateurs était boiteux et que l’autre portait le nom de la seigneurie de Malassise, qui lui appartenait. Les grands avantages accordés aux religionnaires par la paix de Saint-Germain, firent soupçonner à leurs chefs qu’elle cachait quelque piège : ce fut pour les rassurer, que la cour proposa le mariage du jeune prince de Béarn, avec Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis et sœur du roi. Jeanne d’Albret, attirée à Paris pour cette alliance, y meurt bientôt subitement : l’histoire n’a pu justifier ses ennemis, surtout Catherine de Médicis, de l’accusation d’empoisonnement, à laquelle donna lieu cette mort. D’Aubigné a fait en peu de mots l’éloge de cette princesse : « n’ayant de femme que le sexe, l’ame entière aux choses viriles, l’esprit puissant aux grandes affaires, le cœur invincible aux grandes adversités. » On ne peut douter que ce soit dans son sang, bien plus que dans le sang paternel, qu’Henri IV ait puisé le caractère héroïque qu’il ne tarda pas à développer après cette mort. Le mariage du prince de Béarn, retardé par cet accident, se conclut le 18 août 1572 ; et dès le 21, on prélude à la catastrophe qu’on médite, par la tentative d’assassinat qu’exécute Maurevert sur l’amiral de Coligny. La Saint-Barthélémy (24 août), tombait le dimanche cette année : ce fut le soir de ce jour que le massacre commença. Notre célèbre compatriote Ambroise Paré, chirurgien de Charles IX, qui était de la religion réformée, fut le seul, avec la nourrice du roi, que celui-ci excepta de la proscription : le prince de Béarn devenu son beau-frère depuis six jours, et le jeune prince de Condé, ne rachetèrent leurs têtes qu’en faisant abjuration.

Ce massacre horrible, qui coûta la vie à cent mille calvinistes[3], s’étendît partout le royaume, à l’exception cependant de quelques villes et d’un petit nombre de provinces, que de sages gouverneurs, des magistrats humains en préservèrent. Odolant Desnos nous fait connaître avec quelles précautions Matignon, gouverneur d’Alençon, sauva cette ville du massacre ; mais quoiqu’il ne reste aucun indice qu’il ait été exécuté dans le Maine, on ignore complètement à qui cette province dut son salut. Peut-être est-il permis de conjecturer que ce fut à la sagesse des seigneurs de Rambouillet, du nom d’Angennes, frères de l’évêque Charles d’Angennes, alors absent, dont l’un était gouverneur du comté et l’autre vidame du Mans. Quoiqu’il en soit, un autre manceau, célèbre alors, le Barbier de Francourt, qui avait été député par les calvinistes du Maine auprès du prince de Condé, pour lui offrir leurs services ; qui s’attacha ensuite à Jeanne d’Albret, devint son chancelier, puis celui de son fils ; fut enveloppé dans le massacre et tué presque sous les yeux de ce prince[4]. Le Vasseur, seigneur de Cogners, dont nous avons parlé précédemment, fut aussi égorgé pendant cette fatale nuit[5].

1573 — 1574 — Ce coup hardi, aussi inutile que froidement atroce, fut le signal d’une quatrième guerre civile : les protestans, d’abord intimidés, reprennent sur tous les points les armes : le siège de la Rochelle que fait le duc d’Anjou, frère du roi, se termine par un accord favorable aux habitans ; et celui de Sancerre, par une nouvelle paix, qui mit à découvert la faiblesse du gouvernement. Les événemens se précipitent : l’année suivante, 1341, voit se former le parti des Politiques ; à sa tête se placent le duc d’Alençon et les Montmorency, avec lesquels les protestans se lient bientôt. Charles IX meurt le 30 mai ; le duc d’Anjou, qui arrivait en Pologne, où il venait d’être élu roi, s’en échappe furtivement pour monter sur le trône de France sous le nom de Henri III, et commencer le règne honteux appelé des favoris.

Montgommery, seigneur de Domfront en Passais, dans le diocèse du Mans, celui qui avait eu le malheur de blesser à mort, dans un tournois, le roi Henri II, a l’imprudence de revenir d’Angleterre où il s’était réfugié après ce fâcheux accident, et de se mettre à la tête des protestans de la Basse-Normandie. Assiégé dans Domfront, par Fervaques et par Lavardin, commandés par le maréchal de Matignon, il est forcé de se rendre ; et, quoiqu’il eut stipulé qu’il serait traité comme prisonnier de guerre, la reine mère donne l’ordre qu’il soit conduit à Paris, où son procès lui est fait et où il a la tête tranchée. Le château de Domfront, ruiné par ce siège, fut rasé bientôt après par ordre de la cour : ce fut lors de ces troubles que le monastère de Lonlai, qui était peu éloigné de Domfront, fut pillé et incendié par les protestans.

1575. — Catherine de Médicis, mécontente de Henri III, excita contre lui François, duc d’Alençon, son plus jeune fils, devenu duc d’Anjou, par l’avènement de son aîné à la couronne. Le prince de Condé et le maréchal Henri de Montmorency duc de Danville, sont à la tête des calvinistes ; le duc d’Anjou promet de se joindre à eux. Une grande partie de la noblesse du Maine, dit Morand, se jeta dans son parti ; les habitans d’Alençon tentèrent de s’emparer de cette ville, occupée au nom du roi. La reine mère favorisa cette rébellion, ainsi qu’en font foi les registres de la maison de ville du Mans, où il est dit que cette princesse tira des citoyens 1250 livres, qui furent employées à acheter dans la province des bœufs et des moutons, pour le camp du prince, qui était posté à Blois.

1576. — Le roi de Navarre parvient à s’échapper de la cour et de Paris ; il se rend à Alençon avec une trentaine de seigneurs, dont était Beaumanoir de Lavardin, et s’y abouche avec le duc d’Anjou et le prince de Condé : c’est là qu’il fait abjuration du catholicisme, que Charles IX l’avait forcé d’embrasser, sous peine de mort, lors du massacre de la Saint-Barthélemi.

Le Maine eut beaucoup à souffrir des dispositions guerrières qui suivirent cette entrevue. Lavardin avait promis aux princes de faire ouvrir les portes de la ville du Mans à leurs troupes, au moyen de Roquelaure, lieutenant de sa compagnie d’ordonnance, qu’il espérait y faire pénétrer ; mais la cour le prévint en y envoyant huit compagnies commandées par d’Emery. Logées d’abord dans les faubourgs de la rive droite de la Sarthe, un débordement de cette rivière les força de passer dans le quartier de la rive gauche, où le terrain est plus élevé. Il paraît que le duc d’ Alençon fit faire néanmoins une tentative sur cette place, et que ses troupes ravagèrent les faubourgs de St-Jean, de St-Gilles et du Pré, tandis que les troupes royales n’épargnaient guère plus les quartiers de la Couture et de St-Nicolas, où on les avait logées. Morand se plaint aussi de ce que le seigneur de Thouars[6], le duc de la Trémouille, qui commandait au Mans, ménageait peu le clergé, à qui il faisait supporter une bonne part des charges publiques, et cela en haine de la maison de Rambouillet, dont un des membres, Philippe d’Angennes, frère des deux évêques Charles et Claude, lui avait été préféré quelques années auparavant, pour la charge de sénéchal du Maine. On voit aussi qu’à cette époque, les habitans de Troo, petite ville du diocèse, sur le Loir, qui avaient été obligés de se défendre l’année précédente, contre les exactions des gens d’armes des troupes du roi, se préparèrent à opposer une résistance semblable, cette année. Quatre chanoines de leur collégiale, furent chargés de faire réparer les murs d’enceinte de la ville ; on mura la porte de l’église que les calvinistes avaient pillée en 1562 ; on construisit même d’autres moyens de défense ; qui tous devinrent inutiles par la paix qui fut conclue la même année, pendant que Henri, roi de Navarre, se trouvait à Montoire, autre petite ville des environs.

Cette paix de 1576, fut la plus avantageuse qu’eussent encore obtenu les calvinistes : un cinquième édit de pacification, rendu en leur faveur, autorise l’exercice public de la Religion prétendue réformée (ce sont les termes qui y sont employés) ; on y reconnaît les mariages des prêtres et des moines, contractés pendant les troubles précédens, et la légitimité des enfans provenus de ces mariages ; on leur accorde des chambres mi-parties dans les huit parlemens du royaume ; enfin, on annulle les arrêts rendus contre l’amiral de Coligny et contre deux favoris du duc d’Alençon, et leurs biens confisqués sont rendus à leur famille. Le duc d’Alençon, que son peu de caractère et de mérite et le mépris qu’avait pour lui le parti huguenot, avaient porté à conclure cette paix, y gagna : son apanage fut augmenté des duchés d’Anjou, du Maine, de Touraine et de Berry.

C’est encore de cette année 1576, que date le commencement de la Ligue, confédération des catholiques contre ce dernier édit de pacification. Ce furent la noblesse de Picardie et les magistrats de Péronne qui, les premiers, en rédigèrent l’acte et le signèrent. Après la tenue des états de Blois et bien des incertitudes et des délibérations, Henri III entraîné par le parti qui le poussait à sa perte, révoque le dernier édit de pacification et signe l’acte de la Sainte-Ligue ; il est imité par le duc d’Anjou. Le cardinal de Lorraine avait conçu le premier projet de cette association, étant au concile de Trente ; mais la mort de François de Guise son frère, lui en avait fait suspendre l’exécution, jusqu’à ce que son neveu Henri fut en âge d’y prendre part : la mort du prélat, n’empêcha pas ce dernier de donner suite à ce projet.

Aux états de Blois de l’année 1576, Philippe Taron, sieur de la Groye, député de l’ordre du Tiers-Etat du Maine, fit des remontrances au roi sur les désordres commis l’année précédente, par les gens de guerre en garnison dans la ville du Mans, et obtint la permission d’en faire informer ; mais, à la sollicitation des sieurs Dangeau et de Bussy, commandants de ces troupes, le duc d’Anjou menaça de toute son indignation les habitans, s’ils passaient outre à cette information : le duc vint au Mans peu de temps après, suivi de ces deux favoris, et y resta une douzaine de jours, après quoi il se rendit à Alençon.

1577. — Henri III, malgré quelques succès obtenus contre les protestans, leur accorde une nouvelle paix, moins favorable pour eux que la précédente. Il déclare, dans l’édit de pacification qui y est relatif, qu’il le donne « en attendant qu’il plaise à Dieu de lui faire la grâce, par le moyen d’un bon, libre et légitime concile, de réunir tous ses sujets à l’église catholique. » Et ce qui est plus remarquable encore, c’est l’article 37 de cet édit, ainsi conçu : « Défendons de faire aucunes processions, tant à cause de la mort de feu notre cousin le prince de Condé (tué à Jarnac en 1569), que de ce qui advint le jour de Saint-Barthélemi 1572, et autres actes qui pourraient ramener la mémoire des troubles. » Ce qui prouve, dit Hénault, qu’il y avait eu des processions établies en mémoire de ces deux événemens.

1579 — 1580. — Le roi de Navarre, celui de tous les chefs du parti calviniste qui s’était prêté le plus volontiers à la dernière paix, conclue à Poitiers, fut aussi le premier à reprendre les armes, sous le motif que les promesses faites à son parti, à Nérac, au commencement de cette année, en interprétation du dernier édit de pacification, n’étaient point tenues. Mais une sixième paix est signée en 1580, paix que l’on considère comme si peu sincère, que les hostilités ne sont point arrêtées en Guyenne, où le roi de Navarre prend la ville de Cahors. Nous omettons les évenemens des deux années suivantes, pour arriver aux plus importans.

1583 — Un de ceux de ce genre qu’on ne peut passer sous silence, est celui qui rapproche du trône le roi de Navarre, chef de la maison de Bourbon. Les états de Hollande, mécontents contre le roi d’Espagne, défèrent la souveraineté des Pays-Bays à François duc d’Anjou et d’Alençon, à l'exclusion de Philippe II, qu’ils en déclarent déchu ; mais la conclusion maladroite du duc d’Anjou envers ses nouveaux sujets, et son inhabilité dans les affaires, l’ayant forcé de revenir en France, il y est empoisonné et meurt à l’âge de trente ans. Par cette mort, Henri de Navarre se trouve le plus proche héritier de la couronne, son oncle Charles de Bourbon étant dans les ordres : cet évènement sert de prétexte au duc de Guise pour faire éclater la Ligue, dont il devint le chef, sous le motif d’écarter du trône un prince sépare de l’église catholique.

Nous ne pouvons suivre pas à pas les progrès de cette dangereuse et perfide association ; faire connaitre en détail ses excès, la conduite des divers chefs de ce parti, la marche des armées ; nous avons hâte d’arriver à l’année 1589, la seule sur laquelle, depuis 1576, nous avons quelques documens relatifs à notre pays : jusques-là nous ne pouvons que tracer brièvement les principaux linéamens de ce drame, afin de n’en pas laisser perdre le fil.

1584. — Henri III qui commençait à s’apercevoir combien les prétentions des ligueurs étaient contraires à son autorité, députe vers le roi de Navarre, pour l’engager à changer de religion et à s’unir à lui. Mais Catherine de Médicis qui redoute cette alliance, dans la crainte qu’elle n'affaiblisse son autorité, favorise la maison de Lorraine, dans l’intérêt des enfans de sa fille, mariée au duc de ce nom ; et le duc de Guise, sacrifiant les droits de cette branche aînée de sa maison, excite l’ambition du cardinal de Bourbon, oncle de Henri de Navarre, afin de se donner le temps d’agir plus tard pour lui-même.

1585. — Cette année est fertile en événemens. Le cardinal publie un manifeste dans lequel il prend le titre de premier prince du sang, et annonce ses prétentions au trône ; les ligueurs commencent la guerre, que suspend un instant un nouveau traité de paix conclu à Nemours : ce traité, en dépouillant les protestans des avantages qui leur avaient été accordés par les précédens, procure de nouveaux avantages à la Ligue, contre l’autorité du roi. Le pape Sixte-Quint fulmine une bulle par laquelle il excommunie le roi de Navarre et le prince de Condé, et les déclare incapables de succéder à la couronne. Henri de Navarre appelle comme d’abus de cette bulle au parlement et au futur concile général ; il fait afficher cet appel aux portes du Vatican, démarche hardie, qui annonça le grand caractère qu’il allait bientôt développer, et lui valut l’estime du pontife contre les prétentions duquel il protestait. Enfin, la guerre recommence : elle est appelée des trois Henris, à cause de Henri III, chef des royalistes ou politiques ; de Henri de Navarre, chef des protestans ; et de Henri de Guise, qui se trouvait à la tête des ligueurs. La faction dite des Seize était une ligue ou association particulière, pour Paris seulement, composée de chefs qui s’étaient emparés de l’administration des affaires dans les seize quartiers de cette ville, « hommes vendus au duc de Guise et ennemis jurés de l’administration. »

Cette même année 1585 fut témoin de beaucoup d’agitations dans le Maine. Le parti des politiques et celui des huguenots désiraient que la ville du Mans restât sans défense ; celui de la ligue voulait, au contraire, la fortifier. Des assemblées avaient lieu chaque jour à la maison de ville, pour délibérer sur ce sujet, et se terminaient sans autre résultat que beaucoup d’animosité. Les bourgeois montaient la garde ; on prenait une foule de résolutions, souvent contradictoires ; on ordonna, notamment, de porter à l’hôtel-de-ville, de tous les faubourgs de la ville et de la banlieue, les échelles que possédaient les particuliers ; et quatre gentilshommes des plus marquans et des plus braves de la province, furent appelés dans la place pour la défendre. Cependant la Ligue parvint à s’y emparer de l’autorité ; la porte du Pont-Neuf ayant été ouverte par ceux de ce parti, à un gentilhomme appelé la Molte-Ferrand, celui-ci y entra à la tête des troupes de la Sainte-Union : Philippe d’Angennes, sieur de Fargis, commandant pour le roi dans la province, resta maître du château.

L’année 1588, est signalée par un nouveau traité de paix signé à Rouen, traité honteux pour la royauté, et dont l’objet principal était d’empêcher que la couronne ne tombât entre les mains d’un prince protestant. Les états s’assemblent de nouveau à Blois : Henri duc de Guise, surnommé le Balafré, y est assassiné le 23 décembre, par ordre du roi Henri III et dans ses appartemens ; le cardinal son frère éprouve le même sort le lendemain. Le roi envoie l’évêque du Mans Claude d’Angennes, auprès du pape, afin d’excuser cet attentat, en cherchant à le justifier : ce prélat, bien digne de soutenir une meilleure cause, ne réussit pas dans sa mission.

Catherine de Médicis, cette femme d’un esprit turbulent et despotique, à qui aucun crime ne coûtait pour parvenir à son but, épouse et mère de quatre rois qu’elle avait cherché à dominer, meurt à Blois le 5 janvier suivant, en recommandant à son fils Henri III, de se réconcilier avec le roi de Navarre.

Plusieurs Manceaux jouèrent un rôle trop remarquable dans les événemens de cette malheureuse époque, pour que nous n’en fassions pas mention ici : ce sont Jean-François Faudoas, comte de Belin et d’Averton, gouverneur de Paris et fameux ligueur ; ainsi que Julien Pelletier, curé de Saint-Jacques de la Boucherie, né au Mans ; le maréchal de Bois-Dauphin, de la maison de Laval ; nommés tous trois dans la satire Ménippée ; et Beaumanoir de Lavardin, qui devint maréchal de France plus tard. Au-dessus d’eux tous sont les princes de la maison de Lorraine, seigneurs de Mayenne, de Sablé et de la Ferté-Bernard.

1589. — La Sorbonne, simple école dans l’origine, délie les sujets du serment de fidélité envers le roi ; le Parlement est conduit à la Bastille, par l’ordre des Seize ou Conseil de l’Union, qui avait été augmenté jusqu’au nombre de quarante : ce conseil déclare le duc de Mayenne Lieutenant-général du royaume et Couronne de France, quoique Henri III fut encore vivant : le duc de Mayenne ajoute encore quatorze nouveaux membres à ce conseil, qu’il cassa ensuite, après la mort du roi.

Henri III s’étant rendu à Tours, a une entrevue avec Henri de Navarre, aux portes de cette ville : les deux rois s’avancent avec leurs armées vers la capitale. Après la prise de Pontoise par l’armée royale, ces princes commencent le siège de Paris, que défend le duc de Mayenne ; Henri III est assassiné à Saint-Cloud le 1.er août 1589, par le cordelier Jacques Clément, et meurt en déclarant Henri roi de Navarre son successeur. Dans la personne de Henri III s’éteint la branche des Valois, qui avait commencé à régner en 1328.

Ainsi que nous l’avons vu plus haut, les troupes de la Ligue occupaient la ville du Mans ; celles du roi et, à ce qu’on peut croire, les calvinistes s’étaient retirés dans le château. Urbain de Laval seigneur de Bois-Dauphin, avec deux cents hommes tant d’infanterie que de cavalerie, soumet le château le 11 février. Voici les articles de la capitulation : « — 1.° Le château sera rendu entre les mains de tels habitans catholiques que le corps de la ville et le général qui y commande indiqueront. — 2. Les huguenots et suspects d’hérésie étant en dedans d’icelui, dont la déclaration suit : Monthéard, conseiller ; Girard, sieur de Colombiers, conseiller ; Latouche-Pousset, avocat ; le jeune Guimplerie ; Rigaudière ; Loisembride ; le jeune Barbout[7]; Launay-Gillon ; Foin, dit Jean de Poitou ; tous lesquels et autres de ladite qualité, demeureront à la discrétion de Monseigneur (de Bois-Dauphin), et cependant seront laissés en garde à MM. le bailly de la prévôté de Saussay, de la Grange ; le procureur du Roi, le Touscheneau ; le bailly de Montfort, M. de Princé ; sur quoi ceux du château bailleront réponse promptement. Et les autres gentilshommes Saint-Antoine, Vignolles, Boisbureau, Belin, Montargis, sortiront avec leurs épées et poignards, sans argent et joyaux, et les soldats avec l’épée sous le bras ; et ne transporteront aucunes armes, ni munitions et meubles. — 3.° Si l’argent du roi y est, il y demeurera, pour employer où il plaira à mondit seigneur, pour la conservation de la religion catholique et du pays, avec l’avis du général ordonné de la ville ; davantage, les gentilshommes soldats jureront de ne porter les armes d’un an contre les catholiques. Les seigneurs ci-dessus nommés et autres, promettent d’entretenir les accords et pactions ci-dessus et promettent les capitaines de Belin et de Saint-Antoine, sortir sur les sept à huit heures du matin, dimanche 11 février 1589. Signé des Croix et de Vignolles. — Nous promettons aux sieurs de Saint-Antoine et de Vignolles d’avoir pour agréables et signer les articles de la capitulation qu’ils feront et accorderont audit seigneur de Bois-Dauphin, seigneurs, gentilshommes, maire et eschevins de cette ville du Mans. Fait sous nos seings ci-mis le 12.e jour de février 1589. Signé de Belin, Richer, Girard, Boisbureau, Pousset, Manette. »

Le jour même où cette capitulation fut signée, les bouchers du Mans, secondés de quelques gens de leur classe, se soulevèrent et firent révolter la ville en faveur de la Ligue, contre l’autorité du roi : quelques personnes du parti royaliste perdirent la vie dans ce tumulte ; le gouverneur de Fargis y fut blessé : les factieux l’envoyèrent à Paris où il fut retenu à la Bastille, en même temps que de Harlai, président du parlement, emprisonné par l’ordre des Seize. Urbain de Laval, que le roi avait fait arrêter à Blois, mais qui avait été relâché sur parole et sur la caution du duc de Montbazon et du seigneur de Larchamp, et qui n’avait recouvré sa liberté que pour passer dans le parti de la Ligue, était à la tête de cette faction dans la ville du Mans.

Ainsi qu’à Paris et ailleurs, une procession générale fut faite au Mans, « pour demander à Dieu victoire pour les catholiques sur l’impiété des hérétiques. » Bois-Dauphin et son épouse y assistèrent ; les rues étaient tendues en ciel ; les prêtres marchaient pieds nuds ainsi que beaucoup d’assistans, dont les plus dévots étaient en chemise : on y porta le Saint-Sacrement, qui fut exposé une octave entière, pendant laquelle ces processions furent renouvelées dans chaque paroisse et dans toutes les communautés.

Le duc de Mayenne qui, lors de l’entrevue des deux rois, avait fait une tentative sur Tours, avec l’intention de s’emparer de la personne de Henri III, ayant échoué dans ce projet, se porta sur Alençon pour en faire le siège : il arriva devant cette ville le 18 de mai, après avoir laissé au Mans, en y passant, sept pièces de canon, et mis la garnison en état de s’y maintenir. L’évêque Claude d’Angennes, dont le caractère et la conduite pacifiques ne convenaient pas aux ligueurs, fut obligé de sortir du Mans, pour se soustraire à leurs exactions, et de se retirer dans son château de Touvoye, où Gui de Saint-Gelais, surnommé Lansac, fut l’investir et le retint prisonnier, sous la garde de quatre curés ligueurs, chargés du commandement des troupes ; car alors, « les ecclésiastiques endossaient la cuirasse, et s’armant de l’épée de St-Paul, levaient des soldats et prenaient des commissions pour marchera leur tète. » Claude d’Angennes ne recouvra la liberté qu’en payant aux ligueurs une rançon de mille écus.

Un édit de Henri III, du 27 avril, qui déclarait les biens des habitans de la ville du Mans, et autres suivant le parti du duc de Mayenne, saisis au profit de l’état, fut suivi de celui donné à Tours le 20 juin, lequel contenait des instructions aux présidens et trésoriers de France, sur la manière de procéder à ladite saisie, « sur les rebelles qui se sont eslevez et ont pris les armes contre l’autorité et service du Roi, et contre ceux qui les aydent et assistent de leurs biens, conseils et moyens. »

Cependant, le duc de Mayenne s’étant emparé d’Alençon, nomma Louis de Vallée seigneur de Pescherai[8], au gouvernement du Perche pour la Ligue : de Vallée surprit Bélesme et s’empara de Mortagne, d’où lui-même fut chassé bientôt par d’autres seigneurs Manceaux et Percherons, Thévalle, comte de Créance ; Cruel, seigneur de la Frette et de Saint-Loup. Des combats continuels avaient lieu, où se signalaient à l’envi une foule de gentilshommes de l’un et de l’autre parti, au nombre desquels on ne peut se dispenser de nommer de Hertré, l’un des plus célèbres d’entr’eux, qui s’empara de Fresnay-le-Vicomte[8] et d’Alençon ; qui, plus tard, battit Lansac à Mamers et le fit prisonnier ; et qui, enfin, rendit les plus grands services à Henri IV, lequel l’en récompensa aussitôt qu’il en eût les moyens[8].

Après l’assassinat de Henri lit, un grand nombre de seigneurs catholiques du parti du roi, ne voulurent se soumettre au roi de Navarre, qu’il avait désigné pour son successeur, que sous la condition qu’il se ferait catholique : le nouveau monarque rejeta cette proposition, et ne voulut donner que des espérances, sans prendre d’engagement, afin de ne pas paraître traiter une matière si importante avec trop de légèreté. Plusieurs de ces gentilhommes se retirèrent alors, le duc d’Épernon à leur tête ; et, parmi ceux qui se rangèrent sous la bannière du Béarnais et lui signèrent un acte d’obéissance, on lit les noms de François de Bourbon-Condé, prince de Conti, devenu seigneur de Bonnétable par son mariage ; des ducs de Montpensier, de Longueville, de Luxembourg, de Montbazon ; des maréchaux d’Aumont, de Biron ; de Joachim d’Inteville, Nicolas et Louis d’Angennes, Joachim de Châteauvieux, Charles de Balzac, Jean d’O, François du Plessis-Richelieu, Charles-François Martel, Renti, Gilbert de la Curée et plusieurs autres en petit nombre. La plupart combattirent dans le Maine, sous les ordres du roi ; plusieurs d’entr’eux étaient des gentilshommes de cette province, ou y avaient des propriétés.

Henri IV, après avoir soumis le duché de Vendôme, dont il fit pendre le gouverneur Maillé de Bénéhart[9], partit de Tours le 25 de novembre, s’avança dans le Maine et soumit Château-du-Loir ; tandis que le prince de Conti qui commandait à Montoire, se ressouvenant que quelques mois auparavant les habitans de Saint- Georges de la Couée[10] s’étaient mis en défense contre les calvinistes, envoya le capitaine André les mettre à rançon. Le roi arriva le 27 novembre à Yvré-l’Evêque où il coucha, vint se loger le lendemain dans l’abbaye de la Couture du Mans, et fit sommer la ville de lui ouvrir ses portes. Bois-Dauphin qui y commandait, assisté de cent gentilshommes et de vingt enseignes de gens de pied, avait incendié une grande partie du faubourg de la Couture et fit mine de vouloir se défendre ; tandis que le comte de Brissac, qui était à la Ferté-Bernard, vint surprendre, dans la nuit du 1.er au 2 décembre, un corps de cavalerie du roi, qui s’était logé à Connerré[11], mais n’osa pousser plus avant. « Le roi fit canonner la ville le 2, et Bois-Dauphin qui semblait vouloir mourir les armes au poing plutôt que d’en permettre l’entrée aux troupes royales, après avoir fait brûler pour plus de cent mille écus de maisons, ruiné le pays alentour de six fois davantage, et fait dépenser au peuple plus de cinquante mille écus pour fortifier la ville, demanda à parlementer après la troisième voilée de coups de canon, qui avaient ruiné quelques ouvrages. Le roi rendit le gouvernement de la place au sieur de Fargis, qui était sorti de la Bastille et se trouvait auprès de lui, réintégra l’évêque Claude d’Angennes sur son siège, et n’exigea des habitans qu’une somme de 27 mille eus, avec laquelle on paya la solde des suisses, qui composaient en grande partie l’armée du roi. » Beaumont-le-Vicomte, Sablé, Laval, Château-Gontier et quelques autres villes voisines, se rendirent également : l’exacte discipline que fit observer le monarque, le soin qu’il prit de préserver les églises du pillage, de ménager le clergé et de ne point laisser troubler l’exercice de la religion catholique, contribuèrent beaucoup à la soumission du pays. Lansac, qui tenait le château de Touvoie, se soumit également et fut même si charmé de la bonté du roi, si l’on en croit le P. Daniel, qu’il passa dans son parti, avec la plupart des gentilshommes qu’il commandait : nous verrons bientôt qu’il lui fut peu fidèle, ou plutôt, que cette assertion de Daniel paraît n’avoir rien d’exact.

Après avoir demeuré quelques jours à Laval, Henri IV alla faire le siège d’Alençon, qui capitula vers la fin de décembre ; ce qui acheva, en quelque sorte, la soumission des provinces du Vendômois, de l’Anjou et du Maine, où les ligueurs n’osaient plus paraître. Il ne leur resta dans cette dernière province que la Ferté-Bernard, place qui appartenait au duc de Mayenne, et où le duc de Brissac laissa une forte garnison en la quittant pour se rendre à Paris. Le roi, lors du siège d’Alençon, séjourna quelques jours au château de la Tournerie, situé sur les confins de la forêt de Perseigne, chez le brave et fidèle de Hertré, qu’il avait chargé de l’investissement de la place assiégée ; et au château de Saint-Patern, non loin des portes de la ville[12]. Après avoir donné au duc de Soissons le commandement du Perche, Henri passa dans la Basse-Normandie où il poursuivit ses succès. Entre autres événemens qui y eurent lieu, nous citerons l’action des habitans de Domfront, du diocèse du Mans, qui voulant se soumettre au roi, poignardèrent Jean de Ferrière, baron de Vernie[12], qui y commandait pour la Ligue. Le combat d’Arques, où le roi battit le duc de Mayenne, et sa tentative pour s’emparer de Paris, dont il prend cinq faubourgs, sont les actions les plus mémorables qui terminent l’année 1589.

1590. — Cette année est également remarquable par plusieurs événemens importans. Tels sont la bataille d’Ivry, donnée le 14 mars, et la mort du cardinal de Bourbon, que les ligueurs avaient proclamé roi, sous le nom de Charles X. Le Journal de Henri IV rapporte cette circonstance assez plaisante, que vers le temps où ce prince fut déclaré roi, il envoya de sa prison de Fontenay-le-Comte, une lettre à son neveu le roi de Navarre, par laquelle il le reconnaissait pour son légitime souverain. Aussi disait-il, plus tard, que « ce n’était pas sans raison qu’il avait accepté des ligueurs le titre de roi ; qu’il savait bien qu’ils en voulaient à sa maison ; et que, tandis qu’il était en apparence leur chef, c’était toujours un Bourbon qu’ils reconnaissaient ; qu’enfin, ce qu’il en faisait était dans les intérêts de son neveu. » Sa mort excita de nombreuses prétentions à un trône entouré de tant de périls, dont n’étaient effrayés aucun des ambitieux qui voulaient y monter ; Mayenne, le duc de Mercœur et plusieurs autres princes Lorrains, le cardinal de Vendôme, l’un des fils du premier prince de Condé, autour duquel vinrent se ranger un certain nombre de prélats qu’on désigna sous le titre de tiers-parti ; enfin, le jeune duc de Guise, fils du Balafré ; sans compter le roi d’Espagne Philippe II. Au reste, l’ambition de ses compétiteurs fut moins nuisible qu’utile aux droits de Henri de Bourbon, en jetant la division parmi eux ; le prince ayant toujours su les opposer les uns aux autres avec beaucoup d’adresse.

1590. — Tandis que Henri IV était occupé à combattre le duc de Mayenne et les Espagnols, la guerre civile continuait avec un égal acharnement dans le Maine, entre les partisans de la Ligue et ceux de la légitimité. Les premiers, affaiblis dans cette province, par les succès qu’y avait eus le roi, reprirent de l’activité lorsqu’il en fut éloigné, et que les troupes qu’il y avait laissées, en trop petit nombre, eurent à combattre journellement contre les factieux, et ne purent les contenir entièrement, Lansac, que Daniel nous dit être passé dans le parti du roi, l’aurait abandonné promptement, car il est le premier que nous voyons en présence des troupes royales, au commencement de l’année 1590. Il n’aurait fait en cela que suivre l’exemple de Bois-Dauphin et de tous les ligueurs, qui prétendaient n’être point tenus à la fidélité envers les hérétiques ; n’avoir cédé qu’à la violence, en jurant soumission et fidélité au roi ; n’écouter que leur zèle pour la religion, quand ils manquaient à ce serment : car, ainsi que le rapporte de Thou, « les prédicateurs et confesseurs avaient si bien prévenu tous les esprits, de leurs dogmes pernicieux, inventés par nos nouveaux docteurs, qu’on se faisait un jeu et souvent même un point de conscience, de ce manquement de fidélité au prince. »

Lansac, à la tête d’un parti de ligueurs, ayant fait une tentative inutile pour s’emparer de la ville du Mans, se rendit, vers les derniers jours de mars, à Mamers, dans l’intention de surprendre Bélesme. Mais Hertré, gouverneur d’Alençon, attaqua, sur les trois heures après midi, quatre compagnies de ses gens de pied, et les fit prisonnières, avec David de Maridort et plusieurs autres de leurs chefs. Lansac se sauva en Bretagne, auprès du duc de Mercœur qui y commandait pour la Ligue.

Vers le même temps, un certain nombre de seigneurs de l’Anjou et du Maine, à la tête desquels étaient des Chesnais, de la Rocheboisseau et autres gentilshommes des environs de Sablé, mirent sur pied un corps considérable de cavalerie et d’infanterie, composé de leurs vassaux et amis, et vinrent surprendre cette ville. Landebri, gouverneur du château pour le roi, s’y défendit vaillamment : sa résistance donna lieu à la noblesse qui tenait pour Henri IV, notamment aux frères d’Angennes, qui commandaient dans la province ; à Bouille, gouverneur de Clérac ; à de l’Estelle, gouverneur de Mayenne ; de réunir des secours pour aller dégager le château de Sablé. Chemin faisant, il s’empara de Brûlon, qui était au pouvoir de la Ligue, et dont le capitaine qui y commandait fut pendu : on forma en ce lieu une petite armée, dans laquelle la Patrière et la Rochepatras firent les fonctions de maréchaux de camp ; Beauregard commanda l’infanterie ; et Malherbe, seigneur de Marçon, le corps de bataille. On se porta ensuite à Sablé, où un combat sanglant eut lieu, sans que les royalistes pussent réussir à jeter du secours dans le château : ils furent obligés, au contraire, de se retirer à Saint-Denis d’Anjou. Il fallut que la Rochepot, gouverneur d’Angers, quittât le siège du château de Brissac, qu’il faisait, pour venir délivrer celui de Sablé, ce à quoi il réussit, après un assaut qui coûta la vie à sept ou huit cents hommes des ligueurs.

Armand de Beauville, seigneur de l’Estelle, l’un des plus fidèles capitaines royalistes dans le Maine, s’était mis en marche, à la suite de ces événemens, pour se rendre à l’armée du roi, avec un corps nombreux : de gentilshommes du pays, lorsqu’il reçut du prince de Conti, chargé par Henri IV du commandement de ses armes dans le Limousin, le Poitou, la Touraine, le Maine, le Berri, le Blaisois, l’Anjou, le Vendômois, le Perche et le Dunois, l’avis que Lansac marchait de nouveau sur le Maine, à la tête d’un corps de deux mille cinq cents hommes de pied et de deux cents cavaliers de l’armée du duc de Mercœur. En effet, Lansac se présente devant Mayenne et s’empare de cette ville le 5 avril, à l’aide des intelligences qu’il y avait ménagées : le gouverneur de la place, en l’absence de l’Estelle, se retire dans le château, résolu de le défendre jusqu’à la dernière extrémité. De l’Estelle, revenu sur ses pas, se porte à Lassai et réussit à faire entrer un léger secours dans le château de Mayenne ; il est bientôt joint par de Hertré, gouverneur d’Alençon. Informé que le gouverneur du Mont-Saint-Michel amenait un renfort à Lansac, qui se disposait à se retirer, l’Estelle et Hertré le préviennent et font engager le combat par Gilbert de Loré, un descendant du fameux capitaine de ce nom sous Charles VII. De l’Estelle fait attaquer le château, par Hertré et par Montaterre ; lui-même, après avoir forcé quelques barricades, où il essuya un feu très-vif, entre dans la ville qui était ouverte ; il y trouve Lansac, en bataille sur la place, avec un gros de cavalerie, ayant sur sa droite un fort bataillon de deux mille hommes ; charge la cavalerie qu’il renverse, attaque ensuite l’infanterie qu’il rompt sans beaucoup de résistance ; mais Lansac rallie ses troupes hors de la ville où il se dispose à tenir ferme. De l’Estelle après avoir été rejoint par Hertré et par Montaterre, qui venaient de mettre en fuite tout ce qu’ils avaient eu en tête, sort de la ville, attaque et défait de nouveau Lansac : celui-ci rassemble les débris de sa petite armée, à une lieue de-là, sur la chaussée d’un étang ; il y est rencontré et mis tout-à-fait en déroute par Brandelis de Champagne, marquis de Villaine, qui venait renforcer de l’Estelle avec cent cuirassiers. Lansac perdit dans ces trois attaques, environ treize cents hommes, et, parmi eux, le baron de Montesson, Jean Moreau de la Beraudière à qui Henri III avait donné une compagnie de deux cents hommes de pied, et un certain nombre d’autres seigneurs Manceaux ; plusieurs cornettes furent prises et trois cents hommes faits prisonniers : du côté des royalistes, la perte fut peu considérable. Lansac se retira de nouveau en Bretagne, et perdit l’envie de venir troubler le Maine[13].

La ville de la Ferté-Bernard était la seule du pays qui tint encore pour la Ligue : le prince de Conti vint lui-même y mettre le siège le 11 avril 1590[14]. Le gouverneur Dragues de Comnène, s’y défendit pendant environ un mois, avec habileté et courage ; mais ne voyant point paraître le secours que la Bourdaisière, gouverneur de Chartres, lui avait promis, il rendit la place par une capitulation honorable. La Bourdaisière, au lieu de venir secourir la Ferté, avait fait une diversion en allant s’emparer de Châteaudun, place qui rompait la communication entre Tours et le camp du roi devant Paris. Le prince de Conti eut ordre de reprendre Châteaudun et y emmena toutes les troupes du Maine, qu’il conduisit ensuite à l’armée du roi ; mais, après la levée du siège de Paris, il revint avec la plus grande partie de la noblesse de l’Anjou, de la Touraine et du Maine, afin de contenir les ligueurs dans ces provinces.

Entre autres faits d’armes de cette année, appartenant à l’histoire du Maine, nous indiquerons encore le combat que Hertré et Montaterre livrèrent près d’Alençon, aux ligueurs commandés par Eustache de Bellay, lesquels y perdirent huit cents des leurs ; et la soumission du château de Lassai dont Montaterre s’empara ensuite. Peut-être est-ce aussi à cette année 1590, qu’il faut rapporter la prise du château de Courtœuvre, dans la paroisse de Villaine-la-Juhée, qui fut pillé et brûlé, et dont le propriétaire Pierre Vasse, seigneur de Courtœuvre, fut emmené prisonnier à Château-Gontier où il mourut ; pourquoi le capitaine ligueur qui s’empara de ce château fut décapité à Paris, par arrêt du parlement. C’est peut-être aussi à la même époque qu’il faut placer le fait rapporté dans la satire Ménippée, que « le régiment de Commeronde, composé de sept à huit cents hommes, après avoir parcouru et pillé tout l’Anjou et le comté de Laval, se logea sur la fin du mois d’avril, dans le bourg d’Arquénai, dont était seigneur un membre de la famille d’Angennes de Rambouillet ; qu’il y pilla l’église, y fit un meurtre et une infinité d’autres sacrilèges ; emporta les chapes, les bannières et les reliquaires, qu’il vendit aux religieux de l’abbaye d’Evron ; les calices, burettes et la croix d’argent, à ceux de Vaiges ; ce qui interrompit le service divin pendant quelque temps. »

1591 et 1592. — Le pape Grégoire XIV, second successeur de Sixte-Quint, fait publier en France des lettres monitoriales contre Henri IV qui, de son côté, renouvelle les édits de pacification en faveur des protestans.

Deux manceaux se distinguent dans les différentes actions qui ont lieu autour de Paris, Beaumanoir de Lavardin, chargé par le roi de la défense de Saint-Denis ; et le comte de Belin, à qui le duc de Nemours, avant de se rendre dans son gouvernement du Lionnais, laisse le commandement de la capitale, et qui, par ses sages dispositions, rendit inutile la tentative que fit le roi pour s’emparer de la porte Saint-Honoré, affaire connue dans l’histoire de cette époque sous le nom de Journée des farines, à cause d’un incident qui y eut lieu.

Les Seize ayant fait pendre trois membres du parlement, afin d’en imposer au duc de Mayenne, qu’ils voulaient dominer ; celui-ci, de retour à Paris, fait pendre, à son tour, quatre d’entre eux, ce qui commença la ruine de leur autorité.

Au mois de mai 1592, le prince de Conti voulant mettre fin aux courses que les ligueurs, qui tenaient la ville de Craon, sur les confins du Maine et de l’Anjou, faisaient dans ces deux provinces, attaqua cette ville, dans laquelle le gouverneur tint ferme, ce qui permit au duc de Mercœur de venir le secourir avec une bonne cavalerie, formée des seigneurs manceaux réfugiés près de lui, à la tête desquels était Urbain de Laval de Bois-Dauphin. Au commencement du mois de janvier de la même année, les troupes anglaises, au service du roi, s’étaient emparées de la ville de Mayenne ; le 4 juin suivant, le marquis de Belle-Isle, fils du maréchal de Raiz, l’assiégea pour la Ligue ; elle se rendit le 7 à Bois-Dauphin : la ville et les faubourgs furent pillés. Le 20 juillet suivant, le prince de Conti et le maréchal d’Aumont, ayant sous leurs ordres les marquis de Lavardin et de Villaine, en firent également le siège pour le roi, aux armes duquel la ville et le château se rendirent, après une résistance de dix-sept jours : les assiégés sortirent vie et bagues sauves, aux termes de la capitulation ; l’église de N.-D. et les paroisses voisines furent pillées.

1593. — Cette année est l’une des plus mémorables de cette guerre impie où, au nom de la religion et d’un même Dieu, d’un Dieu de paix et de charité, on voit combattre avec une égale fureur français contre français. Quelques faits d’armes se font encore remarquer dans le Maine à cette époque. Un détachement des troupes royales cantonnées près de Château-du-Loir, va attaquer Pierre de Malherbe, dans son château de Poillé, à Marçon, quoiqu’il tint pour le roi et qu’il eût combattu pour ses intérêts, comme on l’a vu plus haut : il est forcé de capituler et de se rendre prisonnier aux assaillans. Le capitaine du Plan, ligueur, attaque et prend le château de Sablé.

Le duc de Mayenne, fatigué du despotisme des Seize, de voir ses prétentions sur le trône de France sans résultats, et l’ambition de Philippe II se tourner en mépris contre lui, convoque une assemblée des États à Paris, dans l’espoir d’y faire prendre une détermination en sa faveur, pour l’élection d’un roi : cette assemblée a lieu au Louvre, le 26 janvier 1593. Le duc de Féria, ambassadeur d’Espagne, n’hésite pas à y proposer l’abolition de la loi Salique ; le refus de reconnaître Henri de Bourbon pour roi, se fit-il catholique ; et, enfin, d’élever au trône l’infante d’Espagne Elisabeth, fille de Philippe II. Cette proposition ouvre les yeux des moins clairvoyans et ramène au parti du roi légitime, ceux qui, parmi les chefs de la Ligue, conservent encore quelque honneur du nom Français : le parlement rend un arrêt en faveur des lois du royaume, qui porte un coup funeste aux vues du roi d’Espagne : de son côté, Henri avait pris ses mesures et gagné deux hommes des plus marquans dans les États, Villeroi et le président Jeannin. Pour placer ses partisans dans une position plus favorable, Henri dépêche de Chartres un trompette qui se présente aux portes de Paris et demande à parler au gouverneur le comte de Belin, pour lequel il était chargé d’un paquet. C’était, disait-il fort haut, à tous ceux qui pouvaient l’entendre, une déclaration des seigneurs catholiques du parti du roi, à l’assemblée des États. En vain le duc de Mayenne, le légat du pape et l’ambassadeur d’Espagne, essayent-ils de cacher le contenu de cette pièce et d’empêcher qu’il en soit donné lecture à l’assemblée, le comte de Belin fait voir combien ce silence serait dangereux, vu la disposition du peuple en faveur de toute proposition propre à mettre un terme à ses souffrances ; ajoutant, qu’il croyait que le trompette avait distribué des exemplaires de cette lettre, par laquelle on demandait des conférences avec les députés des États, pour négocier la paix : la dépêche fut lue et des commissaires, au nombre desquels était le comte de Belin, se rendirent à Suresne où l’entrevue commença le 29 d’avril. Ces conférences n’eurent d’autre résultat que de faire de nouveaux partisans au roi, parmi les commissaires ; mais Henri IV, voulant forcer Paris à la soumission, alla s’emparer de Dreux, le seul grenier qui restât à la capitale pour son approvisionnement, ce qui força la Ligue d’accepter une trêve : il fit déclarer en même temps, dans les conférences de Suresne, qu’il avait choisi le 20 juillet suivant pour faire son abjuration.

Le roi, voyant combien il était nécessaire de profiter de l’ébranlement causé par ces diverses circonstances, et des bonnes dispositions où se trouvait le peuple à son égard, convoque à Mantes une assemblée des personnes les plus marquantes dans son parti, sous le motif de se faire instruire dans la religion catholique, afin que son abjuration parut d’autant plus sincère qu’elle serait faite avec moins de légèreté. Aucun historien n’a donné la circulaire qui fut envoyée pour cette convocation ; nous sommes heureux d’avoir pu nous procurer cette pièce intéressante, dans le chartrier du château de Bonnétable, où nous l’avons copiée sur l’original adressé au prince de Conti, parent du roi, l’un ses principaux lieutenans, alors propriétaire de ce château[15] : on trouvera dans cette copie, quelques mots qu’il nous a été impossible de déchiffrer : leur absence ne nuit en rien à l’intelligence de ce précieux document.

« Mon cousin, vous avez esté cy-devant adverty de la conférence par moi promise aux princes........ gentilshommes et aux........ qui estoient près de moi, avec ceux de l’assemblée de Paris. Les députés d’une part et d’autre s’estant assemblez dès le xxix du passé au village de Suresne, n’ont jusques à présent traité que des suretez requises d’une part et d’autre, ayant aussy esté interrompus par la venue des ducs de Mayenne et de Guise, et autres chefs de leur parti à Paris, où leurs députés les ont esté trouver ; et ce pendant que les sieurs de Schombert et d’Espinac ( ?) me sont venus rendre compte au nom de tous lesdits députés de tout ce qui s’est passé entre eulx et les autres, où ils ne pouvaient aller plus avant sans être plus amplement éclaircis de ma part........ ; et lesquels ayant fort particulièrement instruits, je les ay renvoyez pour continuer les conférences. Vous saurez, mon cousin, que la proposition de ladite conférence fut introduite parmy des délibérations où l’on voulait faire tomber l’assemblée de Paris, de procéder à l’éleclion d’un Roy. Il se congnoist que ce moyen a suspendu les esprits de plusieurs de ladite assemblée, qui ne vouldroient tomber soulz la domination de l’Espagnol, à laquelle ils virent qu’on les veult soubmettre, et à personne du tout dépendante d’eulx ; et celle crainte, jointe à la nécessité qu’ils sentent de la longueur de la guerre, leur a engendré ung désir de s’accommoder avec moy, si j’estais de leur religion. Ceulx qui ont aultre intention, qui sont les chefs, montrent néanmoins semblable inclination, parce qu’ils ne veulent faire congnoistre d’estre nourris d’autre cause que de leur religion ; mais, en faisant semblant d’adhérer à la même opinion des aultres, la traitent avec........ parce qu’ils sont bien assurez y former une impossibilité, quand ils se voyent venir au mot de ma conversion, la renvoyant comme ils font au Pape, qu’ils sçavent n’avoir en cela mandement ny volonté que celle du roi d’Espagne ; ce qui les a rendus plus libres à faire quelques démonstrations de me vouloir recongnoistre, après que cette formalité serait........, pensant que du refus que j’en ferais ou de la difficulté que j’y trouverais quand je le vouldrais, tenter une grande confirmation de leur prétexte et crédit envers le peuple, et, par-là, le faire plus facilement condescendre à ce qu’ils désirent, poursuivant cependant, par tous les moyens et artifices qu’ils peuvent, de rendre suspect et odieux tout traité de mon côté ; en quoi les ministres d’Espagne........ font de grandes offres pour le public et advantages pour les particuliers qui peuvent quelques choses, soit par l’épée ou par la langue ; et d’autant qu’ils espèrent bien rompre les dispositions du peuple en mon endroit, en lui faisant perdre toute opinion et espérance de ma conversion, où ils n’épargnent aucune invention et supposition de bons avis qu’ils disent y avoir, et que eulx qui congnoissent ma mauvaise volonté et ........, les ayant néanmoins en horreur, doublent que sy cet artifice n’est rabatu par quelque apparence, qu’ils ne puissent cacher au peuple, ils le sachent perpétuer à une résolution qui ne laisserait plus lieu de réconciliation.

Comme se voit que c’est la fin à laquelle ils tendent et qui semble incliner à la personne du roi d’Espagne, pour ne voir aucun sujet assez puissant pour les maintenir, j’ay pensé ne pouvoir trouver meilleur remède que de convocquer ung nombre de prélats auprès de moy pour entendre à mon instruction, qui servira aussy à contenter le commun souhait de mes sujets catholiques qui me recongnoissent, en quoy pour le moins j’espère que vauldra ladite convocation sy elle n’a force en leur party. C’est en cette occasion sy importante et nécessaire à nostre estât, que je désire estre assisté de vous, mon cousin, qui avez tesmoigne en tant d’occasions l’affection que vous avez au bien et conservation d’iceluy, et à la protection et manutention de mon autorité, pour l’entier établissement de laquelle et adviser aux moyens de l’entretenir.

Je mande par mesme moien, le plus grand nombre de princes, seigneurs, et autres notables personnages, tant de mes courts de parlement que autres mes bons et fidelles serviteurs, pour se rendre tous ensemble dans le x.ber du mois de juillet prochain, en ceste bonne ville où je vous prie de vous trouver au mesme temps, pour mestre la main à ung sy bon ouvrage, sy profitable avec l’ayde de Dieu, qui en fera, s’il luy plaist, sortir le fruit conforme au désir des gens de bien.

Je le prie, pour fin, qu’il vous ayt, mon cousin, en sa sainte et digne garde.

De Mante, le xviii.e jour de may 1593. Signé, Henry ; contresigné, gotser. »

L’assemblée de Mantes produisit le résultat que le roi s’en était promis, et qu’il avait fait espérer ; son abjuration eût lieu le dimanche 25 juillet, à la grande satisfaction des parisiens qui en manifestèrent leur joie de mille manières, et dont un grand nombre, franchissant les obstacles que leur opposa l’autorité oppressive sous laquelle ils gémissaient, se portèrent à Saint-Denis où se fit la cérémonie, et où se rendirent trois curés de la capitale, malgré les menaces du cardinal de Pellevé, légat du pape, à qui ils en demandèrent en vain la permission : de ce moment, la cause des ligueurs et celle de l’Espagne furent perdues, et leur pouvoir déclina de jour en jour. Le Catholicon d’Espagne et l’Abrégé des États de la Ligue, deux écrits qui parurent dans cette année et la suivante, et qu’on a réunis depuis sous le titre de Satire Ménippée, aidèrent puissamment à leur porter les derniers coups. C’est le premier exemple frappant, dans notre histoire, de l’influence de la presse, en matière politique, et le prélude de cette puissance incalculable et invincible, qu’elle devait acquérir deux siècles plus tard.

Une trêve de trois mois, entre les deux partis, suivit l’abjuration du roi, pendant laquelle Henri IV envoya à Rome, vers le pape Clément VIII, une députation de trois personnes, dont était l’évêque du Mans Claude d’Angennes, pour y obtenir son absolution, en même temps qu’il la faisait négocier par d’Ossat qui depuis fut cardinal. Ce ne fut qu’en 1595, que les difficultés furent totalement applanies de ce côté.

1594 — 1598. — Paris ouvre ses portes au roi le 22 mars 1594 : le comte de Belin contribua puissamment à cette soumission de la capitale, objet ardent des vœux du monarque, qui ne pouvait se considérer comme ayant véritablement conquis la couronne, que quand il en posséderait le principal joyau. De son côté, Laval de Bois-Dauphin, qui avait reçu du duc de Mayenne le bâton de maréchal de France, obtint du roi la confirmation de ce titre, en faisant sa soumission. On sait de quelle manière celle des villes et des places qui tenaient encore pour la Ligue s’opéra, moitié par force, moitié par négociations, dans lesquelles chaque chef eut soin de ses intérêts, ce qui faisait dire à Henri IV, à l’occasion de la reddition de Paris, par le maréchal de Brissac, qu’il ne le lui avait pas rendu, mais bien vendu.

Le combat de Fontaine-Française et l’absolution du roi par le pape, en 1595 ; la soumission du duc de Mayenne ; l’assemblée des notables à Rouen, et la surprise d’Amiens par les Espagnols, les deux années suivantes ; enfin, en 1598, la soumission du duc de Mercœur, resté en armes jusqu’alors dans la Bretagne ; l’édit de Nantes et le traité de Vervins, conclu le 2 mai, entre les rois de France et d’Espagne ; sont les derniers événemens qui signalent l’agonie du parti de la Ligue et son entière extinction. Depuis 1593 jusqu’à cette dernière époque, quatre fois on attente ou l’on conspire centre la vie du roi.

La surprise d’Amiens par les Espagnols, jeta la terreur dans le royaume : c’est à cette occasion que Henri IV, qui venait de jouir de quelque peu de repos, dit : « Allons, c’est assez faire le roi de France, il est temps de faire le roi de Navarre ! » En effet, il court assiéger Amiens et le reprend aux Espagnols : un gentilhomme manceau, François Moreau II, ayant manque à se rendre à l’armée du roi, avec son contingent, comme il y avait été appelé pour cette expédition, eût sa terre de la Poissonnière[16] saisie et vendue, dans la même année 1597, et fut obligé d’aliéner d’autres biens pour la recouvrer par voie de retrait.

1599 — 1610. — L’édit de Nantes, publié dans la sénéchaussée du Maine, en 1599, accordait aux calvinistes l’exercice public de leur religion, et les autres avantages qui leur avaient été concédés par les édits de pacification précédens. Les religionnaires du Mans voulurent, en conséquence, faire construire un temple dans cette ville et demandèrent qu’on leur accordai une portion du Grand-Cimetière pour la sépulture de leurs morls. Le clergé catholique s’étant opposé à cette demande, il leur fallut recourir à l’autorité du roi, qui nomma des commissaires de l’une et de l’autre communion pour vider ce différent, et d’après l’avis desquels ils eurent permission de faire édifier un temple à une petite lieue de la ville, au-delà de la paroisse de Saint-Ouen, et de faire leur cimetière dans un terrain en dehors de la Vieille-Porte ; mais, plus tard, à raison du grand éloignement de ce temple, ils obtinrent d’en faire construire un autre près de la ville, de l’autre côté des Arènes, lequel subsista jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, par Louis XIV, en 1685.

Henri IV, qui s’était rendu en Bretagne pour soumettre le duc de Mercoeur, s’en revint à Paris par la Flèche, ville de son domaine paternel, où il avait été conçu et avait passé une partie de sa jeunesse et qu’il affectionnait. Douze ans après, le cœur de ce prince traversait la province pour aller reposer dans ce second berceau de son enfance, après que ce grand et bon roi fut tombé sous le fer d’un fanatique assassin. Le maréchal Jean de Beaumanoir de Lavardin était dans le carrosse du prince, avec six autres seigneurs de la cour, lorsqu’il fut frappé par Ravaillac, le 14 août 1610.

Les remarques que nous avons à faire relativement aux lois, aux mœurs, aux usages de la nation et aux progrès des lumières, pendant cette troisième période de la quatrième époque, ne sont ni moins nombreuses, ni moins intéressantes que celles des divisions précédentes : nous allons cependant et autant que possible, tâcher de les abréger.

La pairie, devenue l’un des pouvoirs constitutionnels de la France, depuis sa régénération politique, mérite de fixer notre attention. Son premier âge en France, est celui où cette dignité, dont on ne connaît pas parfaitement l'origine, qui existait déjà sous Hugues Capet, vers 992[17], était dans sa plus grande splendeur sous Philippe-Auguste, n’appartenait alors qu’aux grands vassaux de la couronne : cette première pairie se trouvait entièrement éteinte vers 1453, par la réunion successive au domaine royal, d’où elles étaient sorties, des provinces de Normandie et de Guyenne, sous Charles VII ; du comté de Toulouse, sous S.-Louis ; de la Champagne, sous Philippe-le-Bel ; sans compter le duché de Bourgogne, entré dans la maison de France, depuis le règne du roi Robert ; et celui de Flandres, réuni à la seconde maison de Bourgogne, par le mariage de Philippe-le-Hardi avec l’héritière de ce comté, en 1369. La seconde pairie est celle qui fut conférée aux princes du sang, par lettres-patentes. Jean, duc de Bretagne, fut le premier qui en fut revêtu, en 1297, alors qu’il en existait encore quelques-unes de première origine. Le troisième âge de cette dignité est celui où elle fut accordée à des étrangers. Claude de Lorraine[18], fut le premier qui obtint cette faveur, par l’érection du duché de Nevers en pairie, non sans opposition du parlement, qui semblait prévoir combien cette innovation serait préjudiciable au repos de la France, par l’ambition des princes de cette maison. Son quatrième âge, qui se prolonge jusqu’à la révolution, est celui où nos rois érigèrent sous le titre de pairie les terres des principaux seigneurs de leur cour, ce qui commença à avoir lieu pour la baronnie de Montmorency, qui obtint le titre de duché-pairie en 1551. Mais pour bien savoir ce qu’était cette dignité, il faut se rappeler la remarque de Simplicien, que les pairs du roi « ne sont mie appelés pairs pour ce qu’ils soient pers à lui, mais pers sont entr’eux ensemble. » Le Maine possédait six terres titrées de la pairie, savoir : deux duchés, Mayenne et Beaumont, le dernier desquels avait perdu ce titre, éteint par la réunion à la couronne, du domaine particulier d’Henri IV ; deux comtés, celui du Maine et celui de Laval ; deux baronnies, la Ferté-Bernard et Montdoubleau. Enfin, une nouvelle ère a commencé pour la pairie à la restauration, par le rétablissement de cette dignité, comme l’une des trois branches du pouvoir législatif de l’état.

Par une déclaration du roi, donnée à Blois en 1576, il fut statué que les princes du sang précéderaient tous les pairs, et que leur rang serait réglé entr’eux suivant leur proximité du trône ; et plus tard, par lettres-patentes de 1577, qu’aucun pair nouvellement créé, ne pourrait précéder les officiers de la couronne, qui étaient le connétable, le chancelier, le garde des sceaux, le grand-maître, le grand-chambellan, l’amiral, les maréchaux de France, et le grand-écuyer. Une autre déclaration de 1566, réglait que les duchés érigés par le roi, retourneraient à la couronne à défaut d’hoirs mâles, ce qui subsista depuis, à moins de dérogations précises et individuelles.

Un édit de 1600, est important à connaître, en ce qui concerne l’ancien ordre relatif à la noblesse. Le roi (Henri IV) y déclare que la profession des armes n’annoblira plus, et ne sera pas censé avoir annobli parfaitement ceux qui ne l’auraient exercée que depuis 1563, probablement parce que trop de gens l’avaient prise à l’occasion des guerres de religion. Du temps de Louis XII, tout homme d’armes, n’exerçant aucun autre emploi ou profession, était gentilhomme, ce qui n’était pas la même chose que d’être issu de race noble : il l’était, à bien plus forte raison, s’il avait acquis un fief noble qu’il desservait par service compétent, c’est-à-dire en suivant son seigneur à la guerre. Il ne fallait donc alors pour annoblir, ni la naissance, ni des lettres du prince, ni posséder un office qui conférât la noblesse. Si l’on joignait la naissance à la profession des armes, on était gentilhomme de nom et d’armes, ce qui était considéré comme bien supérieur à la qualité de simple gentilhomme, ou d’armes seulement.

L’article 258 de l’ordonnance de Blois, rendue en 1579 par Henri III, ayant supprimé la noblesse acquise par les fiefs, et l’édit d’Henri IV, comme on l’a vu, celle acquise par les armes, on ne devint donc plus gentilhomme que par la naissance, par lettres du prince, ou par la possession d’un office auquel la noblesse était attachée. L’annoblissement par les fiefs, ou du moins la faculté de posséder ceux-ci, de la part des annoblis, avait été introduite par l’épuisement des nobles qui les possédaient, épuisement occasionné par les dépenses des croisades et des autres guerres si fréquentes dans le moyen âge. L’ordonnance de 1579, empêcha cette sorte d’annoblissement, en réglant que la terre noble ne rendait pas noble ; qu’un marquisat et un comté, ne rendaient ni comte, ni marquis ; et qu’il faudrait désormais, pour acquérir la noblesse, des lettres du prince, ou la possession d’un office annoblissant. Plus cet ordre de choses s’éloignera de nous, plus ces détails, superflus pour quelques personnes encore, deviendront intéressans et nécessaires, pour celles qui voudront comprendre l’histoire de notre nation. Notons de plus, en traitant ces matières, que ce ne fut que vers la fin du règne de Louis XI, mort en 1483, que le titre de Majesté, peu connu jusque-là, commença à être donné aux rois ; que Henri III institua l’ordre du Saint-Esprit, en 1578 ; et que celui du Mont-Carmel, auquel l’ordre de Saint-Lazare fut réuni, a été créé par Henri IV, en 1608.

L’usage de la cavalerie était le plus ordinaire chez les Gaulois, qui fournirent la meilleure qu’eussent les Romains dans leurs armées, du temps de César et des premiers empereurs. Sous la première et la majeure partie de la seconde race des rois de France, l’infanterie prévalut ; mais l’usage de la cavalerie reprit le dessus dès avant la troisième race, lors de l’établissement des fiefs. Charles VII sentit le besoin d’une bonne infanterie, et après avoir formé un corps de réserve de troupes à cheval, sous le titre de compagnie d’ordonnance, il créa les francs-archers, infanterie que Louis XI supprima. Ce prince inquiet prit à sa solde des Suisses, afin de s’attacher ces peuples ; il y joignit quelques corps d’infanterie française, que Louis XII avait augmentée en la faisant recruter chez les Allemands. Le duc de Gueldres leva un corps de 6,000 hommes de cette nation, auquel on donna le nom de bande noire, de la couleur de ses drapeaux : ce corps ayant été défait et anéanti à la bataille de Pavie, il ne resta plus que de l’infanterie française, divisée aussi par bandes, commandées par les plus grands seigneurs. François I.er voulut former un corps de six mille hommes, à la manière des légions romaines : cette organisation subsista peu ; on en revint aux bandes, composées de cinq à six cents hommes seulement. La charge de connétable qu’avaient tant illustré les Duguesclin, les Clisson, les Montmorency, fut supprimée en 1567, par Charles IX, et resta vacante pendant le restant du règne des Valois : Henri IV la rétablit vingt-sept ans après cette première suppression. Plus tard, on créa un colonel-général de la cavalerie, un colonel-général des Suisses : c’étaient en quelque sorte des connétables au petit-pied. Brantôme et Castelnau font des remarques sur l’ambition et le luxe qui commençaient à s’introduire, de leur temps, parmi les chefs des troupes : « Autrefois, disent-ils, toute l’ambition des princes, des plus grands et des plus braves de la cour, était de commander cinquante ou bien cent hommes d’armes ; aujourd’hui, du premier coup, quand le jeune gentilhomme commence la carrière militaire, il faut qu’il commande ou en cavalerie légère, ou en gendarmerie, ou en infanterie, sans avoir jamais appris à obéir. On voyait jadis, en un jour de bataille, flotter les barbes blanches sur la cuirasse de la plupart des capitaines, comme une marque de l’antiquité de leurs services ; mais à présent on cacherait comme une honte, sous une teinture de poil, et sous la perruque d’un jeune homme, cette marque d’honneur. »

A l’assemblée des notables, qui eut lieu à Paris en 1558, la magistrature prit séance, comme quatrième ordre de l’état ; exemple qu’on ne voit se renouveler dans aucune autre assemblée de ce genre, ni aux états de Blois, ni à ceux de Paris.

Jusqu’à cette période de notre quatrième époque, les parlemens du royaume n’avaient été qu’au nombre de cinq : ceux de Paris, de Toulouse, de Grenoble, de Bordeaux et de Dijon ; trois autres furent créés ou confirmés pendant la première moitié du 16.e siècle : l’ancien échiquier de Normandie, conservé sous le titre de parlement de Rouen ; le parlement de Provence et celui de Bretagne. Le Maine et l’Anjou, comme on sait, relevaient du parlement de Paris.

La jurisprudence politique éprouva de nombreuses variations pendant les temps de troubles, tandis que la jurisprudence civile acquérait plus de fixité, par la rédaction et la publication des coutumes, dont il a été parlé précédemment. Louis XII, par un édit de 1498, avait ordonné qu’à l’avenir les baillis et sénéchaux seraient gradués, « parce que la juslice souffrait d’être exercée par des hommes de guerre, qui n’avaient nulle idée de la jurisprudence » ; mais comme les degrés qu’ils prenaient ne les rendaient pas plus savans, une ordonnance de 1560, en prescrivant qu’ils fussent tous de robe courte, fit passer l’administration de la justice à leurs lieutenans. L’article 50 de cette ordonnance, réduisait à un seul les deux sièges de justice des seigneuries non royales, en conservant toutefois la voie d’appel : cette disposition fut renouvelée par l’article 24 de l’ordonnance de Roussillon de 1564, ce qui démontre que celle de 1560 n’avait pas été plus exécutée que celle de 1348, rendue par Philippe de Valois, et qui renfermait une semblable disposition. La vénalité des charges s’introduisit de fait sous François I.er, sans être autorisée néanmoins par aucun acte public ; et ce qui ajoutait au scandale, c’est qu’après que cet abus fut devenu commun, on continua de faire serment au parlement de n’avoir point acheté son office, malgré que le contraire fut bien connu, ce qui ne fut aboli par arrêt de cette cour qu’en 1597. Une déclaration de 1497, portait « qu’il ne serait donné aucun office, s’il n’était vacant par mort, résignation, ou forfaiture. »

La jurisprudence la plus remarquable de cette époque, qui fournit les plus célèbres jurisconsultes, est l’ordonnance de de Villers-Colterets de 1530, pour l’abréviation des procès, laquelle défend aux tribunaux ecclésiastiques d’empiéter sur les justices séculières et prescrit que tous les actes publics, qui s’écrivaient encore en latin, le fussent en français ; mesure qu’avait déjà prise, pour la langue allemande, l’empereur Rodolphe, dès l’année 1281 ; la réduction de la faculté des substitutions à quatre degrés ; l’édit de Saint-Maur, dit des Mères, pour qu’elles ne succédassent à leurs enfans « ès-biens provenant du côté paternel » ; l’article 94 de l’ordonnance de Blois, de 1560, qui veut que les actes faits devant notaires soient signés des parties ; l’ordonnance de 1484, rendue sur la demande des états de Tours, qui permet à toutes sortes de personnes d’ester en jugement par procureur ; un édit de 1556, punissant de mort toutes femmes ou filles qui font périr leur fruit ; et l’art. 42 de l’ordonnance de Blois, de 1579, qui porte peine de mort pour le crime de rapt, tandis qu’avant cette ordonnance, la fille ravie, sauvait la peine capitale à son ravisseur, en déclarant qu’elle voulait l’épouser ; enfin, un édit sur les duels, rendu en 1602.

François I.er avait donné à sa mère Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, le duché d’Anjou et le comté du Maine. Cette princesse établit dans le dernier une juridiction particulière, autre que celle du roi ; et un tribunal supérieur, sous le nom de Conseil des Grands-Jours. Elle y lève des taxes pour payer la rançon du roi son fils, et assemble les états de la province pour en faire la répartition[19].

Le concile de Trente, commencé en 1545, est clos en 1563. Plusieurs édits sont rendus pour limiter les pouvoirs des légats en France, pour défendre d’envoyer de l’argent à Rome, etc. En 1568, Pie V fulmine la fameuse bulle In cœnâ Domini, qui se lit encore tous les ans à Rome, le jeudi saint, et contre laquelle le parlement rendit un arrêt en 1580 : cette bulle excommunie tous les princes et toutes autres personnes, qui exigeraient des ecclésiastiques quelque contribution que ce soit. Le concordat entre Léon X et François I.er est publié et reçu en France en 1517, malgré l’opposition du clergé, de l’université, et du parlement. L’évêque du Mans Louis de Bourbon, fut le premier envers qui, en 1519 Je roi exerça le droit d’élection que lui conféra cet acte, à l’exclusion des chapitres cathédraux, lesquels en jouissaient auparavant. Le jurisconsulte P. Pithon fait paraître en 1594, son traité en trente-trois articles, sur les libertés de l’Église Gallicane : les maximes qui y sont contenues acquirent en quelque sorte force de loi, quoiqu’elle n’en eussent pas l’authenticité, avant l’édit de 1719, où l’article 50 se trouve inséré. Un autre édit, donné à Romorantin, en 1560, contre l’hérésie, ne fut rédigé par le chancelier de l’Hôpital, suivant l’aveu de ce célèbre magistrat, que pour éviter un plus grand mal, l’établissement de l’inquisition. Enfin, en 1587, la Sorbonne arrête cette proposition régicide : « que l’on peut ôter le gouvernement aux princes que l’on ne trouve pas tels qu’il le faut, comme on ôte l’administration au tuteur qu’on a pour suspect (daniel) ; et, en 1589, un décret du même corps délie les sujets du serment de fidélité envers le roi. »

Un grand nombre d’ordres religieux sont fondés ou admis en France, pendant cette même période. Les Barnabites d’abord, en 1533 ; ensuite, en 1534, la société de Jésus, qu’institua Ignace de Loyola, canonisé depuis. En 1594, les Jésuites sont bannis de France, par arrêt du parlement de Paris, après l’attentat de Jean Châtel ; mais Henri IV les rappelle en 1603, et leur donne la majeure partie de son patrimoine de la Flèche, pour y fonder le magnifique collège où l’on conspirait contre sa vie six à sept ans après. Les Récollets s’établissent en France en 1584 : deux couvens de cet ordre sont fondés dans la province, à la Ferté-Bernard et à Château-du-Loir. En 1592, a lieu l’établissement des pères de la Doctrine Chrétienne ; en 1601, celui des pénitens nommés Picpus ; l’année suivante, les frères de la Charité, institués en Espagne trente ans auparavant, sont appelés à Paris par Marie de Médicis ; enfin, en 1604, le parlement enregistre l’édit en faveur des Capucins, introduits en France dès 1573 : une maison de cet ordre est fondée au Mans vers 1606 ; deux autres successivement à Laval et à Mayenne. Plusieurs autres ordres, fondés ou admis en France pendant les périodes précédentes, s’établirent dans le Maine dans le cours de celle-ci, savoir : un monastère de Franciscains dans la forêt de Perseigne, au lieu appelé l’Hermitage des Châteliers ; deux maisons de Jacobins ou Dominicains, au Mans et à Laval ; une maison d’Urbanistes de Sainte-Claire, sous le nom de la Patience, dans la dernière de ces villes ; etc., etc.

L’abus résultant des vœux prononcés dans un âge trop tendre, avait été réprimé par une ordonnance vendue à Orléans, qui fixait l’âge où il était permis d’aliéner sa vie, à vingt-cinq ans, pour les hommes, et à vingt pour les filles ; mais la discipline établie par le concile de Trente, ayant réduit cet âge à seize ans pour l’un et l’autre sexe, l’ordonnance de Blois, de 1579, confirma cette disposition.

L’instruction publique fait de nouveaux progrès pendant ces cinq quarts de siècle, qui virent s’établir la moitié des universités qui existaient en France, au nombre de vingt-deux, à l’époque de la révolution. Une grande quantité de Manceaux occupèrent, pendant cet espace de temps, les premières dignités de celle de Paris, et quelques unes de celle d’Angers. Douze d’entre eux furent recteurs de la première, douze autres jurés, proviseurs, trésoriers, etc. ; d’autres y remplirent avec distinction les chaires de professeur, les places de grand-maître et de principal. C’est aussi pendant le même laps de temps, que furent fondés le collège du Mans à Paris ; celui de Saint-Benoît, dans la première de ces villes, lequel fut réuni à l’Oratoire en 1652.

Une intempérie extrêmement nuisible aux récoltes, occasionna une cruelle disette en 1526 : cette calamité se renouvela en 1546 et en 1657. Des maladies contagieuses firent de grands ravages pendant les années 1484 et 1526 ; enfin, l’année 1544 est indiquée comme celle d’un des plus grands hivers dont notre histoire conserve le souvenir. Des réformes ont lieu dans l’administration des hôpitaux des Ardens, de Coëffort et de plusieurs autres, tant au Mans que dans le diocèse, dans le cours de cette période, pendant laquelle est fondé l’hôpital de S.-Sulpice d’Arquenai.

Deux fois, en 1540 et en 1551, l’hôtel-de-ville du Mans s’occupe des moyens de rétablir la navigation de la Sarthe, jusqu’au Mans ; et d’établir celle de l’Huisne : chaque fois, malgré les devis présentés et quelques dispositions prises, les malheurs des temps, ou des obstacles occasionnés par des intérêts particuliers, empêchent l’exécution de ces utiles projets.

Quelques usages de cette époque, quelques progrès dans les sciences et dans les arts méritent d’être signalés. Les îles de Saint-Domingue et autres de l’Amérique, sont découvertes par Christophe Colomb, en 1492 et ensuite son continent, par Améric Vespuce, en 1498. Bethencourt, gentilhomme normand, avait voyagé aux îles Canaries dès 1402 ; le chevalier Drack entreprend de faire le tour du monde, en 1603, sous le règne d’Elisabeth.

On rapporte l’invention des bombes pour la guerre, à l’année 1588 : on ne s’en sert en France qu’en 1634, mais l’on conjecture que les turcs s’en étaient servis au siège de Rhodes, plus d’un siècle auparavant.

Henri IV introduit ou multiplie en France, par les conseils et sous la direction de Sully, des manufactures de soie, de tapisseries, de faïence, des verreries, etc. ; Hallai, notre compatriote, établit au Mans, vers la même époque, la manufacture de cire, devenue si célèbre, qu’aucune autre encore n’a affaibli sa réputation ; Jean Véron, autre manceau, invente les étamines camelotées, dont le commerce et la réputation s’étendent dans les deux mondes ; des négocians de Laval, de Vitré et de Saint-Malo, chargent un vaisseau des toiles de la première de ces villes, qu’ils vont vendre dans les deux Indes, où les Portugais et les Espagnols commerçaient seuls alors. François Pyrard, avec le seul désir d’acquérir des connaissances, accompagne cette expédition commerciale et publie à son retour une relation de son voyage, pleine d’intérêt ; tandis que P. Belon, que le goût de l’histoire naturelle fait voyager également, enrichit sa province de végétaux peu ou point connus alors, que l’évêque René du Bellay s’occupe d’acclimater dans les jardins de son château de Touvoye.

Le Maine, dans le même siècle, offre le spectacle d’un nombreux concours d’hommes adonnés à la culture des arts de l’esprit. Guillen, annotateur de la grammaire grecque de Clenard ; Duboulai, historien de l’université de Paris et Mathurin Héret, tous deux hellénistes et médecins ; Guillaume Bigot, Guillaume Plancius, non moins recommandables par leur savoir ; Ambroise Paré, chirurgien de trois de nos rois, que l’école actuelle apprécie encore à toute sa valeur ; Pierre Leblond et Lacroix du Maine, historiens et biographes ; les poètes Robert Garnier et Ronsard ; Ronsard que se disputent à tort le Maine et le Vendômois, puisqu’il appartient aux deux provinces[20]; enfin, le célèbre statuaire Germain Pilon.

Sous le rapport des usages, on trouve dans l’histoire du chevalier Bayard, que Louis XII, qui venait, à l’âge de cinquante-trois ans, d’épouser Marie d’Angleterre, s’attachant à complaire à sa jeune épouse, « avait changé de tout sa manière de vivre, car, où il soûlait (avait coutume) de dîner à huit heures, il convenait (fallait) qu’il dinât à midi ; et où il soûlait se coucher à six heures du soir, souvent se couchait à minuit. » Son successeur François I.er, à l’occasion d’une blessure qu’il avait reçue à la tête, se l’étant fait raser, introduisit la mode de porter les cheveux courts et la barbe longue : l’ancien usage, tout contraire, est repris sous Louis XIII.

En 1564, Charles IX rend la fameuse ordonnance de Rousillon, qui fixe le commencement de l’année au 1.er janvier, au lieu qu’elle ne commençait, auparavant que le samedi saint, après vêpres. Le parlement de Paris ne consentit à ce changement, que vers l’an 1567. Il est à remarquer que, malgré que l’année ne commençât qu’à Pâques, ce qui d’ailleurs n’avait pas lieu dans toutes les provinces, on donnait néanmoins les étrennes le premier janvier, soit, comme il paraît certain, qu’on eût conservé cet usage des romains, et que l’année n’eût commencé en France à l’équinoxe du printemps, que depuis qu’ils s’en furent retirés.

Terminons cette revue par la mention d’un des événemens les plus remarquables de l’histoire de l’Europe, l’expulsion des Maures de l’Espagne, par Philippe III, en 1610, l’année même de la mort d’Henri IV, Prés de neuf cents mille hommes furent chassés et obligés de fuir un pays qu’ils enrichissaient ; aussi, dit un historien espagnol, « on ne pouvait faire une meilleure action, religieusement parlant, ni prendre un pire conseil, dans l’intérêt du pays. »

  1. L’historien P. Renouard (Ess. histor. sur le Maine, tom. II, pag. 50), nomme René de Champagne, le seigneur de Pescheseul, dont il s’attache à faire un portrait physique bien hideux, mais qui ne paraît guère convenir au rang de capitaine, qu’il tenait parmi les protestans. Le fait est que René de Champagne, aïeul de Jean II, celui dont il s’agit ici, ne fut point seigneur de Pescheseul, et qu’il fut marié en 1477, c’est-à-dire près d’un siècle avant les événemens et l’époque dont nous traitons.
  2. Voir au dictionnaire statistique, les articles Beaumont-sur-Sarthe et la Flèche ; au dictionnaire biographique, l’article Henri de Bourbon.
  3. On estime à plus de 70 milles, le nombre de ceux qui furent égorgés dans tout le royaume, dont 5 milles à Paris ; et à plus de 100 milles, le nombre de ceux que perdit la France, par ce massacre, en y comprenant les fugitifs, qui périrent de faim et de misère, ou qui cherchèrent un asile chez l’étranger.
  4. Voir à la Biographie, l’article de le Barbier de Francourt, à qui l’on attribue l’un des écrits publics sur les premiers troubles du Maine, à cette époque.
  5. lacrételle, Hist. des Guerr. de religion, 11 - 345.
  6. Thouars, terre seigneuriale située près Ballon (voir cet article), et non la ville de Thouars en Poitou.
  7. Il est difficile de savoir si l’expression le jeune, employée deux fois dans cette liste, l’est comme nom propre, ou comme qualification : peut-être est-ce à tort que nous avons adopté cette dernière manière de l’écrire.
  8. a, b et c Voir les articles pescherai, fresnay et louzes, au Dictionnaire Statistique ; et l’article hertré à la Biographie.
  9. Voyez l’article chahaignes au Dictionnaire.
  10. Voir cet article au Dictionnaire également.
  11. Voir cet article au Dictionnaire.
  12. a et b Voyez les articles louzes, saint-patern et vernie, dans le Dictionnaire ; les articles hertré, ferrière, dans la Biographie.
  13. Nous avons dû donner plus de développement aux faits d’armes qui ont eu lieu dans celles des localités de la province qui, ne faisant pas partie du département de la Sarthe, n’ont pas d’articles dans la partie Dictionnaire de cet ouvrage.
  14. Voir les détails du siège de cette ville, à son article, t. ii, page 323.
  15. Mes propres recherches et celles qu’à bien voulu faire, à ma prière, M. Thiébaut de Berneaud, l’un des conservateurs de la bibliothèque des Quatre-Nations, non-seulement à cette bibliothèque, mais aussi à celle de la rue de Richelieu, m’ont fait acquérir la presque certitude que cette pièce, extrêmement curieuse, n’avait été imprimée ni par les historiens, ni dans les mémoires et correspondances de l’époque, et qu’elle ne se trouve point dans les cartons de la bibliothèque du roi, qui renferment un bon nombre d’autographes de Henri IV et de lettres sorties de sa chancellerie, comme est celle-ci. On ne trouve rien, non plus, qui ait rapport à la convocation dont il s’agit dans cette circulaire, si ce n’est dans les mémoires de Sully, mais sans indication précise de dates, et sans qu’il y soit donné une idée du texte.
  16. Voir au Diclionnaire, l’article saint-ouen-en-belin.
  17. Les romanciers la font remonter jusqu’au commencement du 9.e siècle, mais nous ne devons nous attacher qu’au récit des historiens, qui d’ailleurs n’excluent pas une plus haute antiquité.
  18. Voyez au Dictionnaire l’article ferté-bernard, tome ii, page 318.
  19. Voyez à la Biographie, la chronologie des comtes du maine, page cxix.
  20. Voir son article à la Biographie', et ceux de tous les personnages cités ici.