Discussion:Jacques (1853)
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Orthographe - vocabulaire
[modifier]- dénoûment
- enveloppés de surtouts
- une si bonne entamure
- grand’chose, grand’note
- recéler, harcellent
Critiques, résumés, …
[modifier]- 1834 : Jacques de George Sand dans la Revue des Deux Mondes par Auteur:Gustave Planche
- 1837 : Gazette des salons : journal des modes et de musique, artistique, littéraire et théâtral [1]
Jacques est absurde : ce mot voile encore l’impression de dégoût qui naît de sa lecture. Jacques, c’est un mari aimant sa femme, et d’abord aimé d’elle ; mais c’est un mari d’une trempe exceptionnelle, car G. Sand paraît bien décidée à ne jamais descendre du monde idéal qu’elle s’est forgé. Ainsi Jacques, homme d’expérience, instruit à l’école des passions, éprouvé par des peines de cœur, s’est avisé de croire que sa femme ne saurait le comprendre. Et au lieu d’affections intimes qui eussent rapproché et lié leurs âmes, il se contente d’aimer Fernande avec contrainte, avec réserve. Il a une sœur, Sylvia, femme d’un caractère calqué sur le sien, et confidente de ses mélancolies. Sylvia aime un jeune homme, Octave, du même amour que Jacques porte à sa femme. Octave froissé par Sylvia, comme Fernande l’a été par son mari, se rencontre avec cette dernière (par l’expresse volonté de G. Sand), sur la même route de malheur idéal. Ils s’aiment, et Jacques qui a deviné leur passion, la laisse croître eu gémissant, sans oser y mettre l’obstacle le plus légitime ; car Jacques, avons-nous dit, est un être exceptionnel, pour qui les passions sont quelque chose de sacré. Après avoir réuni lui-même les deux amans, il s’éloigne triste et seul, et se tue, pour ne pas être, même de loin, une cause de retard à leur bonheur.
Mais où donc G. Sand a-t-elle rencontré un homme protecteur par droit d’époux d’une femme jeune et belle dont il est aimé ; et qui, lorsque par sa froideur, ses négligences, il la force à se détacher de lui, ne cherche pas bientôt à la ramener par de nouveaux soins ? ou qui du moins, s’il n’a pas compris sa faute, ne lui tende pas la main pour la retenir au bord du précipice, et cela dans l’intérêt de cette femme, si ce n’est dans celui de son propre orgueil ? Un homme qui, de sang froid, la laisse monter tous les degrés d’une passion criminelle, et qui, après avoir lâchement servi de témoin à son déshonneur, aille se jeter dans les glaciers du Tyrol ? Quand le suicide, en quelques rares circonstances, pourrait être pardonné à un malheureux, n’y a-t-il pas une ignoble folie à le faire servir de dévouement à l’adultère? Est-il donc permis à une femme, même sous le masque du pseudonyme,, de soutenir un si révoltant paradoxe, et d’oublier la pudeur de son sexe, jusqu’à poétiser le plus honteux des écarts ?
- Revue du nord - bibliographie [2]
Par Georges SAND. [1]
LE roman par lettres n’est plus de mode chez nous. Pourquoi ? La faute en est-elle aux auteurs ou aux lecteurs ? Je serais porté à croire que le dégoût en est venu de ces épîtres fades et ennuyeuses qu’un romancier sans génie accolait les unes aux autres, comme les demandes et les réponses d’un catéchisme. Quelques essais en ce genre avaient été faits avec conscience et talent ; à la suite est venu le troupeau des imitateurs, des copistes et des singes, spéculateurs malheureux, que le mérite de leurs devanciers n’a pu sauver de l’oubli et de la mort.
Et cependant, à ne citer que cette œuvre brûlante, corrosive du 18e siècle, l’Héloïse de Jean-Jacques, qui douterait de l’intérêt qu’inspirent, qu’animent et que soutiennent ces pages, si chaudes de passion, si haletantes des étreintes de Julie et de Saint-Preux ? Qui pensera jamais qu’une narration, si brillante, si chaleureuse qu’elle soit, puisse émouvoir à ce point notre sympathie ? Car ce qui nous transporte, dans cet admirable poëme, c’est moins assurément l’enchaînement et la succession des évènemens, que les tendres et naïfs épanchemens de Julie et de Saint-Preux ; c’est moins la fantasmagorie des faits, que la révélation toute nue de la vie intérieure des personnages, que la confession franche et bavarde de leurs sensations et de leurs pensées. Supposez Jean-Jacques à la place de son héroïne, essayant de nous raconter lui-même ce qui se passe dans le cœur de Julie, après sa première faute supposez-le employant à ce tableau les couleurs les plus vives, les tons les. plus harmonieux de sa palette, croyez-vous que jamais ce récit puisse atteindre à l’éloquence passionnée, délirante de l’amie de Claire, au sublime mea culpa de l’intéressante pécheresse.
Avouons-le : au théâtre comme dans le roman, nous sacrifions beaucoup trop de nos jours la philosophie intime, la psychologie du cœur, à l’effet scénique, aux péripéties saisissantes et terribles, qui ébranlent les sens plutôt qu’elles ne touchent l’âme. La sensation s’arrête à la superficie. Elle agira sur les nerfs délicats de quelles jeunes, femmes, mais elle n’ira pas plus loin. Nous visons à l’effet, mais cette mode passera aussi, il faut le croire Quand nos fibres trop violemment et trop fréquemment émoussées ne vibreront plus, quand les décotations splendides nous verront impassibles, et froids, alors il faudra bien qu’on en revienne, à ce qu’an avait abandonné, il faudra, bien remplacer par l’histoire exacte et consciencieuse. de l’âme, l’histoire fausse et menteuse des mœurs d’une époque que nous défigurons à force d’en poursuivre la ressemblance.
Déjà l’impulsion est donnée. S’il est en France un écrivain qui ait scruté, fouillé, analysé avec courage et précision la conscience humaine, c’est G. Sand Il est vrai que son cou- rage est par fois désespérant y que sa précision est souvent terrible. Voyez avec quel sang froid il introduit le scalpel dans ces chairs corrompues et-pourries, avec quelle impitoyable persévérance il le tourne et le retourne dans ces plaies gangrenées qu’il étale ensuite à vos yeux avec une si ironique complaisance. Quelqu’un voulait établir des rapports de ressemblace entre Notre-Dame de Paris et Lélia, entre Victor Hugo et G .Sand. Cette ressemblance n’existe pas. L’un peint le corps, l’autre peint l’âme. L’un est l’artiste du materialisme, l’autre, l’artiste du spiritualisme : c’est Raphaël Ciceri. Georges Sand,36 le sais, a fait gémir bien des préjugés, soulevé bien des haines. Cela devait être; Toutes les fois qu’un homme a voulu, faire entendre à son siècle des vérités nouvelles, en opposition avec ses vieilles idées, il a toujours été mal compris, souvent calomnie, quelque fois puni. Socrate et Anaxagore ont payé cher leurs syllogismes hardis sur la divinité:
Aujourd’hui, grâce au ciel, si la persécution est encore parfois la récompense des innovations, les novateurs, du moins n’ont plus à craindre la ciguë. C’est le monde qui se charge de les châtier par le dédain et le mépris. Risible prétention ! Avez-vous quelque lois entendu parier de ces feux follets errants, de ces flammes mystérieuses auxquelles un préjugé populaire dans l’ouest de la France attribue la puissance d’en- traîner dans un abyme sans fond le voyageur qui croit les éviter ? Il en est ainsi des idées nouvelles. Vous lès haïssez, vous les maudissez, vous croyez être à l’abri de leur contact, et un beau jour vous vous apercevez qu’elles ont pénétré jusqu’à vous, que vous en êtes imprégné de la tête aux pieds : La société actuelle, il ne faut pas se le dissimuler y est battue en brèche de plus d’un côté. Ses vieilles institutions replâtrées à notre usage, les lambeaux recousus de ses chartes et de ses lois ne sauraient avoir une interminable durée. Les pièces qui doivent cacher leur décrépitude emporteront l’étoffe, et alors il faudra bien lui faire un habit neuf à cette pauvre société, couverte de guenilles depuis si long-temps ; et, comme celte friperie déplaît à quelques-uns, les voilà qui se mettent à la déchirer à droite et à gauche. Il faut les voir s’y cramponner avec les mains, s’y accrocher avec les dents, et toujours emportant le morceau, nous faire voir sous le haillon, les maux qui couvrent le corps social, les ulcères fétides qui le. rongent. Hardis travailleurs, qui suent leur sang à cette pauvre de démolition, sans s’inquiéter s’il se trouvera là un architecte assez habile pour reconstruire l’édifice… Laissez-les faire, ils ont foi dans l’avenir.
Parmi les plus infatigables, les plus ardents de ces démolisseurs, il faut compter G. Sand, être biforme, dualité mystérieuse, dont la voix puissante retenait au milieu de nous y comme autrefois sur les remparts de Jérusalem la voix du, prophète annonçant la chute de la cité divine.
Nous n’entreprendrons pas d’analyser le dernier ouvrage de G. Sand, Jacques. Jacques se lit et ne s’analyse pas. Nous ne pourrions pas le raconter à ceux qui ne l’ont pas lu; nous, voulons, seulement dire à peux qui l’ont lu ce que nous en pensons nous-mêmes,
Les idées fondamentales de Valentine, d’Indiana et de Lélia se retrouvent encore dans Jacques : c’est l’amour aux prises, avec le mariage, la passion avec le devoir, les préjugés avec la raison, L’HOMME NOUVEAU AVEC LA VIEILLE SOCIÉTÉ.
Jacques épouse une femme qu’il aime et qui croit l’aimer. Mais Jacques a 35 ans, Fernande n’en a que 18. L’amour de Fernande n’est bientôt plus que de l’estime, et, comme le dit La Rochefoucauld, «l’amour, une fois parti ne revient plus. " Cet amour, elle le donne à Octave, jeune homme candide, honnête, vertueux même, malgré sa passion pour Fernande ou plutôt à cause de cette passion. Jacques n’ignore pas ce qui se passe. Il l’avait prévu. Seulement il aurait désiré se croire heureux encore quelques années ; il regrette que le voile de l’illusion se soit si promptement déchiré pour lui.Toutefois il ne voudrait pas que son bonheur entraînât le malheur des autres. Il a vu l’amour sincère et profond d’Octave et de Fernande, il les laissera jouir en paix de leur amour, et quand il aura reçu d’Octave le serment d’aimer, toujours Fernande, il quittera le seuil conjugal et il ira se tuer… Le suicide ! voilà le seul remède que Jacques trouve à ses maux[2].
Il n’y a, dans le livre de Jacques, sous le rapport littéraire surtout qu’à admirer. On pourrait, comme Voltaire, écrire au bas de chaque page : Bien, parfait, sublime. Tout le monde sait d’ailleurs ce qu’est le style de George Sand, — tantôt brise fraîche et embaumée, ruisseau limpide coulant avec un doux murmuré sur un sable doré ; — tantôt lave brûlante, torrent impétueux qui roule, dans ses flots larges et grondans des fûts de colonnes et des blocs de granit. Avec quelle sou- plesse de pinceau, avec quelle touche vigoureuse, avec quelle verve d’imagination il tracé un portrait, un tableau, un site ! Comme tous les personnages sont groupés avec intelligence ! Ce ne sont pas des ébauches, des esquisses, ce sont autant d’études consciencieuses et approfondies, Chaque tête est un type,, chaque physionomie est un chef-d’oeuvre. Et puis voyez pour le drame quelle simplicité d’intrigue. Comme la grande douleur de Jacques se dessine majestueusement sur ce fond simple et sans apprêt.
L’union de Jacques et de Fernande est une union comme il s’en fait tous les jours, et encore Ja plupart sont-elles basées sur un principe beaucoup moins pur, beaucoup moins noble. Fernande, toute jeune, épouse : Jacques déjà vieux parce qu’elle croit l’aimer. Chez nous, l’argent joue dans ces sortes d’union le rôle principal, l’amour souvent n’y est pas même compté,
Or, qu’arrive-t-il de cette union mal assortie de Jacques et de Fernande ? Ce que nous voyons arriver tous les jours: inconfiance d’abord, refroidissement ensuite, adultère après. Mais. Jacques est un caractère exceptionnel, une de ces natures fortes qui contemplent le mal sans mollir, qui tiennent sans broncher leur bras étendu sur un brasier ardent : âme généreuse et grande, qui ne veut pas le bonheur pour elle seule, symbole vivant, incomplet cependant encore, de la société telle qu’elle devrait être, En Jacques se résument, se personnifient toutes les théories que nous avons entendues sur la nécessité d’une nouvelle loi morale, régulatrice dés liens conjugaux. Il connaissait avant de se marier, l’imperfection de la loi actuelle, cependant il s’est marié. Il espérait que le bonheur des premiers jours, que l’enivrement des premières caresses l’accompagneraient jusqu’à son tombeau, lui déjà vieux et usé,… Et cette illusion s’est évanouie, et Jacques désormais inutile à ses enfans qu’il a perdus, Jacques dont la vie est une torture de tous les instans pour Fernande qu’il aime toujours, Jacques sourd à la voix de Dieu qui lui défend de disposer d’un bien qui ne lui appartient pas -se tue…, Un glacier de la Suisse engloutit dans ses abîmes cette création, si belle et si puissante. Toutefois il dérobera au monde sa faiblesse, à Fernande sa générosité. Elle ne saura pas que Jacques s’est tué pour couronner par un der nier bienfait tous les bienfaits dont il l’a comblée, pour lui laisser son Octave et sa liberté !
Ici évidemment y et à dessein sans doute, Jacques est incomplet. Cette belle pâture est mutilée; Il manque quelque chose à cette haute et magnifique statue. Le ciseau de l’artiste a frappé à faux.
l’abnégation de Jacques est généreuse sans doute, mais elle n’est pas entière, et toute vertu imparfaite n’est qu’une demi-vertu. Avec quelque effort je parviendrais peut-être à concevoir que Jacques, isoléi abandonné à lui-même, n’étant plus attaché à la vien par aucun lien, dégoûté d’un monde qui ne le comprend pas, je concevrais,dis-je, qu’il n’ait pas trouvé d’autre consolation à son malheur, que le suicide. Mais Jacques n’est point isolé, et s’il n’a plus l’amour de Fernande, il a toujours l’amitié de Sylvia, de cet autre être extraordinaire, qui méprise l’amour parcequ’il lui faudrait un Dieu pour aidant y mais; qui aime Jacques, comme son frère.
Il est possible que je me trompe, il est même probable que mon intelligence n’embrasse pas tout ce qu’il y a de sublimité, de profondeur et de mystère dans Jacques et dans, Sylvia. Aussi, pour la Critique, suis-je obligé de rabaisser à mon niveau l’œuvre de G. Sand. Je lu en demande pardon.
Selon moi, le livre de Jacques est une négation de l’amitié, et ce sentimetn est d’une nature telle que l’âme la plus forte et la plus rude ne saurait ne pas en être subjuguée. Il est vrai que Jacques et Sylvia sont bien au-dessus du vulgaire y mais dans quelque région qu’ils soient élevés, de si haut que leur grandeur nous domine, il est de ces sentimens, que non seulement ils ne doivent pas méconnaître, mais qu’au contraire ils, sont appelés à ennoblir, à sublimiser. L’amitié est un de ces sentimens là.
Et cependant lisez les lettres de Jacques et de Sylvia, vous y trouverez à chaque ligne l’expression éloquente de leur amitié, mais jamais vous ne les verrez ni l’un ni l’autre abandamier les sommets sur lesquels ils se sont placés, dépouiller leur supériorité, et cette haute estime qu’ils ont l’un pour l’autre. Ils se communiqueront bien leurs pensées, ils s’aimeront toujours de bonne foi, mais ils n’en agiront pas moins d’après eux-mêmes. Et lorsque Jacques annonce à Sylvia qu’il va se tuer, Sylvia l’écoute tranquillement et le laisser faire. Jacques, son ami de 80 ans, son protecteur son frère ; le seul homme qu’elle ait jamais aimé, va se séparer d’elle pour toujours et,elle ne lui criera pas ; ARRÊTE ! Elle n’invoquera pas cette amitié pure et sainte pour empêcher uns crime, Le char roule sur la pente d’un précipice, elle n’essaiera pas de l’enrayer, Il se peut que ce, soit là du stoïcisme, mais j’avouerai que je ne le comprends pas, que je ne veux même pas le comprendre,
Je préférerais à l’amitié inerte de Sylvia cette simple et naïve- allégorie de l’antiquité, qui représentait l’amitié sous la figure d’une jeune femme nue jusqu’à la poitrine, embrassant un tronc d’arbre au pied duquel on voit renaître quelques jeunes pousses. Cette dernière idée surtout n’est-elle pas sublime et n’est-elle pas en même temps la critique la plus sévère de l’égoïsme de Sylvia. Car cette individualité superbe qui se concentre en elle-même et abandonne à la fatalité celui qu’elle devait soutenir et protéger, n’est autre chose qu’un égoïsme sec et étroit; et dans une âme comme celle de Sylvia, j’aurais préféré l’enthousiasme du dévouement à l’impassibilité du stoïcisme. J’aurais voulu voir aussi Jacques, victorieux après une lutte longue et courageuse contre le malheur, saisir un matin le bâton du voyageur, secouer sur le seuil de sa maison la poussière de ses sandales, lever au ciel un regard de résignation et de confiance, puis s’éloigner calme et résolu. Cette abnégation, je le conçois, exigeait plus de courage que Je suicide. Jacques avait une âme taillée pour ce rôle. Mais Jacques, supérieur à tout ce qui l’entoure, ne doit pas moins subir quelquefois les influences de l’atmosphère dans laquelle il se meut : sans cela nous ne sentirions pas si bien tout ce qu’il y a dans cette atmosphère de délétère et de pestilentiel… D’ailleurs il ne faut pas demander au génie pourquoi il n’a pas eu telle ou telle inspiration au lieu de telle ou telle autre. Le génie est le soufle de Dieu. Dieu protège ? éclaire et conduit l’humanité. L’humanité marché de progrès en pro- grès vers une unité compacte et serrée. Tout ce que nous appelons caprices du génie, quoique divergeant en apparence, convergent néanmoins vers l’unité athlétique, symbole de l’unité du monde. Respectons clone les caprices du génie, car nous devons respecter les desseins de Dieu.
Je demande mille fois pardon à l’auteur de Jacques d’avoir ainsi disséqué son œuvre. Ce n’a pas été : sans beaucoup d’hésitation toutefois. Le scalpel du carabin novice n’approche qu’en tremblant d’un beau corps, et n’en entame les chairs qu’avec une sotte de frayeur Et Jacques est un poème si grand, si neuf, si palpitant !… En vérité, le siècle qui a vu écrire de telles pages n’est pas un siècle de décadence.
J.B.V. HUBERT.
- 1839 Revue des Romans
- ↑ En nous imposant la loi de ne repousser aucun système littéraire, de tendre la main à toutes les écoles, dé les laisser expliquer elles-mêmes ce qu’elles veulent et où elles pensent aller, nous ne nous sommes pas interdit la faculté d’opposer parfois nos idées propres à celles qu’on nous présente, surtout dans les points de contact que la littérature a souvent avec les questions qui intéressent l’ordre social. Ainsi nous ne marchanderons pas les éloges donnés ici au talent d’écrivain de Monsieur ou Madame, George Sand; mais nous, croyons devoir protester contre ses doctrines. Nous voyons bien, comme notre collaborateur, que l’auteur de Jacques est du nombre de ces hardis travailleurs, qui suent leur sang à une œuvre de démolition, sans s’inquiéter s’il se trouvera là un architecte assez habile pour reconstruite l’édifice ; mais au lieu de dire comme lui : LAISSEZ-LES FAIRE, nous disons, qu’il faut résister avec courage à cette fureur destructive, et que tout ce qu’il y a d’honnête doit se réunir pour étayer et sou- tenir l’édifice jusqu’à ce que Dieu juge à propos de nous envoyer l’architecte qui doit en reconstruire un plus parfait (Note du Directeur).
- ↑ On voit par cette courte analyse que le livre même de M. George Sand peut servir d’antidote à son livre. Dans notre société dégénérée un mari trompé par sa femme et qui veut échapper au scandale d’une séparation judiciaire, se croira bien gé- néreux s’il se contente de l’abandonner et de ne la punir que par du mépris ; mais dans les principes épurés des moralistes qui veulent démolir cette société en laissant à l’avenir le soin d’en refaire une autre, une semblable indulgence sent encore le pré- jugé ; le dévouement n’est pas assez sublime. Tant qu’il vit cet incommode époux, il peut être un sujet de remords pour sa femme adultère ; il n’est donc plus dans lit monde qu’un obstacle au bonheur des autres. ; il rompt l’harmonie de la nature, donc ce qu’il a de mieux à faire C’EST DE SE TUER. Conclusion admirable et qui est bonne à fournir aux auteurs des dénouemens dramatiques, mais dont les maris vul- pires ne se montreront pas fort soucieux de faire l’application sur eux-mêmes. N.du D.