Discussion:L’Heptaméron/La première journée

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Modernisation (ébauche)[modifier]

En la première journée, il est fait un recueil des mauvais tours que les femmes ont faits aux hommes et les hommes aux femmes.

Première nouvelle.

Dans laquelle la femme d'un procureur, après avoir été fort sollicitée par l'évêque de Sées, le prît pour son profit, et puis, non plus contente de lui que de son mari, parvint à obtenir pour son plaisir le fils du Lieutenant Général d'Alençon, qu'elle fit peu de temps après assassiner par son mari, lequel, bien qu'il eût obtenu rémission de ce meurtre, fut ensuite envoyé aux galères accompagné d'un sorcier nommé Galery, et le tout du seul fait de la perversité de sa femme.


Mesdames, j'ai été si mal récompensé de mes longs services que, pour me venger d'amour et de celle qui m'est si cruelle, je ne ménagerai pas ma peine afin de dresser un recueil de tous les mauvais tours que les femmes nous ont joués à nous, pauvres hommes, et, ce faisant, je ne raporterai rien qui ne soit pure vérité.

En la ville d'Alençon, du vivant du Duc Charles, dernier Duc, se trouvait un procureur nommé Saint Aignan qui avait épousé une gente femme du pays plus belle que vertueuse, laquelle, pour sa beauté et sa légèreté, était poursuivie par l'Evêque de Sées qui, pour parvenir à ses fins, entretint si bien le mari que celui-ci, bien loin de s'aperçevoir du vice de sa femme ou de celui de l'évêque, en vint à faire oublier à ce dernier l'affection qu'il devait à ses maîtres de sorte que, de loyal serviteur, il leur devint si contraire qu'il finit par rechercher des sorciers dans le but de de faire périr la duchesse. Il vécut néanmoins fort longtemps avec cette malheureuse femme, qui lui était soumise plus par intérêt que par amour, et aussi parce que son propre mari lui demandait de l'entretenir. Mais il se trouvait un jeune homme en la ville d'Alençon, fils du Lieutenant Général, qu'elle aimait si fort qu'elle en devenait à demi enragée, et qu'elle s'aidait souvent de l'évèque afin qu'il entende son mari en confession, et qu'elle puisse ainsi voir à son aise le fils de ce Lieutenant, nommé du Mesnil. Cette façon de vivre dura longtemps où elle avait pour son profit l'évêque et pour son plaisir le dit du Mesnil, auquel elle jurait que les bonnes manières qu'elle montrait à l'évêque n'avaient pour but que de continuer les leurs plus librement, et qu'en tout état de cause l'évêque n'en obtenait que la parole et qu'il pouvait être assuré que jamais nul autre que lui n'en aurait autre chose.

Un jour que son mari s'en allait visiter l'évêque, elle lui demanda congé d'aller aux champs, disant que l'air de la ville lui était contraire, puis, une fois parvenue en sa métairie, elle écrivit incontinent à du Mesnil qu'il ne manquât point de la venir trouver vers les dix heures du soir, ce que fit le pauvre jeune homme. Mais dès l'entrée il trouva la chambrière qui d'habitude le faisait entrer, et qui lui dit : "Mon ami, allez ailleurs, car votre place est prise". Et lui, pensant que le mari fut venu, lui demanda comment cela se faisait. La pauvre femme, ayant pitié de lui, le voyant si beau, jeune et honnête homme, aimer si fort et être si peu aimé, lui déclara la folie de sa maîtresse, pensant que de l'entendre, cela le châtierait d'aimer autant.