Discussion:Mémoires de monsieur le baron Pergami
Sujet[modifier]
- procès en adultère de Caroline de Brunswick
- Les Souvenirs du conseiller de la reine Victoria/02
Statistiques[modifier]
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Critiques[modifier]
Mémoires de M. le baron de Pergami, chambellan, chevalier du
Saint-Sépulcre, etc. Traduits d’après le manuscrit italien, par
M. ***. Broch. in-8°. -- Chez Brissot-Thivars, rue Neuve des
Petits-Champs, n.° 22 ; chez Ponthieu, Palais-Royal ; et chez
le Normant.
Voici une des meilleures mystifications qui jamais aient été faites à la foule innombrable des badauds et des amateurs de nouveautés. TM. Pergami (et non pas Bergami) attire en ce moment sur ses larges moustaches l’attention de l’Univers ; mais quelque envie qu’on ait de faire une connoissrance particulière avec un personnage aussi fameux, il faut avouer que la Renommée n’a satisfait jusqu’ici qu’imparfaitement à la curiosité générale. On a, il est vrai des renseignemens assez étendus sur ses relations avec une illustre accusée ; mais on ne sait pas au juste de quel pont il est parti pour arriver jusqu’à elle. M. le baron Pergami ressemble à ces fleuves majestueux, qui ne deviennent célèbres qu’à une grande distance de leur source. C’est à cette source que l’on desire remonter, et ce que l’on brûle surtout de connoitre, ce sont les pays qu’il lui a fallu traverser pour se frayer une route à l’immense renommée qu’il a acquise.
Qui peut mieux savoir ce qui en est que M. Pergami lui-même ? C’est donc à lui d’être son historien, c’est à lui de nous expliquer cette série de métamorphoses étonnantes qui, de simple courrier d’une altesse roya)e, en ont fait successivement un baron, un chambellan un homme chamarré de cordons et de croix et le serviteur favori de l’héritière d’un des premiers trônes du Monde.
Mais s’il n’appartenoit qu’à M. Pergami de nous donner le secret de son élévation imprévue, n’étoit-il pas à craindre que des spéculations mercantiles ne prévinssent l’exercice de ses droits, et n’usurpassent son privilége ? Ne seroit-il pas possible que dans un temps où l’on nous a accoutumés aux romans historiques, on essayât, pour faire la contrepartie, de nous donner une histoire romanesque, et qu’à l’aide même d’un ’’fac simile’’ que personne assurément n’aura envie de confronter à l’original, on séduisit la bonne foi, ou que l’on secondât les calculs avides d’un libraire ? M Brissot Thivars n’est point un trompeur, j’aime a le croire et à le proclamer ; mais si par hasard il avoit été trompé lui-même ? Si quelque bon plaisant avoit surpris sa loyauté, en lui présentant comme autographe une lettre imaginaire et un manuscrit itailien de sa composition ? le tour seroit fort, mais il ne seroit pas mauvais ; la simple annonce d’un ouvrage de ce genre suffit pour en assurer la vente. Les dupes commencent par payer, et quand elles sont nombreuses, l’opération a réussi. C’est un bruit de bourse qui, pour être faux, n’en est pas moins lucratif.
Il faut d’abord se faire une idée juste de ces prétendus Memoires ; leur étendue pourra fixer les idées sur leur authenticité. Qu’on se figure une brochure in-8° de 80 pages, où il y a deux fois plus de papier blanc que de papier barbouillé d’encre. Sur ces 80 pages, il est juste d’en défalquer 25, consacrées à la lettre de la Reine d’Angleterre au Roi, qui a été imprimée dans tous les journaux : ainsi la partie historique est réduite de plus d’un tiers ; car le titre, le fac simile et l’avis à l’éditeur, comptent pour six pages : le reste, imprimé en petit texte, formeroit à peu près la moitié d’un Moniteur. Voilà, pour le matériel, à quoi se réduisent les Mémoires de M. le baron.
Or, cet extrême laconisme d’un homme qui écrit ses aventures, m’est déjà extrêmement suspect. On a tant de choses à dire, quand on parle de soi ! les bagatelles prennent aux yeux de la partie intéressée un tel degré d’importance ! il y a des détails si précieux dans les premières années d’un grand homme qui transmet sa vie à la postérité ! Voyez Cardan, J. J. Rousseau, Desforges et ce Marmontel dont M. Blin vient de nous donner une édition si agréable et si commode ! Les héros de ces annales domestiques ne sont pas à leur quinzième année, et le lecteur a déjà achevé un premier volume bien compact, bien consciencieusement imprimé, cependant Rousseau n’a jamais été le favori que d’une baronne, et Marmontel celui d’une Reine de théâtre. Que seroit-ce donc s’ils eussent été en position d’annoncer les brillans présages qui ont préludé aux destinées de M. Pergami ! ils nous auroient donné dans leurs Mémoires un pendant à l’Encyclopédie.
Tel est mon premier motif de suspicion sur l’origine des Mémoires de M. Pergami. En voici d’autres très propres, suivant moi, à renforcer le premier. Je remarque d’abord le défaut de précision sur les lieux, les dates, et les désignations des personnages. On seroit bien aise de savoir l’âge de M. le baron ; l’année de sa naissance est en blanc, on voudroit acquérir quelques notions sur l’état de ses parens, l’historien se borne à nous dire que les journaux ont discuté en sens divers sur son origine, et qu’il ne se croit pas obligé de rectifier leurs erreurs. Obligé ! non ; mais il semble que le silence sur un point aussi simple, est plutôt l’aveu de l’impuissance d’un pseudonyme, que la dénégation sincère d’un historien véritable ; et quand je lis ensuite cette reflexion niaise et triviale : « Lorsque Jeanne d’Arc sauva son Roi, lui demanda-t-on compte de son obscurité ? » Elle me paroit aussi inexplicable sous la plume de M. Pergami qui n’auroit jamais été chercher ce rapprochement ridicule et bizarre, qu’elle me semble naturelle à un compilateur à gages qui ramasse dans ses souvenirs et dans ses lectures ces lambeaux d’une philosophie banale, sans s’inquiéter de la disparate qu’ils font avec son sujet.
Le romancier (car il faut bien appeler les choses par leur nom) a bien senti que, dans l’intérêt de la cause qu’il embrasse avec ardeur, la difficulté étoit d’expliquer l’origine et les progrès de la faveur de son héros, et de concilier tout cela avec le métier servile que Pergami a d’abord exercé, et qu’il étoit impossible de désavouer. Pergami a été courrier de la princesse de Galles ; il en convient, il en fait gloire ; il est aujourd’hui chambellan, baron, et quelque chose de mieux encore.
- Comment en un or pur le plomb s’est il changé ?
Par quel art s’est opérée cette transmutation chimique ? Voilà ce qu’il falloit dire d’une manière franche, nette, explicite, sans compromettre personne, et sans avoir recours à aucun moyen surnaturel ; car nous sommes dans un siècle de lumières, comme chacun sait, et comme il y paroît, et malgré quelques petits triomphes obscurs de Mlle Lenormand, la science d’une devineresse est un nœud bien foible et bien puéril dans une suite d’aventures aussi graves que celles de M. le baron surtout lorsque le dénoument menace d’en être aussi sérieux et aussi tragique.
C’est cependant tout ce qu’a imaginé de mieux le romancier. Pergami, destiné à l’état ecclésiastique par une mère superstitieuse, devenu officier par un instinct belliqueux qui se révèle tout à coup à lui à l’entrée d’un régiment français dans Milan sa patrie, retombe ensuite dans les idées de son enfance, et va consulter sur ses destins futurs une bohémienne, dont les prédictions sembloient autant d’émanations du Ciel.
- Voici quel fut l’oracle, il doit s’en souvenir :
« Tu t’abaissera pour t’élever ; tu sauveras une grande princesse au péril de tes jours ; l’injustice des hommes te punira de la reconnoissance d’une femme ; ta fortune sèmera la discorde dans un grand empire, et ton nom remplira le monde. »
Cet oracle n’eut de témoin que celui qui est supposé l’avoir entendu ; ce qui n’empêche pas que la prédiction ne soit réelle, et ne soit en même temps, par un rare bonheur, aussi précise, aussi conforme à ce qui est arrivé depuis, que si elle avoit été faite après coup.
Cette prédiction opère dans Pergami un changement qu’il ne peut définir ; il se rend à Turin où une jeune princesse qui est du moins princesse par alliance, faisoit son entrée. Le soir, il se rend au théâtre, il croit toucher à l’époque de l’accomplissement de l’oracle ; mais le moment n’étoit pas arrivé ; il retourne à Milan où se trouvoit alors la princesse de Galles, et, pour accomplir sa destinée, subjugué par le souvenir de ces mots ; Tu t’abaisseras pour t’élever, il fait connoissance avec les gens de la maison, et, par leur crédit, il obtient l’honneur d’être admis dans la livrée.
Pergami courrier de dépêches à l’instar de Figaro ! mais comme le motif annoblit sa vocation ! comme l’espérance ou plutôt la certitude de son élévation en relève l’origine ! Qu’il est noble de sa part de s’abaisser pour obéir à des décrets émanés du Ciel, et qui lui ont été signifiés par la bouche de son irréfragable interprète
La princesse voyage, Pergami l’accompagne ; « Je ne dirai point par quel événement heureux ou funeste j’eus deux fois l’occasion, soit en traversant la Calabre, soit pendant les premiers momens de notre séjour à Naples, de sauver la princesse d’un péril imminent. » Notre séjour est une locution singulière ; mais ce qui l’est bien davantage, c’est la discrétion du narrateur : elle ressemble furieusement à une réticence forcée. Eh pourquoi, mon ami, taire les deux faits les plus essentiels de la cause ? Que peut-il y avoir de mystérieux dans des actes qui se sont passés dans une capitale et sur une grande route et où vous avez eu le bonheur et la gloire de sauver votre maîtresse ? Ne voyez-vous pas qu’un dévouement suivi de résultats aussi utiles légitime les bienfaits dont elle vous a honoré ? Ne voyez-vous pas que, si ce sont ces bienfaits mêmes dont on lui fait un crime aujourd’hui, votre silence devient complice de ses accusateurs ? Et, comme je suis loin de vous supposer cette intention, n’est-il pas évident que, si votre secrétaire ne dit rien, c’est qu’il n’a rien à dire et qu’il lui a été plus facile de supposer deux actions héroïques, que de les spécialiser, d’en indiquer la nature et de les entourer de quelqu’ombre de vraisemblance ? Il sera donc permis jusqu’à la preuve de regarder toute cette partie des Mémoires comme un appendice obligé des prédictions de la siste de courrier ; c’est le Ciei qui a enfanté les dangers qu’a courus la princesse, et qui a donné à Pergami la force d’en triompher. L’un de ces faits est aussi bien établi, ausssi incontestable que l’autre.
J’oubliois cependant un nouveau fait qui prouve bien positivement la réalité du second. La scène se passe à Naples ; celui qui occupoit alors le trône vient rendre visite à la princesse ; c’étoit le soir. Pergami, à qui on n’avoit pas encore payé le prix de ses importans services, étoit placé dans un cabinet voisin de l’appartement de son altesse ; là, le fouet à la main et tout prêt à chausser les grosses bottes, il attendoit les dépêches qui devoient lui être remises. « Au lieu de retourner dans les antichambres, j’eus l’indiscrétion, je l’avoue, de prêter l’oreille pour entendre l’entretien du grand personnage avec la princesse, bientôt elle ne mit plus de bornes à sa confiance, et elle alla jusqu’à lui raconter les deux faits que j’ai cités plus haut, et mon nom fut prononcé. » C’est-là, ce me semble, un témoignage auquel il est difficile de se refuser, et si celui qui l’a reçu n’étoit pas mort, nul doute que, moins discret que notre annaliste, et servant mieux que lui la cause de celle qui lui avoit fait la révélation, il ne s’empressât de révéler sa confidence, et de mettre au grand jour des actions méritoires que l’inexplicable modestie de Pergami, ou l’ignorance absolue de son historien tiennent si traîtreusement ou si malheureusement ensevelies dans l’oubli.
Quoi qu’il en soit, c’est ici que Pergami commence à ressentir les effets un peu tardifs de la reconnoissance de sa maîtresse. Il est appelé pour soigner le jeune Austin qui étoit indisposé, et des fonctions de courrier il est élevé à celles de garde-malade. Il s’acquitta si bien de ce dernier emploi, que depuis ce moment, voulant acquitter à la fois le présent et l’arriéré, la princesse ne cessa de lui donner des marques de son estime et de son intérêt.
La faveur toujours croissante de Pergami, qui justifioit de son mieux la bienveillance de S. A., inspira à une de ses femmes un sentiment plus vif pour le nouveau favori ; on ne sait pas encore s’il étoit baron ou s’il avoit la promesse de le devenir. L’historien qui ne le sait pas probablement plus que son lecteur, a une aversion invincible pour les dates, et en général pour tout ce qui est sujet à vérification. À chaque page on reconnoit la trace d’une main étrangère, incertaine, embarassée ; partout perce la crainte d’être pris en flagrant délit, et de rencontrer des contradictions dans des faits de notoriété publique, dans des dépositions de témoins oculaires. Partout, c’est la maladresse la plus gauche trahissant le mensonge et la mauvaise foi ; l’écrivain quel qu’il soit, a bien plus compté sur le crédule empressement de ses lecteurs que sur leur intelligence.
Notre soubrette est dédaignée par le fier Pergami. On conçoit sa fureur et ses projets de vengeance. C’est ainsi qu’est amenée l’histoire du fameux bal masqué du théâtre Saint-Charles. La femme de chambre, couverte d’un domino parfaitement semblable à celui de la princesse, agace Pergami qui, au premier abord, y est trompée ; bientôt son illusion se dissipe ; et il congédie le beau masque en lui disant avec dignité « C’est assez prolonger la méprise : en prenant les habits de votre maîtresse, vous auriez bien dû en prendre aussi la décence et te ton. » Ce fut là ce qui commença à donner l’éveil à Pergami sur certains bruits qui circuloient déjà et il fut convaincu que l’amour-propre humilié de la demoiselle avoit interprété la froideur avec laquelle ses avances avoient été reçues, d’une manière aussi injurieuse pour la princesse que dangereuse pour lui Pergami. Cependant la femme-de-chambre ne fut pas renvoyée. Pergami dédaigna d’avertir sa maîtresse d’une folie qui auroit pu lui donner de fâcheuses impressions contre elle. Cette réserve de la part d’un serviteur aussi dévoué, me paroit tout aussi vraisemblable que ce qui précède.
L’auguste voyageuse revient à Milan, et c’est dans cette ville qu’elle prend avec elle la sœur de Pergami, et une petite fille nommée Victorine, qui appartenoir de plus près encore à Pergami. De Milan on se rend à Venise. « Un jour Victorine étant dans mes bras sur le passage de la princesse, S. A. détacha de son cou une chaîne d’or qu’elle daigna mettre au cou de mon enfant. » Il étoit important de faire connoître en cet endroit l’âge et la mère de Victorine ; mais ce seroit en demander trop à l’auteur des mémoires. Ici même silence, même obscurité que dans tout le reste du récit.
On s’embarque pour la Grèce, on visite en passant Athènes et Ephèse, les descriptions abondent elles sont partout. On arrive en Syrie. « À peine fûmes-nous descendus sur le rivage, je me prosternai et baisai avec un saint transport la terre de la rédemption. » Je passe sur l’impression qu’éprouve Pergami à l’aspect de la ville et du tombeau sacré. Je le laisse se promener avec S. A. R. sur les bords du Jourdain, et traverser la vallée de Josaphat pour se rendre sur la montagne des Oliviers. Quelque édifiant que soit ce pèlerinage, j’aime mieux montrer le révérendissime Antonio S*** satisfait de la piété de Pergami, et le décorant de l’ordre du Saint-Sépulcre. Je voudrois savoir seulement pourquoi le nom de ce bon religieux se perd ainsi dans les étoiles ; son nom est-il un péché ? seroit-il sorti de la mémoire de son chevalier ? Nullement ; c’est que celui qui tient la plume pour Pergami ne l’a jamais su, et qu’il est dangereux de citer un nom propre. On pourroit être démenti par quelqu’un à qui tout Jérusalem est connu, M. Prévôt, par exemple.
« Lorsque je parus devant la princesse avec cette décoration il lui vint tout à coup à l’idée d’en créer une nouvelle, sous le nom de Sainte-Caroline de Jérusalem. » On se doute bien que Pergami fut le premier qui reçut l’accolade.
Le jour du départ des lieux saints est arrivé ; on se met en marche, et. S. A. fait acheter un âne pour Victorine.
La peinture de cette caravane n’est pas ce qu’il y a de moins comique dans l’ouvrage. « S. A. R., pour se préserver de la chaleur avoit imaginé de partager en deux un pastèque (sorte de melon ou de citrouille du pays) et de s’en couvrir la tête. » Bien en prit à S. A. d’avoir eu recours au pastèque. Le cuisinier, pour avoir négligé cette précaution, devint fou. Un jour, ne voyant point arriver le dîné de S. A., j’allai moi-même m’informer des causes de ce retard, et je trouvai le cuisinier, une broche en arrêt, dansant sur le sable brûlant, et défiant les marmitons au combat, en se proclament le premier chevalier des Croisades. » Voilà du moins des défaits s’ils ne sont pas d’un haut intérêt, s’il n’a pas été difficile de les imaginer, ils sont, dans leur innocence, assez amusans.
Au moment, de quitter la Syrie, Victorine demande à la princesse la permission d’embarquer son âne, et n’a pas de peine à l’obtenir. Pendant la traversée, l’équipage donne une fête… À qui ?… Devinez… Belle question ! À la princesse… Non, à Pergami. Ces marins là ont un singulier sentiment des convenances. Mais Pergami étoit l’organe (il veut dire l’instrument) de sa générosité, c’étoit les bienfaits de la princesse que l’on célébroit dans la personne de celui qu’elle avoit daigné charger de les distribuer.
Enfin, l’on revient à Milan, et l’on se fixe dans une maison de campagne voisine de la ville ; et là se passe la seule aventure qui ait quelque importance, et qui se rapporte directement à la procédure actuelle. Je laisse parler l’historien :
« Un soir que j’étois retiré dans mon appartement, un domestique qui m’étoit particulièrement attaché, me communiqua une lettre qu’il avoit reçue dans ce jour même, et qui lui avoit causé la plus grande surprise, elle étoit conçue en ces termes :
» Si M. G**** A**** veut se donner la peine de passer, seul, demain, à dix heures du soir, dans la rue Saint***, n°29, il s’y trouvera quelqu’un qui lui donnera un avis de ta plus haute importance.
» Certains rapports qui m’étoient parvenus m’ayant appris que plusieurs des gens de la princesse se rendoient souvent, dans la maison indiquée par ce billet, j’eus la curiosité d’apprendre par moi-même le motif qui les y conduisoit. Je recommandai le secret à G**** et prenant un de ses habits, je me rendis au lieu indiqué, et me présentai sous son nom. Là, je fus reçu par un Italien qui m’étoit tout-à-fait inconnu, mais dont la mise et les manières m’otérent les appréhensions que de semblables rendez-vous peuvent faire naître. Aprés m’avoir demandé si j’étois satisfait de mon sort, il me dit qu’il ne dépendoit que de moi d’ajouter à ma fortune, en rendant un service éminent. Desirant savoir de quelle nature étoit le service qu’on attendoit de G****, je n’hésitai pas à tout promettre. Alors l’inconnu, à la suite de plusieurs questions sur la conduite de la princesse et sur le genre de faveur qu’elle accordoit à un certain chambellan ajouta que si je voulois faire des révélations sur ses différens voyages et tenir un journal exact des actions des démarches, des paroles même de S. A., je serois récompensé généreusement et mis à l’abri de toute recherche inquiétante.
» Décidé à me prêter à tout, pour tirer de cette découverte le fruit que je pouvois en attendre dans l’intérêt de S. A., je répondis que je serois fort disposé à rendre le service qu’on me demandoit, mais que je craignois d’être trahi par la surveillance des personnes qui entouroient la princesse, et dont le zèle ne manqueroit pas de me dénoncer près d’elle et de me faire perdre ma place, si elles me soupconnoient de pareilles démarches. J’indiquai les deux personnes que je croyois avoir le plus à redouter et ce ne fut pas sans surprise que je vis l’inconnu sourire à leurs noms : « Tranquilisez-vous, me dit-il ; ces deux personnes sont depuis long temps dans la confidence, et ont déjà reçu plus d’une fois le prix de leurs révélations. C’est par elle que j’ai déjà appris le honteux motif de l’étonnante fortune du courrier Pergami. »
Je ne me permets qu’une réflexion sur une anecdote où les
invraisemblances sont accumulées comme à plaisir je ne demande
pas comment Pergami pouvoit croire qu’on le prendroit
pour M. G*** A*** (toujours des initiales !) parce qu’il auroit sur
le corps l’habit de ce monsieur, ce qui suppose que M. G*** A***
étoit connu de celui qui avoit écrit la lettre. Je livre seulement à
l’attention des lecteurs deux dernières lignes que j’ai soulignées,
et je demande ce qu’auroit pu écrire de plus hostile un
ennemi déclaré de la Reine d’Angleterre.
Je me résume les prétendus Mémoires de Pergami ne disent rien, n’apprennent rien, et ne peuvent être utiles en rien à ceux qui suivent le grand procès avec l’attention qu’il mérite. C’est un leurre grossier présenté par la cupidité à la curiosité imprudente. C.
Orthographe, vocabulaire…[modifier]
- paresn, sentimens, différens, appartemens, instans, rafraîchissemens, descendans, monumens …
- cortége, piége
- azile
- inouie
- grâcieusement
- ta fortune semera la discorde dans un grand empire