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Discussion:Mémorial de Sainte-Hélène (1842)/Tome 1/Chapitre 04

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Passage à la fin.


La lecture d’O’Méara, depuis la première publication du Mémorial m’a fait connaître deux autres circonstances qui coïncident si bien avec mon observation ci-dessus, et confirment si complètement l’idée que je m’étais faite du cœur et de la sensibilité réelle de Napoléon, que je ne puis résister à les transcrire ici.

O’Méara se trouvait chez l’Empereur en conversation tête à tête avec lui. « Tandis que Napoléon parlait, dit-il, ma vue s’est obscurcie ; tous les objets m’ont paru tourner autour de moi, et je suis tombé sans connaissance sur le plancher. Revenu à moi, non, je n’oublierai jamais la sensation que m’a fait éprouver le premier objet offert à ma vue : Napoléon, la figure penchée sur mon visage, me considérant avec l’expression du plus grand-intérêt, de la plus vive anxiété ; d’une main il ouvrait mon col de chemise et de l’autre me faisait respirer du vinaigre des quatre voleurs. – Lorsque vous êtes tombé, m’a-t-il dit, j’ai d’abord cru que votre pied avait glissé ; mais vous voyant demeuré sans mouvement, j’ai craint que ce ne fût une attaque d’apoplexie. Marchand est entré en ce moment, et Napoléon lui a commandé de m’apporter de l’eau de fleur d’oranger, un de ses remèdes favoris. En me voyant tomber, son empressement avait été tel, qu’il avait arraché le cordon de sa sonnette. Il me dit m’avoir relevé, placé sur une chaise, arraché ma cravate, inondé d’eau de Cologne, et me demandait si c’était bien cela qu’il avait dû faire ; et quand je l’ai quitté, il a dit à Marchand, et tout bas pour que je n’entendisse pas, de me suivre, dans la crainte d’un nouvel accident en regagnant ma demeure.

Cypriani, le maître d’hôtel de Longwood, dit ailleurs M. O’Méara, touchait à son dernier moment ; Napoléon, qui l’aimait comme son compatriote et comme lui étant entièrement dévoué, se montrait fort inquiet, et demandait souvent de ses nouvelles. On ne désespérait pas tout à fait ; mais il était d’une faiblesse extrême. La veille de sa mort, Napoléon m’envoya chercher à minuit ; et comme je lui peignais l’état d’immobilité du malade : Mais, me dit-il, si j’allais me montrer au pauvre Cypriani, ma présence ne pourrait-elle pas stimuler en lui la nature qui dort, et l’aider à vaincre la maladie ? Et il tâcha de rendre son opinion plausible en décrivant les effets électriques qu’il avait plus d’une fois produits de la sorte. Je répondis que Cypriani avait encore sa connaissance, et que j’étais persuadé que l’amour et la vénération qu’il avait pour son maître le porteraient, en le voyant, à faire un effort pour se lever sur son séant, et qu’il était à craindre qu’il ne passât dans ce mouvement. – Alors, conclut-il après quelques observations encore, j’y dois renoncer : c’est aux gens de l’art à prononcer là-dessus. »

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