Discussion:Victoire la rouge
Ajouter un sujetÉditions
[modifier]- 1883 : E. Plon-Nourrit et Cie (Paris)
Statistiques
[modifier]- 35 536 mots environ (soit un peu plus de 2 heures de lecture à 250 mots/mn)
Critiques…
[modifier]- Le Rappel 17 juillet 1888 [1]
Nous le recommandons à nos lecteurs.
— Victoire la Rouge, par Georges de Peyrebrune, est un des romans à lire. Par sa vérité d’observation, par la beauté de ses paysages, et surtout par la profonde pitié qu’il fait éprouver pour cette malheureuse et inconsciente fille des champs, ce remarquable roman vous donne une émotion pareille à celle que l’on ressent devant les tableaux de Millet. — À la Librairie illustrée, 7, rue du Croissant.
- La Justice 15 juillet 1888 [2]
Victoire la Rouge, par Georges de Peyrebrune.
Le succès grandit, en ce moment, autour de ce beau livre, publié il y a quelques mois par la Librairie Illustrée de la rue du Croissant.
Lorsque parut Victoire la Rouge, M. Octave Mirbeau écrivit ceci dans les spirituelles Grimaces, qui eurent un si vif retentissement.
Je parle de Victoire la Rouge, par Georges de Peyrebrune. Ce roman d’un talent si âpre et si ému à la fois auquel la critique retenue ailleurs et fort occupée à tresser des couronnes aux niaiseries de MM. X. Y, Z. n’a pas fait l’honneur d’une attention sérieuse. Je voudrais avoir en moi assez de puissance pour venger à moi seul l’auteur de ce livre de l’injustice commise à son égard, car je pense que Victoire la Rouge est un des romans les plus complets qui aient paru depuis longtemps.
Par sa vérité d’observation, par la beauté profonde de ses paysages, par la tendresse et la sensibilité éparses dans ses pages, par la simplicité savante de sa composition et surtout par cette pitié qui entoure cette malheureuse et inconsciente fille des champs d’une auréole de douleurs si humaine, Victoire la Rouge mérite d’être classée parmi les chefs-d’œuvre contemporains. Une émotion vous prend à la lecture de ce livre, pareille à celle que l’on ressent devant les tableaux de Millet… C’est la même compréhension de la nature, la même poésie franche, la même rudesse qui fait courber l’homme sur la terre ingrate, en face des larges horizons embrasés de soleil, ou parmi les claires nuits balayées de lune.
Un tel livre console des inepties et des ordures. Et il faut que ceux qui aiment les lettres le saluent respectueusement comme au sortir d’un bouge on a plaisir à saluer l’honnête femme qui passe.
Ces vigoureuses et sincères appréciations d’Octave Mirbeau se justifient aujourd’hui par la faveur que l’œuvre de Georges de Peyrebrune rencontre, nous le répétons, auprès du public.
- Le Cri du peuple : journal politique quotidien : 15 novembre 1919 [3]
LITTÉRATURE
Musique, Beaux-Arts
Les Romans de
G. de Peyrebrune
En les lisant, tout un monde varié et animé comme le monde et non moins passionnant que lui, toute une vie multiforme et puissante comme la vie et comme elle indéchiffrable, s’évoque en notre imagination heureuse. Parmi les paysages élyséens, verdoyants et ensoleillés, voici passer des couples qui s’enlacent, (jeunes filles et jeunes gens trop prompts à embarquer vers un mirage de bonheur !) et c’est en une vision édénique, toute la fanfare triomphale des cœurs adolescents, c’est tout un paradis et peut-être l’unique paradis, mais si radieux et de félicité telle, que seul, il peut nous consoler, s’il est vrai que l’autre est fictif. Des femmes et des hommes se pressent vers nous avec les gestes mélancoliques de la désillusion et ce sont des âmes qui saignent douloureusement.
D’aigres vociférations — plaintes de paysans, malédictions — troublent, notre songerie, et c’est avec son cortège de lugubres spectacles, la théorie lente des infortunés c’est l’éternelle misère, l’impuissance des codes et des civilisations à supprimer crime, vice et pauvreté. Et c’est enfin la mort, cet aspect énigmatique de la vie universelle. Pour clore sur une note consolante le funèbre concert, c’est le Bien, le Beau, la Science et l’Art, ces victorieuses réponses de l’homme à la Nature, au Destin de la Fatalité. Au premier plan du tableau cosmique, surgit, terme de l’humaine progression, aboutissement suprême de l’espèce, le héros. le demi-dieu qui, au mépris de toute convenance, de tout préjugé, clame, au péril de ses propres jours, son culte de la justice et de la vérité !
Tant que Victoire la Rouge, servante périgourdine, n’a affaire qu’aux bêtes de somme dont son office consiste à surveiller les ébats, elle vit heureuse. Mais à l’instant précis où les alanguissements printaniers conspirent avec l’afflux de la puberté pour troubler sa chair adolescente, un rustre l’initie aux brutalités de l’amour physique. Et le jour de la Fêle-Dieu, en pleine procession, parmi l’hypocrisie hostile des paysans dévots, elle se voit promue, sous les huées, à la dignité de créatrice et de mère. À un pauvre être voué d’avance aux gémonies, elle infligea l’existence dans des conditions identiques à celles qui la lui octroyèrent. Sa honte dissimulée, la malheureuse reprend du service à la ville prochaine. Hélas ! lorsqu’on lui déroba le fruit de sa première faute (il n’en est, paraît-il, de pire que l’abandon sincère et loyal de la femme à l’homme aimé !) que ne lui enleva-t-on du même coup son cœur prompt à s’émouvoir ! Les mêmes aspirations aiguës et vagues continuent de la lanciner ; à trop prêter l’oreille aux chansons qui font rêver d’aller par couples, une tendresse immense l’envahit et ]a douceur d’aimer lui apparaît seule désirable en l’existence. Un officier venu pour festoyer avec les maîtres du logis relance la paysanne jusque dans l’étable où elle s’est assoupie. Cependant qu’il lui prodigue des caresses que l’infortunée paria de l’amour n’a pas la force de repousser, le tragique d’une incompréhensible destinée se révèle à ce cerveau simpliste avec une implacable évidence. Un soir de folie, d’excusable désespoir, à l’orée d’un bois, non loin de la châtaigneraie ombreuse, l’infanticide se perpètre et Victoire aux mains sanglantes, aux cheveux d’incendie, fait route entre deux gendarmes vers la maison centrale. Le troisième chant du poème douloureux se hausse à de shakespeariennes terreurs. Évadée du bagne (sic), la Rouge parcourt en une fuite éperdue la Dordogne aux futaies hautes, aux taillis inhabités ; elle foule d’un pied hâtif ces solitudes verdoyantes qui ont des grâces de forêts inviolées, ces amoureux sentiers qui se perdent sous les ajoncs et les mousses. Des vols d’oiseaux tournoient autour des étangs ; le hurlement des loups, décimeurs de troupeaux, retentit sinistrement. En ce décor, elle marche, terriante, vers quelque repos. À peine se distingue-t-elle de cette terre qu’elle adore. En elle, la matière prend forme, et conscience humaine. On croit voir cheminer toute l’imméritée souffrance des serfs. Un cultivateur misanthrope en fait sa servante-maîtresse et, grâce au labeur inégalé de la proscrite, devient une façon de grand seigneur villageois. L’ayant dûment exploitée, il la renvoie pour épouser une voisine qui a du bien. Alors notre, héroïne refuse de lutter plus longtemps contre l’adversité, et quittant la demeure où sombra son dernier rêve, elle disparaît dans la nuit et son bourreau de s’élancer à sa poursuite. Au petit jour blafard et cruel, la rutilance d’une chevelure se détache sur le miroir d’un étang : c’est le cadavre de l’Ophélie rustique flottant à la surface de l’eau croupissante.
Tel est l’univers réel et idéal que Georges de Peyrebrune a su créer. L’émotion intense qu’il nous procure émane de ce feu central dont il n’est qu’une lave à peine refroidie : l’âme d’un écrivain de race. Ces belles plaines calmes et majestueuses, ces paysages tourmentés aux ciels livides, aux tragiques horizons ne prospèrent que par les alluvions fréquentes d’un fleuve tantôt resserré entre d’étroites digues, tantôt épandant en larges nappes ses ondes de tendresse et de bonté : la sensibilité d’un noble cœur de femme.
Henri CARMELLIN.
- Le Temps 22 novembre 1883 [4]
Bien que Victoire la Rouge soit le six ou septième roman de M. Georges de Peyrebrune, j’avoue que c’est le premier que je lis. Je suis surpris qu’avec le talent qu’il y montre, l’auteur ne soit pas encore de ceux dont les chroniqueurs répètent volontiers le nom. L’histoire en elle-même n’est pas des plus plaisantes : cette Victoire est une enfant trouvée, servante à l’intelligence demi ouverte seulement, qui a, de trois pères différents, trois enfants naturels, sans qu’on puisse dire qu’aucun instinct de débauche la conduise à la faute. Elle met le premier à l’hospice d’où elle est sortie. Elle tue le second, ce qui lui vaut cinq ans de prison ; au troisième, elle se tue elle-même.
L’auteur l’excuse par l’inconscience et par l’acharnement de la misère elle reste intéressante jusqu’au bout ; vous reconnaissez là cette sympathie sentimentale dont notre littérature est prise pour les simples depuis l’avènement du naturalisme. Elle est pleine de vie, cette grosse malheureuse. Le style de ses brutales aventures a quelque brutalité aussi, mais il a du suc et du nerf des truculences voulues le déparent, ce sont là de ces taches qui disparaissent après le succès définitif quand on n’a plus besoin de crier pour appeler l’attention. Il me semble qu’il y a en M. de Peyrebrune l’étoffe d’un écrivain, et je me sens quelque honte à l’avoir ignoré jusqu’ici.
Paul Bourde
- Le Livre : revue mensuelle [5]
ROMANS. – CONTES ET NOUVELLES
Victoire la Rouge, par GEORGES PEYREBRUNE. Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1883. 1 vol. in-18 jésus. – Prix 3 fr. 5o.
Une histoire bestiale, racontée d’une manière bestiale, telle est la sensation que laisse après elle la dernière œuvre de Georges de Peyrebrune, une œuvre où se rencontrent cependant de réelles qualités. Le romancier nous fait assister à toutes les souffrances, à tous les déboires, à toutes les hontes involontaires qui finissent par rouler son héroïne au fond de l’étang où elle trouvera le repos éternel et l’oubli absolu ; certes, il pouvait le faire sans étaler si fréquemment le ventre et les hanches de cette héroïne, sans détailler avec une complaisance aussi évidente les ordures et les sanies qui viennent successivement souiller la malheureuse. Mais non ; la grossièreté voulue ne disparait jamais complètement : on devine que l’auteur a cherché en elle un auxiliaire à effet et a compté sur le goût dépravé du public spécial qui court aux œuvres crues et brutales. Le résultat de cette préoccupation nous donne ce livre qui écœure et répugne, car, le véritable souffle littéraire ne le vivifiant pas, il se noie dans la vase remuée.
- Journal des débats… 23 octobre 1883 [6]
Victoire la rouge, par Georges de Peyrebrune, qui paraît à la librairie Plon, est une œuvre à part. C'est le récit passionné des amours inconscientes que fait germer le grand soleil dans les champs. En même temps, c'est une tentative littéraire, d'une simplicité puissante et d'un intérêt poignant, se recommandant par sa forme toute nouvelle et d'un grand style artistique.
- 1883 : Bibliothèque universelle et Revue suisse [7]
Je voudrais donner au lecteur une idée de ce style bruyant, où les phrases éclatent comme autant de pois fulminants. Le roman a pour titre Victoire la rouge. (Plon.) Dans le passage qu’on va lire, des vendangeuses surprises par la pluie se sont réfugiées dans une cabane et y ont allumé du feu.
La flamme crépitait avec une montée d’étincelles. Cela faisait se dégourdir les filles qui ne se gênaient point à sécher, comme elles pouvaient, toutes leurs guenilles ruisselantes, qu’elles tordaient à pleins poings. Puis, dans ces vapeurs et ces senteurs de bête humaine, chaude et mouillée, le goûter circulait. C’était une craquetée de dents blanches dans la mastication lente et à bouche ouverte du paysan du midi. On parlait quand même et de grands rires s’étranglaient au travers. »
Voilà le style à la mode du jour, même pour les dames.
Vocabulaire, orthographe…
[modifier]- chimaillait, endormement, roide,
- rhythme
- siége, cortége
- grand’messe, grand’chose, grand’mère
- au dehors
- gourmande, qu’elle avait chippé, en trôlant vers la cheminée
- Jamais personne ne lui avait encore dit le plus petit mot d’amité
- La sonnette de l’enfant de chœur tintinabulait,
- … les rebiffades et les insolences.
- Victoire fanait, retournant à grande fourchée
- Sa paillole sur la tête, les bras nus et roux
- l’allure rhythmée de la vache paresseuse,
- Victoire ligottait sur un banc, contre un mur, un porc qu’elle allait saigner.
- il jura et s’en fut la querir, le pas colère
- À ce moment, dans les bois proches où les loups rôdaient, un hurlument formidable éclata.
Fières de lettres
[modifier]Georges de Peyrebrune, femme de lettres et du peuple. Hektor (d) 1 février 2021 à 11:10 (UTC)