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Discussion Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/231

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L’Empereur m’a fait descendre de bonne heure chez lui. Il s’est mis à lire la Nouvelle Héloïse, s’arrêtant souvent sur l’art et la force des raisonnements, le charme du style et des expressions ; il a lu plus de deux heures. Durant le déjeuner, l’ouvrage demeura le sujet de la conversation.

Jean-Jacques avait chargé son sujet, disait l’Empereur ; il avait peint la frénésie ; l’amour devait être un plaisir et non pas un tourment. Moi j’affirmais qu’il n’y avait rien dans Jean-Jacques qu’un homme n’ait pu sentir, et que le tourment même dont parlait l’Empereur était un bonheur. « Je vois, me disait-il en riant, que vous avez donné dans le romanesque. »

L’Empereur a repris la lecture après le déjeuner. Cependant, à mesure que nous avancions, il s’arrêtait de temps à autre ; la magie l’atteignait à son tour. Il finit par laisser le livre, et nous avons pris la route du jardin. « En effet, disait-il chemin faisant, cet ouvrage a du feu, il remue, il inquiète. » Le sujet a été traité à fond ; nous avons débité beaucoup de verbiage, à la suite duquel il a conclu que l’amour parfait était le bonheur idéal, que tous deux étaient aussi aériens l’un que l’autre, aussi fugitifs, aussi mystérieux, aussi inexplicables, et que l’amour, du reste, devait être l’occupation de l’homme oisif, la distraction du guerrier, l’écueil du souverain.

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