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Discussion utilisateur:Zyephyrus/Février 2014/Hippocrate

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Extraits

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DE L'USAGE DES LIQUIDES.

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(De l'eau) Eau potable, eau salée, eau de mer. L'eau potable est la meilleure dans l'officine du médecin, car elle est excellente pour les instruments en fer et en airain, et de l'usage le plus ordinaire pour la plupart des médicaments conservés. Quant au corps, Il faut savoir qu'elle n'est utile ou nuisible qu'en humectant, qu'en refroidissant, qu'en échauffant, et qu'elle n'a aucune autre vertu. Là où il est besoin de peu d'eau douce, On se sert d'une éponge; cet emploi est ce qu'il y a de mieux pour les yeux et pour les excoriations de la peau elle-même. Avec l'eau chaude on pratique des affusions et des bains de vapeur, soit pour le corps entier, soit pour une partie : amollissement de la peau endurcie; assouplissement de la peau tendue, relâchement des nerfs contractés, dégorgement des chairs humides, diaphorèse ; humecter, nettoyer en lavant, par exemple les narines, la Vessie, les gaz, donner de la chair, mettre en bon point, faire fondre, atténuer, ramener la coloration, dissiper la coloration. En affusion sur la tête et sur d'autres parties, elle procure le sommeil, elle mitigé les spasmes et les tétanos (Aph. V, 22), elle assoupit les douleurs des oreilles, des yeux, et autres semblables. Échauffer ce qui est froid, par exemple avec la poix dans les plaies (Des Fract., § 26, t. III, p. 502), excepté les plaies qui donnent du sang ou qui vont en donner (Aph. v, 19), dans les fractures» dans les luxations et dans tous les autres cas où le médecin emploie les bandes, ainsi que dans la pesanteur de tête. Ce qui convient dans chaque cas, ni plus, ni moins, nous savons le discerner, par exemple dans l'application du chaud au corps, par l'excès en l'un ou l'autre sens ; et, pour ne pas faire de faute d'un côté ou de l'autre, on doit considérer le mal produit ou, comme dans l'usage de l'eau tiède, le bien manqué. Dans les choses qui peuvent nuire ou servir, il faut d'un côté rester en deçà du dommage, de l'autre aller jusqu'à l'utilité. L'humectation a peu de force, mais le refroidissement par l'eau froide en a beaucoup, ainsi que réchauffement par l'eau chaude, autant que réchauffement donné par le soleil; l'eau froide, à la température de la boisson, n'a pas d'efficacité. L'eau chaude ne doit pas aller jusqu'à brûler; le malade en est le juge, excepté dans les cas de perte de la parole, de paralysie, de coma, ou dans les plaies soit frappées de froid soit excessivement douloureuses; alors la sensibilité est éteinte, et vous broieriez sans vous en apercevoir. Même remarque pour les luxations profondes et les luxations considérables. Il est plus d'une fois arrivé que des pieds gelés se sont détachés à la suite d'affusions d'eau chaude. Dans tous ces cas celui qui fait les affusions juge la température par ses propres sensations. Il en est de même pour le froid. Chacun de ces agents en petite quantité a peu d'action, en grande quantité en a beaucoup. Persévérer jusqu'à ce que soit produite l'action proposée; s'arrêter avant d'atteindre l'extrémité. L'un et l'antre agents ont des inconvénients. Le chaud cause à ceux qui en usent fréquemment les accidents suivants : ramollissement des chairs, l'impotence des parties nerveuses, l'engourdissement de l'intelligence, les hémorragies, les lipothymies, et cela jusqu'à la mort (Aph. v, 16) ; le froid, les spasmes, les tétanos, les noirceurs (gangrènes)> les frissons fébriles (Aph. v, 17). L'usage modéré se déduit de ces données. Au reste, les inconvénients et les avantages se manifestent par des sensations agréables et de bien-être, désagréables et de mal-être, sensations qui se montrent en rapport avec chaque emploi de ces agents.

(De l'application du chaud et du froid suivant les parties et les lésions.) Quant au corps en santé, ce qui en est d'ordinaire à l'abri, étant inhabitué au froid, et se trouvant le plus loin de la chaleur intérieure, le plus près du froid extérieur, aime pour cette raison le chaud, et peut le supporter. L'encéphale et ses dépendances Se déplaisent du froid et se plaisent au chaud j en effet, il est de froide et solide nature, et éloigné de la chaleur intérieure, ainsi que la plupart de ses dépendances. Les os, les dents, les nerfs ont le froid pour ennemi, le chaud pour ami ; car de ces parties proviennent des spasmes, des tétanos, des frissons fébriles, que le froid engendre, que le chaud arrête. Pour cette raison, dans les parties génitales le chaud cause des sensations agréables et des protocations, le froid des sensations désagréables et des répulsions. Pour cette raison, les lombes, la poitrine, le dos, les hypochondres souffrent plus du froid, mais se plaisent au chaud et le peuvent supporter. Pour cette raison, les lombes, le dos, la poitrine, les hypochondres offrent des affections opposées, parce qu'ils sont de conditions opposées. Pour cette raison, en ce lieu (à l'estomac) (voy. not. 11), le chaud provoque, chez ceux qui en usent de cette façon, des nausées, que le froid fait cesser ; pour cette raison les boissons froides lui plaisent, pour cette raison les aliments chauds lui plaisent. Pour cette raison, dans les lipothymies, l'eau froide en affusion sur les extrémités est utile. Ce qui est dit ci-dessus est cause que les parties postérieures supportent le chaud mieux que les parties antérieures, et aussi que les parties exposées au froid supportent bien le chaud ; en effet les extrémités sont des parties platées en avant et d'ordinaire non couvertes. De même le dedans supporte mieux le chaud que le dehors. Il faut se souvenir aussi que le froid ou le chaud appliqué aux parties antérieures ou postérieures du corps triomphe de la température de la peau extérieure, attendu que la peau est continue à elle-même et aux nerfs sanguins (veines). Étant en dehors de la chaleur intérieure, et placée dans le froid extérieur, elle est souvent dominée par le chaud ou le froid, a souvent besoin de l'un ou de l'autre, mais plus souvent recherche le chaud à cause de la sensation agréable. Les extrémités sont soumises aussi à cette condition d'obéir promptement à plusieurs influences ; d'abord elles se gonflent lentement, et cela se voit aux veines qui se montrent les premières et les dernières ; ainsi se passent visiblement les choses et là où les extrémités se refroidissent, et là où elles se réchauffent, dans les évacuations, dans les lipothymies, et ainsi de suite ; naturellement donc les veines sont les premières, ce qui en dépend suit, et d'abord le chaud échauffe le dedans des mains par exemple. Les plaies aiment le chaud- naturellement, car elles sont d'ordinaire à l'abri; naturellement aussi elles souffrent du froid; naturellement les veines mêmes, parce qu'elles sont en lieu chaud; naturellement la poitrine même et le ventre même pénétrés par le froid s'irritent le plus et causent des accidents mortels, parce qu'ils y sont le plus inhabitués; mais éprouver une telle souffrance est ce qu'il y a de plus éloigné ; car le besoin du froid est ce qu'il y a de plus voisin ; naturellement donc les boissons froides plaisent. De la sorte tous ces phénomènes sont en rapport. Toutes les excoriations et les brûlures superficielles, qui ne sont guère habituées à un abri, s'irritent particulièrement du froid; cela est naturel, car le froid les pénètre très-promptement ; et les parties les plus profondes, si elles venaient à être pénétrées, souffriraient le plus ; en outre il y a là participation à la nature nerveuse. Comme l'hypogastre paraît se plaire au chaud, il faut faire attention à cette région, qui participe aussi à la nature nerveuse; de même pour les extrémités, la vessie, l'utérus, et les parties génitales qui sont à découvert, en effet ces parties sont naturellement plus froides qu'on ne se l'imagine, 1# chaleur se portant en haut et non en Las ; c'est pour cela que le chaud y est agréable. Il faut remarquer qu'après le chaud le corps raréfié se refroidit davantage, et que, condensé, après le froid, il se réchauffe davantage, comme les eaux qu'il faut refroidir ou réchauffer à cause de leur légèreté. Il faut remarquer qu'après le chaud le corps séché se durcit davantage, comme les yeux après le froid ; car le corps est conforme au milieu extérieur, et les yeux ne le sont pas.

(De l'eau de mer.) L'eau de mer s'emploie dans les affections prurigineuses et mordicantes ; chaude en bain et en fomentation ; aux personnes qui n'en ont pas l'habitude on fait quelque onction grasse. Elle ne vaut rien pour les plaies résultant de brûlure, pour les excoriations et autres semblables y mais elle convient aux plaies mondifiées et a la vertu de bien dégonfler ; voyez en effet les plaies des pécheurs ; elles ne suppurent même pas, à moins qu'on n'y touche. On s'en sert aussi pour les pièces d'appareil appliquées sur la peau (voy. De l'officine du médecin, § ii, t. III, p. 306, n. 3). Elle borne et fait cesser les affections rongeantes ; même propriété appartient au sel, à la saumure et au nitre. De toutes ces substances l'usage à petite dose est irritant ; à dose supérieure est avantageux. D'ordinaire il vaut mieux s'en servir à une température chaude.

(Du vinaigre.) Le vinaigre, pour la peau et les articulations, a des effets voisins de ceux de l'eau de mer, et il est plus efficace en affusion et en vapeur ; il confient aux plaies récentes, aux thrombus, aux cas où il y a noirceur des parties génitales, ardeur des oreilles ou des dents ; on remploie chaud dans ces circonstances et dans les autres ; on consulte aussi la saison. Sel qu'on y fait fondre ; pour toutes les affections, lichens, lèpres, alphos, il exerce, épaissi au soleil, une action réprimante, surtout pour les ongles lépreux (voy. note 3), car il en triomphe avec le temps; il amollit les myrmécies (voy. note 4), et guérit les saletés dans les oreilles ; il assouplit aussi la peau, et aurait beaucoup d'autres usages s'il ne nuisait par son odeur, surtout aux femmes. On pourrait encore l'employer dans la goutte s'il n'entamait pas la peau. La lie de vinaigre exerce les mêmes actions. (Du vin.) Le vin doux employé avec persévérance suffit pour les plaies de longue durée ; on s'en sert aussi pour administrer les médicaments évacuants. Le vin astringent, blanc ou noir, s'emploie froid pour les plaies, froid à cause de la chaleur. Règles de l'application : pour exercer une action réfrigérante, soit en affusion, soit en injection, soit en bain, on emploie le vin à la température de l'eau la plus froide. Pour exercer une action astringente, on emploie le vin noir, avec lequel on imbibe les lainages, de même qu'on en arrose la plupart du temps les feuilles de poirée (beta vulgaris L.) ou les bandes (voy. Des Artic. § 63). Si l'on se sert de substances quelque peu astringentes comme les feuilles de lierre (hedera hélix L.), on#emploie le vin blanc, ainsi que pour les végétaux plus astringents ou plus secs, tels que le ciste (cistus villosus ou salvifolius), la ronce (rubus fruticosus L.), le sumac (rhus cortaría L.), la sauge (salifia officinale L.), ainsi que pour les cas où l'on a besoin d'émollients, par exemple avec la farine cuite.

(De l'emploi du froid et du chaud.) Le froid est avantageux dans les éruptions rouges, telles qu'il en survient çà et là de larges (Aph. vi, 9; Ép. vi, 2, 15), telles qu'en présentent les personnes qui ont la rate volumineuse (comp. Ép. iv, 37), rouges chez les individus en bon point et bien nourris, d'un rouge obscur chez les individus noirs ; il l'est dans les éruptions arrondies qu'on nomme setboliques, dans celles qui se développent sous l'action même du bain chaud, dans celles qui viennent chez les femmes par la rétrocession des menstrues à l'intérieur, dans celles qui naissent de l'irritation de la peau par des vêtements rudes qu'on n'a pas l'habitude de porter, par un flux de sueur, ou parce qu'on s'est mis soudainement, en venant du froid, auprès du feu ou dans un bain chaud (remarquez que, si vous tardez à vous approcher du feu ou à prendre le bain, il ne se produit plus d'éruption). Mais pour ce qui est déterminé par le froid ou pour ce qui prend une apparence rugueuse en forme de millet, puis s'exulcère, le froid y est mauvais, le chaud y est bon. Des affections sont soulagées aussi bien par le froid que par le chaud : les gonflements dans les articulations, la goutte sans ulcération, la plupart des ruptures sont amendées par d'abondantes affusions d'eau froide qui diminuent la tuméfaction et engourdissent la douleur ; or, un engourdissement modéré fait cesser la douleur (Aph. v, 25); mais le chaud aussi atténue et assouplit. Aux affections goutteuses, aux atomes, aux tétanos, aux spasmes, le froid et le chaud ; aux contractions, aux tremblements, aux paralysies, le froid et le chaud ; aux relâchements, aux engourdissements, aux pertes de la parole, le froid et le chaud ; les suppressions inférieures (v. note 5), mais user de précaution dans le traitement j>ar le froid ; or, on traite plus par le froid que par le chaud. Quant aux articulations devenues roides soit par une inflammation qui s'y sera développée, soit par une ankylose, il est très-avantageux d'attacher le bras à un vase rempli de quelque chose de chaud. Et pour les yeux, on calme l'action du larmoiement avec une onction ; les corps gras servent de protection contre les substances acres, empêchant l'humeur salée de toucher les partie» ; pour les ulcérations de l'œil, laver et remplir, ramenant la partie à l'état naturel. Le chaud est bon. pour les yeux, pour les douleurs, pour les abcès, pour les larmoiements corrosifs, pour tout ce qui est sec. Le froid est bon pour ce qui est sans douleur et très-rouge (Aph. v, 23); mais chez ceux qui vivent sous son influence, il produit des engorgements dans les veines, des scrofules, des tubercules dans la poitrine et autres duretés (Ép. vi, 3, 6); il ne convient guère au siège, à l'utérus, ni è ceux qui dans le froid urinent du sang. Le froid est mordant pour les plaies, il durcit la peau tout autour, il cause des douleurs non suppuratives, il rend livide, il noircit, il produit des frissons fébriles, des spasmes, des tétanos (Aph. v, 20). Il est cependant des cas où, dans un tétanos sans plaie, chez un jeune homme bien en chair, au milieu de l'été, une abondante affusion d'eau froide rappelle la chaleur; or, la chaleur dissipe les affections de ce genre (Aph. v, 21), ainsi que, pour la tête, les pesanteurs. La chaleur est suppurative dans les plaies, mais non dans toutes, et fournit, quand elle l'est, un signe très-important de salut ; elle ramollit la peau, l'amincit, amortit la douleur, calme les frissons, les spasmes, les tétanos, et, quant à la tête, dissipe les pesanteurs ; elle est particulièrement utile dans les fractures des os, surtout quand ils sont dénudés, et encore davantage pour ceux de la tête, dans les plaies faites à dessein ou accidentellement; elle l'est dans tout ce qui, par le froid, se mortifie ou s'ulcère ; elle l'est aussi pour les plaies artificielles et accidentelles, pour les excoriations, les herpès rongeants, les parties gangrenées dans les maladies, l'ouïe, le siège, la matrice ; à tout cela la chaleur est amie et décide les crises, le froid est ennemi et mortel (Aph. v, 22), excepte dans les cas où l'on s'attend à une hémorragie (Aph. v, 19 et 23).

(Résumé.) Ainsi affusion des liquides, onction avec les substances onctueuses, application de feuilles ou de bandes, cataplasmes, dans les cas amendés ou empires par le froid ou le chaud.

FIN DU TRAITE DE L'USAGE DES LIQUIDES.

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DE LA MALADIE SACRÉE.

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Voici ce qu'il en est de la maladie dite sacrée : elle ne me paraît avoir rien de plus divin ni de plus sacré que les autres, mais la nature et la source en sont les mêmes que pour les autres maladies. Sans doute c'est grâce à l'inexpérience et au merveilleux qu'on en a regardé la nature et la cause comme quelque chose de divin ; en effet elle ne ressemble en rien aux autres affections. Mais si l'impuissance où l'on est de s'en faire une idée lui conserve un caractère divin, d'autre part ce caractère lui est enlevé par la facilité d'employer le traitement que les gens mettent en œuvre, traitement qui consiste en purifications et en incantations. Veut-on la supposer divine à cause du merveilleux qu'elle présente? mais alors il y aura beaucoup de maladies sacrées et non une seule; car je montrerai que d'autres maladies, que personne ne considère comme sacrées, ne sont ni moins merveilleuses ni moins effrayantes. En effet, d'un côté, les fièvres quotidiennes, tierces et quartes ne me paraissent aucunement moins sacrées ni moins dues à la divinité que cette maladie, et cependant personne ne s'en émerveille; d'un autre côté, je vois des hommes saisis de transport et de délire sans aucune cause manifeste faire une foule d'actes insensés; j'en vois beaucoup qui dans le sommeil poussent des gémissements et des cris, qui sont suffoqués, qui s'élancent, fuient au dehors et délirent jusqu'à ce qu'ils soient réveillés ; puis les voilà sains et raisonnables comme auparavant, restant néanmoins pâles et faibles, et cela, non pas une fois, mais plusieurs. Je pourrais citer encore des cas de ce genre nombreux et variés; mais ce serait trop allonger le discours que d'entrer, pour chacun, dans le détail. Ceux qui, les premiers, ont sanctifié cette maladie, furent à mon avis ce que sont aujourd'hui les mages, les expiateurs, les charlatans, les imposteurs, tous gens qui prennent des semblants de piété et de science supérieure. Jetant donc la divinité comme un manteau et un prétexte qui abritassent leur impuissance à procurer chose qui fût utile, ces gens, afin que leur ignorance ne devînt pas manifeste, prétendirent que cette maladie était sacrée. A l'aide de raisonnements appropriés, ils arrangèrent un traitement où tout était sûr pour eux, prescrivant des expiations et des incantations, défendant les bains et divers aliments peu convenables à des malades : en fait de poissons de mer, le mulet, le mélanurus, le muge, l'anguille (ces poissons sont en effet ceux qui incommodent le plus) ; en fait de viandes, celles de chèvre, de cerf, de cochon de lait, de chien (ces viandes sont en effet celles qui dérangent le plus le ventre); en fait d'oiseaux, le coq, la tourterelle, l'outarde, et, en général, tous les oiseaux dont la viande passe pour être très substantielle; en fait de légumes verts, la menthe, l'ail, l'oignon (en effet ce qui est âcre ne convient pas à un malade); voulant qu'on ne porte pas un vêtement noir (le noir est mortel), qu'on ne couche pas sur une peau de chèvre et qu'en n'en porte pas, qu'on ne mette pas un pied sur l'autre, une main sur l'autre (tout cela forme autant d'empêchements). Ces observances, ils les imposent en vue du caractère divin du mal, se donnant l'air d'en savoir plus que les autres et alléguant diverses causes, afin que, si le malade guérit, la gloire en revienne à leur habileté, et que, s'il meurt, ils aient des apologies toutes prêtes, et puissent détourner d'eux la responsabilité du malheur et la jeter sur les dieux; car ni aliments qu'ils aient donnés à manger, ni médicaments qu'ils aient fait boire, ni bains où ils aient cuit les patients, n'en peuvent être accusés. Pour moi je pense que, parmi les Libyens habitant l'intérieur des terres, nul ne se porte bien, vu qu'ils couchent sur des peaux de chèvres et se nourrissent de viande de chèvre, n'ayant ni couchette, ni couverture, ni chaussure qui ne vienne pas de cet animal. En effet leur bétail consiste uniquement en chèvres et en bœuf. Si employer ces choses et s'en nourrir engendre et accroît la maladie, et n'en pas manger la guérit, la divinité n'y est pour rien, les expiations sont complètement inutiles; ce sont les aliments qui guérissent et qui nuisent, la puissance divine disparaît. Donc, à mon avis, ceux qui entreprennent la cure de telles maladies par de tels moyens ne considèrent ces affections ni comme sacrées ni comme divines. Car lorsque des maladies se déplacent par l'influence des expiations et d'un traitement de cette sorte, qui empêche que par d'autres pratiques analogues on ne les appelle et fasse tomber sur les hommes? A ce point, la cause n'est plus divine et elle est tout humaine. Celui qui, par des purifications et de la magie, a le pouvoir de chasser une telle affection, celui-là est en état, par des procédés différents, de la provoquer; et une telle argumentation supprime, sans plus, l'intervention divine. Avec ces discours et ces artifices ils se donnent pour posséder un savoir supérieur, et trompent le monde en prescrivant des expiations et des purifications; car ils ne parlent guère que de l'influence des dieux et des démons. Dans leur opinion de tels discours vont à la piété; mais, dans la mienne, ils vont bien plutôt à l'impiété, et nient l'existence des dieux ; ce qui, d'après ces gens, est religieux et divin, est, comme je vais le faire voir, irréligieux et impie. En effet ils prétendent savoir les moyens de faire descendre la lune, d'éclipser le soleil, de provoquer l'orage et le beau temps, la pluie et la sécheresse, de rendre la terre et la mer infécondes, et tant d'autres merveilles. Quelle que soit la cause, soit rites, soit toute autre connaissance ou pratique, dont les gens de ce métier disent tenir leur pouvoir, ils ne m'en paraissent pas moins être dans l'impiété et ne pas croire qu'il y ait des dieux, ou, le croyant, penser que ces dieux sont sans force et dans l'impuissance d'empêcher aucune de ces merveilles suprêmes qu'ils promettent. Or, exécutant de pareilles merveilles, comment ne seraient-ils pas redoutables aux dieux mêmes? Si un homme, par des arts magiques et des sacrifices, fait descendre la lune, éclipse le soleil, provoque le calme ou l'orage, je ne vois là rien qui soit divin ; bien au contraire, tout est humain, car la puissance divine est surmontée et asservie par l'intelligence d'un homme. Sans doute il n'en est pas ainsi ; mais des gens pressés par le besoin s'ingénient de mille manières et ont les imaginations les plus diverses pour la maladie dont il s'agit comme pour tout le reste, attribuant, pour chaque forme de l'affection, la cause à un dieu. Car ils rappellent ces idées non pas une fois mais cent : si le malade imite le bêlement de la chèvre, s'il grince des dents, s'il a des convulsions du côté droit, ils disent que la Mère des dieux est la cause du mal. Pousse-t-il des cris plus aigus et plus forts? ils le comparent à un cheval et accusent Neptune. Si quelque peu d'excrément est rendu (ce qui arrive souvent par les efforts que fait faire la maladie), le surnom est la déesse Enodie. Si ces excréments sont plus ténus et plus fréquents comme chez les oiseaux, le surnom est Apollon Nomius. Avec l'écume à la bouche et des battements de pieds, c'est Mars qui est inculpé. Quand, la nuit, surviennent des peurs, des terreurs, des délires, des sauts hors du lit, des visions effrayantes, des fuites hors de la maison, ce sont, disent-ils, des assauts d'Hécate, des irruptions des Héros. Alors ils emploient les purifications et les incantations, faisant, à mon sens, de la divinité ce qu'il y a de moins saint et de moins divin ; car ils purifient les personnes atteintes de la maladie avec du sang et autres choses de ce genre, comme si c'étaient gens ayant quelque souillure, des scélérats, des individus frappés d'un charme, ou ayant commis quelque action sacrilège. Loin de là, il faudrait employer des pratiques contraires, sacrifier, prier, et, allant dans les temples, implorer les dieux; mais ils n'ont recours à rien de tout cela, et n'emploient que les purifications. Quant aux objets purifiants, ils les cachent dans la terre, ils les jettent dans la mer, ils les transportent dans les montagnes, là où personne n'y touchera, ni ne marchera dessus. Mais il faudrait porter ces objets dans les temples et en faire offrande à la divinité, si tant est que la divinité soit en cause. Pour moi, je pense que le corps de l'homme n'est pas souillé par la divinité, ce qu'il y a de plus frêle par ce qu'il y a de plus pur. Mais s'il arrive que ce corps reçoive, d'autre part, souillure ou souffrance, il sera sans doute nettoyé et purifié par le dieu loin d'être souillé. C'est donc la divinité qui nettoie et purifie les plus grandes et les plus impies de nos fautes, c'est elle qui nous lave; nous-mêmes nous traçons autour des temples des dieux et de leurs enceintes des limites que personne ne doit franchir s'il n'est en état de pureté; et, les franchissant, nous faisons des ablutions, non pas comme recevant quelque souillure, mais comme nous purifiant de toute tache si nous en apportons quelqu'une. Voilà quelle est mon opinion sur les expiations.

Quant à la maladie dont il s'agit ici, elle ne me paraît pas plus divine que le reste, mais elle a la nature qu'ont les autres maladies, et la cause dont chacune dérive. Cela (la nature et la cause) est le divin d'où provient tout le reste. Elle est curable, et elle ne l'est pas moins que les autres affections, pourvu qu'un long temps ne l'ait point enracinée de manière à la rendre plus forte que les remèdes administrés. Elle naît, comme les autres maladies, par hérédité ; si, en effet, d'un phlegmatique naît un phlegmatique, d'un bilieux un bilieux, d'un phthisique un phthisique, d'un individu à rate malade un individu à rate malade, où est l'obstacle que la maladie dont le père ou la mère a été affecté n'affecte aussi quelqu'un des enfants? car le sperme, venant de toutes les parties du corps, vient sain des parties saines, malade des parties malades. Une autre grande preuve que cette affection n'est en rien plus divine que le reste, c'est qu'elle survient naturellement chez les phlegmatiques et n'attaque pas les bilieux; cependant, si elle était plus divine que les autres, il faudrait qu'elle attaquât indistinctement tous les tempéraments et qu'elle ne fit acception ni de bilieux ni de phlegmatiques. La vérité est que le cerveau est l'origine de cette affection comme de toutes les autres très grandes maladies; de quelle façon et par quelle cause? je vais l'expliquer clairement. Le cerveau est double chez l'homme comme chez tous les autres animaux; le milieu en est cloisonné par une membrane mince. Aussi la souffrance ne se fait-elle pas toujours sentir dans le même point de la tête, mais elle est tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et quelquefois aussi partout. Des veines y arrivent de tout le corps, nombreuses et menues, mais deux grosses, l'une du foie, l'autre de la rate. Celle du foie se comporte ainsi : une certaine partie de la veine descend à droite le long du rein et des lombes jusqu'au dedans de la cuisse et arrive au pied, on la nomme veine cave; l'autre portion marche en haut à travers le diaphragme droit et le poumon, elle donne une branche au cœur et au bras droit, le reste monte par la clavicule à la droite du cou sous la peau même, où elle est visible. Près de l'oreille elle se cache et là se divise : la portion la plus grosse, la plus grande et la plus creuse se termine dans le cerveau; l'autre portion se rend d'une part dans l'oreille droite (et ce n'est qu'une veine menue), d'autre part dans l'œil droit, d'autre part enfin dans la narine. Telle est la disposition des veines provenant du foie. Quant à celle de la rate, elle se distribue à gauche en bas et en haut comme celle du foie; elle est plus menue et plus faible.

Par ces veines nous attirons la plus grande partie de l'air; car ce sont pour nous des soupiraux du corps qui aspirent l'air. Elles le distribuent partout à l'aide des petites veines; puis elles l'exhalent, ayant ainsi procuré le rafraîchissement. Car le souffle ne peut rester en place, mais il va en haut: et en bas ; en effet, s'il s'arrête en quelque point et y est intercepté, la partie où il s'arrête devient incapable de se mouvoir. En voici la preuve : quand, assis ou couché, des veines sont tellement comprimées que l'air ne puisse y passer, il survient aussitôt un engourdissement. Telle est la condition des veines et du reste.

La maladie dont il s'agit attaque les phlegmatiques et non les bilieux; le germe en commence chez l'embryon encore enfermé dans l'utérus. En effet, le cerveau, comme les autres parties avant la naissance, se purge et a une efflorescence. Par cette purgation, si elle s'opère bien et dans une juste mesure, et qu'il ne s'écoule rien de trop ni rien de trop peu, l'individu aura la tète la plus saine. Mais si l'écoulement de tout le cerveau est trop abondant et qu'il y ait une fonte considérable, il aura, grandissant, la tète malsaine, pleine de bruit, et ne pourra supporter ni le soleil, ni le froid. Si l'écoulement provient d'une seule partie, de l'œil par exemple, ou de l'oreille, ou si quelque veine s'est contractée, cette partie est lésée en proportion de la fonte qui a eu lieu. Enfin si la purgation ne s'est pas opérée, et qu'il y ait eu concentration dans le cerveau, le sujet sera nécessairement pituiteux. Ceux qui, dans leur enfance, ont des éruptions à la tête, aux oreilles et au reste du corps, et sont affectés d'écoulements salivaire et nasal, ceux-là se portent le mieux à mesure qu'ils avancent en âge; car de cette façon se décharge et se purge le phlegme dont l'économie aurait dû se débarrasser dans l'utérus. Ainsi purifiés, ils ne sont guère exposés à cette affection; mais ceux dont le corps est net, et qui n'ont ni ulcération, ni flux muqueux, ni flux salivaire, sans avoir, dans la matrice, passé par la purification préalable, sont dans le danger d'être ainsi affectés.

Si le flux prend sa marche vers le cœur, il survient des palpitations, de la dyspnée, la poitrine s'altère, quelques-uns même deviennent bossus. En effet la pituite froide, descendant sur le poumon ou sur le cœur, refroidit le sang; les veines, saisies violemment par ce refroidissement, battent contre le poumon et le cœur, le cœur palpite et il en résulte nécessairement la gène de la respiration et l'orthopnée, car le patient ne reçoit pas le souffle autant qu'il le veut, tant que le phlegme affluant n'a pas été surmonté, échauffé et dispersé dans les veines. Alors cessent les palpitations et la dyspnée, et elles cessent dans la mesure de la quantité du flux, c'est-à-dire plus lentement si le flux est plus considérable, plus vite s'il est moindre. De la même façon, des flux qui se répètent fréquemment produisent des accès fréquents; éloignés, des accès éloignés. Voilà ce qui se passe quand le flux va sur le poumon et sur le cœur. Mais s'il se rend dans le ventre, c'est la diarrhée qui survient.

Le flux est-il au contraire coupé de ces voies, et pénètre-t-il dans les veines que j'ai indiquées plus haut? le sujet perd la voix et étouffe, l'écume lui sort de la bouche, il grince des dents, les mains se tordent, les yeux divergent, toute connaissance est perdue, quelquefois même il y a sortie des excréments. De tels accidents se manifestent tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt des deux côtés. Je vais expliquer comment chacun de ces accidents survient. Le sujet perd la voix parce que le phlegme, descendant tout à coup dans les veines, intercepte l'air, qui n'est plus reçu ni dans le cerveau, ni dans les veines caves, ni dans les cavités, la respiration étant interceptée. En effet, quand on aspire le souffle par la bouche et les narines, ce souffle va d'abord au cerveau ; puis la plus grande partie va dans le ventre, et le reste dans le poumon et dans les veines; de là il se répand, par les veines, dans les autres parties. La portion qui va dans le ventre rafraîchit le ventre et n'a pas d'autre usage. Mais l'air qui va dans le poumon et dans les veines, s'introduisant dans les cavités et dans le cerveau, concourt et produit ainsi l'intelligence, et, dans les membres, le mouvement. De la sorte, quand par le phlegme l'air est exclu des veines, qui ne le reçoivent plus, le patient perd la voix et la connaissance. Les mains deviennent impuissantes et se tordent, vu que le sang demeure immobile et ne se répand pas comme à son ordinaire. Les yeux divergent parce que les veines ne reçoivent plus l'air et battent. L'écume qui sort de la bouche provient du poumon ; car, l'air n'y pénétrant pas, cet organe jette de l'écume et bouillonne comme si la mort approchait. Les excréments sortent par la force de la suffocation, suffocation qui est le résultat de la pression du foie et du ventre en haut contre le diaphragme et du resserrement du conduit (œsophage) de l'estomac. Cette pression survient quand le souffle n'entre pas dans la bouche comme à l'ordinaire. Le malade frappe des pieds parce que l'air est intercepté dans les membres et ne peut s'en dégager à cause du phlegme. L'air, s'agitant en haut et en bas dans le sang, cause spasme et douleur; de là les coups de pieds. Tous ces accidents s'offrent à la fois quand le phlegme froid coule dans le sang, qui est chaud ; il le refroidit et l'arrête. Si le flux est abondant et épais, la mort est immédiate, car il triomphe du sang par le froid et le coagule; s'il est moindre, dans le moment il a le dessus, interceptant la respiration ; puis, au bout de quelque temps, s'étant répandu dans les veines et mêlé au sang, qui est abondant et chaud, il a le dessous, les veines admettent l'air et la connaissance revient.

Les enfants tout petits qui sont pris de cette affection, succombent pour la plupart, si la fluxion est considérable et que le vent souffle du midi. Les veines étant menues ne peuvent recevoir une pituite épaisse et abondante, le sang se refroidit et se coagule, et la mort survient. Mais si la fluxion, étant petite, se porte dans les deux veines ou dans celle d'un côté, le sujet survit, mais en conservant des marques de la maladie; ou la bouche est déviée, on bien un œil, ou le cou, ou une main, suivant la veine qui, remplie par la pituite, a été surmontée et amoindrie. Nécessairement donc, en raison de cette veine, la partie du corps qui est lésée se trouve plus incomplète et plus faible; mais c'est un mal qui à la longue a de l'utilité, le sujet n'est plus exposé à l'épilepsie, une fois passée cette explosion du mal. En voici la raison : sous cette influence morbide les autres veines s'altèrent et se contractent dans une certaine proportion, de manière que, tout en recevant encore l'air, elles cessent de recevoir avec la même facilité le flux de pituite. Mais il est évident que, les veines ayant ainsi souffert, les membres doivent devenir plus faibles. Si au contraire il se fait une fluxion très peu considérable pendant le vent du nord et du côté droit, le patient réchappe sans en conserver de marque; mais il est à craindre que le mal ne se nourrisse et ne s'accroisse avec le sujet si on ne le combat par des remèdes appropriés. C'est de cette façon ou d'une façon très analogue que les choses se passent chez les enfants.

Mais à un âge plus avancé, l'épilepsie, quand elle survient, ne cause ni la mort ni des distorsions; en effet, les veines sont amples et pleines d'un sang chaud. La pituite ne peut ni l'emporter ni refroidir le sang de manière à le coaguler; au contraire elle est promptement vaincue et se mêle au sang. De la sorte, les veines reçoivent l'air, l'intelligence ne se perd pas, et les signes indiqués plus haut se manifestent avec moins de force à cause de la vigueur du sujet. A un âge tout à fait avancé, l'épilepsie, si elle survient, cause la mort ou la paralysie, parce que les veines sont vides et que le sang est en petite quantité, ténu et aqueux. Si donc la fluxion se fait avec abondance et pendant l'hiver, elle tue; car elle obstrue les issues et congèle le sang, si elle s'opère des deux côtés; elle paralyse si elle ne s'opère que d'un côté. En effet, le sang, étant ténu, froid et peu abondant, ne peut vaincre la pituite, mais, vaincu lui-même, il se congèle, et les parties où le sang a subi cette altération deviennent impuissantes.

La fluxion se fait plus souvent à droite qu'à gauche, parce que les veines sont, à droite, plus amples et plus nombreuses; en effet les veines viennent du foie et de la rate. La fluxion et la fonte d'humeur surviennent chez les enfants surtout, quand ils ont eu la tète échauffée par le soleil ou par le feu et qu'un froid subit a saisi le cerveau. Alors en effet la pituite se sépare. Elle se fond par la chaleur et la dilatation du cerveau, elle se sépare par le refroidissement et la contraction ; et c'est ainsi que s'opère la fluxion. Chez les uns telle est la cause déterminante ; chez d'autres, c'est quand le vent du midi, succédant subitement à des vents du nord, détend et relâche subitement le cerveau resserré et vigoureux, de sorte que la pituite abonde et que lu fluxion s'opère. Une cause non apparente peut encore la produire, par exemple une crainte, si l'enfant a peur de quelqu'un qui crie, ou encore l'impossibilité de reprendre promptement haleine dans l'intervalle de cris et de pleurs, ce qui arrive souvent à cet âge. Sous l'influence d'une quelconque de ces causes, le corps est saisi d'un froid soudain, le sujet, perdant la voix, ne respire plus ; dès lors le souffle demeure en repos, le cerveau se resserre, le sang s'arrête, et ainsi la pituite se sépare et s'écoule. Ce sont là chez les enfants les causes déterminantes de l'épilepsie au commencement. Chez les personnes âgées l'hiver est la saison la plus défavorable; en effet, quand ces personnes, s'étant échauffé la tête et le cerveau près d'un grand feu, viennent à l'air libre et sont saisies du froid, ou réciproquement si elles passent du froid à un lieu couvert et se mettent auprès du feu, elles éprouvent les mêmes accidents et deviennent épileptiques comme il a été dit plus haut. Le danger est grand encore de contracter cette maladie pendant le printemps, si la tête est frappée par le soleil. C'est en été que le risque est le moindre, vu qu'alors il n'y a point de brusque changement. Passé vingt ans on n'est guère attaqué de cette maladie, à moins que le germe n'en date de l'enfance ; et elle ne survient que chez peu ou point de sujets; alors les veines sont pleines de sang, le cerveau est consistant et compact, de sorte qu'il ne se fait point de fluxion dans les veines; ou, s'il s'en fait, la fluxion ne triomphe pas du sang, qui est abondant et chaud.

Mais celui chez qui le germe date de l'enfance et a grandi, prend l'habitude d'éprouver ces accidents aux changements de vents. C'est alors la plupart du temps que les accidents le prennent, surtout quand souffle le vent du midi. Et la guérison est difficile; car le cerveau est devenu plus humide que dans l'état naturel, et le phlegme y abonde. De la sorte, d'une part les fluxions sont plus fréquentes; de l'autre le phlegme ne peut plus être évacué; et le cerveau, incapable de se dessécher, demeure tout pénétré d'humidité. Vous vous en apercevrez très bien chez les animaux affectés da cette maladie, et particulièrement chez les chèvres, qui y sont le plus exposées : ouvrez la tête, et vous trouverez le cerveau humide, rempli d'eau d'hydropisie et sentant mauvais ; et là vous reconnaîtrez évidemment que c'est, non pas la divinité, mais la maladie, qui altère ainsi le corps. Il en est de même pour l'homme aussi; en effet, quand l'épilepsie a duré longtemps, elle n'est plus curable, le cerveau est rongé par la pituite, et il se fond; la portion ainsi fondue devient de l'eau qui entoure au dehors le cerveau et le baigne, ce qui rend les accès plus fréquents et plus faciles. D'autre part, la maladie dure longtemps, parce que le liquide affluant, étant ténu à cause de son abondance, est aussitôt vaincu par le sang et échauffé.

Les patients qui sont déjà habitués à la maladie pressentent quand ils vont avoir un accès; ils fuient loin des regards, chez eux, si leur logis est proche; sinon, dans le lieu le plus solitaire, là où leur chute aura le moins de témoins, et aussitôt ils se cachent. Ils agissent ainsi par honte de leur maladie, et non, comme plusieurs le croient, par crainte de la divinité qui les obsède. Voyez en effet les enfants : d'abord ils tombent là où ils se trouvent, à cause qu'ils ne sont pas habitués; puis, quand ils ont eu plusieurs accès, ils pressentent l'attaque et s'enfuient près de leur mère ou de la personne qu'ils connaissent le plus, et cela par la terreur du mal qui les menace ; car, à des enfants, la honte est encore étrangère.

C'est dans les changements de vents que l'épilepsie se produit. Au premier rang sont les vents du midi, puis viennent les vents du nord, ensuite les autres vents. En effet les vents du midi et du nord sont les plus forts et les plus opposés pour la lutte et la puissance. Voici, suivant moi, 1a raison de cette influence : le vent du nord contracte l'air, en dissipe la partie brumeuse et nuageuse, et le rend clair et transparent; il exerce une même action purifiante sur tout ce qui s'élève de la mer et des eaux; en effet, de tout, même du corps de l'homme, il sépare ce qui est humide et trouble, aussi est-il le plus salubre des vents. Celui du midi a des effets contraires ; d'abord il commence par fondre et raréfier l'air condensé, ne soufflant pas tout aussitôt avec force, mais, au début, apportant la tranquillité, vu qu'il ne peut au premier moment triompher de l'air devenu antérieurement dense et resserré. Cependant peu à peu il le dissout; il exerce la même influence sur la terre, sur la mer, sur les fleuves, sur les fontaines, sur les puits, sur tout ce que le sol engendre, sur tout ce qui renferme de l'humidité ; or, tout en renferme, ici plus, là moins. Tout donc se sent de ce souffle et devient terne de brillant, chaud de froid, humide de sec. Les vases de terre pleins de vin ou de quelque autre liquide qui sont dans les maisons ou sous terre éprouvent l'action du vent du midi et sont modifiés dans leur forme. Enfin le soleil, la lune et les astres perdent beaucoup de leur éclat. Puis donc que des choses si grandes et si puissantes en éprouvent une telle influence, et que le corps se ressent des changements de ces vents et en est modifié, il résulte nécessairement que les vents du midi relâchent le cerveau, le remplissent d'humidité et élargissent les veines, et que les vents du nord réunissent la partie la plus saine du cerveau et séparent la partie la plus malsaine et la plus humide, de sorte que l'humeur le baigne au dehors et que les fluxions se produisent lors des changements de ces vents. Ainsi cette maladie naît et s'accroît et par ce qui entre dans le corps et parce qui en sort, elle n'est. pas plus embarrassante que les autres, soit à traiter soit à connaître, et n'a rien de plus divin.

Il faut savoir que, d'une part, les plaisirs, les joies, les ris et les jeux, d'autre part, les chagrins, les peines, les mécontentements et les plaintes ne nous proviennent que de là (du cerveau). C'est par là surtout que nous pensons, comprenons, voyons, entendons, que nous connaissons le laid et le beau, le mal et le bien, l'agréable et le désagréable, soit que nous distinguions ces choses par les conventions d'usage, soit que nous les reconnaissions par l'utilité qu'elles nous procurent, ressentant, dans cette utilité même, le plaisir et le déplaisir, suivant les opportunités, les mêmes objets ne nous plaisant pas. C'est encore par là que nous sommes fous, que nous délirons, que des craintes et des terreurs nous assiègent, soit la nuit, soit après la venue du jour, des songes, des erreurs inopportunes, des soucis sans motifs, l'ignorance du présent, l'inhabitude, l'inexpérience. Tout cela, nous l'éprouvons par le cerveau quand il n'est pas sain, c'est-à-dire quand il est trop chaud, ou trop froid, ou trop humide, ou trop sec, ou quand il a éprouvé quelque autre lésion contre nature à laquelle il n'est pas habitué. La folie provient de son humidité; en effet, devenu trop humide, il se meut nécessairement; se mouvant, ni la vue, ni l'ouïe ne sont sûres, le patient voit et entend tantôt une chose tantôt une autre; la langue exprime ce qu'il voit et entend. Mais, tout le temps que le cerveau est dans le repos, l'homme a sa connaissance.

L'altération du cerveau se fait par la pituite ou par la bile. Voici les signes distinctifs : les fous par l'effet de la pituite sont paisibles et ne crient ni ne s'agitent, les fous par l'effet de la bile sont criards, malfaisants, toujours en mouvement, toujours occupés à faire quelque mal. Telles sont les causes qui font que la folie est continue. Si le patient est en proie à des craintes et à des terreurs, cela provient du changement qu'éprouve le cerveau; or, le cerveau change quand il s'échauffe, et il s'échauffe grâce à la bile qui s'y précipite du reste du corps par les veines sanguines; alors la crainte assiège le patient jusqu'à ce que la bile rentre dans les veines et dans le corps ; c'est à ce moment que le calme revient. D'autre part, le patient est livré à des tristesses et à des angoisses sans motif quand le cerveau se refroidit et se contracte contre son habitude ; c'est là un effet de la pituite. Cette affection produit encore la perte de la mémoire. Ce sont au contraire des cris et des clameurs que le patient pousse la nuit si le cerveau s'échauffe subitement. Cet échauffement survient chez les bilieux et non chez les phlegmatiques, et il survient quand le sang afflue en abondance au cerveau et y bouillonne ; le sang y arrive en abondance par les veines susdites quand le patient se trouve avoir un songe effrayant qui le frappe de terreur. De même donc que, dans l'état de veille, le visage s'enflamme et les yeux rougissent surtout quand l'individu a de la crainte et que l'esprit médite quelque action violente, de même ces phénomènes se manifestent dans le sommeil ; mais cet état cesse quand le réveil ramène la connaissance et que le sang se disperse de nouveau dans les veines susdites.

Pour ces raisons je regarde le cerveau comme l'organe ayant le plus de puissance dans l'homme, car il nous est, quand il se trouve sain, l'interprète des effets que l'air produit ; or, l'air lui donne l'intelligence. Les yeux, les oreilles, la langue, les mains, les pieds agissent suivant que le cerveau a de la connaissance, en effet tout le corps participe à l'intelligence dans la proportion qu'il participe à l'air; or, pour l'intelligence le cerveau est le messager. Quand l'homme attire en lui le souffle, ce souffle arrive d'abord au cerveau, et c'est de cette façon que l'air se disperse dans le reste du corps, laissant dans le cerveau sa partie la plus active, celle qui est intelligente et connaissante. Si en effet l'air se rendait d'abord dans le corps, pour se rendre de là au cerveau, il laisserait l'intelligence dans les chairs et dans les veines, il arriverait échauffé au cerveau, et il y arriverait non pur mais mêlé avec l'humeur provenant des chairs et du sang, de sorte qu'il n'aurait plus ses qualités parfaites. Je dis donc que le cerveau est l'interprète de l'intelligence. Mais le phren (diaphragme) a un nom (de g-phroneoh, penser) qu'il doit au hasard et à l'usage, mais non à la réalité et à la nature. Je ne vois pas en effet quelle influence il a pour la pensée et l'intelligence. A la vérité, quand on éprouve à l'improviste un excès de joie ou de chagrin, il tressaille et cause des soubresauts; mais cela tient à son peu d'épaisseur et à ce que dans le corps il est le plus étendu en largeur. Il n'a point de cavité où il puisse recevoir le bien ou le mal qui survient ; mais il est troublé par l'une et l'autre de ces passions à cause de la faiblesse de sa nature. Il ne ressent rien avant les autres parties du corps, et c'est en vain qu'il a un tel nom et une telle attribution, comme cet appendice du coeur qu'on appelle oreille et qui ne contribue en rien à l'ouïe. Quelques-uns disent que nous pensons par le coeur, et que cet organe est ce qui éprouve le chagrin et les soucis; il n'en est rien. Le coeur se contracte comme le diaphragme et davantage encore pour ces causes-ci : des veines se rendent de tout le corps au coeur, et il les ferme, de sorte qu'il se ressent de tout travail, de toute tension qui arrive à l'individu. En effet, nécessairement, dans l'état de chagrin, le corps a le frisson et se contracte; il en est de même dans l'excès de la joie. De tout cela le coeur et le diaphragme se ressentent le plus. Toutefois ni l'un ni l'autre n'a part à l'intelligence; c'est le cerveau qui est la cause de tout ce que j'ai indiqué. Donc, de même que, avant toute autre partie du corps, il reçoit l'impression de l'intelligence qui provient de l'air, de même, s'il arrive quelque changement notable dans l'air par l'effet des saisons et que l'air devienne différent de lui-même, le cerveau le premier en reçoit l'impression. Aussi je maintiens que le cerveau est exposé aux maladies les plus aiguës, les plus considérables, les plus dangereuses et de la crise la plus difficile pour les médecins inexpérimentés. Quant à cette maladie dite sacrée, elle naît des mêmes influences que les autres, c'est-à–dire de ce qui arrive et de ce qui s'en va, de la froidure, du soleil, des vents qui changent sans cesse et ne sont jamais en repos. Ces choses-là sont divines, de sorte que cette maladie n'a aucun caractère qui la fasse regarder comme plus divine; mais toutes sont divines et toutes sont humaines. Chaque maladie a, par elle-même, sa nature et sa puissance, et aucune n'est inaccessible et réfractaire. La plupart sont curables par les mêmes influences qui les produisent ; car ce qui est aliment pour une chose est destruction pour une autre. Donc c'est une connaissance que le médecin doit avoir, afin que, discernant l'opportunité de chaque cas, il donne l'aliment à ceci qui en sera augmenté et le retranche à cela qui, par ce retranchement, sera diminué. Il faut, dans cette maladie comme dans toutes les autres, ne pas accroître le mal, mais se hâter de l'abattre en administrant ce qui lui est le plus contraire, et non ce qui lui est favorable et habituel. En effet le mal prospère et s'accroît par ce qui lui est habituel, mais se consume et se détruit par ce qui lui est contraire. Quiconque sait produire chez l'homme un tel changement et peut, par le régime, rendre le corps du sujet et humide, et sec, et chaud, et froid, est capable aussi de guérir cette maladie, à la condition de distinguer l'opportunité des moyens utiles, sans les purifications, les artifices magiques et tout ce charlatanisme.