Discussion utilisateur:Zyephyrus/Mai 2021

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Adolphe Rosay[modifier]

UN CONTE PAR SEMAINE L'acte de décè

1-! LUMU père François, jetant !a plume Kti_Z_SJ9S li c-ôté d-? l'écritoire, sur la tal:lette du guichet, la voix

mouillée et prise à la gorge.

Il n'acheva pas et essuya, du revers de sa main ses joues ruisselantes de larmes. Le bonhomme était venu à la mairie déclarer le décès de son petit-fils, un bambin de six ans, qui avait succombé à une méningite; et c'était horrible de considérer sv douleur. Croyez qu'un le regretta bien votre oetii André, pleurait une femme qui l'accompagnait. Quels yeux de velours il avait, le .hérubin L'écossais lui seyait comme à personne. Et donx et bon, avec cela, .'allait voir C'est une calamité de voir partir de telles créature?, quand il en- reste tant de mauvaises. Un mendiant inscrit au bureau de bienfaisance et attendant son tour appuya

Les sous qu'il recevait pour s'acheter des gâteaux, il me les glissait dans ma sébüe et je mangeais du pain ces jours-là.

Il étudiait trop gronda un payîin. C'est la vérité, sanglota l'aïeul c'est bien ce qui l'a tué. Et quand je pense que c'est • pour moi

On sentit que le père François avait besoin de s'épancher. Avec une douce pitié on s'approcha de lui.

D'abord, commença le vieux, il était comme les gamins de son âge, un démon d'enfer, n'ayant d'imagination qu'à jouer, à grimper aux ailnes dénicher des nids, il se rouler dans la poussière, à. lancer des pierres et à se battre. Bref, il nous rentrait, toujours en loques, malxré la grand'mèie qui usait le restant de ses yeux le rapiécer.

Faut qu'il aille à l'école, dit sa mère quand il cri atteint ses cinq ans.

Ali bien, oui il regimba de belle sorte. • En passant sur la place où était la classe, il aperçut ses petits camarades assis en ligacs devant leurs pupitres, penchés sur leurs cahiers, muets, gourmandés par le maitre s'ils levaient la tête, chuchotaient oy risquaient un sourire. Il .les tenait pour des. prisonniers cent fois plus à plaindre que les Sauriens que nous enfermions au moins dans de belles cages «le papier blanc tandis que la salle d'étude était nombre, sale ef toute barbouillée de taches: d'encre, toute grasse de crasse le long des murs.

Non, non, voyez-vous, cet enfant-là était fait pour la libetié et la joie au soleil en compagnie des fleurs et des oiseaux.

Il dut plier cependant mais on faisait souvent l'école buissonnière, et j'étais son complice. Il me prenait si gentiment Grandpère, j'ai bien mal à la tête. les lettres, ça me pique 'e cerveau comme des clous. viensnous en au moult »

On s'évadait du chemin du magister, et l'on courait au moulin si riant parmi les roseaux et les peupliers argentés, au milieu du monde grouillant des canards qui peuplaient la rivière. On soulevait des pierres' barbues sous lesquelles se logeaient de grosses écrevisses on péchait des savetiers et des ablettes, on sc mouillait jusqu'aux genoux mais on déjeunait chez le meunier aux flambées claires (¡'un feu de sarment. Ah les gaies cascades L'instituteur se plaignait. Ce fut, dans la famille, des algarades à n'en plus finir.

La tnère, le père, la grand'mère s'allièrent contre nous.

Ma femme qui n'avait pas sa langue dans sa poche, sous son mouchoir et sa tabatière, me prenait rudement à parfie une aprèsmidi elle me lança plus rudement encore que d'habitude.

C'est-y parce que 1n es mi vieil aliboron, ne sachant écrire, compter ni lire, que tu dois faire un ânon du petit

Le mioche ne soutfta mot, mais regarda sa grand'mère, puis moi qui étais tout penaud, me grattant l'oreille. confus doublement par la raisor: qu'André ne se doutait pas de mon ignorance Je l'avais abusé. A diverses reprises, il m'avait demandé une indication au fronton d'une boutique et je lui avais réfiondu. connaissait par cœur le nom et la profession de chacun à cinq lieues à la ronde. Je lui avais iu également des affiches, iuventant n'importe quel boniment, prétextant mes luneîîos oubliées lorsque mou imagination était à bout d'expédients. Toutes mes ruses étaient ilOvoilées j'étais rouge comme plusieurs coqs.

André ne dit rien que ceci':

Dorénavant, bonne maman, j itai à l'école.

Et se tournant vers moi

Seulement, toi, grand'pnpa, charge-toi 6e me réveiller ie matin.

Il tint sa parole.

Depuis, toujours avant les autres à son pupitre, il y demeurait le dernier. Il était mécontent qu'il y etlt auiant de jeudis et autant de dimanches dans le calendrier.

Est-ce que ce sera tous les ans comme ça ? questionnait-il avec un dépit -charmant. Dès la petite pointe de l'aube, il tracassait sa mère afin qu'elle l'habillât.

Il n'est pas l'heure, objectait celle-ci bouffie de sommeil.

Mais si insistait le petit homme dressé Fur son séant, enjambant la bordure du bois de son lit; mais si 1 grand'père est ievé. On entendait, en effet, grand'père qui trot tait de droite et de gauche, de haut en bas,

il la. cour au grenier, A rôlabfè, tirant de l'eau, jetant la graine aux poules, claquant la muraille coups de volets, comme s'il eût conspiré le réveil du village enfler. Et, il le complotait en jéaii!é,\jc vous en réponds Gourmandé de son vacarme, ferand'père s'offrait il vSlir le bambin, à lui minier ses culotter et sa blouse. On avalait il soupe et l'on partait, lui, tout fier de sa gibecière aux livre* suspendue à l'épaule il aurait pas souffert que je la portasse mo' le panier lourd de tartines de pain bis au b s. L'instituteur, sur le pas de sa| porte, à humer le frais du matin, guettait !;son studieux éléve, dont l'empressement, Bapplication l'avaient touché; et il commençât pour lui la classe avant l'heure réglementaire. Un soir. André me parut d'une animation extraordinaire; les yeux brillants, ilume serrait les mains, me les carressait arec tendresse. Lorsque nous fûmes hors de cohue de ses condisciple-, il sauta à moâcou et transporté s'écria. Grand'père grand'père je lire 1 je sais érrire je sais compter 1

Bien, b:en répl.iquai-je tu n'hériteras pas des oreilles de fon vieil aliboron dcâïeul. Non, non, riposta-t-il aussitôt parée que maintenant je vais t'apprendre.

C'était pour m'enseigner qu'il avait été si assidu l'école Pauvre mignon je plairai de joie en le rouvrant de baisers comme aujourd'hui je pleure de peine

A partir de ce moment, il me donnâmes leçon: quotidiennes et sans relâche, sans se lasser,- avec une douceur et une patience d'angp. ne ce rebutant jamais de ma tête dure, des b et. des p que je confondais, de niez bâtons biscornus et du reste, le tout avec mille précautions; car nous opérions en cachette. Nous voulions surprendre notre monue-. A la Sainte-Adélaïde qu.i tombe, corà* me vous le savez, le 16 décembre, il était; convenu qu'on marierait sa soeur Antoinette;' nous travaillions avec ardeur et! vue d'un coup de théâtre.

C'est lui qui avait manigancé ça.. Au moment de signer l'acte, quand ils diront « Père François,; venez apposet votre croix ici », m les étonneras joliment j£ mettant ton nom tout entier. Un sanglot plus violent que les autres secoua l'infortuné vieillard, et ce fut en, hoquetant qu'il termina.

La mort est arrivée quand je n'étàis rapable encore que de tracer un tronçon de. ma signature, regardez

Et il montrait le registre de l'état-civil où il n'a.vait pu inscrire que

dlarccl Franco.

C'est là ce qui le préoccupait, le chéri, quand il eët tombé malade. et la dernière parole qu'ils a prononcée a été Grand'pére ça m'ennuie de mourir avant de' t'en avoir appris davantage; mais pour sigTTer ton non*, .tu n'as pite que deux lettres à savoir former, un i et un s. Adolphe ROSAY.

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