Dissertation sur l’histoire du pays des Dombes/2

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Dissertation sur l’histoire du pays des Dombes — Chapitre II
L. Boitel (p. 123-126).

CHAPITRE II.

temps des romains.

Les Romains apportèrent aux Gaulois, pour les consoler en quelque sorte de la perte de la liberté, les arts et la civilisation. La Gaule soumise devint bientôt une contrée riche et commerçante : les lettres et les sciences y fleurirent et y jetèrent un grand éclat. Les Ambarres participèrent certainement à cette prospérité générale et y participèrent d’autant plus que bientôt fut fondée[1] sur leurs confins, dans l’emplacement de la forteresse gauloise de Lugdun, et vis-à-vis l’ancien emporium grec, la ville romaine de Lugdunum, qui, grâce à son heureuse situation, devint la ville la plus importante de la Gaule.

Il paraît que les Ambarres ne prirent aucune part aux révoltes de leurs voisins, les Allobroges, et plus tard, à celle des Éduens, leurs anciens alliés[2]. La présence continuelle des légions romaines à Lyon, devenue la capitale de la Gaule entière et la résidence des proconsuls dût les retenir dans leur devoir, bien qu’ils nourrissent dans leur cœur le même desir de liberté que les autres nations gauloises.

Auguste, par une politique habile, pour assujétir plus facilement les Gaulois et les accoutumer à la domination romaine, chercha à détruire le souvenir de leur ancienne nationalité, à rompre les vieux liens patriotiques, qui unissaient ces peuples les uns aux autres, à leur assigner d’autres métropoles, d’autres centres de réunion. Ainsi, Lyon devint la capitale des Insubriens, des Ségusiens et des Ambarres qui, confondus ensemble, ne devinrent bientôt qu’un seul peuple.

Le même Auguste, dans l’intention de rendre plus étroite l’union des peuples gaulois avec Rome, convoqua à Lyon une assemblée générale des nations de race celtique. La domination romaine, colorée sous le nom d’alliance perpétuelle, pour ne pas effaroucher la fierté de ces peuples assujétis avec tant de peine, y fut confirmée. Les nations qui turent convoquées à cette assemblée étaient au nombre de soixante. Les Ambarres en faisaient sans doute partie. En se retirant, les nations celtiques, par une coutume dont on trouve ailleurs, dans l’histoire, et particulièrement dans la Bible[3], des vestiges remarquables, résolurent d’élever un temple comme un monument destiné à rappeler à la postérité le souvenir d’un pacte si solennel[4]. C’est ce temple que les Romains appelèrent Atheneum, depuis Ainay, et où ils établirent des jeux et des concours littéraires qui devinrent si célèbres. Les noms des soixante cités ou nations gauloises étaient gravés sur la base de l’autel, et, tout autour de l’intérieur du temple, étaient élevées soixante statues allégoriques, pour représenter chacune de ces nations. Ce temple fut bâti sur le territoire ancien de nos Ambarres qui probablement s’étendait jusqu’au confluent du Rhône et de la Saône.

Les Romains, pour transporter plus facilement leurs légions d’un bout de la Gaule à l’autre, firent tracer quatre routes principales qui partaient de Lyon comme de leur centre. L’une de ces routes qui se dirigeait vers le Rhin traversait notre contrée. On en trouve les vestiges près de Miribel et au Plantay, où une ferme s’appelle encore les Étrées, nom qui vient sans aucun doute du mot latin Strata, ainsi que le nom d’une commune de l’arrondissement de Bourg, Étrez, vers laquelle se dirigeait probablement la même route qui de là entrait dans la Séquanie.

Notre pays ayant Lyon pour capitale, fut compris dans la province lyonnaise, et, sous Dioclétien, dans la province appelée Lyonnaise première. Il ne tarda pas à être éclairé du flambeau de la véritable religion. Le zèle de Pothin, des Irénée, qui s’étendait jusqu’aux extrémités de la Gaule, où ils envoyaient des missionnaires et des disciples, ne devait pas sans doute oublier un peuple qui vivait si près d’eux, et qui était comme aux portes de leur ville épiscopale.

Uni par les liens du commerce et de l’intérêt avec Lyon, le pays des Ambarres suivit toutes les vicissitudes de cette métropole que lui avait imposée la volonté romaine.

Rien de particulier ne se passa sur notre territoire, avant le différend d’Albin et de Sévère, qui se disputait l’empire du monde. Le premier fut battu près de Lyon[5], et perdit l’empire et la vie. C’est l’opinion commune des historiens modernes, que cette bataille qui finit les destinées d’Albin, se livra dans les plaines près de Trévoux ; mais cette opinion est une erreur. Le véritable champ de cette bataille est près de Lyon et à ses portes, de l’autre côté de la Saône (Voyez l’Appendice second).

Vers l’an 367 après Jésus-Christ, notre ville souffrit beaucoup des ravages des Francs, qui envahirent la Gaule du Rhin jusqu’à Lyon. Cette ville se défendit courageusement ; mais les pays environnants furent dévastés. Cependant, craignant l’approche du César Julien, les Francs se retirèrent dans leur pays.

Vers l’an 408, des flots de Barbares, Vandales, Suèves, Alains, envahirent la Gaule et la ravagèrent successivement. Les environs de Lyon ne furent pas plus épargnés que les autres contrées et présentèrent les mêmes scènes de dévastation. Enfin, les Bourguignons ou Burgondes, peuples germains, qui habitaient vers les sources du Mein, invités par Jovin, noble Gaulois, qui s’était révolté contre Honorius, et s’était fait proclamer empereur d’Occident, occupèrent la Gaule occidentale. Honorius, après avoir vaincu Jovin, ne put cependant expulser les Burgondes, et il fut obligé de leur céder en toute souveraineté le territoire des Éduens et le pays entre le Rhône et la Saône[6]. Ce fut alors que le territoire de notre arrondissement passa au pouvoir de ces peuples et fit partie du premier royaume de Bourgogne.


CHAPITRE III.


temps des bourguignons.


Les Bourguignons, peu après leur établissement dans la Gaule, se convertirent au Christianisme ; mais ils embrassèrent l’hérésie d’Arius[7]. Le royaume des Bourguignons dura 121 ans. Les rois favorisèrent notre contrée qui leur présentait dans ses bois et dans ses lacs si nombreux[8], de quoi satisfaire leur passion pour la chasse : ils y construisirent plusieurs châteaux et maisons de plaisance ; ils y tinrent même plusieurs de leurs parlements ou assemblées nationales, composés du clergé et des grands. Parmi les châteaux qu’ils


  1. L’an 44 avant Jésus-Christ.
  2. L’an 16 avant Jésus-Christ.
  3. Josué, ch. IV.
  4. L’an 8 avant Jésus-Christ, 1er  août.
  5. L’an 198 après Jésus-Christ.
  6. L’an 413 après Jésus-Christ.
  7. L’an 417 après Jésus-Christ.
  8. Plusieurs des marais et étangs actuels de la Bresse et de la Dombes étaient d’anciens lacs, tels que les Échets, Turlet, Curtelet, Glareins, Bréven.