Diverses instrvctions povr prescher & Catechiser populairement & familierement, 1669

La bibliothèque libre.

Aduis touchant le Catechisme.

Estant entré en l’Eglise, on se mettra à genoux dessous le Crucifix (qui est ordinairement sur la porte du Chœur (où l’on chantera le Veni Creator : lequel estant finy, on se leuera ; puis on fera asseoir les enfans. En suite, on commencera par le signe de la † lequel on fera faire non seulement à toute l’assistance, mais encore à chacun enfant en particulier auant qu’ils respondent. Si le Catechisme a esté commencé, on recapitulera ce qui aura esté dit dans le dernier Catechisme, & on le fera repeter briéuement à deux ou trois enfans auant que passer outre.

Il faut bien prendre garde de ne faire aucune demande qu’on n’aye respondu explicitement ou implicitement, & ce par deux fois ; afin que l’enfant ne tombe en confusion.

Il est à propos de se promener d’vn bout à l’autre : & bien qu’on ait oüy la responce, on la luy fera dire derechef, quand on sera à l’autre bout esloigné de luy. Que si quelquefois l’on moralise sur quelque point de la doctrine proposée, on le fera brifuement, remettant les principales moralitez à la fin du Catechisme, & ce l’espace d’vn quart d’heure ou enuiron : s’arrestant pour cét effet à vne place, ou debout, ou bien assis. Mais sur tout, qu’on ne manque iamais d’apporter quelque histoire conforme à la doctrine qu’on a enseignée & approuuée par de bons Autheurs, qu’on nommera à ce sujet.

Quand les enfans badinent, il faut les supporter auec beaucoup de douceur & de patience : Par aprés les aduertir en general d’estre bien modestes & attentifs ; puis en particulier : & en cas que les deux moyens precedens ne seruent de rien, & que nonobstant tout cela ils continuënt il les faut faire mettre à genoux, & les menacer de le dire à leurs parens ? les priuer de la recompense de la chose qu’on leur vouloit donner s’ils eussent esté modestes.

Il ne faut iamais permettre que les enfans se mocquent de la response de leur compagnon : que si cela arriuoit, il faudroit faire tous ses efforts pour empescher que cela n’arriuast plus ; leur faisant voir pour cét effet, combien c’est vn grand mal, & que c’est le diable qui les pousse à cela, de peur qu’ils ne profitent des instructions qu’on leur fait. Quand on aura interrogé quelque enfant, on le fera tenir debout, iusqu’à ce que plusieurs autres ayent rendu responce à la mesme questiõ, & que tous sçachent à peu prés la demande & la response.

Pour ce qui est des filles on ne les laissera de bout que le moins que l’on pourra.

Il faut tascher d’estre modestement gay, & gayement modeste, sans pourtant rire, Il faut aussi éuiter vne trop grande grauité : Car encore bien qu’il faille estre serieux, si est-ce neantmoins qu’il faut tascher de ne l’estre par trop. Il faut s’abstenir de faire des inciuilitez & immodesties, ausquelles on tombe souuent sans y penser ; comme de porter la main au nez, à la barbe sans , necessité & se ioüer de ses mains ou de sa ceinture, des manches du surplis, ou du mouchoir.

Sur tout, quand on expliquera le mystere de l’Incarnation, qu’on s’esloigne de tout son possible des termes qui peuvent causer des pensées des-honnestes, & laisser de sales impressions dans les esprits : Pour cét effet, quand on parlera de la maniere comme s’est fait le mystere de l’Incarnation, on se contentera de dire que tout s’est fait d’vne maniere diuine & extraordinaire par l’operation du S. Esprit.

Il ne faut pas icy apporter aucune comparaison du contraire qui se passe és generations ordinaires, parce que cela pourroit causer quelque sale imagination dans l’esprit des assistans.

Il ne faut iamais regarder ny les femmes ny les filles fixement, mais seulement per transennam, in quantum necessitas postulabit.

Quando intorrogantur filia, vocantur, Mea filia, aut soror mea, aut bona mater, si sit senex.

Quod ad pueras, vocantur, Paruule puer mon petit enfant, ou garçon ou filles.

Et les hommes (s’ils veulent estre interrogez) Mon bon frere, ou Mon bon pere, s’il est bien aagé : car on ne le doit faire ny aux hõmes ny aux fẽmes, si on ne voit en eux quelque coniecture qu’ils seroient bien aises de respondre ; Et que si quelquefois ils s’entretenoient les vns & les autres pendãt le Catechisme, on doit se contenter de les inuiter à l’attention par prudence, & non autrement.

Il ne faut point proposer plus de quatre demandes à la fois, de crainte de charger par trop la memoire des enfans : Mais apres qu’on leur aura fait aprendre les quatre premieres questions, on leur en fera quatre autres. A la fin du Catechisme on leur fera chanter les Commandemens de Dieu & de l’Eglise.

Regles du Catechisme pour ceux qui
y assistent.


Premierement, il faut que tous ceux qui viennent au Catechisme n’y manquent pas vne seule fois.

2. Qu’ils viennent à l’heure determinée, prenant de l’eau beniste en entrant à l’Eglise, se mettant à genoux deuant le S. Sacrement & puis s’en aller à leur place, où ils demeureront assis auec modestie, attendant qu’on commence le Catechisme.

3. Qu’on ne responde point sinon lors qu’on sera interrogé ; & pour lors on se leue, & on fait tousiours le signe de la Croix auant que de respondre.

4. Que l’on soit bien attentif, sans s’amuser à causer auec ses compagnons, & encore moins se mocquer des autres.

5. Qu’on s’en retourne modestement apres le Catechisme en sa maison, sans s’amuser à iouër autour de l’Eglise, n’y deuant n’y apres.

6. Que l’on tasche de repeter en sa maison deuant ses pere & mere ce qu’on aura appris.

7. Tascher d’amener ses compagnons au Catechisme, les excitant de penser au salut de leurs ames.

8. Que tous ceux qui sont du Catechisme s’aiment tendrement comme freres & sœurs, sans se quereller iamais, ny dire aucune injure : Prier Dieu auec affection qu’il conuertisse & touche le cœur de ceux qui n’y viennent pas ; mais principalement de ne manquer iamais de prier Dieu soir & matin à genoux au pied du lict, & tout cela auec affection ; & de faire l’examen de conscience.

9. Faire tout son possible d’estre bien obeyssans à leurs peres & meres.



ADVIS
AV LECTEVR.



Mon cher Lecteur, Ie t’aduertis que celuy qui desire d’instruire son prochain, & de luy imprimer la crainte & l’amour de Dieu dans l’ame ; il faut qu’il l’aye premierement luy mesme : c’est pourquoy nous voyons tant de personnes qui s’employent à prescher, instruire & catechiser, & conduire les ames, mais nous en voyons bien peu de fruict. Cette Sentence de
Iesvs-Christ est bien veritable, à sçauoir, Que la moisson est fort grande, mais qu’il y a peu d’ouuriers : c’est à dire des ouuriers tels qu’il faut qui soient gens d’Oraison & de mortification ; qui s’occupent plus à contempler & imiter Iesvs-Christ crucifié, qu’à feüilleter beaucoup de Liures, & par consequent qui soient entierement destachez de toutes sortes d’interests temporels, qui ne cherchent purement que la gloire de Dieu & le salut des ames. Le grand S. Philippe de Nery, disoit sur ce sujet, que s’il pouuoit rencontrer douze personnes des-interessez d’honneur, de biens, de santé, de reputation & d’ambition, il esperoit auec eux, de conuertir tout le monde. O qu’il y a peu de telles personnes, & qui ayent iamais apprehendé la valeur & dignité d’vne ame, le prix infiny qu’elle a coûté à I.C. la grandeur de sa beauté, & des biens inestimables qu’elle possede lors qu’elle est en la grace de Dieu, l’estat mal-heureux où elle est reduite par vn peché mortel, & l’importance de son bon-heur ou mal-heur eternel ! Il faut auoir la grace, & estre animé de l’Esprit de I. C. pour connoistre ces veritez, & ceux qui me les ont pas, agissent en tout materiellement dans toutes leurs fonctions, ainsi que fait un Aduocat qui dresse & fait son plaidoyé. O que le Diable ne redoute gueres telles personnes ! c’est pourquoy celuy qui desire s’employer vtilement au salut des autres, doit beaucoup & long-temps trauailler auparauant au sien, à l’exemple de tous les Saints, & de Iesvs-Christ mesme, lequel demeura caché & retiré iusques à 30. ans, & n’en voulut prescher que trois seulement ; non pas qu’il eust besoin de cette retraitte, mais c’estoit pour nostre instruction : car l’oyseau qui sort de son nid auant qu’auoir les aisles fortes, est en grand danger d’estre pris du Milan : Outre qu’il ne se faut point ingerer en une fonction si importante, que l’on ne s’y sente puissamment appellé de Dieu, auec le témoignage d’vne bonne conscience, l’approbation de quelque homme sçauant, prudent, & spirituel ; & suiuant cela s’humilier beaucoup deuant Dieu, se reconnoissant tout à fait indigne d’un si haut ministere, & s’y occupant toûjours auec beaucoup de crainte & de défiance de soy mesme : mettant entierement toute sa confiance en la force de la grace de Dieu, & en l’Oraison continuelle, & n’entreprenant rien que par l’obeyssance, & par l’ordre estably dans l’Eglise.