Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d’enseignement/Chapitre IV

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Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d’enseignement
Au bureau de l’univers (p. 17-20).
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IV


Vouloir refaire de la France un État catholique, telle qu’elle l’a été depuis Clovis jusqu’à Louis XIV, ce serait une tentative aujourd’hui impossible et qui, nous ne craignons que trop, ne se réalisera jamais : mais conserver ce qui reste de catholicisme en France, et fortifier par tous les moyens légitimes l’empire purement moral de la Religion sur les individus et sur les familles qui la professent encore ; défendre les foyers qui n’ont pas encore été atteints contre l’envahissement de la contagion, c’est un devoir impérieux pour les catholiques, ET ILS NE PEUVENT L’ACCOMPLIR QU’EN OBTENANT LA DESTRUCTION DU MONOPOLE DE L’UNIVERSITÉ.

Faut-il, au risque de revenir sur une distinction tant de fois rabattue, rappeler qu’il s’agit pour nous de la destruction du monopole, et non de la destruction de l’Université elle-même ? Oui, il le faut, car sur ce point la mauvaise foi de nos adversaires est loin d’être corrigée. Ce n’est pas à coup sûr que l’existence de l’Université sans monopole puisse nous inspirer une sympathie ou une confiance quelconque. Fût-elle même sous la haute direction d’une pensée catholique, il faudrait être bien aveugle pour en espérer le salut du pays. Le gouvernement des Bourbons a témérairement essayé d’imprimer à l’Université cette tendance ; et ce fut peut-être la plus éclatante et la plus funeste de ses défaites. Le gouvernement de Juillet y échouerait également, si cette pensée pouvait lui venir : il lui serait possible assurément de rendre le mal moins flagrant et moins dévastateur ; mais transformer le mal en bien, c’est un miracle qu’il n’est pas donné aux hommes de notre temps d’accomplir. Toutefois, Cette institution, quelque funeste qu’elle soit, a été adoptée par l’État, et maintenue par lui à travers les changements de dynastie et les révolutions. Cela constitue en faveur de l’Université non seulement un fait, mais une espèce de droit. L’État a la faculté, légalement et politiquement du moins, de maintenir dans son sein une institution funeste, à la charge d’en supporter les conséquences, tout comme il a la faculté de se précipiter dans une guerre désastreuse, ou d’introduire le déficit comme base de son système financier. Mais l’État n’a pas le droit, sous peine de violer la constitution qui est la condition même de son existence, d’imposer à tous les citoyens un système d’éducation qui compromet le maintien de la croyance religieuse au sein de leurs familles. De ce que l’État n’a point de religion, il n’en résulte point pour lui la faculté d’empêcher les citoyens d’en avoir. Bien loin de là, la Charte non-seulement promet la liberté d’enseignement, mais elle garantit solennellement la liberté religieuse : cette liberté en ce qui touche à une religion positive comme le catholicisme, n’est plus qu’une dérision, si en vertu d’une série de dispositions extralégales, rendues en l’absence de toute représentation nationale, le pouvoir exécutif se trouve investi du droit exclusif de façonner les croyances et les mœurs de l’enfance, au profit soit d’une religion particulière, soit, comme il arrive dans l’espèce, au profit d’un rationalisme purement négatif. Qu’il ouvre des écoles sans religion à cette portion si considérable du peuple français, pour qui la religion n’est qu’une fiction, cela est dans son droit jusqu’à un certain point ; mais qu’il s’arroge l’atroce pouvoir d’y parquer les enfants de ceux qui regardent la foi catholique comme la base unique et souveraine de toute vérité, à moins qu’ils n’aient le moyen d’entretenir des précepteurs, ou la volonté de consacrer leurs enfants au sacerdoce ; voilà l’usurpation, voilà l’attentat, voilà la persécution qu’on a si justement comparée au système qu’avait essayé contre l’Église naissante l’apostat Julien.

Que l’État garde donc son Université, si bon lui semble, mais qu’il nous laisse, ainsi que la Charte l’y oblige, la liberté d’en rester dehors, sans être frappés d’incapacité et d’ilotisme.