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En canot de papier, de Québec au golfe du Mexique/Introduction

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INTRODUCTION


L’auteur est parti de Québec, capitale du Canada, le 4 juin 1874, avec un seul compagnon, dans un canot en bois, long de dix-huit pieds, et faisant route vers le golfe du Mexique. Il se proposait de suivre les cours d’eau naturels ou artificiels du continent, en marchant toujours vers le Sud jusqu’au golfe du Mexique et en ne descendant à terre que le moins souvent possible, voulant prouver que des canots d’un faible tirant d’eau peuvent ne rencontrer que très-peu de lacunes pour aller des régions glaciales et brumeuses du Saint-Laurent, au nord, jusqu’à la grande mer dont les flots battent au sud les côtes sablonneuses dés Etats-Unis. Après avoir parcouru d’abord quatre cents milles, l’auteur arriva à la ville de Troy, sur le fleuve Hudson, où, depuis plusieurs années, MM. Waters père et fils ont perfectionné la construction des canots en papier.

On ne saurait plus mettre en question les avantages que présente en pareil cas, et pour une semblable expédition, un canot ne pesant que cinquante-huit livres, dont la solidité et les conditions de durée ont été démontrées de la manière la plus satisfaisante. À Troy, l’auteur congédia son compagnon et « mania, lui tout seul, ses avirons » jusqu’à la fin du voyage, c’est-à-dire sur une distance d’environ deux mille milles.

Bien que fréquemment égaré dans le dédale des ruisseaux et des marais qui bordent la côte sud de son pays, il se tira de toutes ces difficultés, grâce aux cartes si bien dessinées des côtes des États-Unis, travail remarquablement exact, au sujet duquel l’auteur adresse aux hydrographes ses compliments et l’expression de sa gratitude.

L’accueil hospitalier que les gens du Sud ont fait à ce voyageur inconnu, au milieu des cours d’eau, des sounds et des rivières du littoral, fut des plus agréables ; il n’ajoutera à ce témoignage de sa reconnaissance qu’un extrait de sa réponse à l’adresse du maire de la ville de Sainte-Marie, où, à la fin de son voyage, on l’honora d’une ovation particulièrement flatteuse : « Pendant que mon petit canot de papier était dans les eaux du Sud, accomplissant un voyage d’exploration géographique depuis les caps du Delaware jusqu’à la belle ville de Sainte-Marie, j’ai été profondément sensible à la cordiale hospitalité des habitants du Sud. Les pêcheurs qui vivent sur les plages solitaires de la côte orientale du Maryland et de la Virginie ; les gardiens des phares des sounds d’Albemarle, de Pamplico et de Core, dans la Caroline du Nord ; les planteurs de ground-nuts, qui habitent les hauts plateaux bordant tout l’ensemble des ruisseaux et des marais, depuis la passe du Bogue jusqu’au cap Fear ; les bûcherons et les distillateurs de térébenthine des petites collines qui rompent la monotonie des grands marais de la rivière sinueuse le Waccamaw ; les représentants de l’aristocratie autrefois si puissante des planteurs de riz des rivières Santee et Peedee ; les hommes de couleur des Sea-Islands de la côte de Géorgie ; les habitants de la Floride, entre la rivière de Sainte-Marie et le Suwanee ; enfin, les insulaires du golfe du Mexique, — là où je terminai ma longue course, — tous ont contribué au succès du « Voyage du canot de papier ».

Depuis ce voyage dans le canot de papier, l’auteur s’est encore embarqué, seul, le 2 décembre 1875, dans un bateau en bois de cèdre, long de douze pieds, à la source de l’Ohio, à Pittsburgh (Pennsylvanie), descendant l’Ohio et le Mississipi, deux mille milles. Puis, après une relâche à la Nouvelle-Orléans, il fit un portage à l’est, sur le lac Pontchartrain, et longea à l’aviron les côtes du golfe du Mexique sur une distance de six ou sept cents milles, jusqu’aux Cedar-Cayes dans la Floride, point où il avait terminé son premier voyage dans le canot de papier.

Pendant ces deux voyages, qui représentent plus de cinq mille milles parcourus à la rame, l’auteur n’eut qu’une seule épreuve un peu grave à subir, lorsque son canot chavira dans la baie de la Delaware ; néanmoins, il a ramené chez lui ses bateaux en bon état avec les cartes et les journaux qu’il avait à bord.

Sur la demande des commissaires du gouvernement des États-Unis à l’Exposition de Philadelphie, le canot de papier la Maria-Theresa et le bateau de cèdre le Centennial of the Republic ont été exposés à la section des États-Unis, pendant l’été et l’automne de 1876.

Les cartes de la route suivie par le canot de papier ont été dressées, en vertu d’un traité passé avec les membres du Bureau hydrographique, à l’échelle de  ; étant construites d’après des levers récents, elles peuvent être considérées comme les meilleures qui aient été, jusqu’ici, offertes au public.

Il est juste d’adresser des compliments à MM. Waud, Merrill et John Andrew pour le talent qu’ils ont montré dans les dessins et les gravures.

Aux lecteurs qui ont fait un si gracieux accueil à son premier ouvrage : les Pampas et les Andes, l’auteur, qui n’avait alors que dix-sept ans, est heureux de dire aujourd’hui, en les remerciant, qu’il a été encouragé par leurs correspondances, toujours si gracieuses, à publier ce second récit de ses voyages : le Voyage du canot de papier.

Lac George, 1er janvier 1878.

Nous croyons devoir faire suivre cette Introduction de quelques lignes, pour lesquelles nous nous considérons comme d’autant plus en droit d’espérer l’indulgence qu’elles ne sont pas destinées à vanter les mérites du livre, et-encore moins ceux de la traduction. En pareille matière, nous nous inclinons respectueusement devant la souveraineté absolue du juge, c’est-à-dire du public, qui rend, sans qu’il ait besoin de les motiver, des arrêts sans appel.

Ce que nous nous proposons, c’est de rendre plus assurée la lecture de ce livre en faisant loyalement confidence des difficultés que nous avons rencontrées dans notre travail, et en disant la raison des partis que nous avons dû prendre pour les résoudre.

M. Bishop n’a découvert aucun pays inconnu ; mais, autant que nous le sachions du moins, la route qu’il a suivie sur la côte de l’Amérique, depuis l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’au golfe du Mexique, n’a encore été parcourue que par lui dans son ensemble et dans ses détails. Certes, nous n’ignorions pas Québec, ni le lac Champlain, ni l’Hudson, ni New-York, ni la baie de la Delaware, ni la rade de Charleston, ni les Sea-Islands de la Géorgie, non plus que l’existence de la Floride : tout cela nous avait été décrit par bribes ou par parties ; mais ce que nous avouons avoir ignoré, c’est l’ensemble des cours d’eau naturels ou artificiels qui longent intérieurement tout le littoral de l’Amérique du Nord et qui ont permis à M. Bishop de franchir, la rame à la main, sauf deux ou trois portages insignifiants, et qu’encore il aurait pu s’épargner, toute la distance, les quatre mille six cents et quelques kilomètres qui séparent l’estuaire du Saint-Laurent du golfe du Mexique. De même, voyageant seul et par petites étapes à travers des pays souvent peu peuplés et même quelquefois déserts, il a recueilli dans son excursion une foule d’anecdotes ou de renseignements nouveaux inédits qui représentent en quelque sorte la gamme des mœurs de cet immense littoral, et il les reproduit avec la sincérité des impressions individuelles, mûries et réfléchies dans l’isolement où il vivait.

C’est tout cela qui constitue la remarquable originalité de ce récit ; mais de tout cela aussi il résulte forcément l’emploi d’une multitude de termes et de locutions empruntés aux idiomes locaux et qui nous eussent fort embarrassé si l’auteur, ayant bien la conscience qu’ils seraient sans doute assez difficiles à comprendre même pour ses compatriotes, n’eût pas eu soin de fournir des explications qui nous ont singulièrement aidé dans notre travail. Ce n’a donc pas été là que s’est trouvée la grosse difficulté, c’est dans la nomenclature géographique.

Comment traduire ce mot Sound qui se rencontre si souvent dans la seconde moitié du volume ? Ce mot est d’origine germanique, et dans son véritable sens étymologique il signifie séparation. Géographiquement, les Scandinaves et les Allemands, qui l’écrivent Sund, l’ont appliqué à tout bras de mer resserré qui sépare deux terres voisines, mais qui est ouvert à chacune de ses extrémités, de sorte que si pour l’habitant de la terre ferme il sépare deux îles ou deux pays, il est au contraire pour le navigateur, le passage qui permet la communication entre deux mers, ou même deux étendues de mer. Ainsi en est-il du Sund du Danemark qui sépare l’île de Seeland de l’extrémité méridionale de la Suède, mais qui unit aussi la mer du Nord à la mer Baltique. Il y a apparence de contradiction selon le point de vue où l’on se place ; mais nous avons nous-mêmes dans notre français quelque chose de semblable lorsque nous disons le bief de partage d’un canal. C’est bien, en effet, pour l’ingénieur le point le plus élevé qui partage les eaux pour les envoyer dans des directions différentes, en leur faisant descendre les deux versants opposés d’une chaîne de montagnes ; mais pour le batelier, c’est le point de jonction entre les cours d’eau de deux vallées, de deux bassins. Cependant, nous n’appliquons pas le mot de Sund sur notre territoire, ni dans notre langue générale, et nous disons détroit, voire détroit du Pas-de-Calais, celui qui met en communication la Manche avec la mer du Nord. C’est une locution quelque peu singulière, car en cette circonstance Pas signifie passage, passe ou détroit de Calais, comme on dit : le Pas de Suze dans les Alpes du Piémont. C’est donc un sorte de pléonasme, quoiqu’il soit justifié par l’usage.

Si les langues latines ont rejeté le mot Sund, il a, en revanche, pénétré en Angleterre et en Hollande, où il s’écrit Sound et Zond. Les Hollandais entendent le mot dans le même sens que nous celui de détroit, et il est pour eux un zond par excellence celui qui sépare leurs possessions de Java et de Sumatra, met en communication l’océan Indien avec les mers de l’Indo-Chine, et qui, jusqu’à l’ouverture du canal de Suez, était un point de passage forcé sur la route, aller et retour, de tous les navires qui desservaient les relations de l’Europe et de l’Amérique orientale avec tous les pays situés à l’est du détroit de Malacca : l’archipel de la Malaisie, Siam, les Moluques, les Philippines, la Chine, le Japon, etc., etc. Il est toujours fréquenté par la navigation à voiles, qui n’a aucun intérêt à se servir du canal de Suez. Par un étrange abus de langage, nous avons fait de ce zond le détroit de la Sonde, ce qui revient à dire le détroit du détroit. Nous sommes même allés plus loin, s’il est possible, dans cette voie bizarre, car pendant des siècles nous avons baptisé l’archipel malais du nom d’îles de la Sonde, comme si la Sonde était une mer ou un pays. Et nous n’y avons pas encore tout à fait renoncé !

Les Anglais ont adopté le mot Sound, mais ce n’est que par exception, si même il existe des exceptions, qu’ils l’ont appliqué dans les îles britanniques de l’Europe. En général, et même presque toujours, ils se servent du mot Strait pour désigner ce que nous appelons détroit ; c’en est l’équivalent exact. Néanmoins, ils ont importé le sound en Amérique ; mais, fait assez remarquable et que nous ne saurions comment expliquer suffisamment, le terme semble n’avoir trouvé d’emploi général que dans le sud des États-Unis. Au nord du cap Henlopen, nous ne trouvons presque aucun sound, tandis que nous en rencontrons une multitude dans la Virginie, les Carolines, la Géorgie, etc., etc. Pourquoi ? Assurément parce qu’ils représentent, conformément à l’étymologie de leur nom, un réseau de cours d’eaux des plus compliqués entre le continent et les innombrables îles qui bordent ce vaste littoral, parce qu’ils les séparent, en effet, les unes des autres, et toutes de la terre ferme. À ce point de vue, il y a une analogie très-saisissable entre le sound des États du sud de l’Amérique du Nord et le sens originel du mot qu’il a emprunté ; mais il n’y a pas équivalence précise avec ce que les Allemands, les Scandinaves et les Hollandais appellent sund ou zond et ce que nous entendons en français par détroit, désignation que nous nous sommes cru en devoir de rejeter de notre traduction. En effet, le sound américain ne réunit pas deux mers, ni même deux bassins ; et ce qui mérite encore plus l’attention, c’est qu’il n’arrive presque jamais à la mer sous son nom propre, c’est qu’il n’a de communication avec elle que par l’intermédiaire de ce qu’on appelle dans la langue locale les inlets, dont nous allons avoir tout à l’heure à parler. En réalité, le sound des États-Unis est tout intérieur et doit s’entendre d’une dépression de terrain par laquelle les eaux de l’Atlantique pénètrent avec les influences des marées au milieu des terres, quelquefois, comme par exemple dans les Albemarle et Pamplico-Sounds, sur des superficies très-considérables. Au lieu d’être perché dans un creux des Alpes, à plusieurs centaines de mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, et s’il était soumis aux actions et réactions d’une mer à marées sensibles, le lac de Genève serait, lui aussi, un sound dans le sens où le mot s’applique aux États-Unis. En l’état actuel des choses, nous reconnaissons, sans nous faire prier, que la comparaison est un peu forcée, mais cependant elle est juste, et elle rend si bien ce que nous voulons dire ! Voilà les raisons pour lesquelles nous nous sommes refusé à traduire Sound par détroit, et pourquoi aussi, faute d’un mot qui rendît bien ce que nous comprenions nous-même, nous avons conservé partout où elle se présentait la désignation de Sound, en l’entendant dans l’acception de bras de mer intérieur, ainsi que, d’ailleurs, nous l’avons indiqué dans la légende de nos cartes.

Nous avons aussi traduit, toujours sur nos cartes et presque toujours dans notre texte, le mot inlet par celui de passe. Nous ne l’avons conservé dans notre traduction que dans des cas très-rares d’ailleurs, lorsqu’il indiquait la désignation d’un point fixe qu’il faut se garder de confondre avec un autre qui porte en partie le même nom : comme lorsque nous disons chez nous Bourg-Théroulde, Bourg-Ia-Reine, Bourg-Saint-Andéol, ou la Ferté-Macé, la Ferté-Bernard, la Ferté-Aleps, etc. Entendu dans son sens propre, inlet veut dire la passe, la porte par lesquelles les marées de l’Océan alimentent les sounds, les brèches que les tempêtes si fréquentes sur cette côte s’ouvrent de vive force à travers le long cordon d’îles ou d’îlots qui sont partout en voie de formation ou d’accroissement sur tout ce littoral. Par contre, ces mêmes passes, ces mêmes brèches tendent à se combler par les apports et les détritus de toute espèce qui tombent incessamment avec les cours d’eau des Alleghanis ou de leurs contre-forts connus sous le nom de Montagnes Bleues, Montagnes Vertes, etc., etc. Il en résulte que le régime des inlets est encore très-peu stable ; mais il en résultera aussi, avec la suite des temps, par le travail de la nature et par celui des hommes, tout un grand territoire de la plus admirable fécondité, car la terre finira par avoir dans ces parages raison de la mer, comme elle l’a eue en Hollande et sur le littoral de la Chine.

Déjà, sur les îles que l’on peut regarder comme fixées, les Carolines produisent les plus beaux riz et la Géorgie le magnifique coton qui est connu sous le nom de sea-islands (îles de la mer). Qu’en sera-t-il lorsque ces régions, aujourd’hui encore si peu habitées, seront peuplées par la race énergique des États-Unis, car les Américains ne sont certainement pas moins laborieux que les Chinois, ni moins entreprenants que les Hollandais, à qui leurs conquêtes sur la mer ont valu la légitime admiration du monde ? Il n’est pas téméraire de prévoir qu’un jour viendra où même les Albemarle et Pamplico-Sounds deviendront ce que sont devenues par le travail des Hollandais la mer de Harlem et celle du Zuyderzée. Il ne manque que les bras, mais l’on sait quelle est la puissance d’accroissement de la population aux États-Unis ! C’est un sujet qui doit dès aujourd’hui préoccuper les hydrographes et les géologues, les géographes et les économistes, et sur lequel le livre de M. Bishop fournit de précieuses indications.

Passons maintenant au mot Creek, qui se présente si souvent dans le texte de l’auteur et que l’on trouvera si rarement dans le nôtre. Il eût cependant été si commode de le traduire par crique, car non-seulement on aurait eu le même terme et jusqu’à la même prononciation, mais ce qui vaut peut-être mieux encore, nous aurions pu alléguer que dans leur langue spéciale nos marins se servent du mot crique presque dans le même sens que celui où il est appliqué de l’autre côté de l’Atlantique. — « C’est aussi, dit l’excellent dictionnaire du savant amiral Pâris au mot Crique, c’est aussi une coupure formant un canal qui se prolonge dans les terres. » — La traduction aurait donc été facile à défendre comme étant irréprochable, et même elle avait une certaine apparence de complet savoir qui aurait pu nous tenter. Le « c’est aussi » de M. l’amiral Paris indique qu’il est un autre sens où notre mot crique est plus généralement entendu, Le passage cité n’est, en effet, que le complément d’une autre petite phrase qui dit : « Crique, enfoncement dans une côte, ou sur une côte qui sert d’abri à de petits navires », et dans l’usage c’est ainsi que crique est entendu par l’immense majorité des lecteurs. Nous avons voulu respecter cet usage, d’autant plus qu’aux États-Unis le mot creek s’emploie sur une bien plus grande échelle qu’il n’est employé par nos marins. Pour eux, il n’y a de crique que le chenal qui est accessible à l’eau salée, qu’elle vide ou remplit selon les heures des marées et qu’elle met en communication non interrompue avec la mer du large. Aux États-Unis, on trouve des creeks jusque bien loin dans l’intérieur des terres ; le mot s’applique à des courants d’eau douce aussi bien que d’eau salée ; dans la réalité, il semble désigner surtout des cours d’eau de peu de profondeur, à débit inconstant, selon qu’ils sont influencés par les marées ou par la fonte des neiges ou par les pluies et les inondations du printemps, et qui peuvent, dans certaines circonstances, se changer tout à coup en torrents impétueux pour retomber presque aussi vite à n’avoir qu’un maigre chenal du plus faible tirant d’eau. M, Bishop en a fait bien souvent l’expérience avec son canot de papier, qui ne tirait cependant pas plus de dix-huit pouces et qui, néanmoins, fut si souvent écorché par le fond ou arrêté dans sa route en attendant que le retour du flot vînt lui permettre de reprendre son chemin. Voilà pourquoi nous n’avons employé le mot creek qu’avec la plus grande réserve, et nous l’avons traduit presque toujours par ruisseau, cours d’eau ; toutefois, comme nous n’avions pas la prétention d’inventer une nouvelle nomenclature qui aurait pu à son tour dérouter le lecteur, nous avons conservé sur nos cartes et dans leurs légendes la désignation de creek. On ne pourra pas s’y tromper.

Enfin, nous avons cru devoir aussi conserver un autre mot que l’on retrouvera dans notre texte, dix ou douze fois au plus, mais dont nous ne connaissions pas l’équivalent exact en français et que nous n’aurions pu rendre que par de trop longues périphrases : c’est Narrows (littéralement les étroits). Sur la terre, on dit gorge, défilé, ravin ; mais sur des cours d’eau ? Il y a le mot goulet qui se rapproche assez bien du sens, mais il ne s’applique dans notre langue qu’à un passage resserré qui met eu communication une nappe d’eau de mer intérieure avec le large : le goulet de la rade de Brest, la goulette de Tunis, etc., etc. Nous ne pouvions nous en servir pour des fleuves, et nous avons conservé le narrows des Américains.

Telles sont les explications que nous avons cru devoir donner au lecteur.

Puisse maintenant le public, qui aime les bons livres, trouver dans cet aimable et intéressant récit quelque peu du charme que nous avons éprouvé nous-même dans notre travail !
Le Traducteur.