En vue de l’Himalaya/25 mai 1935

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La Concorde (p. 129-141).


Samedi, 25 mai 1935.


Départ.

« Conte Rosso », Mer d’Arabie,

N.-O. de l’Océan Indien.

J’ai passé ces deux nuits — et dormi — depuis notre départ de Bombay le 23 mai, sur le pont. Temps merveilleux (nous partons juste avant la mousson), glorieuse nuit, glorieuses étoiles, glorieux océan, glorieux horizon et glorieuses couleurs de l’aurore ! Toute cette gloire s’explique. De notre pont extrême-avant, on voit toutes les blancheurs superposées des hauts et larges étages du navire et, derrière eux, les deux cheminées qui laissent puissamment et silencieusement traîner leur vaste crinière de fumée vers l’Orient.

Vers l’Orient ! La fumée va vers l’Orient ! C’est la clé du tableau. Ça signifie que nous filons à toute vitesse vers l’Ouest, et cela explique que le spectacle — magnifique et épique en lui-même — du navire en pleine vitesse m’apparaît en outre comme transfiguré par une lumière projetée sur tout le paysage des profondeurs d’une quatrième dimension.

Nous filons vers l’Ouest ! Le soleil se lève, mais pour cette fois nous lui tournons résolument le dos. La toison d’or (coupon oriental) étale au fond du grand magasin bleu-marin son invariable splendeur. En vain, elle nous appelle. Nous décampons. Nous ne lui envoyons cette fois que notre fumée. Vite, vite, à tours précipités d’hélice… vers l’Occident !… vers l’Occident !

Grand, dernier, suprême et glorieux mouvement — non de retraite, mais de remontée vers notre position centrale à l’Ouest — vers vous tous, amis de l’Occident.

Ce n’est pas que j’oublie déjà — ou que je doive oublier jamais ceux de l’Orient avec lesquels nous venons à peine d’entamer une grande aventure et un travail qui, en tout cas, recouvre de grands espoirs.

Nos derniers dix jours aux Indes ont souligné et renforcé le lien qui nous unit à eux.


Adieux à Sonathi et à Gumani.

La veille de notre départ, dimanche 12, le soir, les villageois, ceux qui ont travaillé avec nous et les volontaires indiens se sont réunis près de nos huttes. Des toiles étendues sur le sol permettaient de s’y asseoir un peu plus confortablement. J’ai fait un « discours » d’adieu pour tous. D’autres ensuite ont parlé pour dire simplement ce qu’il était naturel de dire en pareille occasion. Ma meilleure inspiration a été de demander — après la partie « discours » — si nos amis indiens n’avaient pas l’habitude de terminer, comme nous, des réunions de ce genre par des chants. On m’a répondu affirmativement et pour la première et pour la dernière fois on a chanté, — mais un seul des paysans, un moussard (intouchable) s’est exécuté : chose curieuse, un chant politique d’inspiration congressiste et morale, décrivant les faiblesses politiques de l’Hindou et les vertus qui lui seront nécessaires pour arriver à la liberté. Un étudiant a donné un autre chant du même genre. Un jeune professeur de Patna s’est exécuté dans un chant philosophique ; tirant, en phrases musicales très harmonieuses, des conclusions morales de la thèse fondamentale que le « monde n’est qu’illusion ». C’est ce chant qui m’a le plus vivement frappé. Pour la première fois, la musique hindoue me paraissait être vraiment de la musique… Le chant national congressiste — « Bande mataram » — a été exécuté aussi, mais bien médiocrement. Dans ce programme singulier, Joe, Schenker et moi avons apporté aussi notre contribution, et tout là-bas, dans la plaine du Gange, en concurrence avec le glapissement des chacals — qui restent toujours « vedettes » aux soirées ordinaires — nous avons chanté l’« Amitié ».

L’auto qui nous a emmenés lundi matin nous a apporté aussi un abondant dernier courrier, dernier salut d’amis qui ne se doutaient pas en nous écrivant que leur lettre nous atteindrait à la seconde même du départ. Au lieu d’aller sur Muzzafarpur par le chemin direct ordinaire, sur l’ordre de P., le taxi a passé par notre nouveau village en construction, et là une scène émouvante s’est déroulée. Les villageois, au nombre de 150 à 200, occupés à construire leurs maisons, avaient arrêté le travail et s’étaient rangés en double haie à gauche et à droite de notre grande avenue principale. L’auto s’est arrêtée, on nous a couronnés de guirlandes, on a crié : « Ki jai ». Nous avons vu encore une dernière fois — la toute dernière probablement pour Joe et Schenker — ces bonnes figures, ces pauvres figures de travailleurs, assez peu illuminés, mais un peu illuminés quand même par nos efforts. Nous avons fait ce que nous avons pu et en tout cas il en est resté vaguement quelque chose dans le cœur de ces gens. L’un d’eux, Gumani, l’un des plus pauvres, a apporté un petit paquet de raisins secs pour que nous trois puissions nous en faire plaisir pendant le voyage. C’est le même Gumani qui dictait à un de nos amis indiens, pour le traduire en anglais, le billet suivant à l’adresse de Frazer Hoyland : « Gumani envoie ses salutations à Frazer Sahib et espère qu’il est en bonne santé. Il travaille au village de Bochaha et bâtit maintenant sa maison. Il est très pauvre, mais quand même heureux. » Suit la marque de son pouce… Ce Gumani a la meilleure figure du monde, et au moment où ils se pressaient autour de l’auto qui se remettait en marche pour quitter définitivement Bochaha, tous ces pauvres gens paraissaient autant de « Gumanis » aux visages un peu obscurcis et durcis par les soucis de leur archi-dure existence. « Adieu, Gumani, il valait la peine d’aller tout là-bas et de patauger et de barboter dans cet effort de bonne volonté pour rencontrer de bons types comme toi. »


Se connaître et s’aider.

Chacun sait théoriquement que ces « bons » types existent partout, mais encore faut-il faire un effort réel et sérieux pour se rapprocher d’eux. Nous en avons fait un, assez fantastique mais bien intentionné, et il va produire des fruits concrets, tangibles. Gumani va avoir sa petite maison au sec au lieu de patauger pendant deux ou trois mois avec toute sa famille dans 60 centimètres d’eau pendant la saison des pluies. Et toute cette expédition — y compris les merveilleux voyages qui nous ont, nous Européens, considérablement enrichis — n’a guère coûté plus de 8 000 francs suisses au groupe international qui l’a organisée. Si c’était Gumani seul que nous avions mis au sec avec sa famille, cet argent aurait déjà été magnifiquement employé, comparé à une dépense équivalente pour quelques obus de gros calibre.

Les gens n’ont pas encore cette vision des simples merveilles à faire, très simplement, avec une part infime de ce qu’on donne aujourd’hui au faux dieu, au Moloch du patriotisme militaire, tremblant, froussard, apeuré… à moins qu’il ne soit encore pire : joyeux et féroce.

Après tous ces calculs « réalistes » — realpolitik — échafaudés pour sauver les puissants intérêts des empires et qui aboutissent infailliblement à des écroulements énormes et sanglants, c’est très plaisant, satisfaisant, de penser à notre groupe de trois ou quatre Européens, partis un peu au petit bonheur pour aller, tant bien que mal — et on ne sait d’avance trop comment — mettre au sec Gumani et famille ou, sinon pour ça, pour quelque autre opération analogue. C’est exactement l’action symétrique de la guerre où on ne sait qu’une chose, c’est que quelqu’un, quelque part, dans des circonstances imprévisibles exactement s’en va tuer quelqu’un d’autre… on ne sait rien de plus, on ne peut rien savoir de plus, car ces deux adversaires s’imaginent que c’est pour le bénéfice de la patrie, et il est certain que l’une des deux patries en sortira abîmée.

De là, de Bochaha, dans un tourbillon épais de poussière et sur cette route aux cahots fabuleux, à travers ces pauvres villages et hameaux pittoresques tant de fois traversés, retour à Muzzafarpur, puis à Patna où nous arrivons vers 10 heures du matin. Dernière délicieuse traversée de trois quarts d’heure sur l’écharpe bleue du Gange négligemment jetée au milieu de sables divaguants. Quand même, c’est vexant de ne pas s’être plongé dans cette eau — admirablement pure et belle au milieu de son cours — vexant non pas à cause de ses qualités sacrées particulières, mais à cause de ses qualités simples et naturelles d’eau parfaitement purifiée par la lumière (à distance raisonnable des égouts).

À Patna, longeant en « ekka », ou tamtam, la berge sud du Gange couronnée par un rempart solide en briques contre les hautes eaux, nous arrivons au Centre du « Congrès », une grande construction blanche à un seul étage, avec vérandas et galeries à arcades. Il n’y règne pas d’ailleurs, en temps ordinaire, une bien grande activité. Là, nous sommes rejoints par l’auto de Shah Umair…


Shah Umair, le bon génie d’Arwal.

Mais voilà une histoire capitale — inattendue, tout à fait, — et qui demande un nouveau paragraphe, avec introduction : Quelques jours avant notre départ de Sonathi, un des jeunes volontaires hindous venus de Patna me dit : « Il y a près de Patna un homme qui a entrepris un travail très intéressant, analogue à celui que nous faisons ici. Il tient absolument à vous voir. Il dit qu’il a besoin de votre appui et de vos conseils et demande que vous alliez visiter leur travail avant de partir. Il dit qu’il vous a déjà rencontré. » Tout ça est extrêmement surprenant. Le public ignore cette affaire et je n’ai pas la moindre idée d’avoir rencontré un homme de cette description. D’autre part, c’est embarrassant. Notre programme pour Patna est déjà assez chargé et je ne sais trop comment intercaler cette visite à quarante milles, malgré la proposition de nous envoyer une auto. Enfin, le jeune Hindou affirme que la visite pourra se faire en trois heures, tout compris, et puisque l’inconnu déclare que nous pouvons lui être utile, il n’y a pas à hésiter, nous irons.

Ainsi, mardi 14 mai, à 15 heures, nous roulions vers une destination inconnue sur un grand chemin bordé, sur les soixante-cinq kilomètres, à notre gauche, d’une rangée d’arbres vigoureux, et à notre droite d’un grand canal d’irrigation et de navigation légère qui relie Patna aux rives du « Sone », un des affluents sud du Gange. Il faut que le chauffeur, à la vitesse où nous marchons dans ce chemin relativement étroit, ait l’œil bien ouvert ; à la moindre distraction, on a le choix : d’un côté, un tronc prêt à vous fracasser ; de l’autre, le grand vide du canal tout disposé à vous recevoir. La campagne est belle et fait un effet beaucoup plus riche que les régions du Bihar d’où nous venons. Tous les quinze kilomètres, on passe près d’une écluse avec croisement pour les embarcations. Il y a maintenant fort peu d’eau dans le canal et de temps à autre on rencontre une barque échouée, comme un gros « dityque », coléoptère des marais, qui n’a plus d’eau et attend la prochaine crue. Curieuse affaire que celle du monsieur qui se laisse prendre par la sécheresse, avec son bateau, au beau milieu d’un champ, avec la consolation : « on repartira dans quelques semaines ». L’existence de ce canal, œuvre précise et considérable de génie civil, donne à ce paysage un caractère absolument différent de celui que nous avons connu ces derniers mois. Cela ne paraît pas « Inde », mais plutôt « Europe » et pour nous remettre bien dans la note, ce n’est pas trop — à côté de buffalos moins maigres que nous voyons barboter çà et là dans ce qui reste d’eau — de voir sortir tout à coup de la futaie, de l’autre côté du canal, une bande de trois ou quatre singes qui se poursuivent. Ce sont les seuls que Joe aura eu l’occasion d’apercevoir en liberté pendant son séjour aux Indes — juste à la dernière minute ! Après avoir passé un ou deux villages aux maisons d’« adobé », nous arrivons enfin à destination : Arwal, un grand village de cinq à six cents maisons, trois mille habitants, qui a été complètement noyé et démoli par la grande inondation de juillet de l’année passée — inondation de la rivière « Sone » associée à celle du Gange.

Mais ce que nous voyons et visitons d’abord, c’est le nouvel Arwal, le nouveau village en reconstruction. Immense chantier où des centaines de maisons ont leur maçonnerie à peu près finie et où nous sommes reçus… d’une manière saisissante par le mystérieux inconnu en tenue musulmane : pantalon blanc, veston, tarbouch (fez, sans mouchet), qui, entouré d’une sorte de cour, d’un nombreux personnel, paraît nous attendre depuis des heures. C’est Shah Umair ; il s’approche vivement de moi avec l’air le plus sincèrement heureux et aimable, barbe noire, une expression un peu rude, mais bonne et simple, et gentiment naïve comme une figure d’enfant. Mais, c’est très bizarre, j’ai déjà vu ce type-là quelque part et de très près. Il me dit aussitôt : « Eh bien ! vous vous souvenez de notre première rencontre et de notre bonne causerie dans le train ? » Parbleu, cela me revient brusquement. C’est le premier Indien avec lequel j’aie causé longuement l’an passé après ma rencontre, ma première rencontre en Inde, avec Gandhi, pendant que je faisais le trajet de Gaya à Patna. J’étais tombé droit sur un propriétaire terrien, un zamindar, et ce tout premier zamindar, bousculant toutes mes notions, m’avait paru remarquablement ouvert aux idées constructives généreuses. En fait, il revenait de la réunion du groupe du « Congrès » convoquée à Gaya à l’occasion du passage de Gandhi. Il m’avait frappé aussi par son air modeste (je n’ai appris que plus tard et de quelqu’un d’autre qu’il avait été des mois en prison comme membre du Congrès). Sans pouvoir caractériser la forte impression que cette rencontre m’avait produite, je l’ai signalée brièvement dans ma lettre circulaire III, écrite de Ranchi le 1er mai 1934 (voir « Inde sinistrée », page 56). Au moment où nous nous étions quittés à une petite station entre Gaya et Patna, ce zamindar avait gentiment insisté pour me faire apporter du thé. J’avais constaté avec surprise qu’une auto l’attendait à cette petite gare. Aucun d’entre nous ne pouvait se douter de ce qui, singulièrement, nous rapprocherait plus tard. Il n’était pas question encore de déménagement de nos villages dans le district de Muzzafarpur, et ce n’est que trois mois après notre rencontre, en juillet 34, que se produisait la grande inondation et la démolition d’Arwal qui devait engager Shah Umair lui aussi dans le travail de reconstruction.

Considérant l’immensité de l’Inde et même de la seule province du Bihar, cette rencontre préliminaire avait vraiment quelque chose de singulier. C’est le même homme maintenant, entouré de tous ses serviteurs et assistants et, plus en arrière, de toute une partie du village, qui nous conduit solennellement, — nous trois Européens et Phanindra qui est encore avec nous — vers le centre du nouveau village, le « bazar », la place du marché, où une grande tente a été érigée pour nous recevoir avec fauteuils, rafraîchissements, etc. De petites oriflammes colorées ornent les avenues et Schenker me dit : « Mais qu’est-ce que tout ça signifie ; ils doivent avoir eu ici une fête en l’honneur du « jubilee » ? » Non, ce n’est pas du tout de l’« Empereur » et de l’« Impératrice » des Indes qu’il s’agit cette fois-ci. Ces préparatifs et cette réception en même temps solennelle et amicale s’adressent tout simplement et directement à nous. Et ce qui est beaucoup plus impressionnant que la tente et les fauteuils et les rafraîchissements et même les oriflammes le long des chemins, c’est l’énorme travail qui a déjà été fait ici — exactement dans notre ligne et dont Shah Umair affectueusement paraît nous faire hommage.

Cela tient du rêve. Vous voyez ça : trimer pendant six mois à travers chaleur, chaleur et poussière, poussière, pour arriver à cinquante maisons sur mille cinq cents, en se disant que peut-être, si tout va bien, les mille autres suivront dans un ou deux ans.

Et, à ce moment, se trouver transporté, en marge de son itinéraire régulier, par un « génie », chauffeur d’automobile, auprès de son maître musulman à barbe noire, au milieu de sa cour, qui d’abord vous offre un grand verre de grenadine glacée, et ensuite vous dit positivement, ou à peu près : « Merci, cher hôte, d’avoir si bien terminé ces cinq cents maisons, et merci d’arriver encore en temps utile pour parachever quelques petites formalités. On a construit un peu inconsidérément et sans l’autorisation de l’administration sur quelques petites parcelles, ; en outre, il faudrait une nouvelle passerelle sur le canal. Il serait bon de parler au « commissionner » pour arranger tout cela. » Trouver ça, vous m’avouerez que c’est hallucinant, d’autant plus que voilà Schenker et sa barbe suisse — et non pas Bagdad et les mille et une nuits — et Joe, avec ses lunettes du Yorkshire, qui prouvent que ce n’est pas un rêve.

Sérieusement, quand, après les rafraîchissements, Shah Umair nous fait faire en détail l’inspection de sa nouvelle petite ville, spacieuse, admirablement arrangée, et qu’il a bâtie ou fait bâtir sur son propre terrain donné gratuitement, on dirait, par son attitude de sincère et affectueuse « reconnaissance » à notre égard — plus que par ses paroles qui sont peu nombreuses et sobres — que c’est nous qui lui avons bâti son village ! Ce qui est très surprenant, c’est que le public ne sache à peu près rien de ce magnifique travail. Comme membre du Congrès et ex-prisonnier, Shah Umair, ne paraît pas avoir reçu du gouvernement l’appui et les encouragements qu’il méritait et que nous — du Service civil international — avons si largement reçus. Dans cette direction, je vois tout de suite que nous pourrons essayer de lui aider.

On dit que l’enfer est pavé de « bonnes intentions », mais la visite d’Arwal, où nous avons été transportés au moment psychologique, semble nous autoriser à établir une distinction importante entre deux classes de bonnes intentions : celles qui restent purement idées et ne servent à rien qu’à adoucir et à huiler, pour ainsi dire, le glissement vers l’abîme, et celles qui s’accompagnent d’une action, d’un effort concret — si pauvres et misérables soient-ils — mais avec une suée réelle pour remonter la pente. Certes, dans notre cas, la « transpiration » n’a pas manqué et il semble qu’avec grande bienveillance, cette « transpiration » nous ait été comptée pour action, bien que dans ce climat les deux choses soient largement indépendantes. La morale de ce conte de fées — exactement réalisé —, c’est que si nous faisons un effort réel, d’autres en feront aussi et, si nous ne réussissons pas, d’autres tôt ou tard réussiront et par eux nous aurons réussi et tout le monde pourra se réjouir.

Après cela, nous eûmes encore huit jours mémorables chez Mahatma Gandhi, retour à Bombay, Venise et rentrée au pays.

La Suisse est verte, toute verte, couleur de l’Espoir. Jamais on ne voit cela mieux qu’en revenant des Indes.

Pierre Ceresole.


P. S. — Le 29 juin 1935, Phanindra m’envoie la note suivante sur l’état des travaux :

« Chacun travaille bien. Cent trente familles ont maintenant leurs maisons en terre, quatre puits en maçonnerie sont à peu près terminés, deux puits à tube et pompe sont en fonction. La citerne du centre du village est à peu près terminée et maintenant le village a très bon air (looks very beautiful). Nous aurons l’argent nécessaire pour entretenir un dispensaire dans le village. Les frais totaux pour la construction du village se montent à environ 6 000 Rs. (avec l’achat du terrain, cela fait environ 14 000 Rs.) — le gouvernement et le B. C. R. C. ayant mis ensemble 100 000 Rs. à notre disposition, nous aurons ce qu’il faut pour l’achèvement du programme comportant en tout six ou sept villages comme ce premier village de Bochaha. Cinquante autres familles sont très désireuses de venir s’installer au nouveau village si on leur permet de construire des huttes en « tatti » (claies de bambou et de paille recouvertes de boue appliquée), nous examinerons leur cas lorsque les maisons en terre battue en cours de construction auront été complètement terminées. »

En résumé, bien qu’un sixième seulement du programme total fixé par le Comité mixte formé par les représentants du gouvernement et par ceux de milieux nationalistes (B. C. R. C. ou Congrès) ait été exécuté jusqu’à maintenant, on peut être entièrement satisfait de la manière dont les choses ont marché. Ce premier village reconstruit sur le terrain plus élevé de Bochaha va subir l’épreuve des inondations de la saison des pluies 1935. Nous en tirerons des expériences précieuses pour les cinq ou six villages qui doivent être construits encore. Si ces expériences sont encourageantes, il n’y aucun doute qu’après avoir résolu toutes les difficultés pour le premier village, nous ne procédions beaucoup plus rapidement à l’achèvement des cinq ou six villages restants, dans nos prochaines campagnes. La prochaine s’ouvrira pour nous en octobre 1935. Il n’y a aucune « décision » à prendre. La chose est nécessaire et elle continue tout simplement.

P. C.