Encyclopédie anarchiste/Métayer - Méthode
MÉTAYER s. m. (du latin medictatarius). Tout exploitant rural qui fait valoir une propriété dans certaines conditions d’exploitation et se rapportant plus particulièrement à l’attribution d’une partie des récoltes comme rétribution prend le nom de métayer.
Cette attribution d’une partie des produits du sol à celui qui l’exploite est variable. Dans certaines contrées le métayer perçoit, pour prix de son travail, la plus grande partie des récoltes ; dans d’autres, c’est le propriétaire qui a la plus forte part ; dans d’autres le partage des produits du sol se fait par parts égales.
La différence du fermier proprement dit de celle du métayer consiste en ce que, dans le premier cas, la rente du sol est payée en espèces et, dans le second elle l’est en produits du sol.
La mise en valeur du sol, dans le métayage, s’effectue avec les ressources, machines, animaux et engrais du propriétaire. Le métayer ne fait les avances ni de fonds, ni de matériel qui incombent au fermier dans le système locatif. D’autre part, le propriétaire conserve le contrôle des travaux exécutés et demeure l’arbitre de la marche générale de l’entreprise. L’art. 5 de la loi sur le bail à métairie (18 juillet 1889) spécifie que « le bailleur a la surveillance des travaux et la direction générale de l’exploitation, soit pour le mode de culture, soit pour l’achat et la vente des bestiaux ». Une convention ou, à son défaut, les usages locaux délimitent en la matière les droits des parties. Plus qu’un mode de louage le contrat de métayage est un mode d’association. Son principe et ses résultats sont supérieurs à ceux du salariat, car l’exploitant est intéressé au rendement et recueille, par voie presque directe, une partie des fruits de son effort. Mais la dépense d’énergie qu’elle exige du propriétaire, tenu au moins à un minimum de participation, puisqu’il conserve la responsabilité de l’organisation, est cause que beaucoup préfèrent donner à fermage et toucher une redevance fixe en argent.
Le métayage ou colonat partiaire est néanmoins pratiqué encore en France dans nombre de départements, surtout méridionaux.
MÉTEMPSYCHOSE n. f. (du grec metempsukhosis, formé de mêta, indiquant ici changement et empsuchon, animer). La doctrine de la transmigration des âmes fut très répandue chez les anciens. Elle dérive probablement du panthéisme oriental et de son système d’émanations ; au sein de la nature, d’après les penseurs hindous, un seul esprit, une vie unique circulent sous l’infinie variété des formes ; créations et destructions se succèdent, faisant passer la substance universelle de la vie à la mort et de la mort à une vie nouvelle. Rien n’est inanimé ; dans le corps des moindres insectes, dans les plantes, dans les pierres même, des âmes sont captives ; au cours de leurs migrations continuelles, ces dernières se dégradent ou se perfectionnent, s’éloignent de leur divin principe par le péché ou s’en rapprochent par la pratique de la vertu. Le voluptueux pourra renaître pourceau, le tyran animal féroce, l’impie, le voleur insectes ou bestioles immondes ; alors que le sage, le saint s’élèveront progressivement, dans la hiérarchie des êtres, pour faire retour à l’esprit dont ils émanent. Comme le brahmanisme, le bouddhisme est dominé par la croyance à la transmigration des âmes. Gaulama, qui se souvenait de ses incarnations précédentes, les racontait sous forme d’histoires et de fables charmantes, les Jâtakas capables de faire comprendre à ses disciples l’universelle solidarité de tout ce qui existe et vit. Il enseignait, de plus, qu’en épuisant la volonté de vivre, non par le suicide, mais par l’ascétisme et le renoncement, l’homme échappait aux renaissances successives pour entrer dans le nirvana. Hérodote affirme que les égyptiens croyaient aussi à la métempsychose : « Les égyptiens, écrit-il, ont avancé les premiers que l’âme des hommes est immortelle, et qu’après la dissolution du corps, elle passe successivement dans de nouveaux corps par des naissances nouvelles ; puis, quand elle a ainsi parcouru tous les animaux de la terre, elle rentre dans un corps humain, qui naît à point nommé : cette révolution de l’âme s’accomplit en trois mille ans. » Mais, sur la condition des esprits après la mort, les idées des égyptiens varièrent singulièrement au cours des siècles ; et, de bonne heure, la croyance à la métempsychose se compliqua de spéculations d’un autre ordre. Elle disparut ou presque, laissant des traces dans la doctrine de la réincarnation du double ou ka : quand la momie était détruite, ce dernier trouvait un support matériel dans les statuettes qui peuplaient le tombeau, au dire des prêtres égyptiens.
En Gaule, les anciens druides admettaient la transmigration des âmes, que l’on réduisit plus tard à un voyage vers le pays des morts situé à l’Occident. Chez les Grecs, les mystères orphiques permettaient à l’initié d’éviter le cycle des renaissances, grâce aux formules dont les prêtres le munissaient pour l’au-delà. À la base de l’orphisme on trouve, en effet, le dogme de la métempsychose. Pythagore, né entre 540 et 500, croyait se souvenir de ses incarnations précédentes : tour à tour il aurait habité les corps du guerrier Euphorbe, d’un pêcheur misérable, du célèbre devin Hermotine. Selon qu’elle avait bien ou mal vécu, disait-il, l’âme, après la mort, passait à un état supérieur ou inférieur, réduite parfois à revenir dans le corps d’un animal. Platon exposera des conceptions semblables : « Celui qui passera honnêtement sa vie retournera après sa mort à l’astre qui lui est échu et partagera sa félicité ; celui qui aura faibli sera changé en femme à la seconde naissance ; s’il ne s’améliore pas dans cet état, il sera changé successivement, suivant le caractère de ses vices, en l’animal auquel ses mœurs l’auront fait ressembler ; et ses transformations ne finiront point avant que, se laissant conduire par les mouvements du même et du semblable en lui, et domptant par la raison cette partie grossière de lui-même,… il se rende digne de recouvrer sa première et excellente condition. » Une métempsychose d’ordre plus élevé et de modalité différente fut admise par Virgile, comme en témoigne le sixième chant de l’Enéide. D’autres auteurs latins ont pensé de même. Les modernes partisans de la transmigration des âmes peuvent, à bon droit, constater que cette croyance se retrouve, plus ou moins atténuée, chez de nombreux penseurs anciens. Mais prétendre la découvrir dans les écrits canoniques des juifs et des chrétiens, c’est se tromper manifestement ; pas un mot qui l’étaye ni dans les Évangiles ni dans les Épîtres, et, si l’on excepte Origène et quelques auteurs alexandrins, de bonne heure condamnés comme hérétiques, on ne la rencontre dans les écrits d’aucun Père de l’Église.
Fait curieux, la métempsychose a trouvé de nombreux défenseurs dans les temps modernes. « Où est le vieillard, écrit Fourier, le fondateur de l’école phalanstérienne, qui ne voulut être sûr de renaître et de rapporter dans une autre vie l’expérience qu’il a acquise dans celle-ci ? Prétendre que ce désir doit rester sans réalisation, c’est admettre que Dieu puisse nous tromper. Il faut donc admettre que nous avons déjà vécu avant d’être ce que nous sommes et que plusieurs autres vies nous attendent, les unes renfermées dans le monde ou intra-mondaines, les autres dans une sphère supérieure ou extra-mondaines avec un corps plus subtil et des sens plus délicats. Toutes ces vies, au nombre de huit cent dix, sont distribuées entre cinq périodes d’inégale étendue et embrassent une durée de quatre-vingt-un mille ans. De ces quatre-vingt-un mille ans, nous en passerons vingt-sept mille sur notre planète et cinquante-quatre mille dans l’atmosphère. Au bout de ce temps toutes les âmes particulières, perdant le sentiment de leur existence propre, se confondront avec l’âme de notre planète car les astres sont animés comme les hommes. Le corps de notre planète sera détruit, et leur âme passera dans un globe entièrement neuf, dans une comète de nouvelle formation pour s’élever de là, par un nombre infini de transformations successives, aux degrés les plus sublimes de la hiérarchie des mondes. » Dans son livre Terre et Ciel, Jean Reynaud imagine, après cette vie, une suite d’autres vies sur une infinité de globes, sans que jamais la personnalité vienne à périr. Nous existions avant notre arrivée sur terre, nous continuerons d’exister, après notre départ, dans des mondes de plus en plus parfaits. Mais si la doctrine de la réincarnation des âmes jouit présentement d’une si grande vogue, en Europe et en Amérique, c’est au spiritisme et à la théosophie (voir ces mots) qu’elle le doit. Dans le Livre des Esprits, sorte de catéchisme où alternent demandes et réponses, Allan Kardec s’explique clairement sur ce sujet : « Comment l’âme, qui n’a point atteint la perfection pendant la vie corporelle, peut-elle achever de s’épurer ? En subissant l’épreuve d’une nouvelle existence. » – Comment l’âme accomplit-elle cette nouvelle existence ? Est-ce par sa transformation comme Esprit ? « L’âme, en s’épurant, subit sans doute une transformation, mais pour cela il lui faut l’épreuve de la vie corporelle. » – L’âme a donc plusieurs existences corporelles ? « Oui, tous nous avons plusieurs existences. Ceux qui disent le contraire veulent vous maintenir dans l’ignorance où ils sont eux-mêmes ; c’est leur désir. » – Il semble résulter de ce principe que l’âme, après avoir quitté un corps, en prend un autre ; autrement dit, qu’elle se réincarne dans un nouveau corps ; est-ce ainsi qu’il faut l’entendre ? « C’est évident. » – Quel est le but de la réincarnation ? « Expiation, amélioration progressive de l’humanité ; sans cela où serait la justice ? » – Le nombre des existences corporelles est-il limité, ou bien l’Esprit se réincarne-t-il à perpétuité ? « À chaque existence nouvelle l’Esprit fait un pas dans la voie du progrès ; quand il s’est dépouillé de toutes ses impuretés, il n’a plus besoin des épreuves de la vie corporelle. » – Le nombre des incarnations est-il le même pour tous les Esprits ? « Non ; celui qui avance vite s’épargne des épreuves. Toutefois ces incarnations successives sont toujours très nombreuses, car le progrès est presque indéfini. » – Que devient l’Esprit après sa dernière incarnation ? « Esprit bienheureux ; il est pur Esprit. » Allan Kardec estime qu’il ne serait conforme ni à la justice ni à la bonté divine de frapper irrévocablement le pécheur après sa mort. L’homme doit pouvoir accomplir, dans de nouvelles existences, ce qu’il n’a pu faire ou achever dans une première épreuve. Ces incarnations successives s’accomplissent, d’ailleurs, sur des globes différents ; à mesure que l’esprit se purifie, le corps qu’il revêt acquiert un perfectionnement plus considérable et se spiritualise en quelque sorte. Dans les mondes supérieurs, les passions animales s’affaiblissent, l’égoïsme disparaît ; guerres et discordes sont inconnues. Alors que l’ancienne métempsychose supposait possible le retour de l’âme humaine dans un corps d’animal, le spiritisme n’admet qu’une marche progressive ; l’âme s’élève dans la hiérarchie des êtres, elle ne descend jamais. Théosophes et occultistes des différentes écoles acceptent, eux aussi, la doctrine de la réincarnation ; avec un luxe de détails qui ne manquent pas de saveur, ils nous racontent même comment s’opère le retour vers la matière : « Dans le plan spirituel, écrit Papus, l’esprit prend conscience que les épreuves doivent être poursuivies pour son évolution personnelle et l’évolution de tous les autres esprits, dont il n’est qu’un élément. C’est alors que le grand sacrifice lui est demandé. Il est en pleine conscience de toutes ses incarnations antérieures, il sait ce qu’il a gagné ou ce qu’il a perdu dans ses dernières existences et il sait également quels sont les clichés dont il aura à triompher dans l’existence qui va s’accomplir. Il y a une véritable agonie avec toutes ses affres, il y a une lutte terrible entre l’esprit et ses souffrances futures, analogue de l’agonie terrestre et de la lutte de la matière qui ne veut pas quitter l’esprit qu’elle incarne. Devant les épreuves entrevues : le mariage douloureux, la mort des enfants, la séparation des êtres chers, la ruine terrestre, la prison, le déshonneur, le bagne, peut-être compensée par quelques joies bien faibles ; l’esprit est rempli d’angoisse, sa lumière s’obscurcit et il s’écrie, commentant la parole qui a retenti à travers toutes les sphères visibles et invisibles : « Eli, Eli, lama sabactani ? » (Mon Père, mon Père ! m’as-tu abandonné ?…) C’est alors qu’interviennent les esprits de protection ; toutes les lumières des ancêtres, tous les rayons divins de l’envoyé céleste se concentrent vers la lumière obscurcie d’angoisse de la victime de la fatale évolution, et les chants célestes l’entourent et, le réconfortent. Dans un moment d’enthousiasme sublime, passant en revue tout le cycle des êtres de tous les plans qui vont évoluer avec lui, l’esprit s’écrie : « Mon père, je suis prêt, permettez-moi seulement sur terre d’être un soldat de notre Seigneur, ne m’abandonnez pas et que votre présence me sauve dans cet enfer terrestre où je vais volontairement m’engloutir. » Puis les fluides du fleuve astral et non physique entourent l’esprit qui va descendre. Cette perte de mémoire est indispensable pour éviter le suicide sur terre… L’esprit peut essayer plusieurs corps et ne prendre définitivement possession que du plus fort. Dans la mort des tout petits enfants, il n’y a pas toujours retour de l’esprit au plan divin : il y a essai des différents corps, ce qui est tout autre chose. On peut, en général, dire que cet essai ne dépasse jamais sept mois. » Les pages de ce genre abondent chez les écrivains qui défendent la réincarnation ; leur cerveau accouche de mille divagations invérifiables ; et c’est avec une tranquille audace, bien faite pour impressionner les simples, qu’ils débitent leurs insanités. Mais réclame-t-on des preuves, ces phraseurs si prolixes avouent qu’elles sont surtout d’ordre sentimental, qu’une rigoureuse démonstration est impossible et qu’il faut croire sans trop chercher à approfondir. Quelques-uns pourtant ont rassemblé les arguments qui militeraient en faveur de cette doctrine. Pauvres arguments, preuves sans portée, qui font sourire dès qu’on les examine à la froide lumière de la science et de la raison.
« Parfois, écrit Henri Regnault, on se trouve en présence d’un inconnu pour qui l’on ressent, sans raison apparente, une antipathie ou une sympathie invincible. Voilà des observations faciles à faire presque journellement, sans que naturellement, la question de l’attraction des sexes ait à intervenir. Parfois, aussi, l’on est disposé à rendre service, à être agréable à quelqu’un dont on ignore le nom. Pourquoi cela ? Question de fluide, en certains cas, c’est possible, mais ce n’est pas là une explication toujours suffisante. Ces êtres, qui, tout en étant apparemment étrangers, sont cependant irrésistiblement attirés l’un vers l’autre, se sont sans doute connus dans d’autres existences. Avec leurs sens emprisonnés dans le corps physique, il leur est impossible de se reconnaître, mais leurs esprits sont attirés d’une façon impalpable, imperceptible, incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas notre théorie. » N’en déplaise à Henri Regnault, le fait qu’il signale s’explique, même sans recourir à des fluides, par la loi psychologique de l’association des idées. Telle personne m’est sympathique ou antipathique parce que dans sa physionomie, ses gestes, ses allures, le son de sa voix, il y a quelque chose rappelant d’autres individus que j’aime ou que j’exècre. Et le coup de foudre, en amour, ne résulte lui-même que de la rencontre imprévue d’une personne répondant à l’idéal que l’esprit caresse en secret. Les aptitudes naturelles, les vocations irrésistibles, les différences observées entre enfants et parents, entre frères et sœurs, ne requièrent pas davantage la croyance à la réincarnation. Sans doute la physiologie cérébrale n’est qu’à ses débuts, les lois de l’hérédité sont encore mal connues, mais le biologiste sait déjà, de façon certaine, que tous ces faits relèvent des modalités du système nerveux. Et nous ne pouvons que sourire lorsqu’un Léon Denis dévoile, aux yeux éblouis des profanes, la vraie cause des infirmités naturelles : « Par exemple – et le cas nous a été révélé – si, tel de nos amis est sourd et muet de naissance c’est que jadis il a, par ses propos malveillants, causé des malheurs et amené une catastrophe. J’ai connu une petite naine, vieille et difforme, recueillie par l’hospice de Tours et qui fut toujours un objet de répulsion pour tous ceux qui l’approchaient. Elle s’intéressait au spiritisme et je lui prêtais volontiers les publications qu’elle venait me demander périodiquement. Après sa mort, les Esprits nous dirent que cette existence pénible et maladive avait été un correctif de l’orgueil qui était le fond de son caractère dans ses vies antérieures. Ainsi, la plupart des misères et des infirmités qui affligent les humains s’expliquent par des causes plus ou moins lointaines lorsqu’elles n’ont pas été choisies librement par l’Esprit comme un moyen efficace d’épuration et d’avancement. » Hélas ! alcoolisme et syphilis ont des effets tout pareils à ceux que Léon Denis attribue aux vices contractés dans une vie antérieure. Et, pour qu’une femme enceinte accouche d’un infirme ou d’un monstre, une frayeur suffit, au dire d’une vieille tradition populaire. À toutes les maladies, médecine et physiologie assignent aujourd’hui des causes qui n’ont rien à voir avec l’au delà.
Le sentiment du déjà vu, éprouvé par quelques personnes en face d’un objet, d’un individu, d’un paysage perçus cependant pour la première fois, parut longtemps un argument plus sérieux. « Les paroles que j’entends, crivait au xive siècle le moraliste japonais Kenke, je les ai déjà entendues ; les choses que je vois, je les ai déjà vues autrefois ; quand ? je ne saurais le dire. » Plusieurs cas semblables sont rapportés par les auteurs spirites qui, généralement, ont soin de les enjoliver quelque peu, afin de frapper davantage l’imagination du lecteur. « Il y a une dizaine d’années, disait le Rév. Forbes, en 1906 je visitais Rome pour la première fois. À plusieurs reprises, dans la ville, j’ai été saisi par ce flot de reconnaissances. Les thermes de Caracalla, la voie Apienne, les Catacombes de Saint-Calliste, le Colisée, tout me paraissait familier. » Visitant à Rome la bibliothèque vaticane, Méry : « Y fut reçu par de jeunes hommes, des novices en longues robes brunes, qui se mirent à lui parler le latin le plus pur. Méry était bon latiniste, en tout ce qui tient à la théorie et aux choses écrites, mais il n’avait pas encore essayé de causer familièrement dans la langue de Juvénal. En entendant ces Romains d’aujourd’hui, en admirant ce magnifique idiome, si bien harmonisé avec les monuments, avec les mœurs de l’époque où il était en usage, il lui sembla qu’un voile tombait de ses yeux ; il lui sembla que lui-même avait conversé en d’autres temps avec des amis qui se servaient de ce langage divin. » Malheureusement pour les spirites, la fausse reconnaissance ou paramnésie est un trouble de la mémoire bien connu des psychologues. Ribot, dans Les Maladies de la Mémoire, en donne des exemples typiques et cherche à découvrir le mécanisme de cette illusion. « Un homme instruit, écrit-il, raisonnant assez bien sur sa maladie et qui en a donné une description écrite, fut pris vers l’âge de trente-deux ans d’un état mental particulier. S’il assistait à une fête, s’il visitait quelque endroit, s’il faisait quelque rencontré, cet événement, avec toutes ses circonstances, lui paraissait si familier qu’il se sentait sûr d’avoir déjà éprouvé les mêmes impressions, étant entouré précisément des mêmes personnes ou des mêmes objets, avec le même ciel, le même temps, etc. Faisait-il quelque nouveau travail, il lui semblait l’avoir déjà fait et dans les mêmes conditions. Ce sentiment se produisait parfois le jour même, au bout de quelques minutes ou de quelques heures, parfois le jour suivant seulement, mais avec une parfaite clarté. » D’ordinaire la fausse mémoire est liée à un désordre mental lorsqu’elle est durable, à une fatigue profonde lorsqu’elle est passagère. Elle est d’origine physiologique, et n’a rien à voir avec la métempsychose, de l’avis de tous les savants consciencieux.
Que penser maintenant du souvenir d’une vie antérieure spontanément reparu, à ce qu’on assure, chez quelques enfants ? Les occultistes ne s’en étonnent point, car ils prennent au sérieux toutes les divagations du bambin. « L’enfant, dira Papus, voit ses ancêtres, voit son génie familier lui apparaître souvent et jouer avec lui. Si les parents sont assez intelligents pour ne pas couper ses relations, cette existence en partie double peut avoir une grande importance dans la destinée terrestre. » Malheureusement certains parents, non seulement ne répriment pas les folles illusions de l’imagination enfantine, mais peuplent le cerveau de leur rejeton des spectres et des fantômes dont leur propre esprit est le jouet. Les réminiscences, observées chez les bambins par un entourage crédule, résultent du souvenir gardé par eux de conversations maintes fois entendues. « Dès qu’il a commencé à parler, lit-on dans la Revue Spirite, Raoul (un petit brésilien) a répété à maintes reprises ces paroles : « en morri », qu’il est impossible de traduire en français dans leur concision, car elles signifient, au sens littéral, je suis mort, c’est-à-dire j’ai déjà passé de vie à trépas. Les parents n’attachèrent pas d’abord d’importance à ces mots. Mais, le 1er novembre 1927, un incident significatif se produisit. Voyant sa mère préparer des couronnes funéraires, il demanda pour qui. Le père nomma ses enfants pré-décédés. Et Raoul de dire : « Mais, papa, je suis François. – Non, dit le père, tu es Raoul. – Avant, j’étais François, répondit Raoul, et j’étais grand comme ça. » En disant ces mots il se dressa sur ses pieds et, levant la main, marqua la taille de son frère, qui était très grand. Et il ajouta : « J’ai été très malade, je suis mort, on m’a enterré et après, je suis revenu avec les hommes et je suis maintenant Raoul. » Il mentionna ensuite qu’au moment de sa mort ses parents habitaient une autre maison, dans une autre rue. Quelques jours après, le 7 novembre 1927, Raoul, voyant sur une table un gobelet de poche en aluminium qui avait été donné à François et que son père se disposait à emporter, s’écria : « Papa, tu as donné ce gobelet à François, mais maintenant c’est moi qui suis François, ce gobelet est à moi ; seulement je veux bien te le prêter. » Dans les paroles du petit Raoul, nous retrouvons l’allure ordinaire des histoires qu’enfante si volontiers l’imagination des bambins. Des parents inconsolables ont parlé devant lui du grand frère qui n’était plus ; sur ses goûts, ses objets préférés, les circonstances de sa mort, ils ont donné maints détails que la mémoire de Raoul a enregistrés soigneusement. Et d’instinct, peut-être pour obtenir plus de caresses, peut-être par caprice de l’imaginative ou de l’association des idées, l’enfant a opéré une de ces substitutions de personne que les psychologues connaissent bien. Mêmes remarques concernant le cas de la petite Nelly Horster. « Il y a douze ans, écrivait J.-J. Horster en 1892, j’habitais III, comté d’Effingham. J’y perdis une enfant, Maria, au moment où elle entrait dans la puberté. L’année suivante, j’allais me fixer à Dakota, que je n’ai plus quitté depuis. J’eus, il y a neuf années, une nouvelle fille que nous avons appelée Nellie et qui a persisté obstinément à se nommer Maria, disant que c’était son vrai nom duquel nous l’appelions autrefois. Je retournai dernièrement dans le comté d’Effingham, pour y régler quelques affaires, et j’emmenai Nellie avec moi. Elle reconnut notre ancienne demeure, et bien des personnes qu’elle n’avait jamais vues, mais que ma première fille Maria connaissait fort bien. » Comment peut-on nous servir des histoires d’un merveilleux si frelaté ! Ce que la jeune Nelly n’avait pas vu, elle l’avait entendu décrire ; ses réminiscences d’une vie antérieure n’étaient qu’un écho des conversations tenues par ses parents. De temps en temps, il est vrai, des récits plus corsés circulent, qui obligent le lecteur à crier au prodige. Mais lorsqu’on veut contrôler, aller aux sources, toute certitude s’évanouit généralement. Malgré de nombreuses lettres, Henri Regnault ne put obtenir de renseignements précis sur le petit Édouard Espuglas Cabrera qui, disait-on, gardait un étonnant souvenir de ce qu’il avait fait dans une précédente incarnation. La physiologie est loin d’avoir dit son dernier mot ; bien des forces seront découvertes plus tard que nous ignorons présentement. Dès aujourd’hui, néanmoins, nous sommes certains que la métempsychose est un mythe au même titre que le ciel et l’enfer des chrétiens. Car le suprême et dernier argument que ses partisans allèguent, le souvenir des vies passées provoqué durant l’état d’hypnose, est aussi faible que les précédents. Endormie par de Rochas, qui s’adonna longtemps à des recherches de ce genre, Mme Trinchant narra qu’elle fut jadis une jeune fille arabe, assassinée vers l’âge de vingt ans. Un autre sujet, Henriette, plongé par le même dans l’état somnambulique, revivait en souvenir l’existence de l’évêque De Belzunce ; encouragés, au moins indirectement, par l’hypnotiseur, bien d’autres ont fait depuis des récits du même genre. Inutilement pour la cause de la réincarnation, car on s’est aperçu qu’il s’agissait, dans tous ces cas de troubles maladifs de la personnalité. L’imagination du sujet et les suggestions de son entourage suffisent à expliquer le roman, parfois très prolixe, débité par certains hypnotisés touchant leurs vies antérieures. Altérations, transformations, dédoublements plus ou moins complets de la personnalité sont des phénomènes bien étudiés par les magnétiseurs. « Cette singulière coutume des somnambules de se dédoubler, écrit Pierre Janet, est très fréquente et a été signalée dès les premières études sur ce sujet. » « Les somnambules parlent d’eux-mêmes à la troisième personne, dit Deleuze, comme si leur individu dans l’état de veille et dans l’état de somnambulisme était deux personnes… Mlle Adélaïde ne convenait jamais de l’identité d’Adélaïde avec Petite, nom qu’elle recevait et se donnait pendant sa manie (somnambulisme), etc. » « Leur esprit de veille et celui du somnambulisme, dit Aubin Gauthier, sont deux choses différentes. » Tous les écrivains du magnétisme animal ont d’ailleurs décrit ce fait, qui est aussi fréquent qu’il est curieux. N… qui se trouvait d’abord changée, prétendit bientôt qu’elle était autre. « Qui étiez-vous donc alors ! » lui ai-je demandé. – « Je ne sais pas… je crois que je suis la malade. »… Lucie, qui restait la même, disait-elle, pendant le premier somnambulisme, change complètement d’avis quand on la met dans le second. Le changement devient probablement trop fort, car elle ne se reconnaît plus ; elle prend alors spontanément un autre nom, celui d’Adrienne. » Qu’un partisan de la réincarnation assiste à l’une de ces crises de dédoublement, qu’il suggère au sujet l’idée d’une existence antérieure et ce dernier, tout naturellement, sans intervention d’une entité de l’au-delà, imaginera mille détails se rapportant à la personnalité dont on l’affubla. En réalité, si la métempsychose a trouvé à notre époque tant de défenseurs, c’est qu’elle prétend justifier les inégalités sociales et laver dieu du crime de barbarie, que les croyants pourraient lui adresser à bon droit. « La logique, écrit Henri Regnault, interdit d’accepter la création par Dieu, infiniment bon, infiniment parfait, infiniment juste, d’êtres qui, venus au monde aussi dissemblables à tous les points de vue, auraient cependant, vis-à-vis de lui, la même responsabilité. Combien ce mystère apparent devient clair si l’on n’admet pour chacun des enfants qui naissent ici-bas, l’existence préalable de vies antérieures. » Et Léon Denis fait sienne la communication médiumnique suivante : « La grande idée de la réincarnation est seule capable de revivifier la société décadente qui est la nôtre. Seule elle peut réfréner cet égoïsme envahissant qui désagrège Famille, Patrie, Société, et qui substitue à la généreuse idée du devoir cette conception féroce d’une individualité qui doit s’affirmer quand même à tout prix. » Après de telles déclarations, nous sommes fixés. Voyant crouler de toutes parts les vieux dogmes chrétiens, quelques partisans de l’exploitation des pauvres par les riches, des sujets par les gouvernants, ont estimé qu’une large diffusion de la croyance aux vies successives remplacerait avantageusement la peur d’un enfer qui paraît très problématique à l’homme qui réfléchit tant soit peu. Dans l’espoir d’être mieux partagé dans une prochaine existence, de faire partie des dirigeants, d’être un génie illustre, un patron redouté, peut-être un prince, un ministre, un roi, le malheureux tâcheron des champs ou de l’usine peinera sans se plaindre pour nos grands féodaux. Et sa situation pitoyable lui semblera un juste châtiment de fautes commises antérieurement. Concevoir un anesthésiant meilleur à l’usage du populaire parait à bon droit difficile. L’incarnation du Christ en la personne de Krishnamurti, messie selon le cœur de l’Angleterre, doit achever de convaincre ceux qui ne pouvaient admettre de si noires machinations. Esprit médiocre qui, sans les citer naturellement, s’inspire des écrivains libertaires dans ce qu’ils ont de meilleur, ce nouvel Instructeur du monde se contente de répéter ce que d’autres dirent avant lui. Mais les dirigeants de la politique anglo-saxonne espèrent que son influence leur sera favorable dans l’Inde ; et ils comptent sur lui pour aider, si possible, au réveil religieux de l’Occident. – L. Barbedette.
Ouvrages à consulter. – Papus, La Réincarnation. – L. Denis, Après la mort. – Delanne, La Réincarnation. – H. Regnault, Tu revivras. – A. Besant, Nécessité de la Réincarnation. – Allan Kardec, Le Livre des Esprits. – Bergson, L’Énergie spirituelle. – Ch. Lancelin, Comment on meurt, comment on nait. – Sausse, La Réincarnation selon le Spiritisme. – Ribot, Les Maladies de la Mémoire. – Pierre Janet, L’Automatisme psychologique, etc.
MÉTÉOROLOGIE (n. f. grec meteorologia). C’est la science qui fait partie de la physique et qui traite des phénomènes atmosphériques, du climat, du temps qu’il fait.
Il est curieux de constater que la science qui est arrivée à prédire, par le calcul, le retour de certaines comètes et les éclipses du soleil et de la lune, des siècles et des siècles en avance avec une précision remarquable, à la seconde près, reste muette pour ce qui concerne les perturbations atmosphériques.
Il nous est absolument impossible, n’en déplaise à certains calendriers, de prévoir le temps qu’il fera, même une semaine d’avance et il suffit, par exemple, qu’un ouragan qui se dirige de Terre-Neuve vers l’Europe rencontre au cours de sa route une tempête venant d’une direction contraire pour que les côtes de l’Angleterre et de la Bretagne, qui s’attendaient à recevoir dans quatre jours le contre-coup de la tempête annoncée, soient épargnées de cette visite inopportune.
Quant à la Lune, qui a pourtant une action si prépondérante sur les marées avec leurs flux et reflux, il est généralement admis que son influence sur l’atmosphère, c’est-à-dire sur le temps, est entièrement nulle.
Heureusement, notre ignorance totale en matière météorologique se borne aux prédictions du temps qu’il fera et à l’action sur les tremblements également incalculables d’avance et qu’ils sont susceptibles d’exercer sur l’atmosphère.
En dehors de cette lacune importante, nos connaissances météorologiques sont d’une précision mathématique et nous savons qu’ici comme ailleurs « natura non fecit saltus ». (La nature ne fait pas de sauts.)
Certes, notre planète, qui est un petit soleil refroidi, a passé par de grandes variations de température et nous savons que vers la fin de la période tertiaire, il y a quelques millions d’années, la Sibérie était peuplée de palmiers et qu’à l’époque glaciaire, dont l’apogée ne date même pas de cent mille ans, la plus grande partie de l’Europe était recouverte de glaces polaires.
Mais depuis la période historique, il n’y a pas eu de changement fondamental au point de vue climatérique. Les changements existants sont superficiels et sont dus à des causes accidentelles, comme les déboisements, les lacs mis à sec, les petites rivières détournées de leurs cours, etc…, etc…
D’une façon générale, on peut affirmer que depuis l’antiquité romaine il n’y a eu aucun changement dans les climats de notre Terre et que même les températures moyennes des années varient peu l’une de l’autre. Ainsi, nous constatons que depuis la découverte du thermomètre par Cassini, en 1699, l’écart de la température annuelle de Paris, qui est de 10 degrés en moyenne, n’a jamais dépassé entre l’année la plus froide et la plus chaude, 2 à 2, 5 degrés.
La température moyenne de notre planète, au niveau de la mer, est de 15 degrés centigrade, c’est-à dire sensiblement la même que celle de la ville de Toulon. En montant, la température de l’atmosphère, dont la hauteur est d’environ cent kilomètres, diminue pendant les premiers quatre kilomètres de l’ascension de 5 degrés par mille mètres pour descendre, dans les régions interstellaires à —273°.
Quant au vent, qui peut atteindre une vitesse de 80 à 140 kilomètres par heure, et même davantage, sa température est déterminée par l’altitude et la latitude par lesquelles il passe.
Les régions circumpolaires de notre globe restent éternellement blanches et glacées à partir du 80e parallèle. Le pôle sud est un haut plateau avec des montagnes s’élevant à plus de 3.000 mètres. Il est le plus froid des deux pôles, mais n’a pas encore été suffisamment exploré. Quant au pôle Nord, atteint par Peary le 6 avril 1909, il se trouve en plein Océan Arctique, éternellement glacé. On a trouvé dans ces parages jusqu’à 4.000 mètres de profondeur, ce qui indique évidemment l’absence de toute terre dans le voisinage. La température du mois de juillet se maintient dans la région circumpolaire du pôle Nord dans les environs de zéro et est, en hiver, un peu moins froide que celle de la Sibérie septentrionale. Cette atténuation relative du froid est due aux crevasses longues de plusieurs kilomètres et larges de plusieurs centaines de mètres qui se forment, même en plein hiver, probablement sous l’action combinée des marées et de la rotation terrestre pour regeler aussitôt. C’est là l’équation polaire.
Pour ce qui est des régions équatoriales de notre Terre, Alexandre Humbold estimait à 28 degrés leur température annuelle moyenne. Cette moyenne varie, en réalité, entre 26,5 et 29, et atteint ses maxima à environ 15 latitudes au nord et au sud de l’équateur, où l’épaisseur de la croute terrestre, qui est en moyenne de 50 kilomètres, est la plus mince.
Les plus hautes températures enregistrées sur notre globe, à l’air libre et à l’ombre, sont de 52 à 56 degrés. La plus haute moyenne mensuelle est de 36 et a été notée à Massaouah, en Érythrée. Les plus basses températures, par contre, ont été relevées, non pas dans le voisinage du pôle, mais en Sibérie, avec une moyenne de —40 pour décembre, janvier et février avec un minimum absolu de —63 à Jakoutsk (lat. 62 long. est) et de —45 en moyenne à Nerchnojansk, pôle du froid de la Terre (lat. 67).
La température des océans, qui est voisine de zéro dans les régions circumpolaires, est de 26 à 30 dans les régions équatoriales et tropicales et peut dépasser 32 à Aden dans la mer Rouge et atteindre 35 au sud du golfe Persique. Dans les grandes profondeurs, l’eau de mer a une température voisine de zéro et peut même descendre à —2°. Dans les profondeurs de la Méditerranée qui peuvent atteindre 4.600 mètres, la température se maintient invariable à 13 degrés.
Voici maintenant, à titre de renseignement, les températures minima, maxima et moyennes des principaux habitats de notre sphère terrestre : Buenos-Aires s’inscrit pour le mois le plus froid de son année par le chiffre 9, pour le mois le plus chaud, par le chiffre 24 degrés. Rio-Janeiro, 21 et 26, 7 avec maximum absolu de 39 et minimum absolu de 10,7. Para, presque sur l’Équateur brésilien, par environ 29 et 27 avec maximum annuel de 35 et minimum de 23. La Havane, capitale de la perle des Antilles, janvier, 21,8, juillet 28, maximum absolu 39, minimum absolu 12. L’Île de Ceylan, 25 et 27,8. Bombay, 22,8 et 29,6. Madras, 24,5 et 31. Le Caire, 12 et 30. Alexandrie, 14,7 et 26,8. Palerme, 12 et 25,5. Alger, 12,8 et 25,9. Rome, 7,2 et 24,5. Naples, 9,3 et 24,2. La Rivièra (Nice-Menton), 9 et 23,5. Barcelone, 9 et 24,5. Paris, 2,4 et 18, 3. Berlin, 0 et 19. Varsovie, —3,8 et 18,8. Moscou —11 et 19 avec maximum absolu 38 et minimum —43. Leningrad, —9,3 et 17,8 avec maximum 35 et minimum —39. New-York —1 et 23,9. Saint-Louis, —1,5 et 25,6. Nouvelle-Orléans, 12,3 et 28,4. San-Francisco, 9,9 et 14,8. Yokohama (Japon), 5 et 24. Tokio, 3,2 et 24,5. Peking, —5 et 26,2.
Pour terminer cette nomenclature, en apparence aride, mais en vérité très parlante, disons encore qu’il tombe le plus d’eau dans les pays tropicaux, notamment aux Indes et que les pays les plus arides et secs sont l’Égypte, l’est de la Russie, l’Asie centrale, l’intérieur de l’Australie et une bande de terre entre les Andes et le Pacifique qui traverse Lima, la capitale du Pérou.
Maintenant, ajoutons encore, pour terminer, ce fait curieux que toutes les villes qui se trouvent sur la voie ferrée qui relie, par plus de huit mille kilomètres Paris, par Berlin, Varsovie, Moscou, etc., etc., à Irkoutsk, capitale de la Sibérie, située au bord du lac Baikal, profond de 1.375 mètres, ont la même température moyenne pour le mois de juillet, soit de 18 à 19 degrés, tandis que la moyenne de janvier est de 2,4 à Paris et de -25 immédiatement à l’est de Irkoutsk.
Ainsi se présente à l’observateur attentif notre Terre, alternativement glacée et torride avec des montagnes dépassant 8800 mètres d’altitude et des creux d’Océan descendant à 10 kilomètres au-dessous du niveau de la mer et qui, « légère comme une plume », tourbillonne autour de son axe en 23 heures 56′ 4″ et autour du Soleil dans une année, à raison de 29 kilomètres et demi par seconde, en suivant l’astre du jour qui l’entraîne dans sa course vertigineuse de 20 kilomètres par seconde sur une courbe non mesurée encore de la Voie Lactée. – Frédéric Stackelberg.
N.-B. – Jakoutsk et Verchnojausk ont une température annuelle moyenne de -11 et -17 degrés. L’écart des maxima, qui peuvent atteindre 33 à 34 degrés au mois de juillet, et des minima (plus de -63 en janvier) est près de 100 degrés. En Martinique (Antilles), où les températures ne varient que de 21 à 35, cet écart n’est que de 14 ; à Para (Brésil équatorial), pas plus de 12 degrés (23 à 35), et à Quito, qui est situé sur l’Équateur, à 2850 mètres d’altitude, la température moyenne de l’année se maintient constamment entre 13,3 et 13,7. – F. S.
MÉTHODE s. f. (latin methodus ; grec methodos).— L’ordre qu’on met, qu’on suit pour dire, enseigner ou faire quelque chose, pour arriver à un but constitue une méthode. La manière d’être ou d’agir prend ce nom occasionnellement. L’ouvrage qui contient, rangés dans un ordre de progression logique, les principaux éléments d’une science, d’un art, s’appelle méthode.
En philosophie, la marche rationnelle de l’esprit pour arriver à la connaissance ou à la démonstration de la vérité. Ainsi la règle employée pour faire une démonstration scientifique prend le nom de méthode.
Dès lors la méthode nous apparaît comme une démonstration par le raisonnement. En fait de raisonnements, s’il en est de bons, il en est aussi de mauvais, de sorte qu’il en est de même des méthodes. « Si, dit Colins, les hommes ont généralement mal raisonné, il ne faut pas en conclure qu’ils raisonnent toujours mal ; la nécessité sociale les forcera à bien raisonner ou à disparaître. »
Il est plus difficile que certains ne pensent de bien raisonné, et surtout d’employer la bonne méthode pour arriver à cette fin, parce que les préjugés sont vivaces. La première chose à faire consiste à se défaire des préjugés qui faussent l’intelligence, comme la méthode à employer pour bien raisonner consiste à oublier ce que l’on croyait savoir pour y substituer ce qu’on saura.
Cette méthode nous paraît la meilleure pour acquérir les connaissances qu’on ignore. L’expérience nous permet de constater que les enfants apprennent bien plus vite que les personnes âgées. Cela se comprend. Les enfants ne savent pour ainsi dire rien ou bien peu, ils ont plus ou moins conscience de leur état d’ignorance ; aussi sont-ils portés à s’instruire volontairement.
Il en est tout autrement des hommes, qu’on appelle instruits, quand il s’agit de s’assimiler une autre règle, de suivre une autre méthode pour acquérir une instruction dont ils ne soupçonnent pas le besoin.
« Les hommes instruits, dit De Potter, croient savoir, et même bien savoir, tout ce qui est du domaine de l’intelligence. Leur vanité ne leur permet pas de supposer qu’aucune raison personnelle puisse avoir un horizon plus étendu que le leur. Il en est ainsi parce que ces hommes reculent devant le travail de se faire enfant pour se former un autre raisonnement, un langage nouveau dont ils n’avaient pas même l’idée. Ils feignent d’ignorer que tout doit changer, jusqu’aux expressions ou du moins jusqu’à la valeur vague, jusqu’ici impropre, souvent fausse qu’on leur avait enseignée. »
Nos savants oublient que ce qui était relativement bon pour le passé, devient mauvais dans le présent et ne peut plus, pour l’avenir, être base d’ordre. Malgré les déceptions que les systèmes plus ou moins empiriques apportent dans la vie sociale, ces mêmes personnes ne se résoudront que bien difficilement à chercher et à trouver une nouvelle voie qui leur donne la preuve de leurs fautes en les orientant vers la vérité.
Acculé dans ses derniers retranchements, le savant de nos jours consentira péniblement à adopter par-ci, par-là, quelques modifications qu’il engrènera, au petit bonheur des circonstances, dans son système, espérant ainsi opérer une rénovation générale. Il ne réfléchit pas assez qu’un système est une œuvre tout d’un jet ou d’une pièce qui doit, non seulement exposer le but qu’il poursuit, mais démontrer les possibilités de l’atteindre.
Que le prolétaire, l’opprimé, le déshérité s’intéresse à ajuster, à coudre un morceau de tissu neuf sur un habit usé, la nécessité lui en fait souvent une obligation dans notre société ; mais que les classes possédantes, qui sont plus ou moins les classes dirigeantes, fassent une obligation légale aux classes laborieuses et opprimées de vivre de privations, alors que la société générale regorge de richesses, n’est et ne peut être que le résultat, la mise en pratique d’une mauvaise méthode.
Ainsi, au point de vue social qui nous intéresse particulièrement, la méthode employée jusqu’à ce jour ne permet pas de pouvoir espérer une rénovation sérieuse et scientifique des conditions d’existence des opprimés qui n’ont rien à espérer de bon de l’organisation sociale de nos jours.
Une méthode, pour être réellement scientifique, doit se présenter dans le cadre de l’harmonie générale, elle ne doit pas viser à tasser des choses disparates ni à accoupler des choses inconciliables.
D’un bon raisonnement, d’une bonne méthode appliquée à la vraie science dépend le bonheur domestique et social. C’est vers cette méthode et cette science que les efforts de l’Humanité doivent tendre. – Elle Soubeyran.
MÉTHODE (scientifique ou expérimentale). La connaissance scientifique s’oppose à la connaissance mystique. Celle-ci repose sur l’intuition, la foi, l’autorité, celle-là sur l’expérience, le raisonnement, la critique. Si l’une n’est rien de plus que l’expression des sentiments de l’homme, simples reflets des passions du groupe qui l’encadre, d’une subjectivité, simple nuance de l’opinion commune, l’autre est une conquête du monde naturel due à l’initiative d’une individualité libérée des entraves du préjugé, l’aboutissement de recherches objectives dont les conclusions vaudront pour quiconque suivra librement la même voie.
La connaissance scientifique résulte de l’application à l’étude de la nature, d’une méthode logique d’observation, d’expérience et de discussion, méthode préconisée dès le xiiie siècle par le moine Roger Bacon, précisée, trois siècles plus tard, par son homonyme, le Chancelier François Bacon, qui recommande de se défier des idées a priori, de recourir à l’observation et au raisonnement et, avec prudence, à l’induction, c’est-à-dire de ne conclure du particulier au général qu’après de nombreuses expériences, qu’après maintes épreuves légitimant la loi formulée.
Il était réservé à Descartes d’imposer et de vulgariser l’emploi de la méthode scientifique. Son œuvre, quoi qu’elle ait été moins novatrice qu’on ne le suppose, par le retentissement qu’elle eut, a puissamment agi sur l’orientation de l’esprit humain.
La méthode cartésienne consiste à n’accepter comme vrai que ce qui est évident et à accepter comme vrai tout ce qui est évident. D’abord rejeter les idées préconçues et les arguments d’autorité. « Entreprendre une bonne fois d’ôter de sa créance toutes les opinions reçues jusqu’alors, afin d’y en remettre par après, ou d’autres meilleures ou les mêmes, lorsqu’on les a ajustées au niveau de la raison. »
Rien, pourtant, dans notre constitution physiologique, ne correspond au sentiment d’évidence, « comme il y a sentiment de joie, sensation de chaud, impression de fait ». D’où nous vient la clarté ? Nous distinguons les faits qui se produisent en nous et ceux qui se produisent dans le monde extérieur. « Les premiers varient avec chaque individu, les seconds sont communs à toutes les personnes avec qui nous communiquons. » Le critérium cherché pour l’évidence pourrait être l’accord général. Mais « une proposition scientifique ne peut être admise que si on la comprend et le nombre des personnes capables de comprendre est petit, plus qu’elles ne le croient. L’accord, s’il existait, serait donc un accord de spécialistes ; en fait il n’existe pas » (Campbell). À l’accord effectivement réalisé, il faut donc substituer la possibilité d’accord entre tous ceux qui seront capables d’appliquer la méthode. Et encore, y a-t-il des sensations anormales. Heureusement, grâce à la corrélation entre diverses manifestations sensibles d’un même fait, nous pouvons éliminer les sensations anormales. Un homme atteint de daltonisme pourra identifier des rayons lumineux d’après leur position dans le spectre, d’après leur longueur d’onde. Les sensations anormales peuvent ainsi être remplacées par des sensations normales susceptibles d’assentiment universel.
Il y a, en effet, des sensations que l’on peut regarder comme universellement normales, comme exprimant des propriétés reconnues par tous. Ce sont celles sur lesquelles reposent les mesures, fondements de la science. Un physicien anglais en distingue trois espèces : 1° jugements de simultanéité, de séquence et d’intercalation dans le temps ; 2° jugements de coïncidence et d’intercalation dans l’espace ; 3° jugements numériques. En somme « Le critérium de l’accord général est issu de la nature de notre expérience et de notre manière de penser. Une altération de cette nature est une supposition folle. La faillite du critérium serait la faillite de la pensée. »
Quelles sont les modalités de l’observation et de l’expérimentation ? D’après Stuart Mill, elles sont au nombre de quatre : Méthode de concordance (Comparaison de cas nombreux et différents concordant par la présence du phénomène étudié ; ils doivent aussi concorder par la présence des phénomènes que l’on suppose lui être invariablement liés). Méthode de différence (Examen des cas semblables différant seulement par la présence ou l’absence d’un seul phénomène. Le phénomène lié au premier doit être, de même, présent ou absent). Méthode des variations concomitantes (Les deux phénomènes en relation supposée doivent présenter des variations corrélatives). Méthode des résidus Si on retranche d’un phénomène complexe toutes les circonstances déjà expliquées par certaines causes, il peut rester des circonstances inexpliquées. Celles-ci seront la conséquence des faits antérieurs non utilisés pour l’explication : (Découverte de Neptune, par Leverrier.)
Qu’est-ce qui guidera nos pas dans la recherche ? Qu’est-ce qui nous incitera même à l’entreprendre ? « Quand Descartes disait qu’il ne faut s’en rapporter qu’à l’évidence ou à ce qui est suffisamment démontré, cela signifiait qu’il ne fallait plus s’en référer à l’autorité, comme faisait la scolastique, mais ne s’appuyer que sur les faits bien établis par l’expérience. De là il résulte que, lorsque dans la science nous avons émis une idée ou une théorie, nous ne devons pas avoir pour but de la conserver en cherchant tout ce qui peut l’appuyer et en écartant tout ce qui peut l’infirmer. Nous devons, au contraire, examiner avec le plus grand soin les faits qui semblent la renverser, parce que le progrès réel consiste toujours à changer une théorie ancienne qui renferme moins de faits contre une nouvelle qui en renferme davantage. » (Claude Bernard) « Toutefois, la manière de procéder de l’esprit humain n’est pas changée au fond pour cela. Le métaphysicien, le scolastique et l’expérimentateur procèdent tous par une idée a priori. La différence consiste en ce que le scolastique impose son idée comme une vérité absolue qu’il a trouvée, et dont il déduit ensuite, par la logique seule, toutes les conséquences. L’expérimentateur, plus modeste, pose au contraire son idée comme une question, comme une interprétation anticipée de la nature, plus ou moins probable, dont il déduit logiquement des conséquences qu’il confronte à chaque instant avec la réalité au moyen de l’expérience. Il marche ainsi des vérités partielles à des vérités plus générales, mais sans jamais prétendre qu’il tient la vérité absolue. » (Cl. Bernard) C’est l’intuition ou le sentiment qui engendre l’idée expérimentale. « Toute l’initiative expérimentale est dans l’idée, car c’est elle qui provoque l’expérience… Si l’on expérimentait sans idée préconçue, on irait à l’aventure ; mais d’un autre côté, si l’on observait avec des idées préconçues, on ferait de mauvaises observations et l’on serait exposé à prendre les conceptions de son esprit pour la réalité. » (Cl. Bernard)
Cette méthode expérimentale qui, à première vue, paraît si complexe, est non seulement accessible à tous, mais en fait chacun la met spontanément en pratique. Le savant viennois Mach a dit : « L’activité intellectuelle du chercheur et de l’inventeur ne diffère pas essentiellement de celle du commun des hommes. Le savant érige en méthode ce que les autres hommes font instinctivement. » Un autre savant anglais, Pearson, dit de son côté : « L’importance d’une juste appréciation de la méthode scientifique est si grande, que l’on pourrait avec raison, je crois, demander à l’État de placer l’éducation scientifique à la portée de tous les citoyens. En fait, nous devrions regarder avec une méfiance extrême les grosses dépenses publiques pour des institutions techniques ou similaires, si l’enseignement manuel que l’on se propose d’y donner n’est pas accompagné de science pure. L’habitude scientifique de l’esprit est une habitude que tout le monde peut acquérir ; les moyens les plus simples de la prendre doivent être placés à la portée de tous. » L’apprentissage d’un métier ne doit pas se réduire à l’acquisition d’une routine ; il doit être raisonné, méthodique, éveiller l’intelligence autant qu’il discipline les gestes.
Nous avons, au début, signalé l’opposition entre mysticisme et science ; cependant nous avons déjà constaté que l’intuition était le propulseur de la recherche expérimentale. C’est qu’opposition ne signifie pas abîme infranchissable, discontinuité absolue. Au début, l’homme primitif ne connaît d’abord comme cause de changement que sa propre volonté ; il attribue une volonté semblable à tout ce qui se meut. Remarquant ensuite que des changements obéissent à certaines règles immuables, alors que son esprit, ses tendances propres sont versatiles, il confère à un être supérieur, maître de soi-même, persévérant dans ses desseins, la direction de l’évolution du monde. Dans les deux cas son mysticisme s’appuie sur l’expérience, obéit à une certaine logique ; il est science embryonnaire. L’homme se fourvoie, au contraire, dès l’instant que, s’en tenant à ces premières explications, il met un frein à sa curiosité. L’opposition fondamentale consiste en ceci : le mysticisme est immobilité, torpeur, suicide ; la science est mouvement, attention, vie. – G. Goujon.
MÉTHODE. (Point de vue individualiste). — Il est de mode de prétendre, dans certains milieux, que les individualistes anarchistes manquent de méthode ; c’est mal connaître l’individualisme anarchiste.
La méthode en cours chez les individualistes consiste d’abord en une œuvre de démolition, ensuite en un labeur de reconstruction.
Nous cherchons à extirper du cerveau et de la conduite de ceux avec qui nous venons en contact et avec lesquels nous restons en rapport, la mentalité bourgeoise et petite-bourgeoise, et nous insistons jusqu’à ce que se soit effondré le dernier appui, l’ultime base, le dernier étai sur lequel se fondait ou reposait cette mentalité. Nous la traquons jusqu’en ses derniers refuges, jusqu’en ses repaires les plus cachés. Dans ces entités sonores : mal, bien, juste, injuste, vice, vertu, amour, haine, courage, paresse, foi, jalousie, doute, cause, parti, église, honneur, vergogne, convenances, pudeur, obscénité, famille, mariage – dans mille autres – nous voyons autant de fantômes qu’agitent comme des épouvantails les dirigeants et les gouvernants, civils comme religieux, laïques comme ecclésiastiques. Nous entreprenons de démasquer, de dégonfler, de crever ces baudruches. Nous voulons faire sonner le creux de la phraséologie hypocrite et puritaine à l’abri de laquelle les hommes d’état, les gens de finance et les maîtres-chanteurs perpètrent leurs mauvais coups.
Notre méthode consiste à déraciner du cerveau et de la conduite de ceux auprès desquels nous avons accès, les « valeurs morales » en cours en ce monde, ce vieux monde de dominateurs et de dominés, d’exploiteurs et d’exploités – que ces « valeurs » soient d’ordre éthique ou civique, spirituel ou économique, pratique ou méta. Toutes, sans en excepter une seule.
Nous sommes d’abord des négateurs, des démolisseurs, des désagrégateurs, des artisans de « tables rases ». Nous le sommes parce que la mentalité bourgeoise et petite-bourgeoise, les « valeurs » morales en cours, sont en leur essence archistes et parce qu’en dernier ressort, elles murent l’unité humaine, cadavre ambulant, dans la tombe du défendu, de l’interdit, du prohibé.
La méthode individualiste anarchiste consiste à desceller la pierre tombale, à faire sortir de la fosse l’infortuné qui y croupit et qui y pourrit, à lui crier – et très haut et très fort : « Rien ne t’est défendu, interdit, prohibé que ce que tu ne peux accomplir par ton propre effort, isolé ou associé aux tiens. »
Notre anarchisme ne date pas de la querelle doctrinale qui mit aux prises Bakounine et Marx ni de Gorgias, ni de Protagoras ; il remonte au premier humain, à l’ancêtre pré-historique ou anté-historique qui refusa de se « laisser faire » par les chefs de tribu d’alors, d’accomplir une action qu’il n’aurait pas accomplie si on ne l’y avait pas obligé.
Dans un article de l’Anarchie, le compagnon Albert Libertad écrivait : « Pour connaître véritablement la liberté, il faut développer l’homme jusqu’à ce que nulle autorité n’ait possibilité d’être ».
Nous avons fait nôtre cette opinion et nous l’avons complétée par certaines propositions que voici :
« Il convient de développer en l’unité humaine la mentalité alégaliste jusqu’à ce que nulle loi ou légalité n’ait possibilité d’être ; il convient de développer la mentalité amoraliste Jusqu’à ce qu’aucune morale ou moralité officielle ou coercitive n’ait possibilité d’être ; il convient de développer la mentalité de camaraderie ou de sociabilité jusqu’à ce que le sociétarisme ou le grégarisme n’ait plus de possibilité d’être. »
Voilà la méthode individualiste anarchiste.
Que l’application de cette méthode n’aille pas sans quelque danger, qui le nie ? Plusieurs des nôtres ne l’ignorent point. Quand on voyage en avion, c’est plus périlleux qu’en automobile ; quand on se déplace en automobile, c’est plus risqué que lorsqu’on utilise une charrette à âne. Marcher est le mode de locomotion le plus sûr, somme toute.
Il est encore bien plus sûr de rester chez soi.
Eh bien oui : quand on a mis au rancart mentalité bourgeoise et petite-bourgeoise ; jeté au fumier les valeurs morales en usage ; anéanti en soi l’esprit vieux-monde ; lorsqu’on est sorti du tombeau et qu’on nargue ou défie convenu, établi, routine, définitif, tout ne va pas comme sur des roulettes et de temps à autre on doit s’attendre à buter contre des obstacles et de sérieux, soit dit entre parenthèses.
Nous ne cherchons pas de parti-pris, de gaieté de cœur, les alarmes, les passes difficiles, les détresses mortelles, les situations sans issue. Au contraire. Mais la voie sur laquelle se sont lancés les individualistes à notre façon n’est pas toujours libre. Avis aux timorés. Que ceux qui ne veulent pas de notre méthode restent chez eux, mais qu’ils ne nous accablent pas de conseils, d’avis, alors que nous avons pesé le pour et le contre avant de partir.
La méthode individualiste anarchiste n’implique pas seulement entreprise de démolition, elle est reconstructive. Nous ne sommes pas seulement des iconoclastes, nous faisons de la réédification. Nous acceptons les désavantages auxquels nous exposent nos théories et nos thèses, mais nous poursuivons tous les bénéfices qu’elles impliquent.
Une fois leur cerveau décrassé, nous appelons à nous ceux avec qui nous sommes restés en contact et nous leur disons : « Parallèlement à une propagande antiétatiste la plus vivante et la plus profonde qu’il soit possible d’imaginer, formons, créons des groupes, des milieux, des associations ou, toute ingérence archiste étant écartée, nous vivrons comme nous l’entendrons. Venez tels que vous êtes, même avec les désirs et les aspirations que vous n’osez vous avouer ou révéler à vous-mêmes. Vous ne rencontrerez, parmi nous, ni bonzes moralisateurs, ni moralisateurs réfrigérants pour vous arrêter dans vos élans ou vous reprocher de vous écarter des textes reçus ou encore de manifester des besoins contraires au « bon sens ». Nous voulons instaurer des milieux où le but poursuivi est de se procurer la plus grande somme de bonheur réalisable – et cela « en camaraderie » — c’est-à-dire réunis par des affinités d’un genre ou d’un autre et sans qu’à aucun moment il y ait recours à la fraude, à l’imposition, à la violence — et cela dans tous les domaines, chacun sachant de quoi il retourne — et cela en vue de la pleine satisfaction des appétits de chacun. Il se peut que nous n’arborions pas toujours nos couleurs sur le faîte des demeures que nous entendons rebâtir, que nous ne hissions même aucun pavillon, mais « en dehors » — nous ne nous sentons comptables pour quoi que ce soit aux « en dedans ».
La méthode individualiste anarchiste vise, en somme, à rendre l’unité humaine apte à faire elle-même son destin, à accomplir son déterminisme personnel — dût ce procédé lui être plus désavantageux que de s’en remettre aux directives d’un milieu auquel nous ne reconnaissons pas le droit de décider pour qui rejette sa tutelle. Tel que nous le concevons un individualiste anarchiste est parfaitement capable d’exécuter les termes d’un contrat qu’il aurait librement passé, lesdits termes seraient-ils cent fois plus rigoureux que les clauses imposées, pour atteindre un but semblable, par la société archiste.
Cette méthode nous l’appliquons indistinctement aux ouvriéristes, aux syndicalistes, aux communistes, aux individualistes anarchistes qui s’ignorent, à tous ceux que nous approchons. Mais, qu’elle ait échoué ou non, tous ceux qui ont été attirés vers nous savent bien qu’ils ne nous ont pas quittés sans que nous ayons fait tout ce qui dépendait de nous pour abolir en leur cerveau et en leur conduite jusqu’au dernier des vestiges du besoin d’une autorité imposée, d’un contrat irrésiliable. — E. Armand.
MÉTHODE (éducation et enseignement). — Procédés, techniques et méthodes. — Le lecteur des ouvrages et des revues pédagogiques rencontre à chaque instant le mot méthode appliqué à des choses fort diverses. Tantôt il s’agit de l’emploi et de l’éducation de la pensée : méthodes intuitive, déductive, rationnelle-analytique, synthétique, etc. ; tantôt il est question de l’organisation scolaire et du mode de travail des élèves : méthodes individuelle, collective ; parfois il s’agit de l’ordre et de la manière d’enseigner telle ou telle technique : méthodes de lecture, d’écriture, de calcul, etc. ; enfin les conceptions pédagogiques de certains auteurs, comme aussi les systèmes appliqués dans certains établissements prennent également le nom de méthodes : méthodes Montessori, Decroly, etc., de Winnetka, etc. En présence d’un emploi si généralisé du mot méthode, tout instituteur qui a imaginé un procédé quelconque — peut-être simplement retrouvé par lui et déjà employé par maints autres pédagogues, — qui enseigne ou croit enseigner d’une manière originale, personnelle, s’empresse de parler de sa — ou de ses — méthodes.
Un pédagogue novateur de notre temps, voulant réagir contre l’emploi abusif du mot méthode, a écrit : « Ce grand mot de méthode a été tellement galvaudé par tous les faiseurs de manuels de toutes sortes, qu’il nous est difficile aujourd’hui de lui redonner le sens précis et complet que nous lui voudrions en éducation.
« Qui dit méthode dit système d’éducation basé sur des éléments sûrs, prouvés scientifiquement, et coordonnés d’une façon absolument logique. Or, la science pédagogique en est encore à ses balbutiements et nulle méthode aujourd’hui existante ne peut s’en réclamer.
« Seule l’Église, qui dédaigne la Science, et s’appuie inébranlablement — croit-elle — sur la révélation et la croyance, a sa méthode d’éducation, éprouvée par des siècles d’emploi, avec ses procédés, ses techniques presque immuables malgré les découvertes ; méthode qui ne recherche d’ailleurs pas la libération de l’individu, mais seulement sa résignation à l’ordre établi, son asservissement toujours plus grand à ses maîtres.
« Hors cet essai relativement logique, il n’y a pas encore eu, pour la pédagogie populaire, de véritable méthode d’éducation. » (C. Freinet.)
Pour utile que soit cette réaction, elle n’en est pas moins excessive et si l’on admettait la définition que Freinet nous donne du mot méthode, on ne pourrait l’approuver lorsqu’il écrit que l’Église a une méthode : Freinet se contredit évidemment lui-même.
Il importe donc de préciser le sens du mot méthode.
« Qu’est-ce que la méthode ? » demandait Delon à la session pédagogique de Cempuis, en 1893. Il disait : « C’est la voie logique même ; — méthode signifie chemin ; — c’est la route à parcourir pour arriver à la connaissance raisonnée des faits. » Cette définition est un peu étroite, car il y a des méthodes de travail manuel tout comme il existe des méthodes de pensée, mais cette étroitesse tient à ce que Delon parlait alors « De l’unité de la méthode dans l’enseignement. »
Un psychologue contemporain nous définit ainsi ce mot : « Une méthode est la marche raisonnée que l’on suit pour atteindre un but. » (Cellerier.)
Enfin un pédagogue, P. Bernard, précise : « C’est, étymologiquement parlant, la route, la voie que l’on suit pour arriver à un but, c’est une manière de se conduire. Le savant a sa méthode de recherche, le professeur a sa méthode d’enseignement, le laboureur a sa méthode de culture. Agir méthodiquement, ce n’est pas s’évertuer au hasard, se fier à l’inspiration du moment, se dépenser en élans, ce n’est pas s’agiter ; agir méthodiquement, c’est avoir une pensée directrice et un plan d’action ; c’est disposer, organiser, composer ses pensées et ses actes ; c’est choisir avec discernement, en toutes circonstances, les moyens propres à réaliser le plus sûrement et le plus rapidement la fin qu’on s’est fixée. Un instituteur qui a de la méthode peut dire : voilà l’idée qui me mène, voici ce que je veux ; j’ai une doctrine qui ordonne l’ensemble et les détails de mon enseignement ; je puis, de ce point de vue, expliquer et justifier mes procédés, rendre raison de toutes mes démarches ; je sais où je vais, comment j’y vais. »
Il convient de distinguer le procédé, la technique et la méthode. Le procédé, nous disent les dictionnaires c’est la méthode à suivre pour faire une opération un travail. Cette définition rend mal compte de la différence qu’il y a entre un procédé et une méthode. La technique est, disent encore les dictionnaires, l’ensemble des procédés d’un art ou d’un métier. Précisons par un exemple. J’observe un jardinier qui lève un écusson de rosier, le pose et le ligature sur un églantier ; il ne lève pas l’écusson de la même manière que je le ferais moi-même, il le pose et le ligature différemment, ses tours de main, ses procédés, sont différents des miens, il a une technique de l’écussonnage, j’en emplois une autre ; ces deux techniques peuvent être sensiblement de même valeur si une méthode dirige le choix des procédés comme aussi leur adaptation à chaque cas particulier. Je sais les conditions qu’il faut réaliser pour que l’écussonnage puisse réussir, je sais par exemple que la partie centrale de mon écusson doit bien s’appliquer sur la zone génératrice du sujet et pour réaliser cette condition, j’abandonnerai parfois le procédé de ligature qui m’est familier pour en utiliser un autre moins satisfaisant dans d’autres cas ; je sais aussi qu’il faut éviter que l’écusson reçoive trop ou trop peu de sève de l’églantier et, suivant que cet églantier aura beaucoup ou très peu de sève, je serrerai ma ligature plus fortement au-dessus ou au-dessous de l’écusson. Avoir une méthode, c’est donc choisir entre les procédés d’une technique et modifier, au besoin, certains des procédés adoptés en tenant compte du but poursuivi et des conditions de la réussite. On donne aussi parfois le nom de techniques à la lecture, à l’écriture et au calcul considérant ainsi que ces connaissances sont des connaissances outils qui permettent d’acquérir d’autres connaissances et sont ainsi des techniques du savoir. Mais l’étude de ces techniques peut être méthodique : il y a, certes, de fausses méthodes de lecture, etc., qui ne sont qu’un amas de procédés appliqués à une matière d’étude morcelée plus ou moins arbitrairement, mais il y a aussi de vraies méthodes reposant sur une idée directrice, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient bonnes pour ce ! a, car il y a bien évidemment de bonnes et de mauvaises méthodes. Il y a surtout des individus qui appliquent les procédés d’une méthode d’une manière figée sans tenir compte de l’esprit qui doit les animer et sans essayer de les modifier ou de les adapter aux divers cas particuliers qui se présentent à eux.
Méthodes logiques et méthodes pédagogiques. — L’utilité de distinguer ces méthodes a été ainsi démontrée par Cellerier :
« Une méthode d’enseignement est l’ensemble des voies et moyens, des attitudes, des activités que nous adopterons pour enseigner une notion à un élève. Le but de la méthode sera non seulement de déposer cette notion dans la mémoire de l’enfant, mais de la rendre facilement utilisable. »
Ouvrons ici une parenthèse. Si nous rapprochons ces arguments des explications de Bernard, nous voyons clairement qu’on ne peut prétendre avoir une méthode si on ne se préoccupe pas de choisir ou de réaliser les conditions de temps et de milieu les plus favorables à l’obtention des résultats poursuivis. Or il est indéniable que de nombreux pédagogues encore se préoccupent plus d’enseigner suivant un ordre preconçu que d’adpter leur enseignement au temps, et de taire une place à cet enseignement occasionnel, si intéressant et si profitable pour les enfants.
Il est plus évident encore qu’on ne se soucie guère de réaliser les conditions de milieu les plus favorables. Certes, Mme Montessori et surtout le Dr Decroly et Dewey, pour ne citer que les principaux, ont proclamé l’importance du milieu éducateur et ont fait des efforts méritoires en vue de sa réalisation, mais la plupart des pédagogues bourgeois ont négligé cette partie du problème de la méthode. S’il fallait réaliser un bon milieu éducateur pour tous les enfants des prolétaires, cela coûterait cher : il faudrait démolir les écoles-taudis, multiplier les établissement d’instruction – pour éviter les classes trop nombreuses, les doter de vastes cours pour les jeux, de petits jardins, de petits élevages, etc. Et alors, placé dans un tel milieu, le petit prolétaire sentirait plus âprement les tares du milieu familial – qui est aussi un milieu éducateur mais souvent à rebours, parce que l’air y est confiné dans des taudis et parce que les parents ne peuvent pas toujours donner la nourriture, les soins, etc., utiles au développement physique, intellectuel et moral de leurs enfants.
Signalons aussi dans cette parenthèse, que Cellerier se préoccupe seulement du problème de meublage laissant de côté le problème de formation de l’esprit, du caractère, etc.
« Mais le terme de méthode s’emploie aussi en logique. Il signifie, alors, la marche rationnelle que suit l’esprit dans ses recherches, soit pour atteindre, soit pour démontrer la vérité. Or dans l’enseignement, nous sommes souvent appelés à exposer à l’élève un raisonnement. Et le raisonnement suit une de ces méthodes de la logique. Le raisonnement à exposer sera analytique s’il consiste à disséquer les parties d’un tout, comme c’est le cas dans l’étude de la phrase grammaticale ; il sera synthétique lorsque nous partirons de quelques éléments simples pour construire un vaste édifice tel que celui de la géométrie ou de l’astronomie. Il sera inductif dans les sciences qui se fondent sur l’observation des faits pour en tirer des lois ; déductif dans les sciences synthétiques, etc… Tout cela ce sont des méthodes logiques, c’est-à-dire des modes, des qualités de la manière enseignée à l’élève, mais non les qualités de notre enseignement. C’est, pour ainsi dire, l’itinéraire suivi par l’esprit dans une recherche, non l’attitude adoptée par le maître pour exposer cet itinéraire à l’élève. »
Or les attitudes de notre esprit peuvent varier d’instant en instant. « Pour démontrer que la somme des angles d’un triangle est égale à deux angles droits, nous passons quatre ou cinq fois de l’analyse, qui scrute les rapports entre tel côté, tel et tel angle, à la synthèse qui en tire telle ou telle déduction, et vice-versa. » L’analyse et la synthèse sont corrélatives, l’analyse conduit à la synthèse puis la synthèse perfectionne l’analyse, il n’y a pas opposition entre elles. Dans ce va-et-vient de l’analyse à la synthèse, il y a changement dans l’objet enseigné, changement de méthode logique, mais le mode de l’enseignement, la méthode d’enseignement ne varient pas.
Il faudrait donc distinguer : « Ces deux ordres de choses si différents : la matière enseignée et les méthodes qu’elle peut enfermer, d’une part, et l’acte d’enseigner, avec les formes qu’il peut revêtir, de l’autre. Les méthodes logiques (modes de raisonnement) dépendent de la nature de l’objet enseigné. Les méthodes pédagogiques (attitudes adoptées dans l’enseignement) se règlent au contraire en grande partie sur la nature de l’enfant, son développement, etc. »
Unité de la méthode pédagogique. — Il faut que l’instituteur, s’élevant au-dessus des procédés et des techniques, ait une méthode d’enseignement de la lecture, une méthode d’enseignement du calcul, une méthode d’enseignement du dessin, etc., mais ces méthodes ne doivent être que des cas particuliers d’une méthode pédagogique plus générale qu’il faut appliquer en tenant compte des individualités enfantines et en l’adaptant aux diverses matières d’enseignement, aux divers sujets d’étude.
Si l’on a bien compris notre distinction des méthodes logiques et des méthodes pédagogiques, on doit admettre que les divers enseignements que nous donnons à un même enfant doivent s’inspirer d’une même méthode. Non pas seulement même méthode d’enseignement, mais encore même méthode pour l’enseignement et l’éducation. Comme nous allons le voir tout à l’heure, il existe, en effet, une liaison étroite entre l’éducation et l’enseignement : la méthode des logiciens ne peut être qu’une méthode d’autorité car le pédagogue qui ne peut ou ne veut pas avoir un enseignement vraiment intéressant doit imposer l’étude, s’il veut que ses élèves retirent quelque profit de cet enseignement.
Le progrès pédagogique s’accomplit, certes, partiellement à la suite de réformes dans les détails ; mais il procède plutôt par bonds, par révolutions. Vouloir passer progressivement d’une méthode pédagogique à une autre méthode, c’est agir comme le ferait un piéton qui, désireux d’apprendre à pédaler, déciderait d’adopter une solution réformiste et de passer progressivement de la marche à la pratique de la bicyclette. Une méthode est un tout, une construction et non un tas de moellons, il faut adopter le tout ou choisir une autre méthode ; il faut éviter d’avoir plusieurs méthodes pédagogiques.
Vers la méthode idéale d’enseignement. — Disons d’abord pourquoi nous devons avoir une méthode idéale d’enseignement. Certes, il nous est assez difficile d’avoir une vision claire et nette des buts poursuivis, nous ne pouvons pas bien souvent apprécier l’utilité lointaine des exercices scolaires employés et des notions enseignées ; nous ne sommes pas certains que d’autres exercices et d’autres notions n’auraient pas une utilité plus grande pour l’élève et de ceci résulte, en grande partie, la surcharge des programmes. Certes, nos connaissances psychologiques en général et la connaissance que nous avons de chacun de nos élèves en particulier, ne peuvent nous permettre d’éviter des erreurs dans l’application de la méthode. Notre connaissance des sujets d’étude n’est peut-être pas assez large et assez souple pour nous permettre de choisir ce qui convient au moment opportun. Et enfin le milieu éducateur avec son matériel d’enseignement et d’éducation, son jardin, etc., n’est pas celui que nous voudrions pour nos élèves. Mais, précisément, en ayant une méthode idéale, nous prendrons conscience des efforts qui nous sont nécessaires pour détruire, au moins partiellement, les obstacles qui se présentent devant nous et qui proviennent de nous, de l’enfant ou du milieu.
Les anciens navigateurs qui, par nuits claires, levaient les yeux pour observer les constellations ne les ont point atteintes et ne cherchaient pas à les atteindre. Mais ces constellations les guidaient et c’est aussi un guide que nous cherchons dans la détermination d’une méthode idéale. Cette méthode dirigera nos réalisations de chaque jour, leur donnera un sens, nous permettra de constater les défauts à corriger et d’imaginer les perfectionnements futurs. Avoir une méthode idéale ce n’est pas seulement concevoir ce qui est mauvais et peut être perfectionné dans notre enseignement, c’est savoir choisir entre plusieurs perfectionnements possibles, être capable de renoncer à des progrès trop chèrement acquis, c’est-à-dire à ceux qui auraient des conséquences mauvaises, autrement dit encore, c’est pouvoir distinguer les progrès essentiels des progrès secondaires et ne pas sacrifier les premiers aux derniers.
Laissant de côté les amalgames de méthodes, qui sont tout le contraire d’une méthode, nous pouvons dire qu’il n’existe en réalité que trois méthodes : celle des logiciens, celle des pédagogues artistes, celle des psycho-pédagogues.
L’enfant fut longtemps considéré comme un petit homme imparfait qu’il fallait éduquer et instruire suivant un idéal éducatif et des programmes d’enseignement. Éduquer, c’était ordonner, défendre, punir. Instruire, c’était faire acquérir une certaine somme de connaissances logiquement divisées et subdivisées en matières que l’un commençait par définir. Nos anciens manuels d’histoire, de géographie, de grammaire, d’arithmétique, commençaient par de telles définitions : « l’histoire est… », etc. De plus, l’étude de chaque matière se faisait toujours suivant une progression logique qui partait toujours des éléments : on commençait l’apprentissage de la lecture par l’étude des lettres, celui du calcul par l’étude de la numération, celui du dessin par le tracé des lignes, etc. L’étude de la géographie, de la grammaire, etc., commençait de même par des éléments : golfes, caps, îles…, parties du discours, etc.
Évidemment les logiciens qui voulaient aller vite et droit au but, sans perte de temps, croyaient suivre la marche du facile au difficile. Il faut reconnaître qu’en suivant un ordre logique et en avançant pas à pas et « de proche en proche », comme le veut M. J. Gal, on se rapproche fort d’une telle marche, cependant on ne la suit pas toujours.
Demandez à un tout jeune enfant de dessiner une ligne droite et une pomme : il vous présentera une ligne qui ne sera pas droite à côté du dessin d’une pomme beaucoup plus satisfaisant. Essayez de faire apprendre à lire, à un débutant, des lettres (éléments de mots) et des mots, en nombre égal, présentés globalement : ce sera ce dernier apprentissage qui demandera le moins de temps.
Qu’il apprenne à parler ou à marcher, l’enfant suit un ordre naturel qui n’est pas l’ordre logique, et l’on peut s’en rendre compte également en étudiant les progrès des enfants lors de l’acquisition des notions de nombre. Nous disons bien les progrès des enfants, car la marche n’est pas identique pour tous : il y a pour les enfants plusieurs marches du progrès. Si même nous ne tenons pas compte des différences individuelles – qui font, par exemple, que certains enfants font l’acquisition de la notion de 2 avant d’acquérir celle de 1 – et que nous considérions l’enfant moyen, nous avons l’ordre d’acquisition moyen : 1, 2, 3, ½, 4, 5, ¼,… (⅓ apparaissant plus tard), etc… Non seulement cet ordre psychologique n’est pas l’ordre logique, mais encore l’acquisition des notions ne se fait pas progressivement, l’enfant ne « monte pas une marche, puis une autre, puis une autre… » comme le voudrait J. Gal, il fait des bonds successifs, puis s’arrête. La compréhension des notions nouvelles se fait brusquement, puis l’enfant s’efforce de fixer sa nouvelle découverte, l’appliquant à propos et hors de propos ; enfin arrive l’abandon, le repos plus ou moins apparent auquel succède un nouveau bond et le progrès se continue suivant le même rythme : découverte, fixation de la découverte, repos. Tous les progrès de l’enfant sont soumis au rythme, l’enfant a ses métamorphoses, il va de l’avant par révolutions autant que par évolution et l’enseignement, qu’il s’agisse de lecture, de calcul, etc…, donné pas à pas, progressivement peut atténuer mais non empêcher cette périodicité des progrès.
La méthode des logiciens n’est pas seulement combattue par les psychologues parce qu’elle ne tient pas compte du développement mental de l’enfant – considéré dynamiquement et non statiquement – mais aussi parce que le souci de meubler l’esprit nuit à la formation des intelligences : en enseignant à l’enfant une logique d’adulte, on ne lui permet pas de se servir de sa propre logique et de la développer.
Enfin pédagogues artistes et psychologues sont d’accord pour faire grief aux méthodes logiques de leur manque d’intérêt. Tout d’abord, dit le pédagogue allemand Stiehler, les Logiciens construisirent leur système « en dehors de l’enfant ». Les formes géométriques, analytiques, synthétiques réjouirent le cœur des mathématiciens et des pédagogues pédants qui adoptèrent un ordre logique et des formes rigides : pentagone après triangle, etc… Mais l’enfant indocile ne veut rien savoir, il désire dessiner des choses, des scènes animées qui font battre son cœur, mais que les logiciens déclarent être trop difficiles à dessiner pour lui.
Ce que Stiehler dit de l’enseignement du dessin est vrai pour tous les autres enseignements. La méthode des logiciens est un désert aride, sans intérêt pour l’enfant.
Les défauts de la méthode logique provoquèrent la réaction des pédagogues artistes. Comme dans toute réaction, ils furent à l’extrême opposé. Gradation et graduation logique et autorité furent abandonnées. Intérêt et Liberté furent les nouveaux mots d’ordre.
Les centres d’intérêts et le souci d’éduquer remplacèrent la division logique et le souci d’instruire.
Pour satisfaire l’intérêt des enfants, on employa des méthodes globales de lecture, d’écriture, de dessin, etc., et, plaçant au-dessus de tout l’intérêt de l’enfant, on ne se préoccupa guère de savoir si de telles méthodes étaient plus ou moins rapides que les anciennes. Cette pédagogie fut impressionniste, intuitive et libérale.
Cependant, tout comme les logiciens, les pédagogues artistes l’avaient, en une certaine mesure, construite en dehors de l’enfant. Il y a des éléments intellectuels dans les facultés et les intérêts de l’enfant. « L’idée erronée d’après laquelle on peut, en faisant appel aux tendances spontanées et en ayant recours à de nombreux matériaux, se passer entièrement du travail logique, vient de ce qu’on ne se rend pas compte de la grande part jouée dans la vie de l’enfant par la curiosité, le raisonnement, l’expérience, la preuve. Nous sous-estimons ainsi l’élément intellectuel, c’est-à-dire le seul élément éducatif dans le jeu et le travail plus spontané de l’individu. Tout maître attentif à la manière dont la pensée intervient dans les expériences faites par l’enfant normal, évitera aisément de confondre la logique avec la préparation systématique préalable de la matière à enseigner ; il ne se figurera pas non plus que le seul moyen d’éviter cette erreur est de négliger toute considération logique. Il apercevra que le but réel de l’éducation intellectuelle est de faire que des dispositions naturelles deviennent des aptitudes exercées et éprouvées, capables de transformer la curiosité plus ou moins fortuite et la suggestion dispersée en attitudes qui disposent à la recherche active, prudente et poussée à fond. Il verra que le psychologique et le logique, loin d’être opposés (ou simplement indépendants l’un de l’autre) sont liés au même titre que le premier et le dernier terme d’un même processus continu d’évolution normale. » (Dewey).
Il y a, d’ailleurs, trois écueils que n’ont pas toujours su éviter les pédagogues artistes. D’abord ils ont risqué de tarir l’intérêt à sa source. Que l’enfant fasse ce qui lui plaît, ce qui l’intéresse, fort bien si son travail ne présente ni trop ni trop peu de difficultés, car un travail trop difficile décourage et un travail trop facile n’intéresse que dans une faible mesure. Ensuite, si l’on demande à l’enfant ses désirs et ses besoins, ils deviennent tyranniques, et si l’on fournit un aliment à tous les intérêts manifestés, on risque d’entretenir des intérêts qui ne présentent plus d’utilité pour l’individu qui évolue, au détriment du meilleur épanouissement de cet individu dont on retarde ainsi le développement. Enfin nous ne saurions admettre que l’on tienne si peu compte des pertes de temps qui résultent de l’emploi d’une telle méthode. L’humanité n’a progressé que parce que chaque génération s’est assimilée rapidement, en sa jeunesse, les connaissances acquises par les générations antérieures et a pu, ainsi, ajouter ensuite sa pierre au progrès.
Malgré les critiques, qu’ils s’adressent mutuellement, logiciens et pédagogues artistes reconnaissent que l’enfant doit, travailler, faire effort et s’intéresser à son travail. Les logiciens eux-mêmes, pour qui la progression prime l’intérêt, essaient d’obtenir cet intérêt au moyen de procédés : recherche de livres bien illustrés, de problèmes amusants, etc…
Mais logiciens et partisans de l’intérêt oublient que l’enfant est un être qui évolue ; les premiers confondent le but à atteindre et le chemin à parcourir ; les seconds oublient que les intérêts de l’enfant sont de valeur inégale, qu’il en est de périmés, au rôle fini, que d’autres sont en plein épanouissement ou même seulement naissants.
Les psycho-pédagogues expérimentaux, eux, ne cultivent pas tous les intérêts, mais une sélection d’intérêts utiles au développement de l’individu, ils veulent aider l’enfant à s’épanouir, à devenir lui-même mais non pas le maintenir dans un stade intérieur de son développement.
L’intérêt, pensent-ils, doit être entretenu par une progression des difficultés qui permette aux efforts de l’enfant d’être aussi productifs que possible. Cette progression doit être fixée expérimentalement et non logiquement avec le souci de former la logique de l’enfant et non avec celui de lui imposer la logique de l’adulte. Cette logique d’adulte est une fin, non un moyen.
En résumé, les psycho-pédagogues expérimentaux, dans leur marche vers ce que nous pouvons appeler la méthode idéale d’enseignement et d’éducation, se préoccupent, en tenant compte des aptitudes, des intérêts et des besoins de l’enfant : 1° de fixer le but à atteindre ; 2° de rechercher le point de départ, c’est-à-dire la liaison entre le but à atteindre d’une part, les intérêts et les besoins de l’enfant de l’autre ; 3° cette recherche n’est possible que si le maître connaît bien la matière d’enseignement pour choisir la manière de l’aborder en tenant compte des intérêts de l’élève, de la technique spéciale à cette matière, d’une progression psychopédagogique qui tienne compte des difficultés réelles et de l’importance de chacune d’elles ; 4° des conditions de milieu et de tous les moyens qui peuvent agir dans un sens favorable au but poursuivi ; 5° d’apprécier les difficultés qui ne permettent pas d’atteindre l’idéal entrevu pour s’efforcer d’adapter cet idéal aux réalités en atteignant l’optima, c’est-à-dire le maximum du possible.
Pour être clair ce résumé doit être développé, nous le développerons donc en suivant un ordre logique, mais nous tenons à faire observer que cet ordre, qui nous est imposé par la nécessité d’être aussi clair que possible, n’est pas l’ordre chronologique. En réalité, le pédagogue, soucieux de marcher vers la méthode idéale, n’attend pas que l’un des cinq problèmes que nous avons posé soit solutionné pour s’occuper du suivant ; ces solutions sont provisoires, sujettes à révision et perfectionnées peu à peu ; il n’a pas à trouver cinq réponses isolées, indépendantes ; tout se tient et la fixation du but, pour n’en prendre qu’un exemple, ne peut être parfaite qu’après étude des autres problèmes et doit sans cesse subir des modifications puisqu’elle est établie en fonction d’un être qui évolue.
I. Recherche du but. — Cette question du but a été traitée longuement par nous au mot « Éducation » auquel nous renvoyons le lecteur. Peut-être nous y sommes-nous un peu trop préoccupés du futur ; il importe aussi de se préoccuper des besoins actuels de l’enfant qui grandit. Avant de songer à préparer à la vie, il faut penser à ce qui est vivifiant pour le présent.
Ce but général que nous avons indiqué nous impose des buts secondaires qu’il s’agit d’abord de déterminer. Certes les instituteurs publics ont des programmes officiels qui leur imposent certains de ces buts secondaires ; il ne leur en reste pas moins une certaine liberté de choix ; chaque maître a ses matières d’enseignement, ses sujets préférés ; malheureusement cette préférence résulte le plus souvent des goûts personnels. Il faudrait que pour chaque matière d’enseignement, chaque sujet d’études, le maître se demandât : « Quel sera actuellement l’effet de mon enseignement ? Quelle en sera la portée lointaine ? » et qu’à la suite de telles questions, il négligeât le moins utile au profit de l’essentiel.
Il est nécessaire aussi de préciser ces buts. Il pourra paraître suffisant à un père de famille de me dire : « Apprenez à lire à mon fils ? » mais cette réponse imprécise ne me satisfera pas.
Je réfléchirai après avoir observé la vie. Je constaterai que la lecture la plus usitée et la plus utile n’est pas la lecture à haute voix, courante et expressive, à laquelle on attache encore tant de prix dans nos écoles mais la lecture mentale silencieuse et compréhensive : qui a pour but de nous communiquer par la vue une pensée formulée par écrit. Je verrai que la classe capitaliste tire parti de cette connaissance pour empoisonner la pensée ouvrière avec sa presse bourreuse de crânes et je penserai que savoir lire peut être nuisible à qui manque d’esprit critique. De ces observations et d’autres encore, je tirerai des conclusions, et ces conclusions me permettront de préciser le but que je dois atteindre en lecture, m’indiqueront, en une certaine mesure, les moyens d’y parvenir qui seront pour moi de nouveaux buts secondaires.
Je réfléchirai encore après avoir étudié dans les livres de sociologie, de psychologie, de pédagogie, etc., et observé l’enfant. Ayant, par exemple, appris que l’adulte qui lit n’épelle pas, je me dirai que l’épellation n’est peut-être pas utile, ou tout au moins aussi utile qu’on le pense, pour l’apprentissage de la lecture et ceci m’engagera à entreprendre des recherches qui me permettront d’améliorer ou de changer ma méthode d’enseignement de la lecture.
II. Recherche du point de départ. — Le développement actuel de l’humanité, les connaissances acquises, sont tels qu’ils sont parce que les hommes, dans le passé et dans le présent, ont eu et ont des intérêts, des besoins et des aptitudes que nous retrouvons chez les enfants. Ces intérêts, ces besoins, ces aptitudes sont plus ou moins développés, n’existent parfois qu’en germe et à l’état latent chez les enfants ; il faut pourtant les découvrir, car ce sont eux les leviers du progrès, les points dont il nous faudra partir pour, par une récapitulation abrégée (voir Éducation) faire acquérir à l’enfant une partie des conquêtes de l’humanité. Il faut que l’éducateur connaisse, aussi complètement et d’une manière aussi souple que possible, les expériences que l’humanité a faites – le savoir qu’il peut faire acquérir à ses élèves n’en est qu’un résumé, – qu’il sache quels sont les intérêts, les besoins, les pouvoirs de l’enfant pour les mettre en œuvre, les exercer, les diriger vers les buts possibles qu’il se propose. « Chacun, dit Roszger, a en lui la place où le maître peut piocher de la façon la plus sûre. Alors il s’agit de mettre la main à cette place… d’obliger chacun… à économiser et à fortifier sa puissance particulière. Et la puissance particulière sera le point de départ d’où les autres territoires seront renforcés et fécondés… le descriptif fera un effort volontaire s’il doit expliquer sa description par le dessin. »
Ainsi le progrès enfantin ne sera pas obtenu malgré l’enfant et nous ne compterons pas non plus sur son bon plaisir ou sa fantaisie pour le diriger dans la voie du progrès ; ce que nous voulons ce n’est pas que l’enfant fasse tout ce que nous voulons ou tout ce qu’il veut mais qu’il veuille tout ce qu’il fait et ceci n’est possible que si, connaissant bien l’enfant, nous le plaçons dans des conditions telles que nous puissions agir envers lui de telle façon qu’il veuille ce qui est bon et utile à ses progrès.
III. Recherche de la progression. — Ayant déterminé le point de départ et le but, avons-nous besoin de prévoir l’ordre que nous suivrons pour aller de l’un à l’autre ? Une progression, un plan sont-ils utiles ? La question n’est pas superflue, les pédagogues artistes s’en rapportent à leur flair pédagogique ; leur amour de l’enfant leur permet de trouver intuitivement la route qu’il convient de suivre plus sûrement, pensent-ils, que des recherches méthodiques. Sans cesse on nous donne en exemple le sentiment maternel, la pédagogie maternelle faite d’amour et d’intuition. Certes, l’amour des enfants est une des conditions du succès en éducation et non la moins importante. Cependant, malgré leur intuition et leur amour, de nombreuses mamans pleurent des bébés qu’elles ont perdus parce qu’elles ne connaissaient pas, n’appliquaient pas des règles élémentaires de puériculture. Malgré leur intuition et leur amour, de nombreux parents donnent à leurs enfants une éducation mauvaise.
On a voulu ainsi apprendre des langues étrangères par des méthodes directes empiriques, sans se rendre compte que l’âge des élèves permettait d’utiliser des moyens d’enseignement que l’on ne peut employer avec des tout petits. Il est résulté de cela des pertes de temps qu’il convient d’éviter.
Le progrès naturel nous offre d’ailleurs des exemples d’ordre, de gradation. Étudiant cet ordre dans l’acquisition d’une langue, Louis Marchand écrit : « Il y a un sens dans le développement du vocabulaire. Ce sens nous est indiqué à la fois par le coefficient d’usage des mots et leur degré d’élaboration ». Évidemment des mots comme aller, venir, la maison, le père sont plus employés que horizon, blême, badiner, spontané, etc. « De plus, dans tous les milieux linguistiques, les mots s’élaborent par le jeu des gradations suivantes (nous résumons) : « 1° Gradations de formes ou étymologiques. Ex. : Tous les Français apprennent pouvoir avant possible, impossible, possibilité, impossibilité, etc. 2° Gradations de sens. Ex. : Tous les Français apprennent rouler (quelque chose) avant rouler (quelqu’un, etc…).
« Il en est de même pour la grammaire. Nous y trouvons des gradations :
« a) Dans la construction de la phrase ;
« b) Dans la conjugaison des verbes ;
« c) Dans l’emploi des mots variables ;
« d) Dans l’emploi des mots invariables.
« Par exemple, tous les Français apprennent automatiquement :
« La proposition principale avant la subordonnée ;
« L’indicatif avant le subjonctif ;
« L’adjectif petit avant l’adverbe petitement ;
« Les prépositions pour, depuis avant les conjonctions pour que, depuis que, etc… »
Il est d’autres ordres encore dont le pédagogue doit tenir compte. S’il veut faire étudier les mathématiques à ses élèves, le professeur n’ira pas au gré de sa fantaisie, car les mathématiques sont une étude constructive, il faut savoir ce qui précède pour pouvoir comprendre ce qui suit et il faut, dans cette étude logique, suivre un ordre logique. Ainsi deux ordres : l’ordre de vie et l’ordre logique doivent d’abord préoccuper le pédagogue.
Le plus souvent il devra, chose difficile, s’efforcer d’adapter son enseignement à ses deux ordres. Prenons un exemple : dans le programme de sciences figure l’étude des phénomènes naturels : pluie, vent, neige, etc… Ces phénomènes il faudra les observer (ordre de vie), les expliquer (ordre logique). On pourra sans doute, alors, comme le propose Elslander, distinguer l’ordre éducatif qui suit la marche naturelle des découvertes de l’ordre scientifique qui a pour objet l’organisation des connaissances ; mais cette distinction est au moins aussi théorique que pratique, car on ne peut songer à faire tout redécouvrir à l’enfant (voir Éducation).
Ainsi la vie, celle de notre milieu, doit nous de guide dans l’ordre des études. Non pas en ce qui concerne l’observation – il est bien évident qu’on n’observera pas les fleurs, les fruits, la neige, etc…, n’importe où et n’importe quand – mais encore pour tous autres sujets d’étude ; en lecture par exemple, il importe de commencer par l’étude des mots plus familiers à l’enfant.
La logique des matières d’étude est notre second guide. Il est évident que le théorème C ne sera étudié qu’après les théorèmes A et B si la connaissance des théorèmes A et B est nécessaire à la démonstration du théorème C.
L’enfant constitue un troisième guide dont nous nous efforcerons d’alimenter les intérêts par l’observation de l’ordre de vie et d’autres moyens. Mais l’intérêt de l’enfant n’est pas seul en jeu ; il faut tenir compte de tout son développement mental, alors que les mathématiques nous imposent une gradation logique, le développement mental de l’enfant nous impose une graduation ; il faut que l’enfant apprenne ce qui est facile avant d’étudier ce qui est difficile. Il y a des enseignements qui sont prématurés parce qu’on les donne à des enfants trop jeunes, qui apprennent des mots ou des phrases qu’ils ne peuvent comprendre.
Résumons-nous. Nous avons à nous préoccuper de rechercher des gradations – qui permettront d’éviter l’amas des difficultés, nuisible à l’intérêt ; ces gradations seront établies en tenant compte d’un ordre de vie favorable à l’observation et à l’intérêt et d’un ordre logique nécessaire à la compréhension de certains sujets – et des graduations qui, assurant la marche du facile au difficile, seront favorables à la compréhension, à l’intérêt et à la bonne assimilation des connaissances.
Faute d’ordre logique, il y a efforts vains et perte de temps.
Faute d’ordre de vie, il y a manque d’intérêt et verbalisme.
Faute de graduation, il y a tous les inconvénients qui précèdent avec, en plus, découragement de l’enfant lorsqu’il se heurte à des difficultés qu’il est incapable de surmonter. Pour exercer l’enfant à faire effort, il faut que les efforts demandés soient gradués et bien gradués.
Pour établir la progression qu’il convient de suivre, il est donc nécessaire de tenir compte de trois facteurs :
1° La gradation de l’ordre de vie, imparfaitement prévisible à l’avance et qu’on ne peut déterminer avec précision ;
2° La gradation de l’ordre logique ;
3° La graduation des difficultés.
L’ordre logique n’est pas aussi rigide qu’on le pense, même en ce qui concerne les mathématiques qui constituent la matière la plus logique de notre enseignement et surtout dans l’enseignement donné aux jeunes enfants.
Si nous examinons des ouvrages d’arithmétique destinés aux élèves de l’école primaire, nous constatons que ces ouvrages suivent des ordres divers ayant cependant un certain nombre de points communs. Qu’est-ce que la logique exige ? Que nous rattachions chaque étude nouvelle aux connaissances déjà acquises qui permettent de la comprendre. Ainsi l’étude des procédés employés lors de l’étude des cas particuliers de la multiplication (multiplicande et multiplicateur terminés par des zéros, etc.) doit être rattachée aux connaissances déjà acquises sur la multiplication, mais nulle logique ne nous oblige à étudier ces procédés avant ceux employés pour l’étude des cas particuliers de la division.
De même l’ordre habituel : règle de trois, puis d’intérêt et enfin d’escompte n’est justifié que par la tradition. Dans les trois cas, il s’agit de l’étude de grandeurs proportionnelles. La différence n’existe que dans les conditions différentes de vie et si l’on veut que les enfants abordent ces problèmes avec fruit, c’est la vie qu’il faut d’abord leur faire comprendre, c’est l’ordre de vie qui nous permettra de choisir la gradation à observer dans l’étude de ces trois cas.
L’ordre logique de l’adulte présente aussi parfois l’inconvénient de ne pas tenir compte de la graduation des difficultés : « L’enfant peut apprendre la numération parlée ou écrite et l’appliquer longtemps avant d’en comprendre les raisons et de savoir pourquoi l’on a adopté la base décimale plutôt que la base duodécimale ou binaire. La règle qui recommande d’aller du connu à l’inconnu n’a, en général, qu’une valeur relative. Si l’on veut faire travailler l’esprit, il est bon d’y déposer par anticipation des notions qui soient de véritables points d’interrogation. Ces notions, d’abord incomprises, sont les matériaux sur lesquels s’exerce un travail d’élaboration vraiment fécond. » (G. Richard).
L’ordre logique des adultes, introduit pour faciliter la compréhension et gagner du temps en évitant les tâtonnements et les recherches, ne permet pas à l’enfant d’exercer sa propre logique. On n’apprend pas à raisonner en apprenant des raisonnements, mais en raisonnant soi-même. « Aujourd’hui, le maître précède ses élèves sur la route du Savoir ; et sans cesse il se retourne vers eux pour leur crier : « Ne perdez pas de vue mon panache blanc. Il ne vous égarera pas : je l’ai découpé dans mon Brevet supérieur. »… Qu’il marche désormais à côté d’eux, sans hâte, et qu’il ne les aide pas si les difficultés du voyage ne sont pas décourageantes. Au lieu de vouloir faire d’eux des virtuoses précoces et de leur faire parler le jargon du spécialiste, qu’il leur montre seulement comment on cherche. Ils seront beaucoup plus habiles, plus tard, si on les habitue à coordonner leurs efforts que si, durant des années, on leur fait copier des modèles d’une perfection déprimante et d’une origine mystérieuse. » (Roorda)
En résumé, la gradation logique est pour nous but beaucoup plus que moyen et le souci d’aller vite et droit au but peut être préjudiciable à la formation de l’esprit.
Le souci de graduer les difficultés n’est pas nouveau. Déjà Pestalozzi écrivait : « Il faut diviser l’enseignement suivant la marche progressive des forces de l’enfant, et déterminer avec la plus grande précision… ce qui convient à chaque âge, de manière à ne rien omettre de ce que l’élève est complètement en état d’apprendre, de manière aussi à ne pas accabler et troubler son intelligence par des études qu’il n’est pas encore tout à fait capable d’apprendre ».
Mais, quoi qu’en pense Ferrière, nous sommes encore assez loin de posséder « des vues assez complètes sur l’échelonnement des difficultés ». Trop souvent l’intuition et la logique des adultes ont présidé à des graduations arbitraires bien que présentées comme expérimentales.
Or, là où il n’y a qu’un échelon pour nous, il y en a bien souvent deux pour la plupart des enfants trois ou quatre pour d’autres. Prenons en exemple deux problèmes : 1° On a partagé, par parties égales, 25 noix entre 5 enfants. Combien chaque enfant a-t-il eu de noix ? 2° J’avais 25 noix que j’ai données à des enfants. Chaque enfant a eu 5 noix. Combien y a-t-il eu d’enfants qui ont reçu des noix ? Le lecteur non averti constatant que dans les deux il obtient la réponse en divisant 25 par 5 pensera qu’il n’y a là qu’une seule et même difficulté que les enfants pourront surmonter d’une seule et même manière. La réalité est toute autre ; dans le second cas, il s’agit de faire ce que nous pouvons appeler une division-mesure (dividende et diviseur sont de même nature) le problème est plus difficile que le précédent et les débutants, pendant longtemps, n’en trouveront la solution que par tâtonnements et multiplications ; dans le premier cas, nous avons au contraire, une division-partage (dividende et quotient sont de même nature) que les enfants solutionnent plus facilement et en procédant plus tôt par division véritable.
Si nous voulons que les enfants ne perdent pas leur temps à faire des travaux qui ne présentent plus de difficulté pour eux ou ne se rebutent pas en présence de travaux trop difficiles, il faut que nous recherchions la graduation naturelle des difficultés sans oublier que cette graduation varie dans certaines limites suivant les individus. Et, si nous voulons agir efficacement sur le développement mental des enfants, il faut que nous pénétrions suffisamment la pensée enfantine pour savoir de quelle manière – souvent différente de la nôtre – les enfants surmontent les difficultés graduées des exercices et travaux que nous leur proposons.
Mais comment faire ? Aimer les enfants d’abord, car sans amour il ne peut y avoir confiance et collaboration. Or, il faut que les enfants nous aident, il faut qu’ils soient persuadés que leurs échecs ne provoqueront pas notre dédain, que leurs procédés naïfs ne seront pas pour nous sujet à moqueries.
Cette collaboration confiante des enfants ne suffit pas.
Souvent l’enfant nous trompe en se trompant lui-même et ceci provient de deux causes principales : d’abord son langage ne lui permet pas toujours d’exprimer convenablement sa pensée, il sait, mais ne sait pas comment dire ; ensuite il est peu apte à s’analyser lui-même et si nous lui demandons d’expliquer comment il a fait en tel ou tel cas, il se peut qu’il imagine une façon de faire parfaitement plausible, mais qui n’est pas celle qu’il a employée.
À cela il est deux remèdes : les recherches expérimentales, l’étude des ouvrages de psychologie et de pédagogie.
Les recherches expérimentales, cela va de soi, devront être conduites suivant les méthodes de la psychologie et de la pédagogie expérimentales que nous ne pouvons exposer ici. L’étude des ouvrages, des ouvrages récents surtout, guidera certaines recherches et permettra d’en éviter d’autres, car il est bien évident qu’il est inutile de chercher ce qui a déjà été trouvé par des psychologues ou pédagogues expérimentaux dignes de foi. Il n’y a peut-être pas inutilité absolue et il n’est pas mauvais parfois de vérifier et de contrôler, mais ce n’est généralement pas par là qu’il faut commencer. Notre exposé divisé logiquement peut faire croire qu’il faut rechercher successivement et séparément : la gradation de l’ordre de vie, la gradation de l’ordre logique, la gradation des difficultés ; puis, tenir compte de ces trois facteurs pour déterminer la progression convenable. Constatons d’abord que l’importance de ces trois facteurs varie avec les sujets d’étude : on se préoccupera plus de la gradation logique pour l’enseignement des mathématiques que pour celui de la géographie, par exemple.
Il peut d’ailleurs être possible d’obtenir une progression tout aussi satisfaisante en procédant différemment. Voulant rechercher, par exemple, la progression convenable pour l’enseignement de la lecture, nous avons fait lire des textes quelconques mais ne contenant que des mots usuels et familiers aux enfants, en notant au fur et à mesure, grâce à des procédés qu’il nous a fallu imaginer au préalable, les difficultés rencontrées et les étapes du progrès. Il est bien évident que les résultats constatés dépendaient de l’ordre de vie et de l’ordre de graduation des difficultés. Nous aurions pu rechercher séparément ces deux ordres, mais c’eût été plus compliqué et plus long et nous aurions été embarrassé par la suite, ne sachant au juste quelle est l’importance relative de ces deux facteurs.
IV. Recherche du milieu et des moyens. — La question du milieu, fort négligée habituellement, préoccupe, à juste titre, tous les grands pédagogues. Le milieu est l’un des facteurs les plus importants de la méthode. Dewey écrit qu’il faut « mettre l’enfant dans des conditions si conformes à ses facultés et à ses besoins, qu’elles favorisent d’une manière permanente ses aptitudes d’observation, de suggestion et ses dispositions à l’investigation. » Decroly, après avoir comparé les situations des enfants des villes et des campagnes, déclare : « …j’ai compris qu’il fallait, pour obtenir une amélioration, essayer, tout d’abord, de réaliser le milieu convenable pour l’enfant. Il m’a été permis ainsi de me convaincre plus encore de l’énorme influence qu’il exerce sur sa mentalité et son activité.
« Je me suis aperçu, peu à peu, que la classe est un pis-aller, que le milieu naturel est constitué par une ferme, des champs, des prairies, des animaux à élever, des plantes à semer, à soigner, à récolter, représentait le vrai matériel intuitif capable d’éveiller et de stimuler les forces cachées dans l’enfant. Je me suis pénétré aussi de la vérité que, chez la majorité des élèves, l’intérêt latent pour les choses de la nature, êtres et phénomènes, permettait d’y trouver une mine inépuisable de sujets capables de servir de prétextes à penser, à calculer et à écrire de la manière la plus normale et la plus rationnelle. C’est le moyen qu’ont pratiqué les hommes depuis qu’ils sont à la surface du globe, et c’est celui que les adultes, qui sont dans la vie vraie, doivent pratiquer, chaque jour, pour s’adapter et remplir leur tâche sociale.
« … De là est venue aussi la conviction :
1° qu’il faut tendre à reporter toutes les écoles primaires vers la campagne ; qu’en attendant, il faut y introduire le plus de nature vraie possible, et mettre très souvent les enfants en contact avec elle, par la culture, l’élevage, les excursions botaniques, zoologiques, géologiques, et autres ;
2° Qu’il faut tâcher de faire voir et pratiquer dans la mesure du possible, à l’enfant, les métiers simples qui transforment la matière brute en objets utiles ou en aliments assimilables (menuisier, cordonnier, tailleur, forgeron, charron, meunier, boulanger, cuisinier, etc.) ;
3° Qu’il faut aussi essayer de lui montrer sur le vif, les formes élémentaires de la vie sociale, de l’organisation communale, et de les lui faire pratiquer en introduisant dans la classe, des charges, des responsabilités ; puis peu à peu, lorsque l’âge est venu, en les faisant intervenir dans la discipline et les rouages divers de la grande famille dont il fait partie. »
De ce milieu scolaire fait partie le matériel d’enseignement. Trop souvent le matériel est fait pour permettre au maître d’expliquer, d’expérimenter alors qu’il faudrait surtout qu’il puisse permettre à l’élève d’observer et de faire des recherches. Trop souvent aussi le matériel vivant (chenilles qu’on élève, etc.), qui est fort utile pour l’intérêt de l’enfant et ses observations, est négligé. Cependant le défaut de matériel est l’un des moindres défauts de notre école. Les procédés imaginés sont nombreux mais d’inégale valeur ; il conviendrait de faire parmi eux une sélection méthodique en n’oubliant pas qu’ils sont des moyens de réaliser une méthode, qu’ils doivent être les esclaves de la méthode et qu’il est souvent besoin de les adapter en tenant compte de cette méthode.
Dans le milieu scolaire il y a le maître. Les habitudes du maître ont une influence évidente sur les enfants ; sans qu’il le veuille, souvent elles font partie de sa méthode. Le gros défaut actuel, c’est que le maître occupe une place trop importante dans le travail des enfants ; il faudrait qu’il soit plutôt aide et conseiller que directeur. Il importe aussi qu’il n’exagère pas son influence personnelle, sache apprécier des goûts différents des siens, des idées originales, sans cela il ne pourrait habituer ses élèves à l’indépendance de pensée, car ceux-ci s’attacheraient. avant tout à fournir des réponses qui lui plaisent et limiteraient ainsi leur effort. Il n’est pas désirable que le résultat et l’effort des enfants « soient uniquement appréciés d’après le degré où ces réponses sont conformes à celles que le maître désire. »
V. Adaptation de la méthode. — Imaginons qu’ayant quitté notre classe, on nous confie un jour un seul élève. Il nous faudra tout d’abord, mais peu à peu, au cours de notre œuvre éducative, faire connaissance avec cet enfant, nous efforcer de connaître l’état de son développement mental, ses acquisitions antérieures, ses aptitudes, ses intérêts, car le but que nous proposerons doit être adapté à tout cela, à moins que nous ne voulions poursuivre l’irréalisable et remplacer l’éducation par le dressage. Ceci nous sera également indispensable, si nous voulons déterminer nos points de départ et adapter les progressions à suivre aux possibilités de notre élève. Après cela la méthode sera, au moins théoriquement, fort simple : il nous suffira de choisir ou de réaliser les conditions de milieu, de matière et de procédés de telle façon que ce choix ou cette réalisation réponde aux intérêts de l’enfant — surtout à ceux qui sont en plein épanouissement ou naissants ; — permette de suivre la progression que nous avons déterminée. Il nous faudra choisir, sélectionner parmi de multiples occasions, faire naître au besoin des occasions favorables, car le pédagogue, si libéral soit-il, ne doit pas être un soliveau. On s’imagine aisément un tel enseignement idéal placé à la croisée des chemins dont l’un conduit au savoir suivant une progression soigneusement déterminée et dont l’autre, plus tourmenté, suit l’évolution des intérêts de l’enfant.
L’application de la méthode idéale à une collectivité d’enfants suppose en plus la détermination pour toutes les matières et tous les types intellectuels : 1o de la progression convenant aux élèves moyens ; 2o des étapes de cette progression qui peuvent être réunies lors de l’enseignement aux élèves forts ; 3o de celles de ces étapes qui doivent être divisées pour faciliter les progrès des élèves faibles.
Si l’on joint à ceci toutes les conditions que nous avons indiquées précédemment, il n’est pas malaisé de se rendre compte que l’idéal que nous avons déterminé est parfaitement inaccessible. Mais, comme nous l’avons dit dès le début de cette étude, cet idéal est un guide précieux qui nous permettra de marcher dans la voie du progrès sans sacrifier les améliorations essentielles aux progrès de moindre importance.
VI. De quelques conditions du progrès. — Cette recherche de la méthode idéale nous permet de concevoir également quelques conditions qu’il serait nécessaire de réaliser pour favoriser la marche du progrès. Citons seulement les principales : 1o transformation des milieux éducateurs ; 2o meilleure formation des maîtres ; 3o collaboration des maîtres et des familles ; 4o classes à effectifs réduits.
Méthodes et systèmes. — Il a été question, au début de cette étude des méthodes Decroly, Montessori, etc. Il en est d’autres ; à certaines on donne tantôt le nom de méthode et tantôt celui de système et parfois même le mot plan (plan Dalton, etc.) est employé.
Pour l’étude de ces méthodes, systèmes ou plans nous renvoyons le lecteur au mot système. — E. Delaunay.
Bibliographie. — Faute de place nous avons négligé certains sujets. Sur la méthode scientifique on pourra lire : H. Le Chatelier : Science et Industrie (Flammarion, édit.) ; divers ouvrages de Louis Favre (A. Costes, édit.), etc. Sur les méthodes de la psychologie nous recommandons l’étude de Lalande, Tome I du Traité de Psychologie de Dumas (Alcan, édit.) Sur les méthodes de psychologie et de la pédagogie expérimentale on lira avec fruit : Ed, Claparède : Psychologie de l’enfant et Pédagogie expérimentale (Fischbacher, à Paris ou Kundig, à Genève). Sur le développement de l’Enfant les ouvrages de Descœudres, Piaget, Luquet, etc. Sur la méthode propre à la formation de la pensée : Dewey : Comment nous pensons (Flammarion édit.). — E. D.