Encyclopédie anarchiste/Métier - Migration
MÉTIER n. m. (anciennement : mestier ; du latin populaire misterium, altération de ministerium, office, service). Le mot métier désigne certaines machines ; il peut s’appliquer à une profession quelconque ; surtout il est synonyme d’art manuel. En ce qui concerne la technique des métiers, le machinisme industriel, la socialisation des instruments de production, l’orientation professionnelle, etc…, nous renvoyons aux articles spéciaux. Ici nous étudierons la raison d’être des métiers, le sens de leur évolution, la parenté originelle et durable qui permet d’associer l’habileté manuelle au savoir et à la beauté.
Inférieur par la force ou l’adresse à nombre d’espèces animales, faible et presque désarmé, lorsqu’il est réduit à la seule puissance de ses jambes et de ses bras, l’homme possède, par contre, cette supériorité incomparable de savoir se servir d’outils. Lancer des pierres, frapper avec un bâton, déchirer à l’aide d’un éclat de silex, ces actions, si simples en apparences et qui réclamaient si peu de réflexion, marquèrent pour l’activité humaine le début d’une ère nouvelle. Utiliser la matière inerte pour décupler ses forces organiques, contraindre la nature à le servir, le chelléen savait le faire et probablement aussi ses ancêtres très lointains dont la préhistoire (voir ce mot) parle encore à peine. Les premiers métiers de nous connus consistèrent à tirer, de morceaux de silex : haches, couteaux, racloirs et instruments divers. Pour aboutir là, les efforts de bien des générations furent indispensables, car la pierre n’est point matière docile ; à l’époque de la pierre taillée, la psychologie du sculpteur reste rudimentaire, mais son adresse manuelle est considérable déjà. En affirmant, de l’homme, qu’il a une intelligence parce qu’il a une main (voir ce mot), Anaxagore était plus proche de la vérité qu’on ne le croit d’ordinaire. C’est au cours de sa lutte contre la matière que l’esprit s’est développé ; la main est aujourd’hui l’instrument docile de la pensée, mais la pensée fut éduquée par le travail de la main, à l’origine. Parce qu’il a façonné bois et pierre, afin de les utiliser comme instruments, l’homme s’est éloigné du gorille pour devenir l’être raisonnable qui commande en maître aux éléments. Entre les métiers assurant la fabrication des haches de silex, puis, plus tard, des objets en ivoire ou en bois de renne, et les métiers modernes, les différences s’avèrent prodigieuses ; néanmoins, les seconds dérivent des premiers. L’histoire de leurs perfectionnements successifs se confond avec l’histoire même du progrès humain. Ajoutons que technique manuelle, art et science restèrent longtemps confondus. C’est afin de mieux régler les travaux des champs que le laboureur désira connaître le cycle exact des saisons, c’est afin ne de pas s’écarter de la bonne route que le pilote s’intéressa aux mouvements sidéraux ; il n’est pas jusqu’aux mathématiques qui ne se confondent, à l’origine, avec l’art de l’architecte et de l’arpenteur. Bien plus tard seulement la connaissance scientifique cessa d’être associée à la pratique d’un métier pour devenir spéculative et désintéressée. Même aujourd’hui, certaines professions manuelles exigent un savoir théorique de haute qualité. Quant à l’art, il resta durant des millénaires, intimement uni à l’exercice des métiers. Sculpter, peindre, etc…, supposent, il est vrai, des qualités mentales qu’on ne saurait confondre avec la dextérité manuelle ; mais c’est à des objets d’utilité pratique que l’homme appliqua d’abord ses talents d’artiste. Le décorateur, l’architecte furent longtemps de simples constructeurs ; le potier devint rapidement peintre et dessinateur ; le fondeur, ouvrier d’art. Si nous passons, de l’époque préhistorique, à celle mieux connue déjà de l’Égypte ancienne, nous trouvons l’artisan ravalé au niveau de la bête par les puissants de ce temps-là. « J’ai vu le forgeron à la gueule du four, lit-on sur certains papyrus ; ses doigts sont rugueux, comme des objets en peau de crocodile ; il est puant plus qu’un œuf de poisson. Les bras du tailleur de pierres sont usés… ses genoux et son échine sont rompus. Les bras du maçon s’usent au travail ; il se ronge lui-même, ses doigts lui sont des pains ; il se fait humble pour plaire ; quand il a son pain, il rentre à la maison et bat ses enfants. Le tisserand est plus malheureux qu’une femme ; il ne goûte pas l’air libre. Si, un seul jour, il manque à fabriquer la quantité d’étoffe réglementaire, il est lié, comme le lotus des marais. C’est seulement en gagnant par des dons de pain les gardiens des portes qu’il parvient à voir la lumière du jour. Le teinturier, ses doigts puent l’odeur des poissons pourris ; ses yeux sont battus de fatigue ; sa main ne s’arrête pas ; il passe son temps à couper des haillons ; c’est son horreur que les vêtements. Le cordonnier est très malheureux ; il mendie éternellement ; sa santé est celle d’un poisson crevé ; il ronge le cuir pour se nourrir. » Ainsi l’artisan égyptien travaillait sous la surveillance de gardiens féroces qui n’épargnaient ni le vieillard, ni le malade. Temples, palais, pyramides, etc…, furent construits grâce aux corvées que chefs et prêtres imposaient aux classes laborieuses ; et, pour toute récompense, l’on distribuait aux travailleurs une ration de vivres généralement insuffisante.
À Rome, les divers métiers furent exercés, soit par des esclaves, soit par des gens de la plèbe, des humilires. Vers la fin de l’Empire, chaque ville possédait des corps de métier, sortes d’associations industrielles qui groupaient les artisans d’une même profession. Elles avaient un lieu de réunion, des fêtes religieuses, des chefs librement élus ; Alexandre Sévère les autorisa à recevoir des legs et dons. Mais les membres de ces sociétés étaient réduits à une quasi-servitude, et leurs fils étaient contraints de continuer le métier de leur père. Ce fut l’origine des corporations (Voir ce mot) du moyen âge. Ces dernières ne furent pas sans avantage pour l’ouvrier, qu’elles garantissaient contre la concurrence, le chômage et la misère. De plus, elles assuraient une meilleure fabrication des produits, les peines édictées contre les fraudeurs étant d’une sévérité extrême. En 1456, la falsification du vin était punie de mort à Nuremberg ; et c’est à l’étroite surveillance exercée sur les brasseurs que la bière bavaroise dut sa réputation. Mais les inconvénients de cette règlementation outrée l’emportèrent sur les avantages ; ce fut bientôt la disparition complète de la liberté, ce bien de tous le plus précieux. Pour entrer dans un métier, il fallait un apprentissage dont la durée variait de trois à douze ans, selon les cas. Puis d’apprenti on devenait compagnon, c’est-à-dire ouvrier pouvant vivre chez soi, mais sans avoir le droit de travailler hors de l’atelier du patron. Quelques-uns seulement obtenaient la maîtrise, après des épreuves consistant dans la fabrication d’une pièce difficile, d’un chef-d’œuvre ; c’étaient, en général, des fils de patrons ou des ouvriers riches. Solennellement reçus par les jurés ou chefs de la corporation, ils pouvaient alors tenir boutique. Les conditions du travail étaient de même réglementées de la façon la plus minutieuse, et des prud’hommes veillaient à la stricte application des statuts. On aboutit de la sorte, à la stagnation, à la routine, à une méfiance instinctive contre tout progrès. L’absence de concurrence permit de faire payer à la clientèle des prix exorbitants. Enfin la parenté et la richesse comptèrent beaucoup plus que le talent et le mérite aux yeux des jurés chargés d’examiner les candidats à la maîtrise. La tyrannie imposée par les corporations était devenue si intolérable, les maux qu’elles engendraient si patents que leur disparition, pendant la Révolution française, fut saluée avec joie par l’ensemble. Ajoutons que les artisans, trop peu nombreux, deux millions ou deux millions et demi, ne jouèrent qu’un rôle de comparses en 1789 et dans les années suivantes.
Le développement du machinisme (voir ce mot), au xixe siècle devait modifier complètement la situation des travailleurs manuels. Vapeur, électricité, inventions mécaniques, chimiques, physiques, qui se sont succédées depuis plus d’un siècle sans interruption, ont complètement modifié la technique industrielle. Une infinité de machines effectuent, avec précision et rapidité, des travaux qui exigeaient l’effort prolongé de nombreux spécialistes ou dépassaient même la limite des forces humaines. De plus en plus, la nature, devenue docile grâce à la science, se soumet aux ordres de la raison. Voilà l’aspect brillant du progrès industriel et de la transformation des métiers anciens. Mais ce progrès a eu des conséquences d’un autre ordre. Il a rendu possible la concentration des capitaux, le développement formidable des grandes usines, des grandes compagnies de transport, des grandes banques. À l’atelier, où le patron travaillait lui-même avec quelques ouvriers, s’est substitué l’usine qui groupe des centaines, parfois des milliers d’hommes, sous la direction de contre-maîtres et d’ingénieurs. De pareilles entreprises requièrent des millions ; et la distance est aujourd’hui infiniment plus grande qu’autrefois entre le travailleur manuel et le patron. La facilité croissante des transports a permis, par ailleurs, une concentration des industries elles-mêmes, dans certaines régions, autour des mines et des ports en particulier. Et les petites et moyennes entreprises disparaissent, absorbées par de puissantes sociétés nationales et internationales, par des cartels géants. Ainsi est née la question ouvrière ; nous renvoyons, pour son étude, aux articles concernant le capitalisme et les syndicats.
Le progrès du machinisme et la division du travail, division poussée si loin dans les entreprises où règne la taylorisation, ont achevé aussi d’enlever tout caractère artistique et même tout caractère réfléchi au travail de l’ouvrier. Interminablement le même individu répétera un geste identique, reproduira un mouvement fixé une fois pour toutes. Nul besoin d’intelligence pour effectuer une pareille besogne ; l’usine devient un milieu abrutissant, un bagne en miniature ; et l’on ne s’étonnera pas qu’idiots et Crétins soient particulièrement prisés par de grands patrons américains. Voilà où aboutissent les merveilles d’une « rationalisation » (voir ce mot) qui ne deviendrait légitime que si elle assurait à l’ouvrier, non seulement le confort, mais des loisirs quotidiens pour qu’il puisse cultiver son esprit. Entre l’ingénieur qui coordonne les efforts de l’ensemble et l’ouvrier manuel réduit au rôle de machine, on a ainsi creusé un abîme. De continuels et regrettables malentendus surgissent entre ceux qui travaillent de leur cerveau et ceux qui travaillent de leurs doigts. On sait jusqu’où certains disciples de Karl Marx ont poussé la haine des intellectuels et comment les politiciens exploitent la sourde rancune des masses contre les hommes dont les efforts restent inaperçus parce qu’ils ne sont pas musculaires. D’autre part, les intellectuels n’ont point le droit de mépriser les travailleurs manuels (voir intellectuel, manuel), leurs frères, qui s’élèvent parfois à une hauteur de pensée qu’eux-mêmes n’atteignent pas. Puis la routine est plus dangereuse quand elle envahit l’esprit que lorsqu’elle concerne uniquement les bras ; et la grande majorité des intellectuels, c’est chose triste à dire, semble composée de larbins de la plume, de tâcherons de la pensée, bien inférieurs en dignité, comme en mérite, aux manuels qu’ils prétendent dédaigner. Seuls les créateurs, ceux qui sortent de l’ornière commune et ne sont point esclaves du métier, témoignent d’une supériorité vraie, que ce soit dans le domaine pratique ou dans celui de la spéculation. Terminons en remarquant que la séparation actuelle entre la science, l’art et l’habileté manuelle ne semble ni nécessaire, ni définitive. Certains métiers ont résisté à l’ambiance commune, ils continuent d’associer à une technique modernisée l’amour du beau et du vrai. Inconscience et machinisme ne représentent point la dernière phase du progrès ; les instruments mécaniques valent comme moyens seulement, ne l’oublions pas. – L. Barbedette.
MÉTRIQUE (système) n. m. (du latin, metricus ; en grec, métrikos). Le système métrique est l’ensemble des mesures qui ont le mètre pour base. Le système métrique est décimal, parce que les multiples et les sous-multiples des diverses unités varient comme les puissances de dix. Ce système est établi sur les bases suivantes :
a) Pour chaque espèce de grandeurs, les différentes unités sont des multiples ou des sous-multiples décimaux de l’unité principale ;
b) Toutes les unités principales dérivent d’une mesure unique : le mètre, l’unité principale de longueur ;
c) Le rapport liant les unités principales des différentes espèces de grandeurs est également décimal.
Antérieurement à la réforme du système des poids et mesures, les systèmes en vigueur présentaient de graves inconvénients. Ils étaient loin d’être simples et uniformes. Les subdivisions des diverses unités se déduisaient mal les unes des autres ; des mesures portant le même nom variaient d’une région à l’autre. Il en résultait des difficultés extrêmes pour les calculs. C’est ainsi que nous rencontrons parmi les anciennes mesures qui avaient généralement cours avant l’établissement du système actuel : la toise, valant environ 1 m. 94 ; le pied, qui valait le 1/6 de la toise, soit environ 0 m. 323 ; le pouce, représentant le 1/12 du pied et valant 0 m. 027 ; la ligne, représentant le 1/12 du pouce et valant 0 m. 002.
Déjà, différents rois de France avaient songé à remédier aux inconvénients des anciens systèmes de mesures. L’Assemblée Constituante réalisa cette pensée et un décret du 8 mai 1790 décida l’uniformité des poids et mesures pour l’étendue de la France. Pour donner à ce système une base invariable, on eut la pensée de la prendre dans les dimensions du globe. Une commission de savants, parmi lesquels figuraient Laplace, Monge et Lagrange, proposa de fonder le nouveau système sur une unité de mesure fondamentale naturelle qui devait être invariable et facile à trouver. En même temps elle décida de donner à tout le système la forme décimale, ce qui est sans conteste le plus grand progrès accompli dans le domaine des poids et mesures (voir ce mot), et elle établit que pour toutes les mesures de longueurs, de contenu et de poids, une unité déterminée de longueur : le mètre, servirait d’étalon.
Pour établir l’unité fondamentale du nouveau système métrique, il fallut exécuter, avec des méthodes perfectionnées, d’observation et de calcul, des mesures de degrés aussi exactes que possible sur un méridien, c’est-à-dire sur un arc d’ellipse perpendiculaire à l’équateur et passant par les deux pôles, de l’axe de la terre (voir Méridien). Les astronomes Méchain et Delambre mesurèrent le grand arc méridien entre Dunkerque, sur la côte septentrionale de la France, et Barcelone, sur la côte nord de l’Espagne. Ce méridien fut ensuite prolongé, pendant les premières années du xixe siècle, en 1806, jusqu’à l’île de Fermentera, à l’ouest des îles Baléares, par les astronomes Biet et Arago, qui furent chargés de collaborer aux mesures entreprises par Méchain et Delambre afin d’en activer l’achèvement. Ils terminèrent donc la mesure de l’arc de méridien en question et calculèrent qu’un méridien entier devait contenir 20.522.960 toises et que la longueur du 1/4 du méridien, c’est-à-dire la distance du pôle à l’équateur, était égale à 5.130.740 toises. Cette longueur a été divisée par dix millions et on a trouvé pour la longueur du mètre 0 toise 513.074 ou 443.296 lignes de Paris, ou encore 3 pieds, 11 lignes 296 millièmes, On construisit alors trois barres de platine ayant cette longueur, qui furent déposées aux Archives Nationales et, ce fut la longueur d’une de ces barres, prise à la température de zéro degré centigrade, qui constitua le mètre. Avec le temps ces mètres étalons s’usèrent considérablement par suite des nombreuses comparaisons pour lesquelles on les utilisa et à cause de la résistance insuffisante du platine. On décida donc, en 1872, de reconstruire de nouveaux prototypes du mètre avec un alliage de métaux particulièrement résistant et en leur donnant une forme spéciale. C’est donc cette unité qui est devenue la base du système métrique des mesures, dont les principaux avantages sont de ramener le calcul des grandeurs rapportées aux mesures métriques au calcul des nombres entiers et décimaux, et de faire dépendre le poids d’un corps de son volume et de son poids spécifique.
Un décret du 2 novembre 1801 avait rendu le système métrique obligatoire, mais à la suite de vives protestations, le gouvernement autorisa la fabrication de mesures, dites usuelles, qui portaient le nom des anciennes, mais qui étaient en rapport exact avec les nouvelles ; ainsi il y eut un pied égal au tiers du mètre, une toise de deux mètres, etc.
Ce n’est que depuis la loi du 4 juillet 1837, exécutoire à partir du 1er janvier 1840, que le nouveau système a été rendu officiellement exclusif, qu’il a été accepté effectivement par les masses. Un grand nombre de nations ont adopté le système métrique, qui comprend les unités de longueur, de surface, de volume, de capacité et de poids.
Mais la base fondamentale du système métrique n’est rien moins qu’invariable. En effet, le rapport du mètre à la circonférence de la terre est arbitraire difficile à obtenir et n’est mesurable qu’avec inexactitude. Cette opération est toujours susceptible d’un perfectionnement ultérieur avec les progrès de la science. Les mesures exactes d’arcs de méridien qui ont eu lieu au cours du xixe siècle, établissent qu’aujourd’hui le mètre étalon se trouve être trop court d’environ 2/10 de millimètre (exactement 19/100e de mm.). Les savants ont estimé qu’il était inutile de recommencer, pour un écart si faible, les longues et minutieuses expériences qui ont servi à établir l’étalon prototype. Le mètre est donc, comme les autres unités anciennes, une mesure conventionnelle ; il ne représente donc plus, actuellement, exactement la dix millionième partie du quart du méridien terrestre, et il convient de le définir comme suit : le mètre est la longueur, à la température de zéro degré centigrade, d’une barre de platine iridié – prototype international – en forme d’X, déposée au bureau international des poids et mesures, au pavillon de Breteuil, à Sèvres, près de Paris.
Notre système métrique comprend six espèces d’unités qui sont : le mètre pour les mesures de longueurs ; le mètre carré pour les mesures de surface ; le mètre cube pour les mesures de volume ; le litre pour les mesures de capacité ; le gramme pour les mesures de poids ; le franc pour les monnaies. Pour évaluer avec plus de facilité les diverses grandeurs on emploie avec les unités principales, des multiples et des sous-multiples décimaux de ces unités. Les multiples se forment à l’aide des mots grecs suivants placés devant le nom de l’unité principale : Déca qui signifie dix ; hecto qui signifie cent ; kilo qui signifie mille ; myria qui veut dire dix mille. Les sous-multiples s’expriment à l’aide des mots latins suivants que l’on place comme les précédents, devant l’unité principale : déci qui veut dire dixième ; centi qui veut dire centième ; milli signifiant millième.
Mesures de longueur : Mesures servant à évaluer l’étendue considérée sous une seule dimension : la longueur. Le mètre en est l’unité principale. Les multiples du mètre sont le décamètre, l’hectomètre, le kilomètre et le myriamètre valant respectivement 10, 100, 1.000 et 10.000 mètres. Le mégamètre, utilisé en géodésie, vaut 1 million de mètres. Les astronomes emploie fréquemment l’unité astronomique, représentant la distance de la Terre au Soleil, soit 149.400.000 kilomètres. L’année lumière qui est la distance parcourue en un an par la lumière qui voyage à raison de 300.000 kilomètres à la seconde, soit 9 trillions 467 milliards de kilomètres, et le parsec (dérivé du parallaxe-seconde) qui vaut 3 1/4 année lumière, soit 31 trillons de kilomètres, sont des unités également employées en astronomie.
Les sous-multiples du mètre sont le décimètre, le centimètre, le millimètre valant respectivement le 1/10, le 1/100, le 1/1.000 du mètre. Les microbiologistes et les physiciens ont adopté des unités plus petites encore : le micron, millionième partie du mètre ; la millionième partie du millimètre et le tenth-mètre ou dix-millionième partie du millimètre.
Mesures de surface : Mesures servant à évaluer l’étendue considérée sous deux dimensions : longueur et largeur. L’unité principale est le mètre carré ou le carré qui a un mètre de côté. Les multiples du mètre carré sont le décamètre carré, l’hectomètre carré, le kilomètre carré valant respectivement 100, 10.000 ; un million de mètres carrés. Les sous-multiples sont le décimètre carré qui vaut le centième du mètre carré ; le centimètre carré qui vaut le dix-millième du mètre carré et le millimètre carré valant le millionième du mètre carré. Les multiples et les sous-multiples du mètre carré forment une suite d’unités qui sont de cent en cent fois plus grandes ou plus petites.
Les mesures agraires qui servent à évaluer des terrains de peu détendue ont une unité principale : l’are, valant un décamètre carré ; l’hectare, son seul multiple, égale cent ares ou un hectomètre carré ; le centiare ou mètre carré est le seul sous-multiple de l’are.
Mesures de volumes : Mesures servant à évaluer l’étendue considérée sous trois dimensions : longueur, largeur et épaisseur ou hauteur. L’unité principale est le mètre cube. Les multiples de ce dernier sont peu usités, ce sont le décamètre, l’hectomètre, le kilomètre et le myriamètre cubes. Les sous-multiples sont : le décimètre cube, le centimètre cube, le millimètre cube valant respectivement le millième, le millionième et le milliardième du mètre cube. Les multiples et les sous-multiples du mètre cube forment une suite d’unités qui sont de 1.000 en 1.000 fois plus grandes ou plus petites.
Le stère est l’unité principale employée pour évaluer le volume du bois de chauffage. Il vaut exactement un mètre cube et n’a qu’un multiple et un sous-multiple : le décastère valant dix stères et le décistère qui vaut la dixième partie du stère.
Les mesures de capacité : Ce sont celles que l’on emploie pour mesurer le liquide et les matières sèches. L’unité principale de capacité est le litre, dont la contenance égale un décimètre cube. Les multiples du litre, ainsi que ses sous-multiples s’expriment de la même façon que ceux du mètre et forment une suite d’unités de dix en dix fois plus grandes ou plus petites. Le litre est le volume d’un kilogramme d’eau pure prise à son maximum de densité et pesée dans le vide, (Définition théorique.)
Mesures de poids : Mesures dont on se sert pour peser. L’unité principale de poids est le gramme, qui représente le poids dans le vide d’un centimètre cube d’eau distillée prise à son maximum de densité, c’est-à-dire à la température de 4 degrés centigrades. (Définition théorique.)
Les multiples du gramme s’expriment comme ceux du mètre et du litre ; ils forment eux aussi une suite d’unités de dix en dix fois plus grandes. Dans le commerce et l’industrie, où souvent on a besoin de fortes pesées, on se sert du quintal qui vaut 100 kilos et de la tonne qui en vaut 1.000. Les sous-multiples du gramme expriment des unités de dix en dix fois plus petites que l’on obtient aisément en faisant précéder le mot gramme des termes latins que nous avons nommés.
Les monnaies se rattachent au système décimal, par le franc qui pèse cinq grammes et qui doit être formé de neuf parties d’argent et d’une partie de cuivre. Inutile d’ajouter qu’aujourd’hui cette convention est loin d’être respectée ; nos monnaies sont remplacées en majeure partie par des billets de banque et les rares pièces de monnaies encore en circulation sont loin d’être conformes à la définition primitive. Nous n’insisterons pas plus longtemps sur cette partie du système métrique.
La lecture de ce qui précède renseignera, mieux qu’une longue dissertation, sur les avantages du système actuel des poids et mesures. Un nombre déjà important de pays les ont compris et ont rendu le système métrique obligatoire sur leur territoire et dans leurs colonies, au moins pour les transactions officielles et publiques : Ce sont l’Allemagne, la République Argentine, le Chili, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Brésil, la Colombie, le Danemark, l’Espagne, la France, les Pays-Bas, l’Équateur, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, le Mexique, la Norvège, le Pérou, le Portugal, la Russie, la Roumanie, la Serbie, la Suède, le Vénézuela, la Suisse. D’autres en admettent seulement l’usage facultatif. Tels les États-Unis, la Grande-Bretagne et ses dépendances, l’Égypte, etc…
On comprend mal l’esprit particulariste, la routine ou l’amour-propre qui retiennent ces nations à des mesures incommodes et aux calculs compliqués, incomprises au dehors. Si, entre autres, les pays de langue anglaise entraient dans le groupe des nations ralliées au système métrique, un pas décisif serait fait vers la généralisation de ce système, car il deviendrait pratiquement mondial. Cette unification apporterait aux échanges internationaux, paralysés par des restrictions et des obstacles de tout ordre, des facilités profitables à tous les peuples. – Charles Alexandre.
Bibliographie. – Bigourdin : Le système métrique.
MICROBE n. m. (grec mikrobios, de mikros, petit et bios, vie). Le mot microbe, créé par le Dr Sédillot en 1878, fut appliqué, d’abord, à des organismes très différents, bien que tous également invisibles à l’œil nu. Puis il devint presque synonyme de bactérie. Utilisant des microscopes encore très imparfaits, Leenvenhoeck, au xviie siècle, avait découvert un grand nombre de ces vivants minuscules, dans les infusions végétales et les matières en décomposition. En 1773, grâce aux progrès survenus dans la construction des instruments d’optique, Müller donne une étude détaillée sur eux, en les désignant sous le nom d’infusoires. Ehrenberg publie, à leur sujet, en 1833, un ouvrage remarquable ; mais il continue de considérer tous ces êtres microscopiques comme des animaux. Un peu plus tard, Cohn et Nœgeli devaient les classer dans le règne végétal. Enfin Pasteur et Tyndall (précédés par Raspail) montrèrent le rôle énorme de ces animalcules, tant au point de vue médical qu’au point de vue industriel. Et, dès lors, l’étude des microbes sera l’une des branches essentielles de la science expérimentale. Pasteur démontra que, dans l’état actuel, la vieille formule de Harvey : omne vivum ex ovo (tout vivant sort d’un œuf), reste vraie. Non qu’il ait déclaré l’homme radicalement incapable de produire de la matière vivante, comme on le laisse croire d’ordinaire pour l’édification des bien-pensants ; dans une conférence faite à la Société Chimique de Paris, le 22 décembre 1883, il donne à entendre qu’il a tenté cette suprême découverte. Mais il établit que les liquides organiques, même les plus putrescibles, sont incapables de donner directement des êtres vivants ; c’est aux germes, qui abondent dans l’air non calciné, que sont dues les altérations qu’ils subissent d’ordinaire. Un liquide, stérilisé au préalable, se conserve indéfiniment dans l’air privé de germes soit par simple filtration à travers une bourre de coton ou d’amiante, soit par une calcination à 130°, soit de tout autre manière. Il n’existe pas actuellement de génération spontanée. En fut-il toujours de même ? Pasteur n’a pas, ne pouvait pas trancher la question. Beaucoup pensent que les conditions physico-chimiques des époques primitives ou primaires ont rendu possible l’apparition d’un protoplasma (voir ce mot) rudimentaire mais vivant, qui n’impliquait point l’existence d’un œuf antérieur. Plusieurs estiment même qu’aujourd’hui encore la vie sort de l’inorganique et que la faible portée, aussi bien de nos instruments que de nos sens, est la seule cause qui nous empêche de le démontrer clairement. Quant à la théorie déjà ancienne des germes se propageant de planète à planète pour y faire éclore la vie, elle a recruté de nombreux partisans, depuis que l’on a mis en relief l’action propulsive des rayons lumineux sur les poussières cosmiques. L’intérêt philosophique, arbitrairement prêté par les penseurs spiritualistes aux expériences de Pasteur sur la génération spontanée, s’avère donc de médiocre importance. Mais elles conduisirent le célèbre chimiste à l’étude approfondie des ferments, puis des virus. De tout temps on avait rapproché les fermentations des maladies infectieuses ; mais alors que le milieu fermentescible est inerte, modifiable et déterminable à notre gré, l’organisme infecté s’avère vivant et d’une complexité impénétrable. Aussi Pasteur rechercha-t-il d’abord les causes profondes de la fermentation : « Depuis longtemps, a-t-il écrit, j’ai été conduit à envisager les fermentations (voir ce mot) comme des phénomènes chimiques corrélatifs d’action physiologique d’une nature particulière. Non seulement j’ai montré que leurs ferments ne sont point des matières albuminoïdes mortes, mais bien des êtres vivants, mais j’ai provoqué, en outre, la fermentation du sucre, de l’acide lactique, de l’acide tartrique, de la glycérine, dans des milieux exclusivement minéraux, preuve incontestable que la décomposition de la matière fermentescible est corrélative de la vie du ferment et que cette matière constitue un de ses aliments essentiels. Ce qui sépare les phénomènes chimiques des fermentations d’une foule d’autres, et particulièrement des actes de la vie commune, c’est le fait de la décomposition d’un poids de matière fermentescible bien supérieur au poids du ferment en action. Je soupçonne que ce caractère particulier doit être lié à celui de la nutrition en dehors du contact de l’oxygène libre. Les ferments sont des êtres vivants, mais d’une nature spéciale, en ce sens qu’ils jouissent de la propriété d’accomplir tous les actes de leur vie, y compris celui de leur multiplication, sans mettre en œuvre d’une manière nécessaire l’oxygène de l’air atmosphérique. » Plus tard, Pasteur étendra aux maladies contagieuses les propositions fondamentales établies pour les fermentations. Toutes deux résultent de la multiplication d’être vivants invisibles à l’œil nu, les microbes ; à chaque maladie infectieuse correspond un virus spécifique, comme à chaque fermentation différente un microorganisme particulier. Parasites capables d’une vie indépendante, les virus peuvent être cultivés hors de l’organisme, dans des milieux artificiels ; ce qui procure un excellent moyen d’investigation. Après des recherches approfondies sur les ferments et la maladie de la bière, Pasteur aborda l’étude du charbon, qui décimait alors les troupeaux, puis de la rage. Ses découvertes mémorables lui valurent une gloire dont nous ne contestons pas la légitimité. Mais s’il eut le mérite d’attirer l’attention sur le rôle des microbes, disons que ses successeurs modifièrent ses méthodes et ses idées sur bien des points. Après une phase de vogue extrême, le pasteurisme médical est fort malmené aujourd’hui ; l’explication microbienne des maladies contagieuses, ainsi que la fixité morphologique des microbes venus du dehors ou exogènes sont battues en brèche. On s’arrête de préférence à l’action des glandes endocrines et de leurs produits, à celle des doses infinitésimales, dont les homéopathes avaient déjà montré l’importance, à l’interprétation chimique des maladies et au rôle des équilibres ou arcs nerveux. Néanmoins l’on aurait tort de sous-estimer la place de la microbiologie ; elle reste et restera essentielle en médecine, en chirurgie et dans maintes branches de l’industrie.
Ainsi que nous l’avons dit précédemment, le terme microbe est devenu presque synonyme de bactérie dans le langage courant ; néanmoins certains champignons, des levures et des moisissures surtout, ainsi que plusieurs protozoaires sont à ranger parmi les microbes. Bien que dépourvues de matière colorante en général, les bactéries sont classées parmi les Cyanophycées ou Algues bleues, à cause de leur mode de reproduction. On distingue, d’après leur forme, les Microcoques, corpuscules arrondis tels que les ferments acétiques, les Bacilles, bâtonnets rectilignes comme les microbes du charbon, les Vibrions, filaments incurvés pareils à ceux du choléra, les Spiriles en forme de baguettes spiralées, les Spirochètes, aux spirales serrées, etc… Il existe des virus filtrants, invisibles même avec les meilleurs microscopes, tant leurs dimensions sont exiguës, et qui traversent les bougies-filtres Chamberland. Les virus de la fièvre jaune, de la rage, de la variole, de la scarlatine rentrent dans cette catégorie ; ce sont des bactéries semble-t-il, toutefois celui de la fièvre jaune paraît être un protozoaire. Ajoutons que la forme des microbes change avec le milieu nutritif et les variations de température, ce qui rend malaisé parfois leur détermination spécifique. Dans une solution de peptone, à 36°, les vibrions du choléra se transforment en petits bâtonnets, tandis que les bâtonnets du charbon donnent de longs filaments, quand ils sont cultivés dans un bouillon de poule. Nombre de bactéries possèdent des cils vibratiles qui leur assurent une grande mobilité ; on admet que chacune est composée d’une cellule unique, avec membrane et noyau réduit à des granulations éparses de chromatine, dans certaines espèces. Chez les microcoques, le protoplasme est peu volumineux ; toute la partie centrale semble occupée par un noyau. C’est par étranglements successifs que s’opère la multiplication des bactéries ; chaque cellule se coupe transversalement, et les deux parties ainsi engendrées, après avoir grandi, se sectionnent à leur tour. Si le milieu est favorable, la multiplication peut se faire avec une extrême rapidité ; un bacille rameux en donnera parfois quatre millions en douze heures ; mais elle s’arrête lorsqu’il devient contraire. Dans certaines conditions, des spores apparaissent, corpuscules sphériques entourés d’une membrane fort résistante. Protégées contre le froid ou la dessiccation, ces spores gardent longtemps leur vitalité ; elles germent pour se multiplier à nouveau dès que les circonstances redeviennent favorables. Les microbes aérobies ont un besoin absolu d’oxygène ; ils le puisent directement dans l’atmosphère ou le dégagent de combinaisons peu stables où il entre comme élément. Ainsi les bacilles du charbon décomposent l’oxyhémoglobine du sang pour absorber l’oxygène et provoquent l’asphyxie des tissus. Par contre, les microbes anaérobies cessent de se multiplier dès qu’ils sont en contact avec l’oxygène libre ; c’est le cas du bacille butyrique qui, atteint par l’air, devient immobile et meurt. Mais les anaérobies utilisent l’oxygène en combinaison ; ce qui conduit, en définitive, à des résultats identiques. Entre aérobies et anaérobies il existe d’ailleurs de nombreux intermédiaires ; le bacille de la fièvre typhoïde peut vivre sans air, il se développe mieux cependant au contact de l’oxygène. Pour la majorité des bactéries la température la plus favorable est comprise entre 35 et 40° ; beaucoup sont tuées lorsqu’elle s’élève de 60 à 80°. Mais la résistance de leurs spores est parfois très grande ; celles de la gangrène ne sont tuées qu’à 108°, celles du foin à 120° ; celles du charbon peuvent supporter 123° dans un milieu sec. Une température de 100° n’est donc pas suffisante pour obtenir une stérilisation parfaite ; elle tue néanmoins la majorité des germes. Quant aux basses températures, elles restent sans effet ; le microbe de la rage n’est pas tué à —20°, et celui du charbon continue de vivre après avoir supporté —130° pendant toute une journée. À la longue, l’air exerce une action destructive sur la majorité des bactéries, de même la lumière solaire, grâce aux rayons bleus, violets et surtout ultra-violets ; certaines substances dites antiseptiques sont également microbicides, ainsi le bichlorure de mercure, le permanganate de potasse, le formol, l’acide sulfureux, le lait de chaux, le sulfate de cuivre, le chlorure de chaux, l’acide phénique. Pour étudier les microbes on les cultive dans des milieux nutritifs appropriés : bouillons de viande ou de végétaux, peptones, sérum sanguin, tranches de pommes de terre ou de carottes, fruits, morceaux de gélatine ou de gélose. Ensemencées au préalable, ces substances sont conservées dans des tubes ou des ballons et maintenues à la température de 35°. Les laboratoires bactériologiques arrivent à disposer d’une collection de microbes très variés ; plusieurs toutefois n’ont pu être cultivés de la sorte jusqu’à présent. Veut-on obtenir un milieu liquide, un bouillon de viande par exemple, on commence par faire macérer à froid, dans un litre d’eau, 500 grammes de bœuf ou de veau que l’on a divisé, au préalable, en menus fragments. Après avoir exprimé ce mélange, on ajoute 5 grammes de sel marin, plus 1 gramme de phosphate de soude, au bouillon obtenu, que l’on maintient dix minutes dans un autoclave à 115° et que l’on passe sur un filtre mouillé. Une solution de soude au dixième permet ensuite de neutraliser ; puis le liquide est de nouveau maintenu quinze minutes dans un autoclave à 120°. La liqueur filtrée sera répartie dans des tubes ou des ballons, stérilisés au préalable, et refermés ensuite avec un tampon d’ouate. Pour obtenir un milieu solide à la gélatine, on ajoute 100 grammes de gélatine à 1000 grammes de bouillon ; on porte à l’ébullition et lorsque le mélange est ramené à 50°, on colle au blanc d’œuf et on alcalinise faiblement. Après quinze minutes d’autoclave à 110°, on filtre et répartit le produit dans des tubes stérilisés que l’on portera de nouveau à 110°, durant dix minutes. Plus tard, à l’aide d’une pipette ou d’une aiguille stérilisée, on introduira, dans le milieu liquide ou solide, une minime portion de substance contenant le microbe à cultiver. Par d’ingénieux procédés, l’on parvient à isoler une espèce de bactéries de toutes les autres qui coexistent avec elle dans le milieu ambiant et l’on arrive à des cultures pures permettant de démontrer, par inoculation, que tel ou tel microbe est l’agent d’une maladie donnée. Le même milieu ne convient pas à toutes les espèces indifféremment ; le bacille tuberculeux qui prospère dans le sang gélosé ou glycériné, ne pourra vivre dans la gélose pure. Ajoutons que la virulence d’un microbe pathogène peut s’accroître ou diminuer, selon les conditions de culture ; elle s’aggrave, pour le microcoque rabique, en passant par l’organisme du lapin ; elle s’atténue à 42° 5, pour le bacille charbonneux qui, inoculé impunément aux animaux, constitue alors un vaccin.
Fermentations et maladies sont deux manifestations particulièrement étudiées de l’activité microbienne. La fermentation alcoolique est provoquée par des champignons, les levures, dont la multiplication s’opère par bourgeonnement et qui vivent, soit au contact de l’air en se comportant comme une plante ordinaire, soit dans un milieu privé d’oxygène libre où elles doivent résister à l’asphyxie. Dans ce dernier cas, la levure de bière secrète l’invertine et la zymase, deux diastases dont la première transforme la saccharose en glucose et la seconde détermine la fermentation du glucose. Levure ellipsoïde et levure apiculée secrètent seulement la zymase. C’est sous l’influence du mycoderma aceti que s’accomplit la fermentation acétique ou transformation de l’alcool éthylique en acide acétique. La bactérie lactique, essentiellement aérobie, utilise les lactoses et les glucoses pour donner l’acide lactique. Quant au ferment butyrique, le bacille amylobacter, très l’épandu dans la nature, il est l’agent habituel de décomposition des tissus végétaux, mais reste sans action sur les tissus lignifiés ou subréfiés, ainsi que sur certaines variétés de cellulose. Il se substitue souvent à la bactérie lactique, quand l’oxygène est épuisé ; à l’état libre, ce dernier gaz le tue rapidement.
La science chirurgicale fit aussi une heureuse application des principes de Pasteur. Peut-être lui procura-t-elle son plus grand triomphe dans l’ordre médical, car on a reconnu que l’obscur travail des infiniment petits n’entre pour aucune part dans l’origine de nombreuses maladies. L’infection des plaies rendait souvent mortelles des opérations considérées présentement comme anodines. On ignorait la cause de cette infection, et les microbes les plus virulents, introduits par l’opérateur, pullulaient bientôt, provoquant des complications fatales. Elles ont à peu près disparu et, avec elles, le principal danger des interventions chirurgicales : septicémie, érysipèle, tétanos, infection purulente sont de lointains souvenirs. Les plaies faites au cours des opérations guérissent seules, maintenant, en quelques jours. Dès 1830, un humble médecin de campagne, Jean Hameau, avait eu l’intuition géniale des méthodes qu’il fallait employer ; Hœberlé, Le Fort et d’autres attribuaient une énorme importance aux soins de propreté ; Alphonse Guérin, vers la fin de 1870, songeait à préserver les membres amputés du contact de l’air. Mais c’est un chirurgien d’Edimbourg, Lister, qui, s’inspirant des travaux de Pasteur, créa vraiment la méthode antiseptique. Aujourd’hui, nouveau perfectionnement, tous les objets mis en contact avec la plaie sont, au préalable, stérilisés par la chaleur : instruments, aiguilles, agrafes passent dans des étuves sèches ; ouate, fil, objets de pansement dans des autoclaves. L’opérateur porte des gants, un masque, une blouse stérilisés ; malheureusement, malgré les lavages et brossages de la peau à l’endroit que le bistouri doit attaquer, malgré la teinture d’iode dont on la recouvre, des germes peuvent subsister, et l’air des salles d’opération n’est, lui aussi, que bien difficilement purifié des poussières qui voltigent partout. Ces derniers progrès se sont accomplis sous l’impulsion de Terrier qui, à la méthode antiseptique de Lister, substitua la méthode aseptique ; la première luttait contre l’infection des plaies par des moyens chimiques ; la seconde vise à l’éviter par l’emploi généralisé de la stérilisation préalable. On voit quelles prodigieuses répercussions les recherches microbiennes ont eu sur la chirurgie.
En médecine pure, après avoir voulu tout expliquer par les bactéries, on a constaté que bien des maladies étaient d’ordre biologique et soulevaient des difficultés qui ressortissent tant de la haute physique que de la chimie transcendante. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de maladies transmissibles, c’est à la microbiologie qu’il faut recourir pour en connaître et les causes et les remèdes. Tuberculose, syphilis, diphtérie, fièvre typhoïde, choléra, charbon, rage, peste, fièvre jaune, fièvres paludéennes, tétanos, dysenterie, teignes, fièvre récurrente, maladie du sommeil, variole sont du nombre ; et l’on sait que plusieurs de ces affections comptent parmi les pires fléaux du genre humain. Koch découvrît, en 1882, le bacille de la tuberculose, mais ni lui ni aucun chercheur n’a pu trouver, jusqu’à présent, de sérum d’une efficacité indiscutable contre cette maladie si répandue. C’est dans les poumons, dont il détruit les tissus en formant de petits corps grisâtres et durs, les tubercules, qu’il s’installe de préférence ; ces tubercules s’amolliront plus tard et se transformeront en crachats, laissant à leur place des excavations ou cavernes qui s’agrandissent avec les progrès de la maladie. Le bacille de Koch possède cette particularité d’avoir une membrane imprégnée de cire. Nous dirons peu de chose du tréponème, producteur de la syphilis, dont on parlera ailleurs ; il est très difficile à étudier parce que sa culture est impossible dans nos milieux artificiels, soit liquides, soit solides. On sait les ravages causés en Afrique par la maladie du sommeil qui atteint les animaux domestiques et les hommes ; elle est due, à un protozoaire, le trypanosome, inoculé dans le sang par la piqûre de la mouche tsé-tsé. Contre nombre d’affections microbiennes, le charbon, la rage, la diphtérie, la fièvre typhoïde, la peste, par exemple, on a trouvé des vaccins efficaces. Ce fut le médecin anglais Jenner qui, en 1796, découvrit le premier vaccin ; la variole faisait de grands ravages en Europe ; Jenner avait observé que les personnes ayant eu aux mains la vaccine ou cow-pox, maladie bénigne qui produit des pustules sur le pis des vaches, étaient immunisées contre la variole humaine. Il eut l’idée de pratiquer méthodiquement l’inoculation de la vaccine ; et les résultats obtenus confirmèrent ses suppositions. Depuis les découvertes de Pasteur, la liste des vaccins ne cesse heureusement de s’accroître d’année en année. Si le cancer, ce mal effroyable, était d’origine microbienne, on pourrait espérer qu’un jour un sérum serait découvert contre lui. Mais beaucoup ne l’attribuent point à l’action des infiniment petits ; ses causes véritables seraient d’une toute autre nature, et l’on devrait chercher dans un sens différent pour obtenir sa guérison. Disons qu’à ce sujet, l’on ne peut hasarder aucune affirmation sûre. A côté des microbes pathogènes, il en existe un grand nombre qui n’exercent aucune action nocive sur l’homme ou les animaux ; quelques-uns sont utiles, on le remarque à propos de la digestion. C’est le bacille amylobacter qui, dans notre estomac, décompose la cellulose des végétaux tendres, dans une proportion de 25 à 50 p. 100 ; proportion qui devient plus considérable chez les herbivores.
L’atténuation de la virulence, lorsque le microbe pathogène est soumis à certaines conditions, a permis la création de vaccins artificiels. Maintenue huit jours à 42° 5, une culture de bacille charbonneux devient inoffensive. Elle est, de plus, capable de conférer l’immunité, comme le démontrèrent les expériences faites par Pasteur, le 5 mai 1881, à la ferme de Pouilly-le-Fort, près de Melun. L’immunité que confère l’inoculation résulte d’une réaction humorale de l’organisme, productrice d’anticorps qui agglutinent et dissolvent les corps étrangers. Chez le cobaye, vacciné au préalable contre le choléra, l’on constate après une injection du bacille virgule, cause de la maladie, que le liquide péritonal agglutine les microbes en amas granuleux puis les dissout. De délicates expériences ont même prouvé que cette action dissolvante est due à deux substances : une substance sensibilisatrice développée par le sérum (elle est spécifique et n’agit que sur les microbes de l’espèce injectée) ; une substance complémentaire existant dans le sang normal et qui agit sur les microbes les plus divers. Quand certaines espèces animales jouissent d’une immunité naturelle, qui les protège contre des maladies microbiennes déterminées, c’est qu’elles renferment normalement, dans leurs humeurs, les anticorps qui lutteront contre les germes de ces maladies. Le sérodiagnostic utilise la formation de sensibilisatrices spécifiques pour se prononcer sur l’existence ou non de telle ou telle affection. On peut, d’ailleurs, conférer l’immunité avec des toxines microbiennes atténuées. Si l’on filtre un bouillon de bacille diphtérique, le liquide obtenu sera privé de microbes, mais contiendra toujours les toxines que secrétèrent ces derniers ; toxines fort dangereuses et dont l’inoculation, à des doses infinitésimales, provoquera les accidents paralytiques de la diphtérie ordinaire. Or, atténuées par une chauffe à 37°, pendant trois semaines, en présence d’une petite quantité de formol, ces toxines n’ont pas d’effet nocif et prémunissent contre la maladie. De plus, l’entraînement développe l’immunité ; grâce à des injections graduées et successives, un cheval arrive à jouir d’une super-immunité. Pour obtenir le sérum qui sauvera l’enfant atteint de diphtérie pure, il suffira dès lors de saigner ce cheval, et de mettre en réserve, dans des flacons stérilisés, le sérum recueilli après coagulation. Vaccins et sérums sauvent les patients grâce à des antitoxines ; mais la vaccination conduit l’organisme à les produire lui-même et confère ainsi une immunité durable, tandis que le sérum les introduit du dehors et ne provoque qu’une immunité passagère : le premier est préventif, le second curatif. Le nombre des sérums ne cesse de croître comme celui des vaccins ; il en existe contre le tétanos, le choléra, le charbon, et la sérothérapie est devenue une branche importante de la médecine.
Mais l’introduction, dans l’organisme, de colloïdes microbiens vivants ou non-vivants n’a pas toujours pour effet de le rendre réfractaire à la maladie ; parfois, au contraire, elle le rend plus sensible à une atteinte ultérieure. Ce phénomène est appelé anaphylaxie ; il oblige à des précautions dans l’emploi des sérums curatifs. Personne ne peut soupçonner quelles découvertes futures nous réservent les recherches micro-biologiques ; nous avons assez parlé de celles qui sont acquises aujourd’hui, pour montrer combien utile, et aussi combien complexe, est l’étude des infiniment petits. – L. Barbedette.
MICROSCOPE n. m. (du grec : mikros, petit et skopein, observer). Instrument d’optique destiné à observer les objets ou les êtres trop petits pour être suffisamment accessibles à notre vue. Il y en a de deux sortes : le microscope simple ou loupe et le microscope composé à qui l’on conserve plus particulièrement le nom de microscope.
La loupe est une petite lentille très convergente qui est employée comme verre grossissant. Elle est ordinairement montée sur un cercle de corne ou d’écaille et certaines possèdent un dispositif permettant de les adapter à un manche ou à un pied porte loupe, elles sont ainsi d’un usage manuel plus facile. Il existe maints modèles de « loupes doubles », formées de deux lentilles montées ensembles l’une devant l’autre et donnant un grossissement plus fort.
Le microscope composé est, comme son nom l’indique, composé de plusieurs parties distinctes dont voici les principales : le statif ou support avec l’appareil d’éclairage ; le tube qui renferme les lentilles ; le dispositif pour le changement des objectifs et les pièces optiques : objectifs, oculaires, condensateur.
Dans le statif qui supporte tout l’appareil, il y a lieu de distinguer la base, point d’appui du microscope. Au tiers inférieur du statif est adapté une platine, percée en son centre d’un petit trou dont on diminue à volonté l’ouverture à l’aide de diaphragmes de grandeurs différentes. Indépendamment des microscopes possédant un statif fixe, la grande majorité des appareils ont un statif pouvant s’incliner à 90 degrés.
Les lentilles qui servent à grossir les objets que l’on examine sont de deux espèces : l’oculaire et l’objectif. L’oculaire est ainsi appelé parce que c’est la lentille qui se place près de l’objet. Dans l’oculaire comme dans l’objectif, il y a plusieurs verres superposés. L’objectif donne une image réelle, renversée et amplifiée de l’objet que l’on étudie. L’oculaire est placé de telle sorte que l’œil qui regarde à travers, au lieu de voir l’image simplement agrandie par la première lentille, voit une image virtuelle de nouveau agrandie.
Les objets à examiner sont posés sur des lames de verre minces appelées lames porte-objets dont l’épaisseur est comprise entre 0, 9 et 2 mm. La préparation placée sur la lame doit très souvent être incluse dans un liquide ou un autre médium approprié et recouverte d’une autre lamelle de verre très mince de 0, 1 à 0, 2 mm d’épaisseur. La préparation ainsi apprêtée est posée sur la platine du microscope. Le trou percé au centre de la platine sert au passage de la lumière, car il est indispensable, dans la plupart des cas, que la préparation que l’on veut étudier soit fortement éclairée. À cet effet sous le plateau se trouve un miroir, plan d’un côté, concave de l’autre. On utilise généralement le miroir concave qui est mobile et on le dirige de façon que la lumière en passant par le trou de la platine vienne se concentrer sur l’objet à examiner.
Le microscope est un instrument dont la construction peut prendre les formes les plus diverses et dont les parties mécaniques et optiques sont dans une très large mesure susceptibles d’être remplacées par d’autres parties semblables. Il est indispensable que les diverses pièces constituant ce merveilleux moyen d’investigation soient interchangeables pour que le microscope puisse s’adapter aux différents usages envisagés.
Aussi les équipements des microscopes se distinguent-ils les uns des autres non seulement par le grossissement maximum qu’ils sont capables d’atteindre, mais encore par la forme de l’appareil d’éclairage et de la platine, par le nombre des objectifs et des oculaires et leur adaptation aux divers genres d’observations.
Grâce aux progrès réalisés dans l’optique par les constructeurs modernes, le grossissement qui dépend surtout de l’objectif, dépasse parfois 3.000 fois en diamètre. Il est difficile de se représenter un pareil grossissement, car grossir 3.000 fois un objet c’est agrandir 9.000.000 de fois sa surface. De telles amplifications diminuent de beaucoup la netteté des contours et la clarté des images. C’est pourquoi dans la majorité des cas, pour les études d’analyses, le grossissement dépasse rarement 1.000 diamètres, c’est-à-dire 1 million de fois la surface réelle de l’objet examiné.
Il est possible de rendre visible aux yeux d’un auditoire nombreux les merveilleuses révélations d’un microscope. Les constructeurs sont parvenus à disposer cet appareil de telle façon que l’image puisse être projetée sur un écran. Ces microscopes sont destinés à donner dans l’obscurité une image réelle, très amplifiée des objets transparents excessivement petits. L’objet vivement éclairé donne sur un tableau convenablement disposé une image éclatante et prodigieusement amplifiée, au point qu’un cheveu paraît avoir un décimètre d’épaisseur, que la griffe d’une puce soit grande comme la main (microscope solaire et microscope photo électrique).
L’ultra microscope, cette dernière et merveilleuse conquête de la science, dans lequel le champ visuel sombre est traversé latéralement par un rayon lumineux très intense permet de discerner des particules ayant un diamètre de trois à six millionièmes de millimètre.
Le microscope fut découvert au moment précis où l’humanité allait commencer une existence nouvelle, à l’époque où une renaissance intellectuelle allait enfanter plus de découvertes en trois siècles que l’humanité n’en avait fait depuis les temps historiques. La loupe fut connue la première. On en a découvert dans les ruines de Ninive. En Grèce et à Rome les graveurs sur pierre en faisait généralement usage. Le microscope fut inventé à peu près à la même époque ; le télescope en 1590, par l’opticien Zacharie Janssen, de Middlebourg, en Hollande. Cornélius Drebbel le perfectionna en 1610. Néanmoins il se passa bien du temps encore avant que l’usage du microscope se répandit et un siècle après son invention les savants continuaient à faire leurs observations avec de simples lentilles de verre. Ce n’est qu’en 1758, après la découverte de l’achromatisme et surtout depuis le milieu du XIXème siècle qu’on a porté sa construction à un degré de perfection aussi admirable qu’étonnant. Aujourd’hui le microscope s’est imposé dans tous les domaines de la science. Il sert au physicien comme au chimiste ; le biologiste l’emploie comme le médecin et le botaniste. Cette merveille de l’ingéniosité humaine nous a révélé le monde de l’infiniment petit, c’est grâce à sa merveilleuse puissance que nous devons les observations si curieuses des structures de la constitution organique végétale et animale, les découvertes si précieuses du monde des infiniment petits, les merveilles du royaume immense de la vie microscopique qui peuple de millions d’êtres une goutte d’eau, une feuille d’arbre et le tissu délicat de nos corps.
On donne aussi le nom de « microscope » à une constellation de l’hémisphère austral, située près du Sagittaire, juste au dessous du Capricorne. – Ch. Alexandre.
MIEL n. m. (du latin mel, d’où mellifère : plante mellifère, qui sécrète du miel). À certaines heures de la journée et dans des conditions favorables de température, les abeilles recueillent, sous forme de nectar, dans le sein des fleurs où il exsude, un liquide sucré qu’elles emportent, jusqu’à leur ruche, dans leur jabot. Dans ce premier estomac, sous l’influence de la salive et du suc gastrique, le nectar subit une digestion partielle. Dégorgé ensuite dans les alvéoles de cire, débarrassé de son excès d’eau par une active ventilation des insectes diligents, il devient cette substance onctueuse et parfumée qui est le miel ; produit connu de tous les peuples pour sa valeur nutritive et sa teneur en calories et possédant la propriété, grâce à sa transformation initiale, d’être éminemment digestible. Le miel emprunte également aux fleurs diverses qualités thérapeutiques.
D’abord liquide, sirupeux, lorsque l’apiculteur le tire des rayons où l’abeille l’a entreposé, le miel s’affermit ensuite et se solidifie. Plus ou moins rapidement selon la flore d’origine, il durcit et granule pour prendre enfin sa consistance et sa teinte définitives. Certains miels – c’est l’exception – demeurent onctueux et leur aspect primitif persiste avec le temps. Mais, émollient ou ferme, le miel possède au même degré les vertus alimentaires et médicinales qui l’ont fait apprécier dès la plus haute antiquité… Les différences d’arôme et de coloration des miels naturels dépendent uniquement de la prédominance, sous un climat et sur un sol donnés, des variétés de fleurs visitées par les abeilles. Avec les saisons et les régions où il est butiné varient ainsi le goût et la nuance du nectar.
Le miel a toujours joué un rôle important dans l’alimentation de l’homme et il a constitué de tous temps une de ses ressources nutritives les plus fréquemment mises à contribution. Certains peuples lui attribuaient une valeur telle qu’ils l’offraient aux dieux à titre de sacrifice ; en Égypte l’abeille était considérée d’ailleurs comme aussi sacrée que le miel.
Avant l’introduction du sucre, de nombreux peuples se servaient du miel pour édulcorer leurs boissons et il est inutile de rappeler de quelle importance est son emploi dans la confection de certains gâteaux.
Dans l’Inde, le miel est considéré comme un aliment propre à conserver en bonne santé ceux qui le consomment ; une goutte de miel épandue sur la langue d’un nouveau-né est un présage de bonne santé.
Tout le monde sait combien le miel sert à la fabrication des confitures.
On se souvient que la principale attraction de la Terre de Chanaan, fut le rapport des espions hébreux disant que c’était « un pays découlant de lait et de miel ». L’auteur des Psaumes nous dépeint les paroles de Jéhovah comme « plus douces que miel et rayon de miel » ; le souvenir du juste est plus doux que « miel en la bouche de tous ».
On peut faire d’excellente bière avec du miel. Une boisson ressemblant à de l’hydromel consistait en un mélange de vin, de miel et de poivre. De nombreuses tribus de l’Afrique méridionale et orientale consomment de la bière ou du vin de miel. Sur les bords du Niger, on boit un breuvage mélangé de millet et de miel. Les Égyptiens tiraient du miel une bière sucrée et les héros d’Homère consommaient une boisson dont le miel formait le principal ingrédient. Le « muslum » romain, le « lipetz » russe, le « clary » et le « bragget » de l’Angleterre médiévale sont des breuvages où entrait le miel.
Les Juifs considéraient, mêlé au lait caillé, le miel comme une friandise ; ils s’en servaient également pour confectionner des gâteaux qu’ils considéraient comme des desserts. La légende prétend que les Pythagoriciens se nourrissaient exclusivement de pain et de miel ; Jean Baptiste, autre personnage légendaire, se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
À une certaine époque, en Égypte et en Syrie, le miel a servi à l’embaumement des cadavres. On a découvert le corps d’un petit enfant embaumé dans une jarre de miel, au couvercle scellé. Le corps d’Alexandre fut conservé par cette méthode et l’historien juif Josèphe raconte que le corps du roi Aristobule fut préservé dans le miel jusqu’au moment où Antoine envoya le cadavre royal rejoindre les os de ses ancêtres en Judée.
Les anciens considéraient le miel comme doué d’un pouvoir thérapeutique spécial. Pline dresse une longue liste de maladies pouvant être guéries par le miel ; les Grecs croyaient qu’il prolongeait la vie. On considérait le miel ancien comme un remède à la toux (ce qui s’est perpétré jusqu’à nos jours) et à la bile ; on affirmait même qu’il accroissait la force et la virilité. Les Veddas regardaient la bonne santé dont ils avaient joui jadis comme la conséquence du fait qu’à un moment donné leur nourriture se composait principalement de miel.
Dans nombre de pays, on considère le miel comme doué d’une puissance magique bénéfique, capable de chasser les esprits malins ou de conjurer le sort. C’est surtout à la naissance, au moment de la puberté, à l’heure du mariage, qu’on lui attribue ce pouvoir.
Au cours des cérémonies auxquelles la naissance donne lieu, chez les Indiens du Pendjab, les gâteaux de miel jouent un rôle de premier plan ; à un certain moment on les promène autour de la tête du nouveau-né dans le but bien défini de chasser les mauvais esprits. En Croatie et en Turquie, on offre à la fiancée, sur le pas de sa porte, une coupe de miel. Les Polonais édulcorent avec du miel les lèvres de la fiancée. Dans les Balkans, le fiancé et la fiancée mangent ensemble, le soir de leurs fiançailles, un gâteau, cuit plusieurs jours auparavant, qu’ils trempent dans du miel. Dans les mariages célébrés à Vlasca, en Valachie, on fait cadeau à la fiancée de beurre et de miel pour enduire la porte de sa maison.
Le miel est enfin considéré comme emblème de la pureté et figure à ce titre dans le rituel de nombreuses religions. Dans l’église chrétienne primitive, le lait et le miel symbolisaient la consécration et l’on plaçait du lait et du miel dans la bouche du nouveau baptisé comme allusion à la terre de Chanaan.
Les Hindous regardaient le miel comme un aliment des dieux. On représentait Vichnou sous la forme d’une abeille posée sur une feuille de lotus. Krishna portait sur le front une abeille bleue. Les statues de pierre des dieux de l’Inde sont lavées, à de certaines époques, avec un liquide miellé.
Nous avons parlé au début de cet article du rôle du miel comme offrande aux dieux. On a découvert un papyrus égyptien remontant au iie siècle qui confirme cet emploi du miel. Il s’agit d’une sorte de facture spécifiant la fourniture de « seize gâteaux, huile, miel, lait et toutes épices, sauf l’encens » au stratège du nome pour le sacrifice au Nil très sacré. – E. A.
MIGRATION n. f. (latin migratio, migrare). Exode en masse de certains peuples qui changent de pays. Déplacements – réguliers ou accidentels – d’animaux qui recherchent, avec les saisons, d’autres climats : les migrations des hirondelles. Déplacement d’être parasites, au cours de leurs transformations. Ce mot a formé émigration : abandon d’une contrée pour une autre et immigration : pénétration, installation sur une terre nouvelle.
Parmi les grandes migrations humaines l’histoire enregistre celles des peuples barbares se répandant, au ive siècle, dans l’empire romain. De l’entrée des Huns en Europe, en 375 à la conquête de l’Italie par les Lombards en 568 s’étend la grande période des migrations barbares au moyen-âge. Exubérance de population, cataclysmes, nomadisme natif, appât des richesses, etc., ont ainsi jeté sur les civilisations occidentales les hordes dévastatrices de l’Asie. L’Amérique a vu la migration des Aztèques…
« Parmi les migrations, régulières mais non périodiques, qu’accomplit l’individu isolé au cours de son développement, il faut mentionner celle des endoparasites comme les trichocéphales, les trichines, les ténias, les ankylostomes, etc…, qui conduisent l’œuf de l’hôte où il a été pondu à l’hôte où il achève de se développer en individu adulte en passant par un plus ou moins grand nombre d’intermédiaires. Ces migrations semblent avoir été d’abord un phénomène accidentel, qui s’est régularisé et est devenu normal en vertu de la sélection, parce qu’il était avantageux. Les migrations, au surplus, déterminent des changements de formes, liés aux changements des conditions d’existence ». (Larousse).
On attribue à des causes diverses les migrations des animaux adultes : défaut d’aliments (singes, locustes, etc…) ; variation de la température (antilopes, hirondelles, cailles, grues, etc…) ; nécessités de la reproduction (saumons, etc…). Parfois semblent seuls intervenir des facteurs mécaniques (courants, perturbations atmosphériques). D’une façon générale les migrations apparaissent comme un des procédés de défense de l’espèce…
Les migrations rencontrent, selon les catégories d’animaux, des circonstances plus ou moins favorables. Les oiseaux, doués d’appareils rapides de locomotion, les poissons plongés dans un milieu d’incessante translation sont au premier rang des animaux voyageurs. Peu de mammifères (à part quelques rongeurs et carnassiers) et moins encore de reptiles émigrent. On connaît, chez les insectes, les migrations redoutées des sauterelles… Une faculté — qu’a commandée vraisemblablement le besoin — est commune aux espèces périodiquement migratrices, c’est le sens de la direction, de l’orientation, encore mal connu. Le cosmopolitisme de certaines espèces (hibou, brachyote, etc…) parait tenir à leurs migrations irrégulières à travers les continents, migrations suspendues par de longues stations… Les phénomènes de dissémination qui déplacent certaines espèces végétales est parfois aussi appelé migration…