Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Semer

La bibliothèque libre.

Définition

◄  Semences
Semis  ►

Semer ; c'est répandre les grains & enfouir les semences dans la terre.

Article

◄  Semences
Semis  ►

SEMER ; c'est répandre la semence sur la terre, & l'y enfouir en la couvrant de terre. Il y a plusieurs façons de semer ; savoir, à champ, à plein champ ou à la volée, en rigole, en pots ; c'est-à-dire, en faisant de petits bassins pour y mettre pois, sèves, lentilles, &c. On dit encore semer au talon dans les terres meubles & les terres légères, lorsqu'en frappant fermement du talon sur la terre, on y fait un trou dans lequel on met des pois & autres semences, qu'ensuite on recouvre de terre.

Suivant le proverbe, qui sème dru recueille clair, & qui sème clair recueille dru, les habiles semeurs sont chiches de semence, & cependant recueillent le double de ceux qui la prodiguent. Mais pour s'assurer de la bonté des semences, il faut mettre la graine tremper dans l’eau tout simplement durant cinq ou six heures. Les graines qui ont des amandes bonnes vont au fond, celles qui sont vuides surnagent. On enlève avec une écumoire tout ce qui flotte. On met les bonnes graines sécher au soleil ou en un lieu sec, ensuite on les sème avec la certitude d'une bonne & prompte germination.

On sème, c'est-à-dire qu'on répand du grain ou de la graine dans une terre qui a été auparavant fumée & labourée. La graine doit être bien mûre & enterrée à une profondeur convenable, selon sa grosseur. Il faut semer un peu plus dru dans les terres maigres & légères, que dans les bonnes terres.

La saison de semer chaque sorte de grain, est constamment un article soumis à la discrétion d'un prudent agriculteur qui doit se régler sur la qualité de sa terre. Plus tard on sème au printems dans une bonne terre sujette à produire des herbes inutiles, meilleure est la récolte. Au contraire, dans un terrain sec & de sable, on se trouve toujours bien de semer de fort bonne heure au printems ; sans cela, la chaleur du soleil, jointe à celle de la terre, font jaunir & blanchir les plantes, & rendent la récolte fort douteuse. Un été froid & humide est très-avantageux aux grains semés de bonne heure dans ces sortes de terre.


Une circonstance des plus favorables pour les semailles, est que la terre se trouve un peu humide, sans être assez humectée pour se pétrir ; car il faut que le dessus soit un peu affermi ayant les gelées, pour que le grand froid pénètre moins dans la terre. Les pluies affermissent ordinairement assez la terre, pour qu'on soit dispensé d'avoir recours à d'autres moyens.

Il arrive quelquefois que la terre, pénétrée d'eau & battue par les pluies, ne peut être labourée ni hersée. Les semailles se font alors très-mal. On est même obligé de les suspendre dans les terres fortes ; & tel qui comptoit ensemencer soixante arpens de froment, n'en sème quelquefois pas trente. Néanmoins la perte devient peu considérable, lorsqu'on seme des mars au printems dans ces terres qui étoient préparées par plusieurs labours pour le froment. L'abondante récolte de ces mêmes grains dédommage beaucoup le cultivateur.

Au reste, quelque méthode que l'on suive quand les terres ont été labourées à propos, & lorsqu'elles ne sont pas dans le cas de trop retenir l’eau, on parvient presque toujours à bien faire les semailles.

Suivant d'anciennes manières de labourage, 1°. il est à propos de commencer à semer lors de la première chute des feuilles des arbres, si le tems est beau ; 2°. quand le soleil fait appercevoir des toiles d'araignée sur les guérets, en automne, on ne doit pas différer à semer : les bleds germeront promptement.

L'usage le plus commun est de semer à la main, & l'habitude des semeurs fait qu'ils répandent le grain assez uniformément. Pour cela, on attache devant soi une espèce de grand tablier fait exprès, où est une certaine quantité de grains. Le semeur y prend le bled à pleine main, & le jette en arrière du bras opposé à la main qui sème ; c'est, comme il est dit ci-dessus, ce qu'on nomme semer à la volée. Le semeur avance la jambe droite en même-tems que le bras droit qu'on suppose être celui dont il se sert pour semer. En donnant à son bras un mouvement circulaire pour jetter la semence avec force, il ouvre peu-à-peu sa main, afin que le grain ne tombe point par tas, mais qu'il s'éparpille & se répande comme une espèce de pluie.

L'art du semeur demande beaucoup d'adresse. Les bons semeurs ont contracté l’habitude de prendre leurs poignées de grain assez précisément les mêmes, pour répandre dans un arpent de terre la quantité de grain qu'ils jugent convenable, suivant qu'ils veulent semer plus ou moins épais : ils distribuent si également la semence, qu'il n'y a pas un endroit du champ plus garni que les autres ; encore moins doit-on n’appercevoir ensuite aucune place vuide de grain.

On enterre le grain avec la herse ordinaire, que l’on promène en divers sens jusqu’à ce que le champ soit uni, & qu’on n’apperçoive plus les sillons du labour. Par cette méthode, on a l’avantage de faire les semailles en fort peu de tems. On observe encore la même chose lorsqu’on a pratiqué des planches bien larges en labourant des terres douces. Mais une telle herse ne suffit pas encore dans les terres fortes, ni dans celles qui déchaussent ; on est obligé d’y enterrer la semence par le moyen de la charrue, ce qui exige beaucoup de tems. Cette opération consiste à répandre la semence avant de donner le dernier labour, & aussi-tôt après avoir semé, refendre, avec une binette ou autre charrue qui pique peu, les éminences des raies pour recouvrir la semence qui est tombée dans le fond. On a soin que ce labour soit très-léger & superficiel, afin de ne pas trop enterrer le grain qui alors ne leveroit pas.

Le grain demande aussi à être recouvert avec la charrue, lorsque la terre est très-légère. La superficie de cette terre se convertissant en poudre, & étant par-là très-sujette à changer de place, le grain qui ne seroit en terre qu’à la herse courroit risque d’être bientôt découvert, de devenir la proie des oiseaux ou au moins de ne pas lever, n’ayant point près de lui une humidité convenable.

On se sert d’une pratique que l’on nomme semer sous raies dans les terres qui déchaussent & dans les terrains fort légers, où l’on craint que le vent ne découvre la semence ou que le soleil ne dessèche les grains qui auroient germé trop près de la superficie. Pour cela, on répand la semence dans un sillon qu’on vient d’ouvrir, & on la recouvre aussi-tôt en faisant une autre raie. Tout le grain se trouve ainsi placé au-dessous de la terre remuée par les labours, mais sur un fond dur.

On nomme semer à toutes raies la pratique que nous venons d’indiquer, lorsque la semence répandue dans chaque raie que le soc a formée est recouverte par la même charrue, en faisant la raie voisine. Par opposition, l’on dit semer a raies perdues quand, ayant répandu le grain dans une raie, on en forme une autre où on ne jette pas de semence, & on en met dans la suivante ; de-sorte que dans toute l’étendus d’un champ il y a alternativement une raie semée & une qui ne l’est pas, ce qui donne plus d’espace au grain pour étendre ses racines, rassembler de la nourriture & former de grosses talles.

En beaucoup d’endroits où on se sert de la charrue pour enterrer le grain, on ne répand


quelquefois que la moitié ou le tiers de la semence, & on jette le reste derrière la charrue dans les sillons qu’elle vient de former. Cette méthode consomme beaucoup de grain ; & celui qu’on répand dans les sillons est souvent trop enterré, pendant que la portion qu’on a jettés sur le champ ne l’est pas assez.

Il est évident que toutes les pratiques dont nous venons de parler distribuent la semence assez irrégulièrement ; s’il se trouve une cavité ; quinze ou vingt grains s’y rassemblent, tandis qu’ailleurs il n’y a absolument point de semence : celle qui se trouve recouverte d’une tróp grande épaisseur de terre ne peut en sortir, & beaucoup de grains qui restent sur le champ, ou trop, près de la surface, sont dévorés par les oiseaux ou desséchés par le soleil. D’où résulte une consommation considérable de semence en pure perte. Ces raisons ont fait naître l’idée d’instrumens dont le mécanisme opérât avec certitude la précision que l’on peut désirer. (Voyez Semoir).