Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Equitation/Passage (équitation)

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Panckoucke (1p. 229-231).

PASSAGE. Le paffage fait félon les proportions & les diftances ordinaires, eft le feul moyen d’ajufler un cheval àtoutes fortes d’airs, & la meilleure leçon qu’on puiffe lui donner après lui avoir appris à beau-partir de larmain, à former fon arrêt & à tourner. Il faut(g^n fervir à propos félon les diftances & les proportions que le cavalier juge néceffaires, foitenavant, en arrière, décote, peu ou beaucoup, en tournant plus ou moins légère* ment de la main, en éhrpffant, ferrant, avançant d’un ou de deux talons, félon qu’il eft à propos, tantôt à une main, tantôt à l’autre. Le paffage fe faitlorfque le cheval en tournant ou en marchant de côté, croife les jambes, un peu moins celles de derrière que celles de devint ; & pour faire le paffage des voltes bien proportionné, il faut que les Jambes de ^devant f : iffent un cercle àpeu-près de la longueur du cheval, & celles de derrière un autre plus petit des deux tiers. La méthode du paffage eft fi bonne, qu’elle habitue le cheval à obéir /ranchcment à la main, à la bride, aux talons i en PAS %%^

un mot à’exécuter promptet^ent&rans-répiignance, tout ce qu’on lui demande.

Eh ; Passage. ^ La GuiRiNikRE).

Après avoir donné à un cheval la première foupleffe par le moyefi du trot d’une pifte fur la ligne droite & fur le cercle ; après ravpir arrondi, & lui avoir appris à paffer les jambes dans la pofition circulaire de l’épaule en dedans ; l’avoir rendu ohéif-, iant aux talons, la croupe au mur, & raffenablé au piaffer dans les piliers, il faut fonger à Tajufter, ceft —à —dire le régler, gc.le iake manier jufte dans l’air où fa difpofitlon permettra qu’on le mette. •. i •

Le paffage eft la première allure qui regarde la jufleffe. C’eft un trot ou i^p pas raccourci, mefuré & cadencé ; que dans ce mouvement le cheval doît foutenîr les jambes qui font ; en l’air, l’une devant, l’autjre derrière, croifées & oppofées comme au trot, ma^s beaucoup plus raccourci, plus foutenu & plus écouté quçj^trot.ordinaire ; & qu’il ne doit pas avancer ni pofer la jambe qui eft en 1 air, plus d’ui^ pied, an delà de celle qui eft à terre, à chaque pas qu’^1 fait. Cette allure, qui i-end un ch^ val, patient & lui fortifie la Mémoire, eft très-noble i 8f. tait beaucoup paroitre un offici.er un jotir de revue ou de parade. L’àdion du cheval au paffage eff la même qu’au piaffer ; enforte que pour avoir une idée jufté de l’un & de l’autre, il faut regarder le piaffer comme un paffage dan ! ^ une place fans avancer ni reculer, & le paffage eft pour ainfi^ire, un piaffer, daiis lequel le cheval avance environ d*un pied à chaque mouvement. Dans le piaffer, le ge** nou.d^c la)ambe de devant qui eft enlVir, doi( être de niveau avec le coude de la même jambe, laquelle jambe doit être pliée de Qianîèrc que la pince —du pied fe lève à la hauteur du milieu du genou de la jambe qui jpofe à terre : celle de derrière ne doit pas fe lever fi haut, autrement le cheval ne feroit pas fur les hanches, mais feulement là pince du pied qui eft en l’air à la hauteur du milieii du canon de 1 autre jambe. A l’égard du paffage, comme le mouvement eft plus avancé que celu^ du piaffer, la jambe de devant ne doit pas fe lever ù haut ; mais feulement la pince du pied qui e/f en Tair à la hauteur du milieu du canon de la jambe qui pofe à terre ; & celle de derrière un peu audeffus du boulet de l’autre jambe.

Il y a plufieurs chofes à obferver dans le paffaee ; (avoir, la pofture dans laquelle doit être un cneval lorfqu’il paffage, foit d’une pifte, foitdedeux piftes y h cadeqce om la mefure dans laquelle il doit paffager ; & les aides du cavalier pour l’ajufterà cet air.

Les plus habiles écuyers conviennent, qti*une des principales chofes qui met un cheval dans une belle attitude, c’eft le beau pli qu’on lui donne en maniant ; mais ce beau pli eft expliqué différemment par les habiles maîtres de lart. Les uns veulent qu’iia cheval foit fimplemeut plié en arc, qui ±i6 PAS li’eft qu^un deint-pl !, dans lequel le chcTil regarde feulement d*un œil dans la Tolte ; les autres veulent au*il fafle le demi^cercle, c eft-à-dire, qu’il regarae prefque des deux yeux en dedans de la ligne. Il faut convenir que dans l’un & dans l’autre pli y le cheval a de la erace ; mais, félon moi, le |>li en arc, qui n’eft airun demi-pli » ne contraint pas tant un cheval, « . le tient plus relevé du devant que dans celui où il eu plus plié : & dans cette dernière poSure, la plupart des chevaux font en capuchonnés, c’efl-i-dire, baiflent trop le nez& courbent Tencolure.

Ceux qni admettent le demi-pn mènent leurs chevaux droits d’épaules & de hanches, ou tienjtent feulement une demi-hafache dedans, & ceux <|ui veulent un plus grand pli, tiennent les hanches autant en dedans que la tète » ce qui forme un deihi-cercle de la tète à la queue, & c’eft ce qu’on appelle, les deux boutr dedans. Cette attitude fait paroitre le cheval plus fur les hanches » parce | « qu’il eA plus étrécî du derrière.

’On peut admettre ces différentes poftures, en les appliquant diverfement, fuîvant la différente Itrufiufe de chaque cheval. B ife treiiVe peu de « heVaux bien proportionnés de toUt l^ttr (rorps ; tes uns font trop courts dé reins > & les autres trop’ longs de corfage.

Ceux qui font bien proportionnés, c*eft-i>dire » Ht xrop courts ni trop lonrs de reins, doivent être ftienés la demi-hanche dedanls. Pour cela, on tient la hanche de dehors un peu en dedans, enforte u’au lieu que les hanches Ibient tout-à-fair droites ^ur la ligne des épaules » le pied de dehors de derrière doit fe poier fur la place de celui de de » dans, ce qui fait que la moitié des hanches fe trouve en aedans ; 8c c’eft-Ià ce qn*on appelle proprement la demi-hanche dedans. Cette poftiire eft trés-bellè & convient à merveille aux chevaux bien moulés & qui portent beau d’eux-mêmes. On doit tenir les chevaux courts de reins » droits d’épaules & de hanches avec un demi « -p1i feulement, qui les faffe regarder d’un oiil en dedans ; ■ car fi on les mcttoit dans une pofture pins raccourcie » en les pliant trop & leur tenant les hanches dedans » ils feroient trop contraints, & ils n*an-Toient pas un beaa mouvement d’épaule ; parce que hi plupart des chevaux de cette ftruâfure retiennent ordinairement leurs forces, & par conféquentil faut leur donner* un pa(£ige plus libre & pltis avancé qu*à ceux qui diftribuent naturellement leurs forces.

Dans leDaflSige les deux bouts dedans, la tête eft placée fort en dedans, & les hanches font mifes autant en dedans que la tête ; en forte que le cbeyal eft arrondi de tout fon corps ft forme un demicerde. Cette attitude a été inventée Ipoor raccour » cir il faire paroitre fur les hanches les chevaux qui font trop longs de corfage & d’encolure, & qui n’auroient pas tant de grâce » &ne pourroient pas ’fibicA fe raffembler, il on les menoit tout-à-fait 9^

PAS

tfiine pîfte. Cette pofture n’eft autre cbofc qtte II croupe au mur renverfèe, ceft-à-dire, qu’au lien de faire aller un cheval de côté la croupç au mur avec les épaules en dedans du manège, dans les deux bouts dedans, on. met les épaules vis-à-vis du mur & la croupe vers’le centre, en fonc qu’il va prefque de deux piftes. "

^ Après avoir examiné laquelle des trois poftures ci— deffus convient mieux au cheval, fuivant fon naturel & fa ftruâure, il faut enfuite régler la cadence de fon air. On doit entendre par la cadence du paflaçe d’un cheval > un mouvement de trot’ raccourci, foutenu du devant, 8c continué d’une mefure égale fans le retenir ni le prefler trop. Ce mouvement, qu’il eft auffi difficile de donner à un cheval que de l’y entretenir en marchant » dépend de l’accord des aides Au cavalier, & auffi de la fouplefle & de l’obéiffance du cheval ; c’eft pour* quoi il ae faut point paflager un cheval dans une juftefle il recherchée, qu’auparavant il ne foit afibupli dç tout fon corps 8c réglé au piaffer dans les piliers. Cette pratique eft le modèle du beau paflage ; 8c quoiqu’un cheval foit affez avancé, pour lui demander des leçons de jufteffe, il ne faut jamais fe départir des premières leçons, dans lefquelles on ne fauroit trop le confirmer. Il faut donc toutes les fois qu’on monte.un cheval, quelqu’avancé qu’il foit » de trois reprîfes, lui en demander du moins une l’épaule en dedans, fuivie de la croupe au nur, &, quelquefois même fuivant Toccafion 9 le remettre au tror.

Pour entretenir un cheval dans ce beau mouve* ment de paflàge, que produit l’aâion de l’épaule libre » foutenue & également avancée, il faut faire attention à fon naturel âc à fa force. Les chevaux » par exemple y qui retiennent leurs forces, retieq* nent auffi par conféquent l’aâion de Tépaule. Ils doivent être moins affiijettis • 8c même lorfqu’ils fe retiennent trop par malice ou autrement » il faut les chaffer vigoureufement des denx jambes, 8c quelqtiefois des deux éperons, laiffant pour quel’ que temps l’ordre limite de la)ufteffe du paftage, afin de leur rappeller 8c de leur maintenir la crainte 8c l’obéiflance^ qu’ils doivent avoir pour les aides 8c pour les châtiments du ca’^per:ceux au contraire qui, par leur timidité naturelle, « ’abandonnent ftir la main » doivent être plus raccourcis, tenus plus enfemblcy 8c plus foutenus de la main » que déterminés des jambes 8c des jarrets ; avec ces précautions » on maintiendra 6c. les uns Scies an-, très dans leur véritable air.

Lorfqu’on change de main au paffage, il faat que ce foit de deux piftes fur une ligne oblique, 8c Î|ue la moitié des épaules aille avant la croupe ; en orte aue la jambe de devant de dehors foit fur la ligne de celle de dedans de derrière; 8c afin qu’il demeure dans l’équilibre 8c dans la balance entre les deux talons » il ne faut pas qu’il fafle un feul temps pour la peur de la jambe de dehors du cavaliei

  • , qae celle de depuis ne lui permette. Il

faut pour cela sçavoir se servrir à propos de sa main & de ses jambes.

Dans le passage des deux pistes, le cheval doit faire autant de mouvements avec les pieds de derrière qu’avec ceux de devant. Il arrive souvent qu’un cheval arrête les pieds de derrière en une place, pendant que ceux de devant dérobent le terrein, en faisant deux ou trois pas sans que le derrière accompagne : on appelle ce défaut dévuider de l’épaule. Un autre défaut encore plus grand que celui-ci, c’est lorsqu’il arrête les pieds de devant, & que ceux de derrière continuent d’aller, ce qu’on appelle s’acculer, s’entabler. Comme la vue du cavalier est sur la posture de la tête & du col, & sur l’action des épaules, il lui est plus aisé de proportionner les mouvements que le cheval fait avec les pieds de devant, que détenir la croupe & les pieds de derrière dans une juste égalité : il faut pourtant acquérir la facilité de l’un & de l’autre, afin de remédier à temps & promptement à ces désordres ; ce qui dépend de la diligence de la main & de la finesse du talon.

Il faut se ressouvenir encore qu’une des aides les plus subtiles, c’est de faire passer librement l’épaule & le bras de dehors du cheval par-dessus celui de dedans, en passageant de deux pistes. Pour bien prendre ce temps, dit le savant M. de la Broue, il faut sentir quel pied pose à terre & quel pied est en l’air, & tourner la main de la bride dans le temps que le pied de devant du côté qu’il va ou qu’il tourne est en l’air & prêt à retomber, afin qu’en levant ensuite l’autre pied de devant, il soit contraint d’avancer l’épaule & le bras de dehors, en le chevalant par-dessus celui de dedans. Il faut, ajoute-t-il, une grande facilité d’aides pour bien pendre ce temps ; car si on tourne la main dans le temps que le cheval a le pied de dedans trop haut, au lieu d’élargir l’épaule & la jambe de dehors, c’est celle de dedans qui s’élargit, & si on tourne la main lorsqu’il pose le pied de dedans à terre, il n’a point assez de temps pour chevaler librement l’épaule & la jambe de dehors.

Il est bon de remarquer que des trois postures dont nous venons de parler, & dans lesquelles on peut mener un cheval au passage, il y en a deux qui ne peuvent être admises que dans les bornes d’un manège limité, & pour le plaisir de la carrière : ce sont celles de la demi hanche & celle des deux bouts dedans. Mais lorsqu’on tient un cheval dans un pas noble & relevé, soit à la tête d’une troupe, soit en des jours de revue, de fête, ou de parade, il ne faut point lui demander ce manège d’école, mais le tenir droit d’épaulés & de hanches, avec un demi-pli seulement du côté vers lequel il marche y pour lui donner plus de grâce dans son devant. (V. Airs).