Encyclopédie méthodique/Arts et métiers mécaniques/Maçonnerie

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Panckoucke (4p. 266-379).

MAÇONNERIE. (Art de la)

Sous le nom de maçonnerie, l’on entend non seulement l’art, la manière d’employer la pierre de différente qualité, mais encore de se servir de libage, de moilon, de plâtre, de chaux, de sable, de glaise, de roc, &c. ainsi que celle d’excaver les terres pour la fouille des fondations des batimens, pour la construction des terrasses, des taluds, & de tout autre ouvrage de cette espèce.

Ce mot vient de maçon ; & celui-ci, selon Isidore, du latin machio, un machiniste, à cause des machines qu’il emploie pour la construction des édifices, & de l’intelligence qu’il lui faut pour s’en servir ; &, selon M. Decange, de maceria, muraille, qui est l’ouvrage propre du maçon.

Origine de la Maçonnerie.

La maçonnerie tient le premier rang entre les arts mécaniques qui servent à la construction des édifices. Le bois avoit d’abord paru plus commode pour bâtir, avant que l’on eût connu l’usage de tous les autres matériaux servant aujourd’hui à la construction.

Anciennement les hommes habitoient les bois & les cavernes, comme ses bêtes sauvages. Mais, au rapport de Vitruve, un vent impétueux ayant un jour par hasard poussé & agité vivement des arbres fort près les uns des autres, ils s’entrechoquèrent avec une si grande violence, que le feu s’y mit. La flamme étonna d’abord ces habitans : mais s’étant approchés peu-à-peu, & s’étant apperçus que la température de ce feu leur pouvoit devenir commode, ils l’entretinrent avec d’autres bois, en firent connoître la commodité à leurs voisins, & y trouvèrent par la suite de l’utilité.

Ces hommes s’étant ainsi assemblés, poussoient de leurs bouches des sons dont ils formèrent, par la suite, des paroles de différentes espèces, qu’ils appliquèrent chacune à chaque chose, & commencèrent à parler ensemble & à faire société.

Les uns se firent des huttes ou cabanes avec des feuillages, ou des loges qu’ils creusèrent dans les montagnes.

Les autres imitoient les hirondelles, en faisant des lieux couverts de branches d’arbres & de terre grasse ; chacun, se glorifiant de ses inventions, perfectionnoit la manière de faire des cabanes par les remarques qu’il faisoit sur celles de ses voisins, & bâtissoit toujours de plus en plus commodément.

Ils plantèrent ensuite des fourches entrelacées de branches d’arbres, qu’ils remplissoient & enduisoient de terre grasse pour faire les murailles.

Ils en bâtirent d’autres avec des morceaux de terre grasse desséchée, élevés les uns sur les autres, sur lesquels ils portoient des pièces de bois en travers qu’ils couvroient de feuilles d’arbres, pour s’y mettre à l’abri du soleil & de la pluie ; mais ces couvertures n’étant pas suffisantes pour se défendre contre le mauvais temps de l’hiver, ils imaginèrent des espèces de combles inclinés, qu’ils enduisirent de terre grasse, pour faire écouler les eaux.

Nous avons encore en Espagne, en Portugal, en Aquitaine, & même en France, des maisons couvertes de chaume ou de bardeau, espèce de petite planche en forme de tuile.

Au royaume de Pont dans la Colchide, on étend de part & d’autre sur le terrain des arbres ; sur chacune de leurs extrémités on y en place d’autres, de manière qu’ils enferment un espace carré de toute leur longueur.

Sur ces arbres placés horizontalement, on y en élève d’autres perpendiculairement pour former des murailles, que l’on garnit d’échalas & de terre grasse : on lie ensuite les extrémités de ces murailles par des pièces de bois qui vont d’angle en angle, & qui se croisent au milieu pour en retenir les quatre extrémités ; & pour former la couverture de ces espèces de cabanes, on attache aux quatre coins, par une extrémité, quatre pièces de bois qui vont se joindre ensemble par l’autre vers le milieu, & qui sont assez longues pour former un toît en coupe, imitant une pyramide à quatre faces, que l’on enduit aussi de terre grasse.

Il y a chez ces peuples de deux espèces de toîts en croupe ; celui-ci, que Vitruve appelle testudinatum, parce que l’eau s’écoule des quatre côtés à la fois ; l’autre, qu’il appelle displuviatum, est lorsque le faîtage allant d’un pignon à l’autre, l’eau s’écoule des deux côtés.

Les Phrygiens, qui occupent des campagnes où il n’y a point de bois, creusent des fossés circulaires ou petits tertres naturellement élevés, qu’ils font les plus grands qu’ils peuvent, auprès desquels ils font un chemin pour y arriver.

Autour de ces creux ils élèvent des perches, qu’ils lient par en haut en forme de pointe ou de cône, qu’ils couvrent de chaume ; & sur cela ils amassent de la terre & du gason, pour rendre leurs demeures chaudes en hiver & fraîches en été.

En d’autres lieux, on couvre les cabanes avec des herbes prises dans les étangs.

Aux environs de Marseille, beaucoup de maisons sont couvertes de terre grasse paîtrie avec de la paille. On fait voir encore maintenant à Athènes, comme une chose curieuse par son antiquité, les toîts de l’aréopage faits de terre grasse ; & dans le temple du Capitole, la cabane de Romulus couverte de chaume.

Au Pérou, les maisons sont encore aujourd’hui de roseaux & de cannes entrelacés, semblables aux premières habitations des Egyptiens & des peuples de la Palestine.

Celles des Grecs, dans leur origine, n’étoient non plus construites que d’argile, qu’ils n’avoient pas l’art de durcir par le secours du feu.

En Irlande, les maisons ne sont construites qu’avec des menues pierres ou du roc, mis dans de la terre détrempée & de la mousse. Les Abyssins logent dans des cabanes faites de torchis, ou de mortier de terre grasse.

Au Monomotapa, les maisons sont toutes construites de bois. On voit encore maintenant des peuples se construire, faute de matériaux & d’une certaine intelligence, des cabanes avec des peaux & des os de quadrupèdes & de monstres marins.

Cependant, on peut conjecturer que l’ambition de perfectionner ces cabanes & d’autres bâtimens élevés par la suite, leur fit trouver les moyens d’allier, avec quelques autres fossiles, l’argile & la terre grasse, que leur offroient d’abord les surfaces des terrains où ils établissoient leurs demeures, qui peu-à-peu leur donnèrent l’idée de chercher plus avant dans le sein de la terre, non-seulement la pierre, mais encore les différentes substances, qui dans la suite les pussent mettre à portée de préférer la solidité de la maçonnerie à l’emploi des végétaux, dont ils ne tardèrent pas à connoître le peu de durée.

Mais malgré cette conjecture, on considère les Egyptiens comme les premiers peuples qui aient fait usage de la maçonnerie ; ce qui nous paroît d’autant plus vraisemblable, que quelques-uns de leurs édifices sont encore sur pied : témoins ces pyramides célèbres, les murs de Babylone construits de brique & de bitume ; le temple de Salomon, le phare de Ptoléméé, les palais de Cléopâtre & de César, & tant d’autres monumens dont il est fait mention dans l’histoire.

Aux édifices des Eyptiens, des Assyriens & des Hébreux, succédèrent dans ce genre les ouvrages des Grecs, qui ne se contentèrent pas seulement de la pierre qu’ils avoient chez eux en abondance, mais qui firent usage des marbres des provinces d’Egypte, qu’ils employèrent avec profusion dans la construction de leurs bâtimens ; bâtimens qui, par la solidité immuable, seroient encore sur pied, sans l’irruption des barbares & des siècles d’ignorance qui sont survenus.

Ces peuples, par leurs découvertes, excitèrent les autres nations à les imiter. Ils firent naître aux Romains, possédés de l’ambition de devenir les maîtres du monde, l’envie de les supasser par l’incroyable solidité qu’ils donnèrent à leurs édifices ; en joignant aux découvertes des Egyptiens & des Grecs l’art de la main-d’œuvre, & l’excellente qualité de matières que leurs climats leur procuroient, ensorte que l’on voit aujourd’hui, avec étonnement, plusieurs vestiges intéressans de l’ancienne Rome.

À ces superbes monumens succédèrent les ouvrages des Goths ; monumens dont la légèreté surprenante nous retrace moins les belles proportions de l’architecture, qu’une élégance & une pratique inconnue jusqu’alors, & qui nous assurent, par leurs aspects, que leurs constructeurs s’étoient moins attachés à la solidité qu’au goût de l’architecture & à la convenance de leurs édifices.

Sous le règne de François I, l’on chercha la solidité de ces édifices dans ceux qu’il fit construire ; & ce fut alors que l’architecture sortit du chaos où elle avoit été plongée depuis plusieurs siècles. Mais ce fut principalement sous celui de Louis XIV, que l’on joignit l’art de bâtir au bon goût de l’architecture, & où l’on rassembla la qualité des matières, la beauté des formes, la convenance des bâtimens, les découvertes sur l’art du trait, la beauté de l’appareil, & tous les arts libéraux & mécaniques.

De la Maçonnerie en particulier.

Il y a deux sortes de maçonnerie ; l’ancienne, employée autrefois par les Egyptiens, les Grecs & les Romains ; & la moderne, employée de nos jours.

Vitruve nous apprend que la maçonnerie ancienne se divisoit en deux classes ; l’une, qu’on appelloit ancienne, qui se faisoit en liaison, & dont les joints étoient horizontaux & verticaux ; la seconde, qu’on appeloit maillée, étoit celle dont les joints étoient inclinés selon l’angle de 45 degrés ; mais cette dernière étoit très-défectueuse, comme nous le verrons ci-après.

Il y avoit anciennement trois genres de maçonnerie ; le premier, de pierres taillées & polies ; le second, de pierres brutes ; & le troisième, de ces deux espèces de pierres.

La maçonnerie de pierres taillées & polies, étoit de deux espèces ; savoir, la maillée, appelée par Vitruve reticulatum, dont les joints des pierres étoient inclinés selon l’angle de 45 degrés, & dont les angles étoient faits de maçonnerie en liaison, pour retenir la poussée de ces pierres inclinées, qui ne laissoit pas d’être fort considérable ; mais cette espèce de maçonnerie étoit beaucoup moins solide, parce que le poids de ces pierres qui portoient sur leurs angles les faisoient éclater ou égrainer, ou du moins ouvrir par leurs joints ; ce qui détruisoit le mur. Mais les anciens n’avoient d’autres raisons d’employer cette manière, que parce qu’elle leur paroissoit plus agréable à la vue.

La manière de bâtir en échiquier selon les anciens, que rapporte Palladio dans son liv. I, étoit moins défectueuse, parce que ces pierres, dont les joints étoient inclinés, étoient non-seulement retenues par les angles du mur, faits de maçonnerie de brique en liaison, mais encore par des traverses de pareille maçonnerie, tant dans l’intérieur du mur qu’à l’extérieur.

La seconde espèce étoit celle en liaison appelée insertum, & dont les joints étoient horizontaux & verticaux : c’étoit la plus solide, parce que ses joints verticaux se croisoient, ensorte qu’un ou deux joints se trouvoient au milieu d’une pierre, ce qui s’appeloit & s’appelle encore maintenant maçonnerie en liaison.

Cette dernière se subdivise en deux, dont l’une étoit appelée simplement insertum, qui avoit toutes les pierres égales par leurs paremens ; l’autre, étoit la structure des Grecs, dans laquelle se trouve l’une & l’autre ; mais les paremens des pierres étoient inégaux : ensorte que deux joints perpendiculaires se rencontroient au milieu d’une pierre.

Le second genre étoit celui de pierre brute ; il y en avoit de deux espèces, dont l’une étoit appelée, comme la dernière, la structure des Grecs, mais qui différoit en ce que les pierres n’en étoient point taillées, à cause de leur dureté, que les liaisons n’étoient point régulières, & qu’elles n’avoient point de grandeur réglée.

Cette espèce se subdivisoit encore en deux ; l’une que l’on appeloit isodomum, parce que les assises étoient d’égale hauteur ; l’autre pseudisodomum, parce que les assises étoient d’inégale hauteur.

L’autre espèce, faite de pierres brutes, étoit appelée amplecìon, dans laquelle les assises n’étoient point déterminées par l’épaisseur des pierres ; mais la hauteur de chaque assise étoit faite de plusieurs, si le cas y échéoit, & l’espace d’un parement à l’autre étoit rempli de pierres jetées à l’aventure, sur lesquelles on versoit du mortier que l’on enduisoit uniment ; & quand cette assise étoit achevée, on en recommençoit une autre par dessus : c’est ce que les Limousins appeloient des arrases, & que Vitruve nomme erecta coria.

Le troisième genre appelé revinctum, étoit composé de pierres taillées, posées en liaison & cramponnées ; ensorte que chaque joint vertical se trouvoit au milieu d’une pierre, tant dessus que dessous, entre lesquelles on mettoit des cailloux & d’autres pierres jetées à l’aventure, mêlées de mortier.

Il y avoit encore deux manières anciennes de bâtir ; la première étoit de poser les pierres les ânes sur les autres, sans aucune liaison ; mais alors il falloit que leurs surfaces fussent bien unies & bien planes. La seconde étoit de poser ces mêmes pierres les unes sur les autres, & de placer entre chacune d’elles une lame de plomb d’environ une ligne d’épaisseur.

Ces deux manières étoient fort solides, à cause du poids de la charge d’un grand nombre de ces pierres, qui leur donnoit assez de force pour se soutenir ; mais les pierres étoient sujettes, par ce même poids, à s’éclater & à se rompre dans leurs angles, quoiqu’il y ait, selon Vitruve, des bâtimens fort anciens où de très-grandes pierres avoient été posées horizontalement, sans mortier ni plomb, & dont les joints n’étoient point éclatés, mais étoient demeurés presque invisibles par la jonction des pierres, qui avoient été taillées si juste & se touchoient en un si grand nombre de parties, qu’elles s’étoient conservées entières.

Ce qui peut très-bien arriver, lorsque les pierres sont démaigries, c’est-à-dire, plus creuses au milieu que vers les bords, parce que lorsque le mortier se sèche, les pierres se rapprochent, & ne portent ensuite que sur l’extrémité du joint ; & ce joint n’étant pas assez fort pour le fardeau, ne manque pas de s’éclater. Mais les maçons qui ont travaillé au Louvre, ont imaginé de fendre les joints des pierres avec la scie, à mesure que le mortier se séchoit, & de remplir lorsque le mortier avoit fait son effet.

On doit remarquer que par-là un mur de cette espèce a d’autant mpins de solidité, que l’espace est grand depuis le démaigrissement jusqu’au parement de devant, parce que ce mortier mis après coup n’étant compté pour rien, ce même espace est un moins dans l’épaisseur du mur, mais le charge d’autant plus.

Palladio rapporte dans son premier livre, qu’il y avoit anciennement six manières de faire les murailles ; la première en échiquier, la seconde de terre cuite ou de brique, la troisième de ciment fait de cailloux de rivière ou de montagne, la quatrième de pierres incertaines ou rustiques, la cinquième de pierres de taille, & la sixième de remplage.

Nous avons expliqué ci-dessus la manière de bâtir en échiquier, rapportée par Palladio.

La deuxième manière étoit de bâtir ën liaison, avec des carreaux de brique ou de terre cuite, grands ou petits. La plus grande partie des édifices de Rome connue, la rotonde, les thermes de Dioclétien & beaucoup d’autres édifices, sont bâtis de cette manière.

La troisième manière étoit de faire les deux faces du mur, de carreaux de pierres ou de briques en liaison ; le milieu, de ciment ou de cailloux de rivière paîtris avec du mortier, & de placer de trois pieds en trois pieds de hauteur, trois rangs de brique en liaison ; c’est-à-dire, le premier rang vu sur le petit côté, le second vu sur le grand côté, & le troisième vu aussi sur le petit côté.

Les murailles de la ville de Turin sont bâties de cette manière ; mais les garnis sont faits de gros cailloux de rivière cassés par le milieu, mêlés de mortier, dont la face unie est placée du côté du mur de face. Les murs des arènes à Vérone sont aussi construits de cette manière avec un garni de ciment, ainsi que ceux de plusieurs autres bâtimens antiques.

La quatrième manière étoit celle appelée incertaine ou rustique. Les angles de ces murailles étoient faits de carreaux de pierres de taille en liaison ; le milieu, de pierres de toutes sortes de formes, ajustées chacune dans leur place. Aussi se falloit-il servir pour cet effet d’un instrument appelé sauterelle ; ce qui donnoit beaucoup de sujétion, sans procurer pour cela plus d’avantage. Il y a à Preneste des murailles, ainsi que les pavés des grands chemins, faits de cette manière.

La cinquième manière étoit en pierres de taille ; & c’est ce que Vitruve appelle la structure des Grecs. Le temple d’Auguste a été bâti ainsi ; on le voit encore par ce qui en reste.

La sixième manière étoit les murs de remplage ; on construisoit pour cet effet des espèces de caisses de la hauteur qu’on vouloit les lits, avec des madriers retenus par des arcs-boutans, qu’on remplissoit de mortier, de ciment, & de toutes sortes de pierres de différentes formes & grandeurs. On bâtissoit ainsi de lit en lit : il y a encore à Sirmion, sur le lac de Garda, des murs bâtis de cette manière.

Il y avoit encore une autre manière ancienne de faire les murailles, qui étoit de faire deux murs de quatre pieds d’épaisseur, de six pieds distans l’un de l’autre, liés ensemble par des murs distans aussi de six pieds, qui les traversoient, pour former des espèces de coffres de six pieds en carré, que l’on remplissoit ensuite de terre & de pierre. Les anciens pavoient les grands chemins en pierre de taille, ou en ciment mêlé de sable & de terre glaise.

Le milieu des rues des anciennes villes se pavoit en grais, & les côtés avec une pierre plus épaisse & moins large que les carreaux. Cette manière de paver leur paroissoit plus commode pour marcher.

La dernière manière de bâtir, & celle dont on bâtit de nos jours, se divise en cinq espèces.

La première se construit de carreaux, ou de pierres qui ne traversent pas l’épaisseur du mur, ou de boutisses, c’est-à-dire, de pierres qui traversent le mur, ou de pierres dures ou tendres, bien posées en recouvrement les unes sur les autres.

Cette manière est appelée communément maçonnerie en liaison, où la différente épaisseur des murs détermine les différentes liaisons, à raison de la grandeur des pierres que l’on veut employer.

Il faut observer, pour que cette construction soit bonne, d’éviter toute espèce de garni & remplissage ; & pour faire une meilleure liaison, de piquer les paremens intérieurs au marteau, afin que, par ce moyen, les agens que l’on met entre deux pierres puissent les consolider.

Il faut aussi bien écarrir les pierres, & n’y souffrir aucun tendre ni bousin, qui est la partie extérieure de la pierre encore abreuvée de l’humidité de la carrière, parce que l’un & l’autre émousseroit les parties de la chaux & du mortier.

La seconde est celle de brique, appelée en latin laterìtium, espèce de pierre rougeâtre faite de terre grasse, qui, après avoir été moulée d’environ huit pouces de longueur sur quatre de largeur & deux d’épaisseur, est mise à sécher pendgnt quelque temps au soleil & ensuite cuite au four. Cette construction se fait en liaison, comme la précédente.

Il se trouve à Athènes un mur qui regarde le mont Hymette, les murailles du temple de Jupiter, & les chapelles du temple d’Hercule faites de briques, quoique les architraves & les colonnes soient de pierres.

Dans la ville d’Arezzo en Italie, on voit un ancien mur aussi en brique très-bien bâti, ainsi que la maison des rois attaliques à Sparte : on a levé de dessus un mur de briques anciennement bâti, des peintures pour les encadrer.

On voit encore la maison de Crésus aussi bâtie en briques, ainsi que le palais du roi Mausole en la ville d’Halicarnasse, dont les murailles de briques sont encore toutes entières.

On peut remarquer ici que ce ne fut pas par économie, que ce roi & d’autres après lui, presque aussi riches, ont préféré la brique, puisque la pierre & le marbre étoient chez eux très-communs.

Si l’on défendit autrefois à Rome de faire des murs en brique, ce ne fut que lorsque les habitans se trouvant en grand nombre, on eut besoin de ménager le terrain & de mutiplier les surfaces ; ce qu’on ne pouvoit faire avec des murs de briques, qui avoient besoin d’une grande épaisseur pour être solides.

C’est pourquoi on substitua à la brique la pierre & le marbre ; & par-là on put non-seulement diminuer l’épaisseur des murs & procurer plus de surface, mais encore élever plusieurs étages les uns sur les autres ; ce qui fit alors que l’on fixa l’épaisseur des murs à dix-huit pouces.

Les tuiles qui ont été long-temps sur les toîts, & qui y ont éprouvé toute la rigueur des saisons, sont, dit Vitruve, très-propres à la maçonnerie.

La troisième est de moilon, en latin cæmentitium ; ce n’est autre chose que des éclats de la pierre, dont il faut retrancher le bouzin & toutes les inégalités, qu’on réduit à une même hauteur, bien écarris, & posés exactement de niveau en liaison, comme ci-dessus.

Le parement extérieur de ces moilons peut être piqué ou rustiqué avec la pointe du marteau, lorsqu’ils sont apparens & destinés à la construction des souterrains, des murs de clôtures, mitoyens, des caves, &c.

La quatrième est celle de limousinage, que Vitruve appelle amplecton ; elle se fait aussi de moilons posés sur leurs lits & en liaison, mais sans être dressés ni écarris, étant destinés pour les murs que l’on enduit de mortier ou de plâtre.

Il est cependant beaucoup mieux de dégrossir ces moilons pour les rendre plus gissans & en ôter toute espèce de tendre, qui, comme nous l’avons dit précédemment, absorberoit ou amortiroit la qualité de la chaux qui compose le mortier.

D’ailleurs, si on ne les écarrissoit pas au moins avec la hachette, les interstices de différentes grandeurs produiroient une inégalité dans l’emploi du mortier, & un entassement inégal dans la construction du mur.

La cinquième se fait de blocage, en latin structura ruderaria, c’est-à-dire, de menues pierres qui s’emploient avec du mortier dans les fondations, & avec du plâtre dans les ouvrages hors de terre.

C’est-là, selon Vitruve, une très bonne manière de bâtir, parce que, selon lui, plus il y a de mortier, plus les pierres en sont abreuvées, & plus les murs sont solides quand ils sont secs. Mais il faut remarquer aussi que plus il y a de mortier, plus le bâtiment est sujet à tasser à mesure qu’il se sèche ; trop heureux s’il tasse également, ce qui est douteux. Cependant, on ne laisse pas que de bâtir souvent de cette manière en Italie, où la pozzolane est d’un grand secours pour cette construction.

Des Murs en général.

La qualité du terrain, les différens pays où l’on se trouve, les matériaux que l’on a, & d’autres circonstances que l’on ne sauroit prévoir, doivent décider de la manière de bâtir.

Celle où l’on emploie la pierre est sans doute la meilleure ; mais comme il y a des endroit où elle est fort chère, d’autres où elle est très-rare, & d’autres encore où il ne s’en trouve point du tout, on est obligé alors d’employer ce que l’on trouve, en observant cependant de pratiquer dans l’épaisseur des murs, sous les retombées des voûtes, sous les poutres, dans les angles des bâtimens & dans les endroits qui ont besoin de solidité, des chaînes de pierre ou de grais si on en peut avoir, ou d’avoir recours à d’autres moyens pour donner aux murs une fermeté suffisante.

Murs en élévation.

Il faut observer plusieurs choses en bâtissant. Premièrement, que les premières assises au rez-de-chaussée soient en pierre dure, même jusqu’à une certaine hauteur, si l’édifice est très-élévé.

Secondement, que celies qui sont sur un même rang d’assises soient de même qualité, afin que le poids supérieur, chargeant également dans toute la surface, trouve aussi une résistance égale sur la partie supérieure.

Troisièmement, que toutes les pierres, moilons, briques & autres matériaux, soient bien unis ensemble & posés bien de niveau.

Quatrièmement, lorsqu’on emploie le plâtre, de laisser une distance entre les arrachemens & les chaînes des pierres, afin de procurer à la maçonnerie le moyen de faire son effet, le plâtre étant sujet à se renfler & à pousser les premiers jours qu’il est employé ; & lors du ravalement général, on remplit ces interstices.

Cinquièmement enfin, lorsque l’on craint que les murs ayant beaucoup de charge, soit par leur très-grande hauteur, soit par la multiplicité des planchers, des voûtes, &c. qu’ils portent, ne deviennent trop foibles & n’en affaissent la partie inférieure, de faire ce qu’on a fait au Louvre, qui est de pratiquer dans leur épaisseur des arcades ou décharges, appuyées sur des chaînes de pierres ou jambes sous poutres, qui en soutiennent la pesanteur.

Les anciens, au lieu d’arcades, se servoient de longues pièces de bois d’olivier qu’ils posoient sur toute la longueur des murs ; ce bois ayant seul, dit-on, la vertu de s’unir avec le mortier ou le plâtre, sans se pourrir.

Des Murs de face & de refend.

Lorsque l’on construit des murs de face, il est beaucoup mieux de faire ensorte que toutes les assises soient d’une égale hauteur, ce qui s’appelle bâtir à assise égale, que les joints des paremens soient le plus serrés qu’il est possible.

C’est à quoi les anciens apportoient beaucoup d’attention ; car, comme nous l’avons vu, ils appareilloient leurs pierres & les posoient les unes sur les autres sans mortier, avec une si grande justesse, que les joints devenoient presque imperceptibles, & que leur propre poids suffisoit seul pour les rendre fermes. Quelques-uns croient qu’ils laissoient sur tous les paremens de leurs pierres environ un pouce de plus, qu’ils retondoient lors du ravalement total ; ce qui paroît destitué de toute vraisemblance, par la description des anciens ouvrages dont l’Histoire fait mention.

D’ailleurs, l’appareil étant une partie très-essentielle dans la construction, il est dangereux de laisser des joints trop larges, non-seulement parce qu’ils sont désagréables à la vue, mais encore parce qu’ils contribuent beaucoup au défaut de solidité, soit parce qu’en liant des pierres tendres ensemble, il se fait d’autant plus de cellules dans leurs pores, que le mortier dont on se sert est d’une nature plus dure ; soit parce que le bâtiment est sujet à tasser davantage, & par conséquent à s’ébranler ; soit encore parce qu’en employant du plâtre, qui est d’une consistance beaucoup plus molle, & pour cette raison plus tôt pulvérisée par le poids de l’édifice, les arêtes des pierres s’éclatent à mesure qu’elles viennent à se toucher.

C’est pour cela que, dans les bâtimens de peu d’importance, où il s’agit d’aller vite, on les calle avec des lattes, entre lesquelles on fait couler du mortier, & on les jointoie, ainsi qu’on peut le remarquer dans presque tous les édifices modernes.

Dans ceux qui méritent quelqu’attention, on se sert au contraire de lames de plomb, ainsi qu’on l’a pratiqué au péristile du Louvre, aux châteaux de Clagny, de Maisons & autres.

Quoique l’épaisseur des murs de face doive différer selon leur hauteur, cependant on leur donne communément deux pieds d’épaisseur, sur dix toises de hauteur, ayant soin de leur ménager six lignes par toise de talud ou de retraite en dehors, & de les faire à plomb par le dedans. Si on observe aussi des retraites en dedans, il faut faire ensorte que l’axe du mur se trouve dans le milieu des fondemens.

La hauteur des murs n’est pas la seule raison qui doit déterminer leur épaisseur ; les différens poids qu’ils ont à porter doivent y entrer pour beaucoup, tels que celui des planchers, des combles, la poussée des arcades, des portes & des croisées ; les scellemens des poutres, des solives, sablières, corbeaux, &c. raison pour laquelle on doit donner des épaisseurs différentes aux murs de même espèce.

Les angles d’un bâtiment doivent être non-seulement élevés en pierre dure, comme nous l’avons vu, mais aussi doivent avoir une plus grande épaisseur, à cause de la poussée des voûtes, des planchers, des croupes & des combles ; irrégularité qui se corrige aisément à l’extérieur par des avant-corps qui font partie de l’ordonnance du bâtiment, & dans l’intérieur par des revêtissemens de lambris.

L’épaisseur des murs de refend doit aussi différer selon la longeur & la grosseur des pièces de bois qu’ils doivent porter, sur-tout lorsqu’ils séparent de grandes pièces d’appartement, lorsqu’ils servent de cage à des escaliers, où les voûtes & le mouvement continuel des rampes exigent une épaisseur relative à leurs poussées, ou enfin lorsqu’ils contiennent dans leur épaisseur plusieurs tuyaux de cheminées qui montent de fond, seulement séparés par des languettes de trois ou quatre pouces d’épaisseur.

Tous ces murs se paient à la toise superficielle, selon leur épaisseur.

Les murs en pierre dure se paient depuis 3 liv. jusqu’à 4 liv. le pouce d’épaisseur. Lorsqu’il n’y a qu’un parement, il se paie depuis 12 liv. jusqu’à 16 livres ; lorsqu’il y en a deux, le premier se paie depuis 12 jusqu’à 16 livres, & le second depuis 10 jusqu’à 12 livres.

Les murs en pierre tendre se paient depuis 2. liv. 10 sols jusqu’à 3 liv. 10 sols le pouce d’épaisseur. Lorsqu’il n’y a qu’un parement, il se paie depuis 3 liv. 10 sols jusqu’à 4 liv. 10 sols. Lorsqu’il y en a deux, le premier se paie depuis 3.liv. 10 sols jusqu’à 4 liv. 10 sols ; & le second depuis 3 liv. jusqu’à 3 liv. 10 sols.

Les murs en moilon blanc se paient depuis 18 sols jusqu’à 22 sols le pouce ; & chaque parement, qui est un enduit de plâtre ôu de chaux, se paie depuis 1 liv. 10 sols jusqu’à 1 liv. 16.

Tous ces prix diffèrent selon le lieu où l’on bâtit, selon les qualités des matériaux que l’on emploie, & selon les bonnes ou mauvaises façons des ouvrages ; c’est pourquoi on fait toujours des devis & marchés avant que de mettre la main à l’œuvre.

Murs de clôture.

Ces murs servent à clorre les cours, basse-cours, jardins, parcs ou autres emplacemens, & n’ont à porter que leur propre poids.

On les fait en moellons ou pierrailles, avec mortier de chaux & sable, quelquefois entre mêlés de chaînes de pierres qui les rendent plus solides.

On fait encore ces murs avec moellons ou pierrailles, mais avec mortier de terre, qu’on entremêle,si l’on veut, de chaînes de pareils moellons, avec mortier de chaux & sable.

Ces chaînes placées ordinairement de douze en douze pieds, servent à les entretenir fermes, sans quoi ils sont sujets à se détruire promptement, principalement lorsque les moellons ont peu de liaison.

Il faut employer les pierres les plus dures dans le pied de ces murs, pour les préserver des humidités de la terre, & réserver les pierres les moins dures pour le haut.

On couvre le sommet de ces murs d’un chaperon en moellons, mêlés de mortier ou plâtre, ou mieux en dales de pierre dure à un ou deux égouts, rondes, courbes ou plates, bien jointes avec un mastic fait de limaille de fer & d’eau forte.

Murs mitoyens.

Les murs de refend & de clôture, depuis le pied de leur fondation jusqu’à leur sommet, sont de propriété unique ou de propriété commune. Les uns appartiennent à un seul propriétaire & se font à ses frais ; alors il est obligé d’en faire égoutter toutes les eaux sur sa propriété, & conséquemment d’en faire les chaperons à un seul égoût de son côté ; le voisin ne devant souffrir aucune incommodité d’un mur auquel il n’a aucune part, sinon celles qu’il occasionne pendant sa construction : les autres appartiennent en commun à deux ou plusieurs propriétaires, & se font à frais communs dans le temps de leur construction ; alors on fait les chaperons de manière à pouvoir égoutter les eaux également sur les propriétés.

Murs de cloisons.

Il y a des cloisons qui sont des espèces de murs de face ou de refend.

Les cloisons de face sont tournées du côté des vues, cours & jardins, & percées d’ouvertures semblables à celles des murs de face.

Les cloisons de refend sont celles qui portent une partie des planchers, séparent les pieces des appartemens, & ont des ouvertures de communication.

Les cloisons de face ou de refend sont élevées à deux ou trois pieds du sol, hors des humidités. de la terre, sur des parpins de pierre dure appuyés sur des murs bien fondés ; elles sont construites en bois de charpente d’assemblage, lattes, hourdés, & quelquefois enduits d’environ six, huit & dix pouces d’épaisseur sur toute la hauteur des bâtimens jusqu’au faîte ; ce qu’on appelle pour lors cloison de fond ou portant de fond.

On construit encore des espèces de cloisons de refend très-légères, destinées seulement aux séparations des pièces & aux ouvertures de communication. On les construit en planches lattées, hourdées & enduites par dessus d’environ trois ou quatre pouces d’épaisseur, sur la hauteur de chacune des pièces qui les contient.

Ces cloisons ne montent jamais de fond, & sont le plus souvent en porte à faux sur les planchers ; mais comme elles sont très-légères, elles ne peuvent, en aucune façon, en altérer la solidité.

On fait encore des cloisons en briques, posées de champ en liaison & enduites des deux côtés ; elles ont peu de solidité si elles ne sont pas doublées ou faites de deux briques d’épaisseur, ou seulement d’une brique posée de plat. Ces sortes de cloisons sont plus dispendieuses que les autres, mais elles ne sont pas exposées aux dangers du feu.

Des ravalemens.

Les ravalemens sont une dernière façon que l’on donne aux murs élevés, pour en approprier les faces. Les anciens, selon Vitruve, laissoient un pouce de plus à la surface des murs, pour avoir de quoi en ôter lors du ravalement ; ce qui devoit occasionner un très-grand déchet dans la bâtisse. Les modernes se contentent de laisser deux ou trois lignes au plus ; ce qui est bien suffisant.

Ces ravalemens se font à paremens apparens, ou à paremens recouverts, chacun façonné de diverses manières ; les uns, lorsque les murs sont en pierre, ont leurs paremens taillés après coup & dressés à la règle, & leurs joints sont bien garnis, ce qu’on appelle jointoyés ou marqués sensiblement pour en faire voir la coupe des pierres ; ce qu’on appelle beauté d’appareil.

Lorsque les murs sont en moellons, les paremens sont bruts, c’est-à-dire, que les pierres sont employées comme elles arrivent de la carrière, rustiquées, écarries, & taillées grossièrement au marteau ou piquées ; ce qui signifie que les pierres sont écarries & piquées proprement à la pointe du marteau.

Les autres ravalemens sont ceux dont les murs sont crépis, gobetés ou enduits ; de ce nombre sont ceux à paremens bruts, ainsi que les planchers & cloisons hourdés.

Les murs crépis sont ceux qu’on couvre de mortier ou plâtre liquide passé au panier, appliquant ce dernier avec un balai de bouleau.

Les murs gobetés sont ceux que l’on couvre de plâtre passé au panier, & sur lequel on passe la main pour l’unir.

Les murs enduits sont ceux que l’on couvre de plâtre passé au sas, & sur lequel on passe la truelle & ensuite le fer bretellé.

Des renformis & lancis.

Lorsqu’il arrive des dégradations dans les vieux murs & qu’on est obligé de les réparer, ou que l’on juge à propos d’y percer des ouvertures, alors on y remet de nouvelles pierres ou moellons où il en manque ; on en place de bonnes au lieu de mauvaises, ce qu’on appelle lancis : on redresse les murs que le temps a fait fléchir ou tourmenter ; ce qu’on appelle renformis. On ajoute aux uns & aux autres des gobetages, crépis ou enduits, suivant les circonstances.

Des murs de terrasse.

Les murs de terrasse diffèrent des précédens, en ce que non-seulement ils n’ont qu’un parement, mais encore parce qu’ils sont faits pour retenir les terres contre lesquelles ils sont appuyés.

On en fait de deux manières : les uns ont beaucoup d’épaisseur, & coûtent beaucoup ; les autres, fortifiés par des éperons ou contreforts, coûtent beaucoup moins.

Vitruve dit que ces murs doivent être d’autant plus solides, que les terres poussent davantage dans l’hiver que dans d’autres temps ; parce qu’alors elles sont humectées des pluies, des neiges & autres intempéries de cette saison : c’est pourquoi il ne se contente pas seulement de placer d’un côté des contreforts, mais il en met encore d’autres en dedans, disposés diagonalement en forme de scie ou en portion de cercle, étant par-là moins sujets à la poussée des terres.

Il faut observer de les élever perpendiculairement du côté des terres, & inclinés de l’autre. Si cependant on jugeoit à propos de les faire perpendiculaires à l’extérieur, il faudroit alors leur donner plus d’épaisseur, & placer en dedans les contreforts que l’on auroit dû mettre en dehors.

Quelques-uns donnent à leur sommet la sixième partie de leur hauteur, & de talud la septième partie : d’autres ne donnent à ce talud que la huitième partie. Vitruve dit que l’épaisseur de ces murs doit être relative à la poussée des terres, & que les contreforts que l’on y ajoute sont faits pour le fortifier & l’empêcher de se détruire ; il donne à ces contreforts, pour épaisseur, pour saillie, & pour intervalle de l’un à l’autre, l’épaisseur du mur, c’est-à-dire, qu’ils doivent être carrés par leur sommet, & la distance de l’un à l’autre aussi carrée : leur emparement, ajoute-t-il, doit avoir la hauteur du mur.

Lorsque l’on veut construire un mur de terrasse, on commence d’abord par l’élever jusqu’au rez-de-chaussée, en lui donnant une épaisseur & un talud convenables à la poussée des terres qu’il doit soutenir : pendant ce temps-là, on fait plusieurs tas des terres qui doivent servir à remplir le fossé, selon leurs qualités : ensuite on en fait apporter près du mur & à quelques pieds de largeur, environ un pied d’épaisseur, en commençant par celles qui ont le plus de poussée, réservant pour le haut celles qui en ont moins.

Précaution qu’il faut nécessairement prendre, & sans laquelle il arriveroit que d’un côté le mur ne se trouveroit pas assez fort pour retenir la poussée des terres, tandis que de l’autre il se trouveroit plus fort qu’il ne seroit nécessaire.

Ces terres ainsi apportées, on en fait un lit de même qualité que l’on pose bien de niveau, que l’on incline du côté du terrain pour les empêcher de s’ébouler, & que l’on affermit ensuite en les battant & les arrondissant à mesure : car si on remettoit à les battre après la construction du mur, non-seulement elles en seroient moins fermes, parce qu’on ne pourroit battre que la superficie, mais encore il seroit à craindre qu’on n’ébranlât la solidité du mur.

Ce lit fait, on en recommence un autre, & ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on soit arrivé au rez-de-chaussée.

De la pierre en général.

De tous les matériaux compris sous le nom de maçonnerie, la pierre tient aujourd’hui le premier rang ; c’est pourquoi nous expliquerons ses différentes espèces, ses qualités, ses défauts, ses façons & ses usages ; après avoir dit un mot des carrières dont on la tire, & cité les auteurs qui ont écrit l’art de les réunir ensemble, pour parvenir à une construction solide, soit en enseignant les développemens de leur coupe, de leurs joints & de leurs lits relativement à la pratique, soit en démontrant géométriquement la rencontre des lignes, la nature des courbes, les sections des solides, & les connoissances qui demandent une étude particulière.

On distingue deux choses également intéressantes dans la coupe des pierres, l’ouvrage & le raisonnement, dit Vitruve : l’un convient à l’artisan, & l’autre à l’artiste.

Nous pouvons regarder Philibert Delorme, en 1567, comme le premier auteur qui ait traité méthodiquement de cet art. En 1642, Mathurin Jousse y ajouta quelques découvertes, qu’il intitula, le Secret de l’Architecture. Un an après, le P. Derand fit paroître un ouvrage encore plus profond sur cet art, mais plus relatif aux besoins de l’ouvrier. La même année, Abraham Bosse mit au jour le système de Desargue. En 1728, M. de la Rue renouvella le traité du P. Derand, le commenta, & y fit plusieurs augmentations curieuses, ensorte que l’on peut regarder son ouvrage comme le résultat de tous ceux qui l’avoient précédé sur l’art du trait. Enfin, en 1737, M. Fresier, ingénieur en chef des fortifications de Sa Majesté, en a démontré la théorie avec beaucoup de succès.

Il faut savoir qu’avant que la géométrie & la mécanique fussent devenues la base de l’art du trait pour la coupe des pierres, on ne pouvoit s’assurer précisément de l’équilibre & de l’effort de la poussée des voûtes, non plus que de la résistance des pieds droits, des murs, des contreforts, &c. ; de manière que l’on rencontroit, lors de l’exécution, des difficultés que l’on n’avoit pu prévoir, & qu’on ne pouvoit résoudre qu’en démolissant ou retondant en place les parties défectueuses, jusqu’à ce que l’œil fût moins mécontent ; d’où il résultoit que ces ouvrages coûtoient souvent beaucoup, & duroient peu, sans satisfaire les hommes intelligens.

C’est donc à la théorie qu’on est maintenant redevable de la légèreté qu’on donne aux voûtes de différentes espèces, ainsi qu’aux voussures, aux trompes, &c. & de ce qu’on est parvenu insensiblement à abandonner la manière de bâtir des derniers siècles, trop difficile par l’immensité des poids qu’il falloit transporter, & d’un travail beaucoup plus lent.

C’est même ce qui a donné lieu à ne plus employer la méthode des anciens, qui étoit de faire des colonnes & des architraves d’un seul morceau, & de préférer l’assemblage de plusieurs pierres, bien plus faciles à mettre en œuvre.

C’est par le secours de cette théorie que l’on est parvenu à soutenir des plate-bandes, & à donner à l’architecture ce caractère de vraisemblance & de légèreté inconnue à nos prédécesseurs. Il est vrai que les architectes gothiques ont poussé très-loin la témérité dans la coupe des pierres, n’ayant, pour ainsi dire, d’autre but dans leurs ouvrages que de s’attirer de l’admiration.

Malgré nos découvertes, nous sommes devenus plus modérés ; & bien loin de vouloir imiter leur trop grande hardiesse, nous ne nous servons de la facilité de l’art du trait que pour des cas indispensables, relatifs à l’économie, ou à la sujétion qu’exige certain genre de construction : les préceptes n’enseignant pas une singularité présomptueuse, & la vraisemblance devant toujours être préférée, sur-tout dans les arts qui ne tendent qu’à la solidité.

On distingue ordinairement de deux espèces de pierres : l’une dure, & l’autre tendre. La première est, sans contredit, la meilleure : il arrive quelquefois que cette dernière résiste mieux à la gelée que l’autre ; mais cela n’est pas ordinaire, parce que les parties de la pierre dure ayant leurs pores plus condensés que celles de la tendre, doivent résister davantage aux injures des temps, ainsi qu’aux courans des eaux dans les édifices aquatiques.

Cependant, pour bien connoître la nature de la pierre, il faut examiner pourquoi ces deux espèces sont sujettes à la gelée, qui les fend & les détruit.

Dans l’assemblage des parties qui composent la pierre, il s’y trouve des pores imperceptibles remplis d’eau & d’humidité, qui, venant à s’enfler pendant la gelée, fait effort dans ses pores, pour occuper un plus grand espace que celui où elle est resserrée ; & la pierre ne pouvant résister à cet effort, se fend & tombe par éclats. Ainsi, plus la pierre est composée de parties argilleuses & grasses, plus elle doit participer d’humidité, & par conséquent être sujette à la gelée.

Quelques-uns croient que la pierre ne se détruit pas seulement à la gelée, mais qu’elle se mouline ou s’égrène encore à la lune : ce qui peut arriver, suivant ce préjugé, à de certaines espèces de pierres, dont les rayons de la lune peuvent dissoudre les parties les moins compactes. Mais il s’ensuivroit delà que ses rayons seraient humides, & que venant à s’introduire dans les pores de la pierre, ils seroient cause de la séparation de ses parties, qui, tombant insensiblement en parcelles, la feroit paraître moulinée.

Maçonnerie en moellons de meulière & autres de terre.

La maçonnerie en moellons de meulière est d’un grand usage en France.

Cette espèce de pierre est très-poreuse, & s’abreuve aisément des agens qui lui servent de liaison ; ce qui doit nécessairement faire une bonne construction : mais la pierre meulière est trop dure pour être taillée ; elle se casse par éclats & ne peut faire parement ; elle s’emploie très-bien & de préférence dans les fondations & dans l’intérieur des murs.

Il est une autre espèce de moellons en terre crue ou cuite, dont on fait usage principalement dans les pays où la pierre est rare.

La première est faite d’une argile grasse & ferme ; on en forme des moellons de sept ou huit pouces sur douze à quinze pouces, & quatre à cinq pouces d’épaisseur, soit à la main, soit au moule. On les pétrit & on les fait sécher simplement à l’air, & non au feu ou au grand soleil, qui les feroient gercer & fendre. Etant bien séchés, ce qui demande plus ou moins de temps, suivant la grosseur de ces blocs, on en construit des murs liaisonnés & d’à-plomb, avec un mortier de pareille terre.

Cette sorte de bâtisse n’est point propre à porter un grand fardeau, aussi ne l’emploie-t-on que dans les maisons des champs très-peu élevées & couvertes de chaume, ou dans des lieux privés d’aisance.

L’autre espèce de moellons en terre cuite ou en brique, dont il sera parlé plus particulièrement ci-après, fait une bâtisse durable & solide. Elle s’emploie dans plusieurs provinces de France, où la bonne pierre n’est pas commune.

Maçonnerie en hourdage ou colombage.

Les hourdages sont des parties de cloisons garnies de plâtre, mortier ou terre.

Les colombages sont des hourdages recouverts de mortier ou de plâtre.

Cette manière de bâtir est peu dispendieuse, mais aussi peu solide, & ne s’emploie que dans de légers ouvrages.

Les anciens s’en servoient dans la construction de leurs cabanes ; ils faisoient des hourdages avec des branchages & de la terre ; ils y mêloient quelquefois de la paille ou du foin haché, comme cela se pratique encore dans quelques pays.

Les meilleurs hourdages sont construits en petites pierres ou plâtras, entrelacés de lattes fixées sur les bois de charpente, qu’on recouvre ensuite de mortier ou de plâtre.

Des carrièrres & des pierres qu’on en tire.

On appelle communément carrières des lieux creusés sous terre, où la pierre prend naissance. C’est delà qu’on tire celle dont on se sert pour bâtir, & cela par des ouvertures en forme de puits, comme on en voit aux environs de Paris ; ou de plain-pied, comme à S. Leu, Trocy, Maillet, & ailleurs ; ce qui s’appelle encore carrière découverte.

La pierre se trouve ordinairement dans la carrière disposée par bancs, dont l’épaisseur change selon les lieux & la nature de la pierre. Les ouvriers qui la tirent, se nomment carriers.

Il faut avoir pour principe dans les bâtimens, de poser les pierres sur leurs lits, c’est-à-dire, dans la même situation qu’elles se sont trouvées placées dans la carrière, parce que, selon cette situation, elles sont capables de résister à de plus grands fardeaux ; au lieu que posées sur un autre sens, elles sont très-sujettes à s’éclater, & n’ont pas, à beaucoup près, tant de force.

Les bons ouvriers connoissent du premier coup d’œil le lit d’une pierre ; mais si l’on n’y prend garde, ils ne s’assujettissent pas toujours à la poser comme il faut.

La pierre dure supportant mieux que toute autre un poids considérable, ainsi que les mauvais temps, l’humidité, la gelée, &c. il faut prendre la précaution de la placer de préférence dans les endroits exposés à l’air, réservant celle que l’on aura reconnue moins bonne pour les fondations & autres lieux à couvert.

C’est de la première que l’on emploie le plus communément dans les grands édifices, sur-tout jusqu’à une certaine hauteur. La meilleure est la plus pleine, serrée, la moins coquilleuse, la moins remplie de moie ou de tendre, de veines, autrement de trous ou molière, lorsqu’elle est d’un grain fin & uni, & lorsque les éclats sont sonores & se coupent net.

La pierre dure & tendre se tire des carrières par gros quartiers que l’on débite sur l’atelier, suivant le besoin que l’on en a.

Les plus petits morceaux servent de libage ou de moellon, à l’usage des murs de fondation, de refends, mitoyens, &c. on les unit les uns aux autres par le secours du mortier, fait de ciment ou de sable broyé avec de la chaux, ou bien encore avec du plâtre, selon le lieu où l’on bâtit.

Il faut avoir grand soin d’en ôter tout le bouzin, qui, n’étant pas encore bien consolidé avec le reste de la pierre, est sujet à se dissoudre par la pluie ou l’humidité, de manière que les pierres dures ou tendres, dont on n’a pas pris soin d’ôter cette partie défectueuse, tombent au bout de quelque temps en poussière, & leurs arêtes s’égrènent par le poids de l’édifice.

D’ailleurs, ce bouzin beaucoup moins compacte que le reste de la pierre, & s’abreuvait facilement des esprits de la chaux, en exige une très-grande quantité, & par conséquent beaucoup de temps pour la sécher : de plus, l’humidité du mortier le dissout, & la liaison ne ressemble plus alors qu’à de la pierre tendre réduite en poussière, posée sur du mortier ; ce qui ne peut faire qu’une très-mauvaise construction.

Mais comme chaque pays a ses carrières & ses différentes espèces de pierres, auxquelles on s’assujettit pour la construction des bâtimens, & que le premier soin de celui qui veut bâtir est, avant même que de projetter, de visiter exactement toutes celles des environs du lieu où il doit bâtir, d’examiner soigneusement ses bonnes & mauvaises qualités, soit en consultant les gens du pays, soit en en exposant une certaine quantité pendant quelque temps à la gelée & sur une terre humide, soit en les éprouvant encore par d’autres manières ; nous n’entreprendrons pas de faire un dénombrement exact & général de toutes les carrières dont on tire la pierre.

Nous nous contenterons seulement de dire quelque chose de celles qui se trouvent en Italie, pour avoir occasion de rapporter le sentiment de Vitruve sur la qualité des pierres qu’on en tire, avant que de parler de celles dont on se sert à Paris & dans les environs.

Les carrières dont parle Vitruve, & qui sont aux environs de Rome, sont celles de Pallienne, de Fidenne, d’Albe, & autres, dont les pierres sont rouges & très-tendres. On s’en sert cependant à Rome, en prenant la précaution de les tirer de la carrière en été, & de les exposer à l’air deux ans avant que de les employer, afin que, dit aussi Palladio, celles qui ont résisté aux mauvais temps sans se gâter, puissent servir aux ouvrages hors de terre, & les autres dans les fondations.

Les carrières de Rora, d’Amiterne & de Tivoli, fournissent des pierres moyennement dures. Celles de Tivoli résistent fort bien à la charge & aux rigueurs des saisons, mais non au feu qui les fait éclater pour le peu qu’il les approche, parce qu’étant naturellement composées d’eau & de terre, ces deux élémens ne sauraient lutter contre l’air & le feu qui s’insinuent aisément dans leus porosités.

Il s’en trouve plusieurs d’où l’on tire des pierres aussi dures que le caillou. D’autres encore dans la terre de Labour, d’où l’on en tire que l’on appelle tuf rouge & noir. Dans l’Ombrie, le Pisantin, & proche de Venise, on tire aussi un tuf blanc qui se coupe à la scie comme le bois.

Il y a chez les Tarquiniens des carrières appelées avitiennes, dont les pierres sont rouges comme celles d’Albe, & s’amassent près du lac de Bolsenne & dans le gouvernement Statonique : elles résistent très-bien à la gelée & au feu, parce qu’elles sont composées de très-peu d’air, de fer & d’humidité, mais de beaucoup de terrestre ; ce qui les rend plus fermes, telles qu’il s’en voit à ce qui reste des anciens ouvrages près de la ville de Ferente où il se trouve encore de grandes figures, de petits bas-reliefs, & des ornemens délicats, de roses, de feuilles d’acanthe, &c. faits de cette pierre, qui sont encore entiers malgré leur vieillesse.

Les fondeurs des environs la trouvent très-propre à faire des moules ; cependant, on en emploie fort peu à Rome à cause de leur éloignement.

Des différentes pierres dures.

De toutes les pierres dures, la plus belle & la plus fine est celle de liais, qui porte ordinairement depuis sept jusqu’à dix pouces de hauteur de banc, ou de l’épaisseur de la pierre dans la carrière.

Il y en a de quatre sortes. La première, qu’on appelle liais franc ; la seconde, liais ferault ; la troisième liais rose ; & la quatrième, franc liais de S. Leu.

La première, qui se tire de quelques carrières derrière les Chartreux, fauxbourg S. Jacques à Paris, s’emploie ordinairement aux revêtissemens du dedans des pièces où l’on veut éviter la dépense du marbre, recevant facilement la taille de toutes sortes de membres d’architecture & de sculpture : considération pour laquelle on en fait communément des chambranles de cheminées, des pavés d’antichambres & de salles à manger, des balustres, entrelacs, appuis, tablettes, rampes, échifres d’escaliers, &c.

La seconde, qui se tire des mêmes carrières, est beaucoup plus dure, & s’emploie par préférence pour des corniches, bases, chapiteaux de colonnes, & autres ouvrages qui se font avec soin dans les façades extérieures des bâtimens de quelqu’importance.

La troisième, qui se tire des carrières proche S. Cloud, est plus blanche & plus pleine que les autres, & reçoit un très-beau poli.

La quatrième se tire le long des côtes de la montagne près S. Leu.

La seconde pierre dure & la plus en usage dans toutes les espèces de bâtimens, est celle d’Arcueil, qui porte depuis douze jusqu’à quinze pouces de hauteur de banc, & qui se tirait autrefois des carrières d’Arcueil près Paris ; elle étoit très-recherchée alors, à cause des qualités qu’elle avoit d’être prefqu’aussi ferme dans ses joints que dans son cœur, de résister au fardeau, de s’entretenir dans l’eau, de ne point craindre les injures des tems : aussi la préféroit-on dans les fondemens des édifices, & pour les premières assises.

Mais maintenant les bancs de cette pierre ne se suivant pas comme autrefois, les carriers se sont jetés du côté de Bagneux près d’Arcueil & du côté de Montrouge, où ils trouvent des masses moins profondes, dont les bancs se continuent plus loin.

La pierre qu’on en tire est celle dont on se sert à présent, à laquelle on donne le nom d’Arcueil. Elle se divise en haut & bas appareil : le premier porte depuis dix-huit pouces jusqu’à deux pieds & demi de hauteur de banc ; & le second depuis un pied jusqu’à dix-huit pouces. Celui-ci sert à faire des marches, seuils, appuis, tablettes, cimaises de corniches, &c. Elle a les mêmes qualités que celle d’Arcueil, mais plus remplie de moye, plus sujette à la gelée, & moins capable de résister au fardeau.

La pierre de cliquart, qui se tire des mêmes carrières, est un bas appareil de six à sept pouces de hauteur de banc, plus blanche que la dernière, ressemblante au liais, & servant aussi aux mêmes usages. Elle se divise en deux espèces, l’une plus dure que l’autre : cette pierre un peu grasse est sujette à la gelée ; c’est pourquoi on a soin de la tirer de la carrière & de l’employer en été.

La pierre de bellehache se tire d’une carrière près d’Arcueil, nommée la carrière royale, & porte depuis dix-huit jusqu’à dix-neuf pouces de hauteur de bancs. Elle est beaucoup moins parfaite que le liais ferault, mais de toutes les pierres la plus dure, à cause d’une grande quantité de cailloux dont elle est composée : aussi s’en sert-on fort rarement.

La pierre de souchet se tire des carrières du fauxbourg S. Jacques, & porte depuis douze pouces jusqu’à vingt-un pouces de hauteur de banc. Cette pierre, qui ressemble à celle d’Arcueil, est grise, trouée & poreuse. Elle n’est bonne ni dans l’eau ni sous le fardeau : aussi ne s’en sert-on que dans les bâtimens de peu d’importance.

Il se tire encore une pierre de souchet des carrières du fauxbourg S. Germain & de Vaugirard, qui porte depuis dix-huit jusqu’à vingt-pouces de hauteur de banc. Elle est grise, dure, poreuse, grasse, pleine de fils, sujette à la gelée, & se moulinant à la lune. On s’en sert dans les fondemens des grands édifices & aux premières assises, voussoirs, soupiraux de caves, jambages de portes, & croisées des maisons de peu d’importance.

La pierre de bonbave se tire des mêmes carrières, & se prend au dessus de cette dernière. Elle porte depuis quinze jusqu’à vingt-quatre pouces de hauteur de banc, est fort blanche, pleine & très-fine ; mais elle se mouline à la lune, résiste peu au fardeau, & ne sauroit subsister dans les dehors ni à l’humidité : on s’en sert pour cela dans l’intérieur des bâtimens, pour des appuis, rampes, échifres d’escaliers, &c. : on l’a quelquefois employée à découvert où elle n’a pas gelé, mais cela est fort douteux. On en tire des colonnes de deux pieds de diamètre ; la meilleure est la plus blanche, dont le lit est coquilleux, & a quelques molières.

Il se trouve encore au fauxbourg S. Jacques un bas appareil depuis six jusqu’à neuf pouces de hauteur de banc, qui n’est pas si beau que l’arcueil, mais qui sert à faire des petites marches, des appuis, des tablettes, &c.

Après la pierre d’Arcueil, celle de S. Cloud est la meilleure de toutes. Elle porte de hauteur de banc depuis dix-huit pouces jusqu’à deux pieds, & se tire des carrières de S. Cloud près Paris. Elle est un peu coquilleuse, ayant quelques molières ; mais elle est blanche, bonne dans l’eau, résiste au fardeau, & se délite facilement. Elle sert aux façades des bâtimens, & se pose sur celle d’Arcueil. On en tire des colonnes d’une pièce, de deux pieds de diamètre : on en fait aussi des bassins & des auges.

La pierre de Meudon se tire des carrières de ce nom, & porte depuis quatorze jusqu’à dix-huit pouces de hauteur de banc. Il y en a de deux espèces. La première, qu’on appelle pierre de Meudon, a les mêmes qualités que celle d’Arcueil, mais pleine detrous, & incapable de résister aux mauvais temps. On s’en sert pour des premières assises, des marches, tablettes, &c. Il s’en trouve des morceaux d’une grandeur extraordinaire. Les deux cimaises des corniches rampantes du fronton du Louvre sont de cette pierre, chacune d’un seul morceau. La seconde, qu’on appelle rustique de Meudon, est plus dure, rougeâtre & coquilleuse, & n’est propre qu’aux libages & garnis des fondations de piles de ponts, quais & angles de bâtimens.

La pierre de S. Nom, qui porte depuis dix-huit jusqu’à vingt-deux pouces de hauteur de banc, se tire au bout du parc de Versailles, & est presque de même qualité que celle d’Arcueil, mais grise & coquilleuse : on s’en sert pour les premières assises.

La pierre de la chaussée, qui se tire de carrières près Bougival, à côté de S. Germain en Laie, & qui porte depuis quinze jusqu’à vingt pouces de hauteur de banc, approche beaucoup de celle de liais, & en a même le grain. Mais il est nécessaire de moyer cette pierre de quatre pouces d’épaisseur par dessus, à cause de l’inégalité de sa dureté : ce qui la réduit à quinze ou seize pouces, nette & taillée.

La pierre de Montesson se tire des carrières proche Nanterre, & porte neuf à dix pouces de hauteur de banc. Cette pierre est fort blanche, & d’un très-beau grain. On en fait des vases, balustres, entrelacs, & autres ouvrages des plus délicats.

La pierre de Fécamp se tire des carrières de la vallée de ce nom, & porte depuis quinze jusqu’à dix-huit pouces de hauteur de banc. Cette pierre, qui est très-dure, se fend & se feuillette à la gelée, lorsqu’elle n’a pas encore jeté toute son eau de carrière. C’est pourquoi on ne l’emploie que depuis le : mois de mars jusqu’au mois de septembre, après avoir long-temps séché sur la carrière : celles que l’on tiroit autrefois étoit beaucoup meilleure.

La pierre dure de S. Leu se tire sur les côtes de la montagne d’Arcueil.

La pierre de lambourde, ou seulement la lambourde, se tire près d’Arcueil, & porte depuis dix-huit pouces jusqu’à cinq pieds de hauteur de banc. Cette pierre se délite ou se fend, parce qu’on ne l’emploie pas de cette hauteur. La meilleure est la plus blanche, & celle qui résiste au fardeau autant que le S. Leu.

On tire encore des carrières du fauxbourg saint Jacques & de celles de Bagneux, de la lambourde depuis dix-huit pouces jusqu’à deux pieds de hauteur de banc. Il y en a de deux espèces : l’une est graveleuse & se mouline à la lune ; l’autre est verte, se feuillette, & ne peut résister à la gelée.

La pierre de Saint-Maur, qui se tire des carrières du village de ce nom, est fort dure, résiste très-bien au fardeau & aux injures des temps. Mais le banc de cette pierre est fort inégal, & les quartiers ne sont pas si grands que ceux d’Arcueil : cependant on en a tiré autrefois beaucoup, & le château en est bâti.

La pierre de Vitry qui se tire des carrières de ce nom, est de même espèce.

La pierre de Passy, dont on tirait autrefois beaucoup des carrières de ce nom, est fort inégale en qualité & en hauteur de banc. Ces pierres sont beaucoup plus propres à faire du moellon & des libages, que de la pierre de taille.

La pierre que l’on tire des carrières du fauxbourg Saint Marceau, n’est pas si bonne que celle des carrières de Vaugirard.

Toutes les pierres dont nous venons de parler se vendent au pied-cube, depuis 10 sols jusqu’à 50, quelquefois 3 livres ; & augmentent ou diminuent de prix, selon la quantité des édifices que l’on bâtit.

La pierre de Senlis se tire des carrières de Saint Nicolas, près Senlis, à dix lieues de Paris, & porte depuis douze jusqu’à seize pouces de hauteur de banc ; cette pierre est aussi appelée liais. Elle est très-blanche, dure & pleine, très-propre aux plus beaux ouvrages d’architecture & de sculpture. Elle arrive à Paris par la rivière d’Oise, qui se décharge dans la Seine.

La pierre de Vernon, à douze lieues de Paris, en Normandie, qui porte depuis deux pieds jusqu’à trois pieds de hauteur de banc, est aussi dure & aussi blanche que celle de S. Cloud. Elle est un peu difficile à tailler, à cause des cailloux dont elle est composée ; on en fait cependant plusieurs usages, mais principalement pour des figures.

La pierre de Tonnerre, à trente lieues de Paris, en Champagne, qui porte depuis seize jusqu’à dix-huit pouces de hauteur de banc, est plus tendre, plus blanche, & aussi pleine que le liais ; on ne s’en sert, à cause de sa cherté, que pour des vases, termes, figures, colonnes, retables d’autels, tombeaux & autres ouvrages de cette espèce. Toute la fontaine de Grenelle, ainsi que les ornemens, les statues du chœur de Sulpice, & beaucoup d’autres ouvrages de cette nature, sont faits de cette pierre.

La pierre de meulière, ainsi appelée parce qu’elle est de même espèce à peu près que celles dont on fait des meules de moulins, est une pierre grise, fort dure & poreuse, à laquelle le mortier s’attache beaucoup mieux qu’à toutes autres pierres pleines, étant composée d’un grand nombre de cavités.

C’est de toutes les maçonneries la meilleure que l’on puisse jamais faire, sur-tout lorsque le mortier est bon, & qu’on lui donne le temps nécessaire pour sécher, à cause de la grande quantité qui entre dans les pores de cette pierre : raison pour laquelle les murs qui en sont faits sont sujets à tasser beaucoup plus que d’autres. On s’en sert aux environs de Paris, comme à Versailles & ailleurs.

La pierre fusilière est une pierre dure & sèche, qui tient de la nature du caillou : une partie du pont Notre-Dame en est bâti. Il y en a d’autre qui est grise ; d’autre encore plus petite que l’on nomme pierre à fusil ; elle est noire, & sert à paver les terrasses & les bassins des fontaines : on s’en sert en Normandie pour la construction des bâtimens.

Le grès est une espèce de pierre ou roche qui se trouve en beaucoup d’endroits, & qui n’ayant point de lit, se débite sur tous sens & par carreaux, de telle grandeur & grosseur que l’ouvrage le demande. Mais les plus ordinaires sont de deux pieds de long, sur un pied de hauteur & d’épaisseur. Il y en a de deux espèces ; l’une tendre, & l’autre dure. La première sert à la construction des bâtimens, & sur-tout des ouvrages rustiques, comme cascades, grottes, fontaines, réservoirs, aqueducs, &c. tels qu’il s’en voit à Vaux-le-Vicomte & ailleurs. Le plus beau & le meilleur est le plus blanc, sans fils, d’une dureté & d’une couleur égale. Quoiqu’il soit d’un grand poids, & que les membres d’architecture & de sculpture s’y taillent difficilement, malgré les ouvrages que l’on en voit, qui sont faits avec beaucoup d’adresse ; cependant, la nécessité contraint quelquefois de s’en servir pour la construction des grands édifices, comme à Fontainebleau, & fort loin aux environs ; ses paremens doivent être piqués, ne pouvant être lissés proprement qu’avec beaucoup de temps.

Le grès dans son principe, étant composé de grains de sable unis ensemble & attachés successivement les uns aux autres, pour se former par la suite des temps en bloc, il est évident que sa constitution aride exige, lors de la construction, un mortier composé de chaux & de ciment, & non de sable ; parce qu’alors les différentes parties anguleuses du ciment, s’insinuant dans le grès avec une forte adhérence, unissent si bien, par le secours de la chaux, toutes les parties de ce fossile, qu’ils ne font pour ainsi dire qu’un tout : ce qui rend cette construction indissoluble, & très-capable de resister aux injures des temps.

Le pont de Ponts-sur-Yonne en est une preuve ; les arches ont soixante-douze pieds de largeur ; l’art est surbaissé, & les voussoirs, de plus de quatre pieds de long chacun, ont été enduits de chaux & de ciment, & non de sable : il faut cependant avoir soin de former des cavités en zigzag dans les lits de cette pierre, afin que le ciment puisse y entrer en plus grande quantité, & n’être pas sujet à se sécher trop promptement par la nature du grès, qui s’abreuve volontiers des esprits de la chaux ; parce que le ciment se trouvant alors dépourvu de cet agent, n’auroit pas seul le pouvoir de s’accrocher & de s’incorporer dans le grès, qui a besoin de tous ces secours pour faire une liaison solide.

Une des causes principales de la dureté du grès, vient de ce qu’il se trouve presque toujours à découvert, & qu’alors l’air le durcit extrêmement ; ce qui doit nous instruire qu’en général, toutes les pierres qui se trouvent dans la terre sans beaucoup creuser, sont plus propres aux bâtimens que celles que l’on tire du fond des carrières ; c’est à quoi les anciens apportoient beaucoup d’attention : car pour rendre leurs édifices d’une plus longue durée, ils ne se servoient que du premier banc des carrières, précautions que nous ne pouvons prendre en France, la plupart de nos carrières étant presque usées dans leur superficie.

Il est bon d’observer que la taille du grès est fort dangereuse aux ouvriers novices, par la subtilité de la vapeur qui en sort, & qu’un ouvrier instruit évite, en travaillant en plein air & à contrevent. Cette vapeur est si subtile, qu’elle traverse les pores du verre ; expérience faite, à ce qu’on dit, avec une bouteille remplie d’eau & bien bouchée, placée près de l’ouvrage d’un tailleur de grès, dont le fond s’est trouvé, quelques jours après, couvert d’une poussière très-fine.

Il faut encore prendre garde lorsque l’on pose des dalles, seuils, canivaux & autres ouvrages en grès de cette espèce, de les bien caller & garnir par dessous pour les empêcher de se gauchir ; car on ne pourroit y remédier qu’en les retaillant.

Il y a plusieurs raisons qui empêchent d’employer le grès à Paris ; la première est, que la pierre étant assez abondante, on le relègue pour en faire du pavé. La seconde est, que sa liaison avec le mortier n’est pas si bonne & ne dure pas si long-temps que celle de la pierre, beaucoup moins encore avec le plâtre. La troisième est, que cette espèce de pierre coûterait trop, tant pour la matière que pour la main-d’œuvre.

La seconde espèce de grès, qui est la plus dure, ne sert qu’à faire du pavé, & pour cet effet se taille de trois différentes grandeurs. La première, de huit à neuf pouces cubes, sert à paver les rues, places publiques, grands chemins, &c. & se pose à sec sur du sable de rivière. La seconde, de six à sept pouces cubes, sert à paver les cours, basses-cours, perrons, trotoirs, &c. & se pose aussi à sec sur du sable de rivière, comme le premier, ou avec du mortier de chaux & de ciment. La troisième, de quatre à cinq pouces cubes, sert à paver les écuries, cuisines, lavoirs, lieux communs, &c. & se pose avec du mortier de chaux & de ciment.

La pierre de Caen, qui se tire des carrières de ce nom, en Normandie, & qui tient de l’ardoise, est fort noire, dure, & reçoit très-bien le poli ; on en fait des compartimens de pavé dans les vestibules, salles a manger, sallons, &c.

Toutes ces espèces de pavés se paient à la toise superficielle.

Il se trouve dans la province d’Anjou, aux environs de la ville d’Angers, beaucoup de carrières très-abondantes en pierre noire & assez dure, dont on fait maintenant de l’ardoise pour les couvertures des bâtimens. Les anciens ne connoissant pas l’usage qu’on en pouvoit faire, s’en servoient dans la construction des bâtimens, tel qu’il s’en voit encore dans la plupart de ceux de cette ville, qui sont faits de cette pierre. On s’en sert quelquefois dans les compartimens de pavé, en place de celle de Caen.

Des différentes pierres tendres.

Les pierres tendres ont l’avantage de se tailler plus facilement que les autres, & de se durcir à l’air. Lorsqu’elles ne sont pas bien choisies, cette dureté ne se trouve qu’aux paremens extérieurs qui se forment en croûte, & l’intérieur se mouline : la nature de ces pierres doit faire éviter de les employer dans des lieux humides ; c’est pourquoi on s’en sert dans les étages supérieurs, autant pour diminuer le poids des pierres plus dures & plus serrées, que pour les décharger d’un fardeau considérable qu’elles sont incapables de soutenir, comme on a fait au second ordre du portail de S. Sulpice, & au troisième de l’intérieur du Louvre.

La pierre de Saint-Leu qui se tire des carrières près Saint-Leu-sur-Oise, & qui porte depuis deux jusqu’à quatre pieds de hauteur de banc, se divise en plusieurs espèces. La première, qu’on appelle pierre de Saint-Leu, & qui se tire d’une carrière de ce nom, est tendre, douce, & d’une blancheur tirant un peu sur le jaune. La seconde, qu’on appelle de Maillet, qui se tire d’une carrière appelée ainsi, est plus ferme, plus pleine & plus blanche, & ne se délite point : elle est très-propre aux ornemens de sculpture & à la décoration des façades. La troisième, qu’on appelle de Trocy, est de même espèce que cette dernière, mais de toutes les pierres, celle dont le lit est le plus difficile à trouver ; on ne le découvre que par des petits trous. La quatrième s’appelle pierre de Vergelée : il y en a de trois sortes. La première, qui se tire d’un des bancs des carrières de Saint-Leu, est fort dure, rustique, & remplie de petits trous. Elle résiste très-bien au fardeau, & est fort propre aux bâtimens aquatiques ; on s’en sert pour faire des voûtes de ponts, de caves, d’écuries & autres lieux humides. La seconde sorte de vergelée, qui est beaucoup meilleure, se tire des carrières de Villiers, près Saint-Leu. La troisième, qui se prend à Carrière-sous-le-bois, est plus tendre, plus grise & plus remplie de veines que le Saint-Leu, & ne sauroit résister au fardeau.

La pierre de tuf, du latin tophus, pierre rustique, tendre & trouée, est une pierre pleine de trous, à peu près semblable à celle de meulière, mais beaucoup plus tendre ; On s’en sert en quelques endroits en France & en Italie, pour la construction des bâtimens.

La pierre de craie est une pierre très-blanche & fort tendre, qui porte depuis huit pouces jusqu’à quinze pouces de hauteur de banc, avec laquelle on bâtit en Champagne, & dans une partie de la Flandres. On s’en sert encore pour tracer au cordeau, & pour dessiner.

Il se trouve encore à Belleville, à Montmartre, & dans plusieurs autres endroits aux environs de Paris, des carrières qui fournissent des pierres que l’on nomme pierres à plâtre, & qui ne sont pas bonnes à autre chose. On en emploie quelquefois hors de Paris, pour la construction des murs de clôture, barraques, cabanes, & autres ouvrages de cette espèce. Mais il est défendu, sous de sévères peines, aux entrepreneurs, & même aux particuliers, d’en employer à Paris, cette pierre étant d’une très-mauvaise qualité, se moulinant & se pourrissant à l’humidité.

De la pierre selon ses qualités.

Les qualités de la pierre dure ou tendre, sont d’être vive, fière, franche, pleine, trouée, poreuse, choqueuse, gelisse, verte ou de couleur.

On appelle pierre vive, celle qui se durcit autant dans la carrière que dehors, comme les marbres de liais, &c.

Pierre fière, celle qui est difficile à tailler à cause de sa grande sécheresse, & qui résiste au ciseau, comme la belle hache, le liais ferault, & la plupart des pierres dures.

Pierre franche, celle qui est la plus parfaite que l’on puisse tirer de la carrière, & qui ne tient ni de la dureté du ciel de la carrière, ni de la qualité de celles qui sont dans le fond.

Pierre pleine, toute pierre dure qui n’a ni cailloux, ni coquillages, ni trous, ni moie, ni molières, comme sont les plus beaux liais, la pierre de Tonnerre, &c.

Pierre entière, celle qui n’est ni cassée ni fêlée, dans laquelle il ne se trouve ni fil ni veine courante ou traversante : on la connoît facilement par le son qu’elle rend en la frappant avec le marteau.

Pierre trouée, poreuse ou choqueuse, celle qui, étant taillée, est remplie de trous dans ses paremens, tel que le rustic de Meudon, le tuf, la meulière, &c.

Pierre gelisse ou verte, celle qui est nouvellement tirée de la carrière, & qui ne s’est pas encore dépouillée de son humidité naturelle.

Pierre de couleur, celle qui, tirant sur quelques couleurs, cause une variété quelquefois agréable dans les bâtimens.

De la pierre selon ses défauts.

Il n’y a point de pierre qui n’ait des défauts capables de la faire rebuter, soit par rapport à elle-même, soit par la négligence ou mal-façon des ouvriers qui la mettent en œuvre ; c’est pourquoi il faut éviter d’employer celle que l’on appelle ainsi.

Des défauts de la pierre par rapport à elle-même.

Pierre de ciel, celle que l’on tire du premier-banc des carrières ; elle est le plus souvent défectueuse ou composée de parties très-tendres & très-dures indifféremment, selon le lieu de la carrière où elle s’est trouvée.

Pierre coquilleuse ou coquillère, celle dont les paremens taillés sont remplis de trous ou de coquillages, comme la pierre S. Nom, à Versailles.

Pierre de soupré, celle du fond de la carrière de S. Leu, qui est trouée, poreuse, & dont on ne peut se servir à cause de ses mauvaises qualités.

Pierre de souchet, en quelques endroits celle du fond de la carrière, qui n’étant pas formée plus que le bouzin, est de nulle valeur.

Pierre humide, celle qui n’ayant pas encore eu le temps de sécher, est sujette à se feuilleter ou à se geler.

Pierre grasse, celle qui, étant humide, est par conséquent sujette à la gelée, comme la pierre de cliquart.

Pierre feuilletée, celle qui, étant exposée à la gelée, se délite par feuillets, & tombe par écailles, comme la lambourde.

Pierre délitée, celle qui, après s’être fendue par un fil de son lit, ne peut être taillée sans déchet, & ne peur servir après cela que pour des arrases.

Pierre moulinée, celle qui est graveleuse & s’égrène à l’humidité, comme la lambourde qui a particulièrement ce défaut.

Pierre fêlée, celle qui se trouve cassée par une veine ou un fil qui court ou qui traverse.

Pierre moyée, celle dont le lit n’étant pas également dur, dont on ôte la moye & le tendre, qui diminue son épaisseur, ce qui arrive souvent à la pierre de la chaussée.

Des défauts de la pierre, par rapport à la main-d’œuvre.

On appelle pierre gauche, celle qui, au sortir de la main de l’ouvrier, n’a pas ses paremens opposés parallèles, lorsqu’ils doivent l’être suivant l’épure, autrement le dessin ; ou dont les surfaces ne se bornoyent point, & qu’on ne sauroit retailler sans déchet.

Pierre coupée, celle qui, ayant été mal taillée & par conséquent gâtée, ne peut servir pour l’endroit où elle avoit été destinée.

Pierre en délit ou délit en joint, celle qui, dans un cours d’assises, n’est pas posée sur son lit de la même manière qu’elle a été trouvée dans la carrière, mais au contraire sur un de ses paremens. On distingue pierre en délit de délit en joint, en ce que l’un est lorsque la pierre étant posée, le parement de lit fait parement de face, & l’autre lorsque ce même parement de lit fait parement de joint.

De la pierre selon ses façons.

On entend par façons la première forme que reçoit la pierre, lorsqu’elle sort de la carrière pour arriver au chantier, ainsi que celle qu’on lui donne par le secours de l’appareil, selon la place qu’elle doit occuper dans le bâtiment ; c’est pourquoi on appelle :

Pierre au binard, celle qui est en un si gros volume & d’un si grand poids, qu’elle ne peut être transportée sur l’atelier par les charois ordinaires, & qu’on est obligé pour cet effet de transporter sur un binard, espèce de chariot tiré par plusieurs chevaux atelés deux à deux, ainsi qu’on l’a pratiqué au Louvre, pour des pierres de S. Leu, qui pesoient depuis douze jusqu’à vingt-deux & vingt-trois milliers, dont on a fait une partie des frontons.

Pierre d’échantillon, celle qui est assujettie à une mesure envoyée par l’appareilleur aux carrières, & à laquelle le carrier est obligé de se conformer avant que de la livrer à l’entrepreneur ; au lieu que toutes les autres, sans aucune mesure constatée, se livrent à la voie, & ont un prix courant.

Pierre en debord, celle que les carriers envoient à l’atelier, sans être commandée.

Pierre velue, celle qui est brute, telle qu’on l’a amenée de sa carrière au chantier, & à laquelle on n’a point encore travaillé.

Pierre bien faite, celle où il se trouve fort peu de déchet en l’écarrissant.

Pierre ébouzinée, celle dont on a ôté tout le tendre ou le bouzin.

Pierre tranchée, celle où l’on a fait une tranchée avec le marteau dans toute sa hauteur, à dessein d’en couper.

Pierre débitée, celle qui est sciée. La pierre dure & la pierre tendre ne se débitent point de la même manière. L’une se débite à la scie sans dent, avec de l’eau & du grès, comme le liais, la pierre d’Arcueil, &c.; & l’autre à la scie à dent, comme le S. Leu, le tuf, la craie, &c.

Pierre de haut & bas appareil, celle qui porte plus ou moins de hauteur de banc, après avoir été atteinte jusqu’au vif.

Pierre en chantier, celle qui se trouve callée par le tailleur de pierre, & disposée pour être taillée.

Pierre esmillée, celle qui est écarrie & taillée grossièrement avec la pointe du marteau, pour être employée dans les fondations, gros murs, &c. ainsi qu’on l’a pratiqué aux cinq premières assises des fondemens de la nouvelle église Sainte Geneviève, & à ceux des bâtimens de la place de Louis XV.

Pierre hachée, celle dont les paremens sont dressés avec la hache du marteau bretelé, pour être ensuite layée ou rustiquée.

Pierre layée, celle dont les paremens sont travaillés au marteau bretelé.

Pierre rustiquée, celle qui, ayant été écarrie & hachée, est piquée grossièrement avec la pointe du marteau.

Pierre piquée, celle dont les paremens sont piqués avec la pointe du marteau.

Pierre ragréée au fer ou riflée, celle qui a été passée au riflard.

Pierre traversée, celle dont, après avoir été bretelée, les trains des bretelures se croisent.

Pierre polie, celle qui, étant dure, a reçu le poli au grès, ensorte qu’il ne paroît plus aucunes marques de l’outil avec lequel on l’a travaillée.

Pierre taillée, celle qui, ayant été coupée, est taillée de nouveau avec déchet : on appelle encore de ce nom celle qui, provenant d’une démolition, a été taillée une seconde fois, pour être derechef mise en œuvre.

Pierre faite, celle qui est entièrement taillée, & prête à être enlevée, pour être mise en place par le poseur.

Pierre nette, celle qui est écarrie & atteinte jusqu’au vif.

Pierre retournée, celle dont les paremens opposés sont d’équerre & parallèles entre eux.

Pierre louvée, celle qui a un trou méplat pour recevoir la louve.

Pierre d’encoignure, celle qui, ayant deux paremens d’équerre l’un à l’autre, se trouve placée dans l’angle de quelques avant ou arrière-corps.

Pierre parpeigne, de parpein ou faisant parpein, celle qui traverse l’épaisseur du mur, & fait parement de deux côtés ; on l’appelle encore pamieresse.

Pierre fusible, celle qui change de nature, & devient transparente par le moyen du feu.

Pierre statuaire, celle qui, étant d’échantillon, est propre & destinée pour faire une statue.

Pierre fichée, celle dont l’intérieur du joint est rempli de mortier clair ou de coulis.

Pierres jointoyées, celles dont l’extérieur des joints est bouché, & ragréé de mortier serré ou de plâtre.

Pierres feintes, celles qui, pour faire l’ornement d’un mur de face ou de terrasse, sont séparées & comparties en manière de bossage en liaison, soit en relief ou seulement marquées sur le mur par les enduits ou crépis.

Pierres à bossages ou de refend, celles qui, étant pesées, représentent la hauteur égale des assises, dont les joints sont refendus de différentes manières.

Pierres artificielles, toutes espèces de briques, tuiles, carreaux, &c. pétries & moulées, cuites, ou crues.

De la pierre selon ses usages.

On appelle première pierre, celle qui, avant que d’élever un mur de fondation d’un édifice, est destinée à renfermer dans une cavité d’une certaine profondeur, quelques médailles d’or ou d’argent, frappées relativement à la destination du monument, & une table de bronze, sur laquelle sont gravées les armes de celui par les ordres duquel on construit l’édifice.

Cette cérémonie, qui se fait avec plus ou moins de magnificence, selon la dignité de la personne, ne s’observe cependant que dans les édifices royaux & publics, & non dans les bâtimens particuliers. Cet usage existoit du temps des Grecs, & c’est par ce moyen qu’on a pu apprendre les époques de l’édification de leurs monumens, qui, sans cette précaution, seroit tombée dans l’oubli, par la destruction de leurs bâtimens, dans les différentes révolutions qui sont survenues.

Dernière pierre, celle qui se place sur l’une des faces d’un édifice, & sur laquelle on grave des inscriptions, qui apprennent à la postérité le motif de son édification, ainsi qu’on l’a pratiqué aux piédestaux des places Royale, des Victoires, de Vendôme à Paris, & aux fontaines publiques, portes saint Martin, saint Denis, &c.

Pierre percée, celle qui est faite en dalle, & qui se pose sur le pavé d’une cour, remise ou écurie, ou qui s’encastre dans un châssis aussi de pierre, soit pour donner de l’air ou du jour à une cave, ou sur un puisard, pour donner passage aux eaux pluviales d’une ou de plusieurs cours.

Pierre à châssis, celle qui a une couverture circulaire, carrée ou rectangulaire, de quelque grandeur que ce soit, avec feuillure ou sans feuillure, pour recevoir une grille de fer maillée ou non maillée, percée ou non percée, & servir de fermeture à un regard, fosse d’aisance, &c.

Pierre à évier, du latin emissarium, celle qui est creuse, & que l’on place à rez-de-chaussée ou à hauteur d’appui, dans un lavoir ou une cuisine, pour faire écouler les eaux dans les dehors. On appelle encore de ce nom une espèce de canal long & étroit, qui sert d’égoût dans une cour ou allée de maison.

Pierre à laver, celle qui forme une espèce d’auge plate, & qui sert dans une cuisine pour laver la Vaisselle.

Pierre perdue, celle que l’on jette dans quelques fleuves, rivières, lacs, ou dans la mer, pour fonder, & que l’on met pour cela dans des caissons, lorsque la profondeur ou la qualité du terrain ne permet pas d’y enfonier des pieux. On appelle aussi de ce nom celles qui sont jetées à baies de mortier dans la maçonnerie de blocage.

Pierres incertaines ou irrégulières, celles que l’on emploie au sortir de la carrière, & dont les angles & les pans sont inégaux : les anciens s’en servoient pour-paver ; les ouvriers la nomment de pratique, parce qu’ils la font servir sans y travailler.

Pierre jectices, celles qui se peuvent poser à la main dans toutes sortes de constructions, & pour le transport desquelles on n’est pas obligé de se servir de machines.

Pierres d’attente, celles qu’on a laissées en bossage, pour y recevoir des ornemens ou inscriptions taillées, ou gravées en place. On appelle encore de ce nom celles qui, lors de la construction, ont été laissées en harpes ou arrachement, pour attendre celles du mur voisin.

Pierres de rapport, celles qui étant de différentes couleurs, servent pour les compartimens de pavés, mosaïques, & autres ouvrages de cette espèce.

Pierres précieuses, toutes pierres rares, comme l’agate, le lapis, l’aventurine & autres, dont on enrichit les ouvrages en marbre & en marquetterie, tels qu’on en voit dans l’église des Carmélites de la ville de Lyon, où le tabernacle est composé de marbre & de pierres précieuses, & dont les ornemens sont de bronze.

Pierre spéculaire, celle qui chez les anciens étoit transparente, comme le talc qui se débitoit par feuillet, & qui leur servoit de vitres ; la meilleure, selon Pline, venoit d’Espagne. Martial en fait mention dans ses épigrammes, livre II.

Pierres milliaires, celles qui, en forme de socle ou de borne chez les Romains, étoient placées sur les grands chemins, & espacées de mille en mille, pour marquer la distance des villes de l’Empire, & se comptoient depuis la milliaire dorée de Rome, tel que nous l’ont appris les historiens par les mots de primus, secundus, tertius, &c. ab urbe lapis ; cet usage existe encore maintenant dans toute la Chine.

Pierres noires, celles dont se servent les ouvriers dans le bâtiment pour tracer sur la pierre : la plus tendre sert pour dessiner sur le papier.

On appelle encore pierre blanche ou craie, celle qui est employée aux mêmes usages : la meilleure vient de Champagne.

Pierre d’appui ou seulement appui, celle qui, étant placée dans le tableau inférieur d’une croisée, sert à s’appuyer.

Auge, du latin lavatrina, une pierre placée dans des basses-cours, pour servir d’abreuvoir aux animaux domestiques.

Seuil, du latin limen, celle qui est posée au rez-de-chaussée, dont la longueur traverse la porte, & qui, formant une espèce de feuillure, sert de battement à la traverse inférieure du châssis de la porte de menuiserie.

Borne, celle qui a ordinairement la forme d’un cône de deux ou trois pieds de hauteur, tronqué dans son sommet, & qui se place dans l’angle d’un pavillon, d’un avant corps, ou dans celui d’un piédroit de porte cochère ou de remise, ou le long d’un mur, pour en éloigner les voitures & empêcher que les moyeux ne les écorchent & ne les fassent éclater.

Banc, celle qui est placée dans des cours, basses-cours, ou à la principale porte des grands hôtels, pour servir de siège aux domestiques, ou dans un jardin, à ceux qui s’y promènent.

Des libages.

Les libages sont de gros moellons ou quartiers de pierre rustique & mal faite, de quatre, cinq, six & quelquefois sept à la voie, qui ne peuvent être fournis à la toise par le carrier, & que l’on ne peut écarrir que grossièrement à cause de leur dureté, provenant le plus souvent du ciel des carrières, ou d’un banc trop mince.

La qualité des libages est proportionnée à celle de la pierre des différentes carrières d’où on les tire : on ne s’en sert que pour les garnis, fondations, & autres ouvrages de cette espèce. On emploie encore en libage les pierres de taille qui ont été coupées, ainsi que celles qui proviennent des démolitions, & qui ne peuvent plus servir.

On appelle quartier de pierre, lorsqu’il n’y en a qu’un à la voie.

Carreaux de pierre, lorsqu’il y en a deux ou trois.

Libage, lorsqu’il y en a quatre, cinq, six, & quelquefois sept à la voie.

Du moellon.

Le moellon, du latin mollis, que Vitruve appelle cœmentum, n’étant autre chose que l’éclat de la pierre, en est par conséquent la partie la plus tendre ; il provient aussi quelquefois d’un banc trop mince. Sa qualité principale est d’être bien écarri & bien gissant, parce qu’alors il a plus de lit, & consomme moins de mortier ou de plâtre.

Le meilleur est celui que l’on tire des carrières d’Arcueil. La qualité des autres est proportionnée à la pierre des carrières dont on le tire, ainsi que celui du fauxbourg saint Jacques, du fauxbourg saint Marceau, de Vaugirard & autres.

On l’emploie de quatre manières différentes ; la première, qu’on appelle en moellon de plat, est de le poser horizontalement sur son lit & en liaison, dans la construction des murs mitoyens, de refend & autres de cette espèce élevés d’à-plomb. La seconde, qu’on appelle en moellon d’appareil, & dont le parement est apparent, exige qu’il soit bien écarri, à vives arêtes, comme la pierre, piqué proprement, de hauteur & de largeur égale, & bien posé de niveau, & en liaison dans la construction des murs de face, de terrasse, &c. La troisième, qu’on appelle en moellon de coupe, est de le poser sur son champ ou sa surface la plus mince, dans la construction des voûtes. La quatrième, qu’on appelle en moellon piqué, est, après l’avoir écarri & ébouriné, de le piquer sur son parement avec la pointe du marteau, pour la construction des voûtes de caves, murs de basses-cours, de clôture, de puits, &c.

Du moellon selon ses façons.

On appelle moellon blanc, chez les ouvriers, un platras, & non un moellon ; ce qui est un défaut dans la construction.

Moellon esmillé, celui qui est grossièrement écarri & ébousiné avec la hachette, à l’usage des murs de parcs, de jardins, & autres de peu d’importance.

Moellon bourru ou de blocage, celui qui est trop mal fait & trop dur pour être écarri, & que l’on emploie dans les fondations ou dans l’intérieur des murs, tel qu’il est sorti de la carrière.

Le moellon de roche, dit de meulière, est de cette dernière espèce.

Toutes ces espèces de moellons se livrent à l’entrepreneur à la voie ou à la toise, & dans ce dernier cas l’entrepreneur se charge du toisé.

Du marbre en général.

Le marbre, du latin marmor, dérivé du grec μαρμαίρειν, reluire, à cause du poli qu’il reçoit, est une espèce de pierre de roche extrêmement dure, qui porte le nom des différentes provinces où sont les carrières dont on le tire. Il s’en trouve de plusieurs couleurs ; les uns sont blancs ou noirs, d’autres sont variés ou mêlés de taches, veines, mouchés, ondes & nuages, différemment colorés ; les uns & les autres sont opaques, le blanc seul est transparent, lorsqu’il est débité par tranches minces. Aussi M. Félibien raporte-t-il que les anciens s’en servoient au lieu de verres pour les croisées des bains, étuves & autres lieux qu’on vouloit garantir du froid ; & qu’à Florence, il y avoit une église très-bien éclairée, dont les croisées en étoient garnies.

Le marbre se divise en deux espèces ; l’une qu’on appelle antique, & l’autre moderne : par marbre antique, l’on comprend ceux dont les carrières sont épuisées, perdues ou inaccessibles, & que nous ne connoissons que par les ouvrages des anciens : par marbres modernes, l’on comprend ceux dont on se sert actuellement dans les bâtimens, & dont les carrières sont encore existantes.

On ne l’emploie le plus communément, à cause de sa cherté, que pour revêtissement ou incrustation, étant rare que l’on en fasse usage en bloc, à l’exception des vases, figures, colonnes & autres ouvrages de cette espèce. Il se trouve d’assez beaux exemples de l’emploi de cette matière dans la décoration intérieure & extérieure des châteaux de Versailles, Trianon, Marly, Seaux, &c. ainsi que dans les différens bosquets de leurs jardins.

Quoique la diversité des marbres soit infinie, on les réduit cependant à deux espèces ; l’une que l’on nomme veiné, & l’autre brèche ; celui-ci n’étant autre chose qu’un amas de petits cailloux de différente couleur fortement unis ensemble, de manière que lorsqu’il se casse, il s’en forme autant de brèches qui lui ont fait donner ce nom.

Nous en parlerons plus particulièrement, en traitant l’art du marbrier.

De la brique en général.

La brique est une espèce de pierre artificielle, dont l’usage est très-nécessaire dans la construction des bâtimens. Non-seulement on s’en sert avantageusement au lieu de pierre, de moellon ou de plâtre, mais encore il est de certains genres de construction qui exigent de l’employer préférablement à tous les autres matériaux, comme pour des voûtes légères, qui exigent des murs d’une moindre épaisseur pour en retenir la poussée, pour des languettes ou cloisons de cheminées, des contrecœurs, des foyers, &c.

Nous avons vu ci-devant que cette pierre étoit rougeâtre & qu’elle se jetoit en moule ; nous allons voir maintenant de quelle manière elle se fabrique, connoissance d’autant plus nécessaire, que, dans de certains pays, il ne s’y trouve souvent point de carrières à pierre ni à plâtre, & que par-là on est forcé de faire usage de brique, de chaux & de sable.

De la terre propre à faire de la brique.

La terre la plus propre à faire de la brique, est communément appelée terre glaise ; la meilleure doit être de couleur grise ou blanchâtre, grasse, sans graviers ni cailloux, étant plus facile à corroyer. Ce soin étoit recommandé par Vitruve, en parlant de celles dont les anciens se servoient pour les cloisons, murs, planchers, &c. qui étoient mêlées de foin & de paille hachés, & point cuites, mais seulement séchées au soleil pendant quatre ou cinq ans, parce que, disoit-il, elles se fendent & se détrempent lorsqu’elles sont mouillées à la pluie.

La terre qui est rougeâtre est beaucoup moins estimée pour cet usage, les briques qui en sont faites étant plus sujettes à se feuilleter & à se réduire en poudre à la gelée.

Vitruve prétend qu’il y a trois sortes de terres propres à faire de la brique ; la première, qui est aussi blanche que de la craie ; la seconde, qui est rouge ; & la troisième, qu’il appelle sablon mâle.

Au rapport de Perrault, les interprètes de Vitruve n’ont jamais pu décider quel étoit ce sablon mâle dont il parle, & que Pline prétend avoir été employé de son temps pour faire de la brique. Philander pense que c’est une terre solide & sablonneuse ; Barbaro dit que c’est un sable de rivière gras que l’on trouve en pelotons, comme l’encens mâle : & Baldus rapporte qu’il a été appelé mâle, parce qu’il étoit moins aride que l’autre sable. Au reste, sans prendre garde scrupuleusement à la couleur, on reconnoîtra qu’une terre est propre à faire de bonnes briques, si après une petite pluie on s’apperçoit qu’en marchant dessus elle s’attache aux pieds & s’y amasse en grande quantité, sans pouvoir la détacher facilement, ou si en la pétrissant dans les mains on ne peut la diviser sans peine.

De la manière de faire la brique.

Après avoir choisi un espace de terre convenable ; & l’ayant reconnu également bonne par-tout, il faut l’amasser par monceaux & l’exposer à la gelée à plusieurs reprises, ensuite la corroyer avec la houe ou le rabot, & la laisser reposer alternativement jusqu’à quatre ou cinq fois. L’hiver est d’autant plus propre pour cette préparation, que la gelée contribue beaucoup à la bien corroyer

On y mêle quelquefois de la bourre & du poil de bœuf pour la mieux lier, ainsi que du sablon, pour la rendre plus dure & plus capable de résister au fardeau lorsqu’elle est cuite. Cette pâte faite, on la jette par mottes dans des moules faits de cadres de bois, de la même dimension qu’on veut donner à la brique ; & lorsqu’elle est à demi sèche, on lui donne, avec le couteau, la forme que l’on juge à propos.

Le temps le plus propre à la faire sécher, selon Vitruve, est le printemps & l’automne, ne pouvant sécher en hiver, & la grande chaleur de l’été la séchant trop promptement à l’extérieur, ce qui la fait fendre, tandis que l’intérieur reste humide.

Il est aussi nécessaire, selon lui, en parlant des briques crues, de les laisser sécher pendant deux ans, parce qu’étant employées nouvellement faites, elles se resserrent & se séparent à mesure qu’elles se sèchent : d’ailleurs, l’enduit qui les retient ne pouvant plus se soutenir, se détache & tombe ; & la muraille s’affaissant de part & d’autre inégalement, fait périr l’édifice.

Le même auteur rapporte encore que, de son temps, dans la ville d’Utique, il n’étoit pas permis de se servir de brique pour bâtir avant qu’elle eût été visitée par le magistrat, & qu’on eut été sûr qu’elle avoit séché pendant cinq ans. On se sert encore maintenant de briques crues, mais ce n’est que pour les fours à chaux, à tuile ou à brique.

La meilleure brique est celle qui est d’un rouge pâle tirant sur le jaune, d’un grain serré & compacte, & qui, lorsqu’on la frappe, rend un son clair & net. Il arrive quelquefois que les briques faites de même terre & préparées de même, sont plus ou moins rouges les unes que les autres, lorsqu’elles sont cuites, & par conséquent de différente qualité : ce qui vient des endroits où elles ont été placées dans le four, & où le feu a eu plus ou moins de force pour les cuire. Mais la preuve la plus certaine pour connoître la meilleure, sur-tout pour des édifices de quelque importance, est de l’exposer à l’humidité & à la gelée pendant l’hiver, parce que celles qui y auront résisté sans se feuilleter, & auxquelles il ne sera arrivé aucun inconvénient considérable, pourront être mises en œuvre en toute sûreté.

Autrefois on se servoit à Rome de trois sortes de briques ; la première, qu’on appeloit didodoron, qui avoit deux palmes en carré ; la seconde, tetradoron, qui en avoit quatre ; & la troisième, pentadoron, qui en avoit cinq : ces deux dernières manières ont été long-temps employées par les Grecs. On faisoit encore à Rome des demi-briques & des quarts de briques, pour placer dans les angles des murs & les achever. La brique que l’on faisoit autrefois, au rapport de Vitruve, à Calente en Espagne, à Marseille en France, & à Pitence en Asie, nageoit sur l’eau comme la pierre ponce, parce que la terre dont on la faisoit étoit très-spongieuse, & que ses pores externes étoient tellement serrés lorsqu’elle étoit sèche, que l’eau n’y pouvoit entrer, & par conséquent la faisoit surnager.

La grandeur des briques dont on se sert à Paris & aux environs, est ordinairement de huit pouces de longueur, sur quatre de largeur & deux d’épaisseur, & se vend depuis 30 jusqu’à 40 livres le millier.

Il faut éviter de les faire d’une grandeur & d’une épaisseur trop considérable, à moins qu’on ne leur donne pour sécher un temps proportionné à leur grosseur ; parce que, sans cela, la chaleur du feu s’y communique inégalement, & le cœur étant moins atteint que la superficie, elles se gercent & se fendent en cuisant.

La tuile pour les couvertures des bâtimens, le carreau pour le sol des appartemens, les tuyaux de grès pour la conduite des eaux, les boisseaux pour les chausses d’aisance, & généralement toutes les autres poteries de cette espèce, se font avec la même terre, se préparent & se cuisent exactement de la même manière. Ainsi, ce que nous avons dit de la brique, peut nous instruire pour tout ce que l’on peut faire en pareille terre. Voyez l’art du Briquetier, tome 1 de ce Dictionn. des Arts, pag. 301.

Du sable.

Le sable, du latin sabulum, est une matière qui diffère des pierres & des caillous ; c’est une espèce de gravier de différente grosseur, âpre, raboteux & sonore. Il est encore diaphane ou opaque, selon ses différentes qualités, les sels dont il est formé, & les différens terrains où il se trouve.

Il y en a de quatre espèces ; celui de terrain ou de cave, celui de rivière, celui de ravin, & celui de mer.

Le sable de cave est ainsi appelé, parce qu’il se tire de la fouille des terres, lorsque l’on construit des fondations de bâtimens. Sa couleur est d’un brun noir. Jean Martin, dans sa traduction de Vitruve, l’appelle sable de fossé. Philibert de Lorme l’appelle sable de terrain. Perrault n’a point voulu lui donner ce nom, de peur qu’on ne l’eût confondu avec terreux, qui est le plus mauvais dont on puisse jamais se servir. Les ouvriers l’appellent sable de cave, qui est l’arena di cava des Italiens. Ce sable est très-bon lorsqu’il a été séché quelque temps à l’air. Vitruve prétend qu’il est meilleur pour les enduits & crépis des murailles & des plafonds, lorsqu’on l’emploie nouvellement tiré de la terre ; car si on le garde, le soleil & la lune l’altèrent, la pluie le dissout, & le convertit en terre. Il ajoute encore qu’il vaut beaucoup mieux pour la maçonnerie que pour les enduits, parce qu’il est si gras & sèche si promptement, que le mortier se gerce ; c’est pourquoi, dit Palladio, on l’emploie préférablement dans les murs & les voûtes continues.

Ce sable se divise en deux espèces ; l’une que l’on nomme sable mâle, & l’autre sable femelle. Le premier est d’une couleur foncée & égale dans son même lit ; l’autre est plus pâle & inégale.

Le sable de rivière est jaune, rouge ou blanc, & se tire du fond des rivières ou des fleuves, avec des dragues faites pour cet usage ; ce qu’on appelle draguer. Celui qui est près du rivage est plus aisé à tirer, mais n’est pas le meilleur, étant sujet à être mêlé & couvert de vase ; espèce de limon qui s’attache dessus dans le temps des grandes eaux & des débordement. Alberti & Scamozzi prétendent qu’il est très-bon lorsqu’on a ôté cette superficie, qui n’est qu’une croûte de mauvaise terre.

Ce sable est le plus estimé pour faire de bon mortier, ayant été battu par l’eau, & se trouvant par-là, dégagé de toutes les parties terrestres dont il tire son origine : il est facile de comprendre que plus il est graveleux, pourvu qu’il ne le soit pas trop, plus il est propre, par ses cavités & la vertu de la chaux, à s’agraffer dans la pierre, ou au moellon à qui le mortier sert de liaison. Mais si, au contraire, on ne choisit pas un sable dépouillé de toutes ses parties terreuses, qu’il soit plus doux & plus humide, il est capable par-là de diminuer & d’émousser les esprits de la chaux, & empêcher le mortier fait de ce sable de s’incorporer aux pierres qu’il doit unir ensemble, & rendre indissolubles.

Le sable de rivière est un gravier, qui, selon Scamozzi & Alberti, n’a que le dessus de bon, le dessous étant des petits cailloux trop gros pour pouvoir s’incorporer avec la chaux & faire une bonne liaison. Cependant on ne laisse pas de s’en servir dans la construction des fondemens, gros murs, &c. après avoir été passé à la claie.

Le sable de mer est une espèce de sablon fin, que l’on prend sur les bords de la mer & aux environs, & qui n’est pas si bon que les autres.

Ce sable joint à la chaux, dit Vitruve, est très-long à sécher. Les murs qui en sont faits ne peuvent pas soutenir un grand poids, à moins qu’on ne les bâtisse à différentes reprises. Il ne peut encore servir pour les enduits & crépis, parce qu’il suinte toujours par le sel qui se dissout, & qui fait tout fondre. Alberti prétend qu’au pays de Salerne, le sable du rivage de la mer est aussi bon que celui de cave, pourvu qu’il ne soit point pris du côté du midi.

On trouve encore, dit M. Bélidor, une espèce de sablon excellent dans les marais, qui se connoit lorsqu’en marchant dessus, on s’apperçoit qu’il en sort de l’eau ; ce qui lui a fait donner le nom de sable bouillant.

En général, le meilleur sable est celui qui est net & point terreux ; ce qui se connoît de plusieurs manières. La première, lorsqu’en le frottant dans les mains, on sent une rudesse qui fait du bruit, & qu’il n’en reste aucune partie terreuse dans les doigts. La seconde, lorsqu’après en avoir jeté un peu dans un vase plein d’eau claire & l’avoir brouillé, si l’eau en est peu troublée, c’est une marque de sa bonté.

On le connoît encore, lorsqu’après en avoir étendu sur de l’étoffe blanche ou sur du linge, on s’apperçoit qu’après l’avoir secoué, il ne reste aucune partie terreuse attachée dessus.

Du ciment.

Le ciment n’est autre chose, dit Vitruve, que de la brique ou de la tuile concassée, ; mais cette dernière est plus dure & préférable. A son défaut, on se sert de la première, qui, étant moins cuite, plus tendre & moins terreuse, est beaucoup moins capable de résister au fardeau.

Le ciment ayant retenu après sa cuisson la causticité des sels de la glaise, dont il tire son origine, est bien plus propre à faire de bon mortier que le sable. Sa dureté le rend aussi capable de résister aux plus grands fardeaux, ayant reçu différentes formes par sa pulvérisation.

La multiplicité de ses angles fait qu’il peut mieux s’encastrer dans les inégalités des pierres qu’il doit lier, étant joint avec la chaux dont il soutient l’action par ses sels, & qui, l’ayant environné, lui communique les siens ; de façon que les uns & les autres s’animant par leur onctuosité mutuelle, s’insinuent dans les pores de la pierre, & s’y incorporent si intimement qu’ils coopèrent de concert à recueillir, & à exciter les sels des différens minéraux auquels ils sont joints : de manière qu’un mortier fait de l’un & de l’autre, est capable, même dans l’eau, de rendre la construction immuable.

De la pozzolane, & des différentes poudres qui servent aux mêmes usages.

La pozzolane, qui tire son nom de la ville de Pouzzoles, en Italie, si fameuse par ses grottes & ses eaux minérales, se trouve dans le territoire de cette ville, au pays de Bayes, & aux environs du Mont-Vésuve ; c’est une espèce de poudre rougeâtre, admirable par sa vertu.

Lorsqu’on la mêle avec la chaux, elle joint si fortement les pierres ensemble, fait corps, & s’endurcit tellement au fond même de la mer, qu’il est impossible de les désunir.

Ceux qui en ont cherché la raison, dit Vitruve, ont remarqué que dans ces montagnes & dans tous ces environs, il s’y trouve une quantité de fontaines bouillantes, qu’on a cru ne pouvoir venir que d’un feu souterrain, de soufre, de bitume & d’alun, & que la vapeur de ce feu traversant les veines de la terre, la rend non-seulement plus légère, mais encore lui donne une aridité capable d’attirer l’humidité.

C’est pourquoi lorsque l’on joint, par le moyen de l’eau, ces trois choses qui sont engendrées par le feu, elles s’endurcissent si promptement & font un corps si ferme, que rien ne peut le rompre ni dissoudre.

La comparaison qu’en donne M. Bélidor, est que la tuile étant une composition de terre, qui n’a de vertu pour agir avec la chaux, qu’après sa cuisson & après avoir été concassée & réduite en poudre : de même aussi la terre bitumineuse qui se trouve aux environs de Naples, étant brûlée par les feux souterrains, les petites parties qui en résultent & que l’on peut considérer comme une cendre, composent la poudre de pozzolane, qui doit par conséquent participer des propriétés du ciment. D’ailleurs, la nature du terrain & les effets du feu, peuvent y avoir aussi beaucoup de part.

Vitruve remarque que, dans la Toscane & sur le territoire du Mont-Apennin, il n’y a presque point de sable de cave ; qu’en Achaïe, vers la mer Adriatique, il ne s’en trouve point du tout ; & qu’en Asie au-delà de la mer, on n’en a jamais entendu parler. De sorte que, dans les lieux où il y a des fontaines bouillantes, il est très-rare qu’il ne s’y fasse de cette poudre, d’une manière ou d’une autre ; car dans les endroits où il n’y a que des montagnes & des rochers, le feu ne laisse pas que de les pénétrer, d’en consumer le plus tendre, & de n’y laisser que l’âpreté.

C’est pour cette raison que la terre brûlée aux environs de Naples, se change en cette poudre.

Celle de Toscane se change en une autre à peu près semblable, que Vitruve appelle carbunculus, & l’une & l’autre sont excellentes pour la maçonnerie ; mais la première est préférée pour les ouvrages qui se font dans l’eau ; & l’autre plus tendre que le tuf, & plus dure que le sable ordinaire, est réservée pour les édifices hors de l’eau.

On voit aux environs de Cologne, & près du bas-Rhin, en Allemagne, une espèce de poudre grise, que l’on nomme terrasse de Hollande, faite d’une terre qui se cuit comme le plâtre, que l’on écrase & que l’on réduit en poudre avec des meules de moulin.

Il est assez rare qu’elle soit pure & point falsifiée ; mais quand on en peut avoir, elle est excellente pour les ouvrages qui sont dans l’eau, résiste également à l’humidité, à la sécheresse, & à toutes les rigueurs des différentes saisons : elle unit si fortement les pierres ensemble, qu’on l’emploie en France & aux Pays-Bas, pour la construction des édifices aquatiques, au défaut de pozzolane, par la difficulté que l’on a d’en avoir à juste prix.

On se sert encore dans le même pays, au lieu de terrasse de Hollande, d’une poudre nommée cendrée de Tournay, que l’on trouve aux environs de cette ville.

Cette poudre n’est autre chose qu’un composé de petites parcelles d’une pierre bleue & très-dure, qui tombe lorsqu’on la fait cuire, & qui fait d’excellente chaux.

Ces petites parcelles, en tombant sous la grille du fourneau, se mêlent avec la cendre du charbon de terre, & ce mélange compose la cendrée de Tournay, que les marchands débitent telle qu’elle sort du fourneau.

On fait assez souvent usage d’une poudre artificielle, que l’on nomme ciment de fontainier ou ciment perpétuel, composé de pots & de vases de grès cassés & pilés, de morceaux de mâchefer, provenant du charbon de terre brûlé dans les forges, aussi réduit en poudre, mêlé d’une pareille quantité de ciment, de pierre de meule de moulin & de chaux, dont on compose un mortier excellent, qui résiste parfaitement dans l’eau.

On amasse encore quelquefois des cailloux ou galets, que l’on trouve dans les campagnes ou sur le bord des rivières, que l’on fait rougir, & que l’on réduit ensuite en poudre ; ce qui fait une espèce de terrasse de Hollande, très-bonne pour la construction.

Du Mortier.

Le mortier est une composition de chaux, de sable, &c. mêlés avec de l’eau, qui sert à lier les pierres dans les bâtimens.

Les anciens avoient une espèce de mortier si dur & si liant, que, malgré le temps qu’il y a que les bâtimens qui nous restent d’eux durent, il est impossible de séparer les pierres du mortier de certains d’entre eux ; il y a cependant des personnes qui attribuent cette force excessive au temps qui s’est écoulé depuis qu’ils sont construits, & à l’influence de quelques propriétés de l’air qui durcit en effet certains corps d’une manière surprenante.

On dit que les anciens se servoient, pour faire leur chaux, des pierres les plus dures, & même de fragmens de marbre.

Delorme observe que le meilleur mortier est celui fait de pozzolane au lieu de sable, ajoutant qu’il pénètre même les pierres à feu, & que de noires il les rend blanches.

M. Worledge nous dit que le sable fin fait du mortier foible, & que le sable plus rond fait de meilleur mortier : il ordonne donc de laver le sable avant que de le mêler ; il ajoute que l’eau salée affoiblit beaucoup le mortier.

Wolf remarque que le sable doit être sec & pointu, de façon qu’il pique les mains lorsqu’on s’en frotte ; & qu’il ne faut pas cependant qu’il soit terreux, de façon à rendre l’eau sale lorsqu’on l’y lave.

Nous apprenons de Vitruve que le sable fossile sèche plus vîte que celui des rivières, d’où il conclut que le premier est plus propre pour les dedans des bâtimens, & le dernier pour les dehors : il ajoute que le sable fossile, exposé long-temps à l’air, devient terreux. Palladio avertit que le sable le plus mauvais est le blanc, & qu’il faut en attribuer la raison à son manque d’aspérités.

La proportion de la chaux & du sable varie beaucoup dans notre mortier ordinaire. Vitruve prescrit trois parties de sable fossile & deux de rivière contre une de chaux ; mais il me paroît qu’il met trop de sable. À Londres & aux environs, la proportion du sable à la chaux vive est de 36 à 25 ; dans d’autres endroits, on met parties égales des deux.

Manière de mêler le mortier.

Les anciens maçons, selon Félibien, étoient si attentifs à cet article, qu’ils employoient constamment pendant un long espace de temps dix hommes à chaque bassin, ce qui rendoit le mortier d’une dureté si prodigieuse, que Vitruve nous dit que les morceaux de plâtre qui tomboient des anciens bâtimens, servoient à faire des tables. Félibien ajoute que les anciens maçons prescrivoient à leurs manœuvres, comme une maxime, de le délayer à la sueur de leurs sourcils, voulant dire par-là de le mêler long-temps, au lieu de le noyer d’eau pour avoir plus tôt fait.

Outre le mortier ordinaire dont on se sert pour lier des pierres, des briques, &c. il y a encore d’autres espèces de mortiers, comme :

Le mortier blanc dont on se sert pour plâtrer les murs & les plafonds, & qui est composé de poil de bœuf mêlé avec de la chaux & de l’eau sans sable.

Le mortier dont on se sert pour faire les aqueducs, les citernes, &c. est très-ferme & dure long-temps. On le fait de chaux & de graisse de cochon, qu’on mêle quelquefois avec du jus de figues, ou d’autres fois avec de la poix liquide : après qu’on l’a appliqué, on le lave avec de l’huile de lin.

Le mortier pour les fourneaux se fait d’argille rouge, qu’on mêle avec de l’eau où on a fait tremper de la fiente de cheval & de la suie de cheminée.

On se plaint journellement du peu de solidité des bâtimens modernes ; cette plainte paroît très-bien fondée, & il est certain que ce défaut vient du peu de soin que l’on apporte à faire un mortier durable, tandis que les anciens ne négligeoint rien pour sa solidité.

D’abord, la bonté du mortier dépend de la qualité de la chaux que l’on y emploie ; plus la pierre à chaux que l’on a calcinée est dure & compacte, plus la chaux qui en résulte est bonne. Les Romains sentoient cette vérité, puisque, lorsqu’il s’agissoit de bâtir de grands édifices, ils n’employoient pour l’ordinaire que de la chaux de marbre.

La bonté du mortier dépend encore de la qualité du sable que l’on mêle avec la chaux ; un sable fin paroît devoir s’incorporer beaucoup mieux avec la chaux qu’un sable grossier ou un gravier, vu que les pierres qui composent ce dernier doivent nuire à la liaison intime du mortier.

Enfin, il paroît que le peu de solidité du mortier des modernes, vient du peu de soin que l’on prend pour le gâcher ; ce qui fait que le sable ne se mêle qu’imparfaitement à la chaux.

M. Shaw, célèbre voyageur anglois, observe que les habitans de Tunis & des côtes de Barbarie, bâtissent de nos jours avec la même solidité que les Carthaginois. Le mortier qu’ils emploient est composé d’une partie de sable, de deux parties de cendres de bois, & de trois parties de chaux.

On passe ces trois substances au tamis, on les mêle bien exactement, on les humecte avec de l’eau, & on gâche ce mélange pendant trois jours & trois nuits consécutives, sans interruption, pour que le tout s’incorpore parfaitement ; &, pendant ce temps, on humecte alternativement le mélange avec de l’eau & avec de l’huile : on continue à remuer le tout jusqu’à ce qu’il devienne parfaitement homogène & compacte. Voyez Ciment ou mortier à bâtir, tome I de ce Dictionn. des Arts, pag. 668.

Du Plâtre.

Le plâtre vient d’une pierre qui a une propriété très-avantageuse dans les bâtimens. Cette pierre étant cuite, se suffit à elle-même ; &, avec un peu d’eau, s’endurcit & fait corps sans aucun secours. La principale vertu qu’il acquiert par le feu, est non-seulement de se lier lui même, mais aussi de lier ensemble tous les corps qu’il approche, & de s’unir intimement à eux en très-peu de temps. La promptitude de son action le rend si essentiel & si nécessaire, qu’on ne peut trouver de matière plus utile, & qu’on ne peut, pour ainsi dire, s’en passer ni le remplacer dans la construction.

La pierre propre à faire le plâtre se trouve, comme les autres, dans le sein de la terre, se calcine au feu, blanchit & se réduit en poudre après sa cuisson.

Il en est de trois sortes ; la première, d’un jaune luisant, transparente & feuilletée, est parfaite ; étant cuite, elle devient très-blanche ; & employée, le plâtre en est si fin, beau & luisant, qu’on le réserve pour les figures & ornemens de sculpture, ainsi que pour les modèles. La deuxième, blanche & remplie de veines transparentes & luisantes, est très-bonne. La troisième, plus grise, est préférée par les Chaufourniers, comme moins dure à cuire.

Il y a des provinces où elle est très-rare, & d’autres où elle est très-commune. Les carrières de Montmartre, de Belleville, de Charonne, de Meudon, de Châtillon, d’Anet sur Marne, & autres lieux qui en fournissent à Paris & dans les environs, sont très-abondantes.

La manière de faire cuire la pierre à plâtre, consiste à lui communiquer une chaleur capable de la dessécher peu à peu, & de faire évaporer l’humidité qu’elle renferme.

Pour y parvenir, il faut arranger les pierres dans le fourneau, & en former plusieurs voûtes, assez près les unes des autres pour contenir autant de foyers ; approcher près d’elles d’abord les plus grosses, ensuite les moyennes, & enfin les petites, jusqu’à une certaine élévation ; ensorte que la chaleur ait toujours une action égale & proportionnée à leur volume.

Il faut faire attention que le plâtre soit assez cuit, & point trop ; car, d’un côté il n’a pas pris assez de qualité, & est aride & sans liaison ; & de l’autre il a perdu ce que les ouvriers appellent l’amour du plâtre.

On le connoît aisément à son onctuosité, & lorsqu’en le maniant on y sent une espèce de graisse qui s’attache aux doigts, la seule qualité qui le fasse prendre, durcir promptement, & faire bonne liaison.

Le plâtre, une fois cuit, doit être pulvérisé & employé aussitôt ; sans quoi le soleil l’échauffe & le fait fermenter, l’humidité en diminue la force, l’air en dissipe les esprits, & il devient mou & sans onction ; ce qu’on appelle éventé.

Lorsqu’on ne peut l’employer sur le champ ; comme dans les pays où il est fort cher, on le conserve encore long-temps bon dans des tonneaux bien fermés, placés dans des lieux secs & à l’abri des ardeurs du soleil.

Si, pour quelques ouvrages de conséquence, on avoit besoin de plâtre de la meilleure qualité possible & parfaitement cuit, il faudroit pour lors choisir dans le fourneau le meilleur & le mieux cuit, & le mettre à part avant que les chaufourniers aient mêlé & confondu le tout ensemble, suivant leur coutume.

Le plâtre se vend 11 à 12 livres le muid, contenant vingt-sept pieds cubes en trente-six sacs, rendu sur l’atelier.

Pour employer le plâtre, on le délaie, ce qu’on appelle gâcher, avec de l’eau seulement à peu près par égale portion, plus ou moins cependant, suivant les occasions.

On met dans l’auge d’abord la quantité d’eau nécessaire, ensuite le plâtre par pellée, l’étendant peu à peu & promptement jusqu’à ce qu’il joigne la surface de l’eau ; ensuite on le remue avec la truelle & on le broie parfaitement, jusqu’à ce qu’il soit humecté par-tout également. Lorsque les ouvrages exigent une certaine solidité, & que le plâtre prend promptement, on y met peu d’eau, ce qu’on appelle gâcher serré ; on l’emploie alors par truellée, le jetant à poignée sur les murs & y passant la truelle par dessus.

Lorsque ces ouvrages exigent des précautions & que pour cela le plâtre prend lentement, on met un peu d’eau, ce qu’on appelle gâcher clair ; on l’emploie aussi par truellée & poignée : alors, étant long à s’endurcir, il laisse le temps de faire l’ouvrage suivant les sujétions nécessaires.

Lorsque les parties ont de l’étendue, comme les enduits & crépis, on met encore plus d’eau, ce qu’on appelle gâcher liquide ; on l’emploie par aspersion avec le balai de bouleau & à diverses reprises : le plâtre étant pour lors très-long à prendre, donne le temps de l’étendre avec la truelle sur de grandes surfaces.

Enfin, lorsque ce sont des cavités où l’on ne peut introduire le plâtre à la main, on y met beaucoup d’eau, ce qu’on appelle plâtre coulé ou coulis de plâtre ; on l’emploie en effet en le coulant comme l’eau dans les cavités, jusqu’à ce qu’elles soient remplies.

Il faut aussi éviter, comme au mortier, de l’employer en hiver & pendant les gelées. L’eau qui a servi à le gâcher, se glace, affoiblit ses sels, & lui ôte toute l’onction & la vertu qu’il avoit de s’endurcir & de lier les murs ensemble ; ensorte qu’ils ne sont aucunement solides & ne peuvent être de longue durée.

Qualités du Plâtre.

On appelle plâtre cru, la pierre qui sert à faire le plâtre, lorsqu’elle n’a pas encore été cuite. On l’emploie quelquefois comme moellons, mais alors c’est un moellon de mauvaise qualité.

Plâtre cuit, celui qui sort du four & est encore en pierre.

Plâtre battu, celui qui a été écrasé sous la batte, pilé & réduit en poudre.

Plâtre blanc, celui qui a été râblé & dont on a extrait tout le charbon qui pouvoit le noircir, précaution nécessaire pour les ouvrages qui exigent de la propreté.

Plâtre gris, celui qui n’a pas été râblé, étant destiné aux ouvrages de maçonnerie de peu de conséquence.

Plâtre gras, celui qui, étant cuit, est doux, onctueux, & facile à employer.

Plâtre vert, celui qui, n’ayant pas été assez cuit, se dissout en l’employant, se gerce, tombe & fait une mauvaise construction.

Plâtre humide, celui qui, ayant été exposé à la pluie ou à l’humidité, a perdu la plus grande partie de ses sels.

Plâtre éventé, celui qui, ayant été trop long-temps exposé à l’air après avoir été pulvérisé, a de la peine à prendre & à s’endurcir.

Façons du Plâtre.

On appelle gros plâtre, celui qui a été concassé grossièrement, & que l’on destine pour les gros murs de moellons ou les hourdages de cloisons.

Plâtre au panier, celui qui, après avoir été passé à travers un panier à claire-voie, est à demi-fin.

Plâtre au sas, celui qui a été passé à travers un tamis clair & fin.

Emploi du Plâtre.

On appelle plâtre gâché serré, celui qui est le moins abreuvé d’eau pour les parties qui ont besoin de solidité.

Plâtre gâché clair, celui qui est un peu plus abreuvé d’eau pour les corniches, cimaises, &c.

Plâtre gâché liquide, celui qui est abreuvé de beaucoup d’eau pour les enduits & crépis.

Plâtre coulé ou coulis de plâtre, celui de tous qui est le plus abreuvé d’eau pour couler dans les cavités où l’on ne peut en introduire d’autre.

Voyez l’art du Plâtrier, tome I, page 448.

Du Blanc en bourre.

Dans le pays où le plâtre est rare, on fait les enduits avec une espèce de mortier composé de lait de chaux & de sable fin le plus blanc possible, mêlé de bourre ou poil de bœuf, qui lui donne liaison, ce qu’on appelle communément blanc en bourre.

Ce mortier, appliqué, comme le plâtre, sur les murs, corniches & saillies d’architecture, n’est pas si dur, mais, bien mis en œuvre, ne laisse pas que d’avoir une certaine solidité, & est bien moins sujet à se fendre & se gercer.

De la Chaux.

La chaux est une pierre cuite & calcinée au four, qui, détrempée avec de l’eau, s’échauffe, se dissout, & devient liquide. Cette pierre, étant seule, n’a aucune action ; mais, réunie avec d’autres agens, a la vertu de lier les pierres ensemble, au point de faire un corps solide, & avec le temps, impénétrable à quoi que ce soit.

Si l’on pile, dit Vitruve, des pierres crues, on ne peut rien en faire ; mais si on les fait cuire, on chasse les parties dures & humides qu’elles renferment, elles deviennent poreuses, & en les plongeant dans l’eau, elles se transforment en une pâte liquide qui fait la base du mortier.

La meilleure chaux est blanche, grasse, sonore, & sur-tout point éventée : en l’humectant, elle rend une fumée abondante, & lorsqu’elle est détrempée, elle s’unit fortement au rabot.

On en reconnoît encore la bonté après la cuisson, lorsqu’après l’avoir bien broyée avec de l’eau, on s’apperçoit qu’elle devient gluante comme la colle.

Toutes les pierres sur lesquelles l’eau-forte agit & bouillonne, sont propres à faire de la chaux. Celles qui sont tirées nouvellement des carrières humides & à l’ombre, sont très-bonnes. Les plus dures & les plus pesantes sont les meilleures, le marbre même est préférable. Les coquilles d’huître sont aussi très-bonnes ; mais celle qui, dit Vitruve, est faite de cailloux qu’on trouve sur les montagnes, dans les rivières, les torrens, les ravins, est parfaite.

Il y a dans les montagnes de Padoue, dit Palladio, une espèce de pierre écaillée, dont la chaux est excellente pour les ouvrages aquatiques & hors de terre, parce qu’elle prend vîte & s’endurcit promptement.

Vitruve nous assure que celle que l’on fait avec des pierres dures & spongieuses, est bonne pour les enduits & crépis ; que les pierres poreuses font la chaux tendre, les pierres échauffées font la chaux fragile, les pierres humides font la chaux tenace, & les pierres terreuses font la chaux dure : celle qui est faite avec la pierre de marne, quoique des plus tendres, est néanmoins fort bonne.

Philibert Delorme conseille de faire la chaux avec les mêmes pierres dont on bâtit, parce qu’étant homogènes, dit-il, leurs liaisons se font mieux.

On fait cuire la chaux avec du bois ou du charbon de terre. Ce dernier, plus ardent, a beaucoup plus d’action, cuit plus promptement, & la chaux en est plus grasse & plus onctueuse.

Les fours à chaux sont ordinairement situés & construits au pied & dans l’épaisseur des terrasses. On les fait de différentes formes, mais le plus souvent circulaires, d’environ neuf à dix pieds de diamètre, & de la forme d’un œuf, dont la pointe faisant le sommet, est ouverte pour donner issue à la fumée. On y arrange la pierre à cuire, d’abord en voûte, pour contenir le bois, observant de placer près du foyer les plus grosses, les premières ; ensuite les moyennes ; & après, les petites.

On élève ainsi jusqu’au sommet ; on bouche l’ouverture, & on met le feu, que l’on entretient pendant trente ou trente-six heures que doit durer la cuisson : les fours où l’on emploie le charbon de terre, & même quelques-uns de ceux où l’on emploie le bois, ont leurs foyers percés & évidés par dessous, couverts d’une grille de fer, pour donner de l’air & souffler le feu.

La pierre étant cuite, on la laisse refroidir pour la transporter aux ateliers.

La chaux se vend à Paris 48 à 50 livres le muid de quarante-huit pieds cubes, rendue aux ateliers.

Manière d’éteindre la Chaux.

La qualité de la pierre & sa cuisson contribuent beaucoup à la bonté de la chaux ; mais la manière de l’éteindre peut la lui faire perdre entièrement, si l’on ne prend toutes les précautions nécessaires.

Anciennement on éteignoit la chaux dans les bassins creusés en terre. Après y avoir déposé les pierres cuites, on les couvrait de deux pieds d’épaisseur de sable ; on les arrosoit d’eau, & on les entretenoit abreuvées de manière que la chaux se dissolvoit sans se brûler. S’il se faisoit des ouvertures, on avoit soin de les remplir de nouveau sable, afin que la chaleur demeurât concentrée. Une fois éteinte, on la laissoit deux ou trois ans sans l’employer : cette matière, après ce temps, se convertissoit en une masse semblable à la glaise, mais très-blanche, grasse & glutineuse, au point qu’on n’en pouvoit tirer le rabot qu’avec beaucoup de peine ; ce qui faisoit un mortier d’un excellent usage.

La manière actuelle d’éteindre la chaux, est de la déposer dans un bassin plat d’environ deux pieds de profondeur, rempli d’eau, & de l’y remuer à force de bras & de rabot, jusqu’à ce qu’elle soit bien délayée.

Il faut observer plusieurs choses essentielles : 1°. que le bassin d’extinction ait une ou deux rigoles, communiquant à un ou deux bassins de provision au dessous, & creusés en terre d’environ six, huit ou dix pieds de profondeur, destinés à recevoir la chaux à mesure qu’elle est éteinte ; 2°. que le fond du bassin d’extinction soit plus bas de quelques pouces que celui de la rigole, afin que les corps étrangers s’y déposant, ne puissent couler dans le bassin de provision ; 3°. de faire beaucoup d’attention à la quantité d’eau nécessaire : trop la noie & diminue sa force ; trop peu la brûle, dissout ses parties, & la réduit en cendres.

Toutes les eaux ne sont pas propres à éteindre la chaux.

L’eau bourbeuse & croupie est fort mauvaise, étant composée d’une infinité de corps étrangers, capables d’en diminuer la force.

L’eau de la mer, suivant quelques-uns, n’est pas bonne ou l’est très-peu, parce qu’étant salée, le mortier fait de cette chaux est difficile à sécher ; suivant d’autres, elle fait de bon mortier lorsque la chaux est forte & grasse : on l’emploie aussi avec succès à Dieppe & presque dans tous les ports de France.

L’on trouve assez souvent au fond du bassin, des parties dures & pierreuses, qu’on appelle biscuits : ce sont des pierres mal cuites, qu’il faut mettre à part, & dont le marchand doit tenir compte.

La chaux une fois éteinte, on la laisse refroidir quelques jours, après lesquels on peut l’employer. Quelques-uns prétendent que c’est-là le temps de la mettre en oeuvre, parce que ses sels n’ayant pas eu encore le temps de s’évaporer, elle en est par conséquent meilleure.

Cependant, si l’on juge à propos de la conserver, il faut la couvrir d’un pied ou dix-huit pouces d’épaisseur de bon sable ; alors elle peut se garder trois ou quatre ans sans perdre de sa qualité.

Vitruve & Palladio prétendent que la chaux gardée long-temps dans le bassin, est infiniment meilleure ; & leur raison est que, s’il se trouve des pierres moins cuites ou moins éteintes, elles ont eu le temps de s’éteindre & de se détremper comme les autres, à l’exception néanmoins de celle de Padoue, ajoute ce dernier, qui, lorsqu’elle est gardée, se brûle & se réduit en poussière.

Celle qui est faite avec la marne de Senonches au Perche, durcit fort promptement, même dans le bassin, lorsqu’elle y séjourne quelque temps : le mortier en est excellent pour les ouvrages aquatiques.

Il y a, à Metz & aux environs, de la pierre dure, avec laquelle on fait une excellente chaux qui ne se coule point, & dont le mortier devient si dur, que les meilleurs outils ne peuvent l’entamer : aussi en fait-on des voûtes, sans aucun autre mélange que de gros gravier de rivière.

Des ouvriers, qui n’en connoissoient point la qualité, s’avisèrent de l’éteindre dans des bassins qu’ils couvrirent de sable pour la conserver ; l’année suivante, elle se trouva si dure, qu’ils furent obligés de la rompre à force de coins, & de l’employer comme moellon.

On éteint cette chaux, dit Bélidor, en l’abreuvant d’eau à diverses reprises, après l’avoir couverte de tout le sable qui doit en composer le mortier.

Melun, Corbeil, Senlis, Boulogne & quelques autres, sont les lieux qui fournissent de la chaux à Paris ; Meudon, Ghanville, la Chaussée & les environs de Marli, sont ceux qui fournissent la meilleure, la plus grasse & la plus onctueuse.

Si l’abondance ou la qualité des sels que contiennent certaines pierres, les rendent plus propres que d’autres à faire de bonne chaux, on peut employer des moyens d’en faire d’excellente dans des pays où elle a peu de qualité. Il est nécessaire pour lors que les bassins soient pavés & revêtus de maçonnerie bien enduite dans leur circonférence, afin qu’ils ne puissent perdre aucune partie de l’eau qui sert à l’extinction de la chaux.

On l’éteint & on la coule comme à l’ordinaire ; ensuite on broie bien le tout à force de rabot pendant une heure ou deux, & on la laisse rasseoir à son aise. Le lendemain la matiêre calcaire se trouve déposée au fond du bassin, & la surface est couverte d’une grande quantité d’eau verdâtre, qui contient la plus grande partie des sels dont elle étoit chargée : on recueille cette eau dans des vases ou tonneaux, pour servir à l’extinction d’une nouvelle chaux qui devient par conséquent meilleure, étant composée d’une plus grande abondance de sels.

Cette opération se renouvelle plusieurs fois, jusqu’à ce que la chaux ait acquis la qualité suffisante pour être bonne & onctueuse. Les parties calcaires, demeurées au fond des bassins, ne sont pas tant dépourvues de sels, qu’elles ne puissent encore être employées dans les gros massifs ou autres ouvrages de peu d’importance.

Façons de la Chaux.

On appelle chaux-vive, celle qui bouillonne dans le bassin d’extinction.

Chaux éteinte, celle qui a été détrempée, & que l’on conserve dans les bassins de provision.

Chaux fusée, celle dont les esprits se sont évaporés, pour avoir été trop long-temps exposée à l’air ou à l’humidité avant que d’être éteinte.

Chaux en lait ou lait de chaux, celle qui a été délayée avec beaucoup d’eau, assez ressemblante à du lait, propre à blanchir les murs & plafonds.

Chaux maigre, celle qui, n’étant point onctueuse, contient peu de sels, & ne foisonne point.

Chaux grasse, celle qui forme une pâte onctueuse, & qui contient beaucoup de sels.

Chaux âpre, celle qui contient une grande quantité de sels, comme celles des environs de Metz & de Lyon. Voyez l’art du Chaufournier, tome I de ce Dictionnaire des Arts, pag, 450.

Des excavations des terres & de leurs transports.

On entend par excavation, non-seulement la fouille des terres pour la construction des murs de fondation, mais encore celles qu’il est nécessaire de faire pour dresser & applanir des terrains de cours, avant-cours, basse-cours, terrasses, &c. ainsi que les jardins de ville ou de campagne ; car il n’est guère possible qu’un terrain que l’on choisit pour bâtir, n’ait des inégalités qu’il ne faille redresser pour en rendre l’usage plus agréable & plus commode.

Il y a deux manières de dresser le terrain, l’une qu’on appelle de niveau, & l’autre selon sa pente naturelle ; dans la première on fait usage d’un instrument appelé niveau d’eau, qui facilite le moyen de dresser sa surface dans toute son étendue avec beaucoup de précision ; dans la seconde on n’à besoin que de raser les buttes, & remplir les cavités avec les terres qui en proviennent.

L’excavation des terres, & leur transport, étant des objets très-considérables dans la construction, on peut dire avec vérité que rien ne demande plus d’attention ; si on n’a pas une grande expérience à ce sujet, bien loin de veiller à l’économie, on multiplie la dépense sans s’en appercevoir ; ici parce qu’on est obligé de rapporter des terres par de longs circuits, pour n’en avoir pas assez amassé avant que d’élever des murs de maçonnerie ou de terrasse ; là, parce qu’il s’en trouve une trop grande quantité, qu’on est obligé de transporter ailleurs, quelquefois même auprès de l’endroit d’où on les avoit tirées : de manière que ces terres au lieu de n’avoir été remuées qu’une fois, le sont deux, trois, & quelquefois plus, ce qui augmente beaucoup la dépense ; & il arrive souvent que si on n’a pas bien pris ses précautions, lorsque les fouilles & les fondations sont faites, on a dépensé la somme que l’on s’étoit proposée pour l’ouvrage entier.

La qualité du terrain que l’on fouille, l’éloignement du transport des terres, la vigilance des inspecteurs & des ouvriers qui y sont employés, la connaissance du prix de leurs journées, la provision suffisante des outils dont ils ont le soin, leur entretien, les relais, le soin d’appliquer la force, ou la diligence des hommes aux ouvrages plus ou moins pénibles, & la saison où l’on fait ces sortes d’ouvrages, sont autant de considérations qui exigent une intelligence consommée, pour remédier à toutes les difficultés qui peuvent se rencontrer dans l’exécution.

C’est-là ordinairement ce qui fait la science & le bon ordre de cette partie, ce qui détermine la dépense d’un bâtiment, & le temps qu’il faut pour l’élever. Par la négligence de ces différentes observations & le désir d’aller plus vîte, il résulte souvent plusieurs inconvéniens.

On commence d’abord par fouiller une partie du terrain, sur laquelle on construit ; alors l’atelier se trouve surchargé d’équipages & d’ouvriers de différentes espèces, qui exigent chacun un ordre particulier. D’ailleurs, ces ouvriers, quelquefois en grand nombre, appartenant à plusieurs entrepreneurs, dont les intérêts sont différens, se nuisent les uns aux autres, & par conséquent aussi à l’accélération des ouvrages.

Un autre inconvénient est, que les fouilles & les fondations étant faites en des temps & des saisons différentes, il arrive que toutes les parties d’un bâtiment où l’on a préféré la diligence à la solidité, ayant été bâties à diverses reprises, s’affaissent inégalement, & engendrent des sur-plombs, lézardes, &c.

Le moyen d’user d’économie à l’égard du transport des terres, est non-seulement de les transporter le moins loin qu’il est possible, mais encore d’user des charrois les plus convenables ; ce qui doit en décider, est la rareté des hommes, des bêtes de somme ou de voiture, le prix des fourrages, la situation des lieux, & d’autres circonstances encore que l’on ne sauroit prévoir ; car lorsqu’il y a trop loin, les hottes, brouettes, bauveaux, ne peuvent servir.

Lorsque l’on bâtit sur une demi-côte, les tombereaux ne peuvent être mis en usage, à moins que, lorsqu’il s’agit d’un bâtiment de quelque importance, on ne pratique des chemins en zigzag pour adoucir les pentes.

Cependant la meilleure manière, lorsqu’il y a loin, est de se servir des tombereaux qui contiennent environ dix à douze pieds cubes de terre chacun ; ce qui coûte beaucoup moins, & est beaucoup plus prompt que si l’on employoit dix ou douze hommes avec des hottes ou brouettes, qui ne contiennent guère chacune qu’un pied cube.

Il faut observer de payer les ouvriers préférablement à la toise, tant pour éviter les détails embarrassans que parce qu’ils vont beaucoup plus vîte, les ouvrages traînent moins en longueur, & les fouilles peuvent se trouver faites de manière à pouvoir élever des fondement hors de terre avant l’hiver.

Lorsque l’on aura beaucoup de terre à remuer, il faudra obliger les entrepreneurs à laisser des témoins ou mottes de terre de la hauteur du terrain, sur le tas jusqu’à la fin des travaux, afin qu’ils puissent servir à toiser les surcharges & vidanges des terres que l’on aura été obligé d’apporter ou d’enlever, selon les circonstances.

Les fouilles pour les fondations des bâtimens se font de deux manières : l’une dans toute leur étendue, c’est-à-dire, dans l’intérieur de leurs murs de face : lorsqu’on a dessein de faire des caves souterraines, aqueducs, &c. on fait enlever généralement toutes les terres jusqu’au bon terrain : l’autre seulement par partie, lorsque n’ayant besoin ni de l’un ni de l’autre, on fait seulement des tranchées, de l’épaisseur des murs qu’il s’agit de fonder, que l’on trace au cordeau sur le terrain, & que l’on marque avec des repaires.

Des différentes espèces de terrains.

Quoique la diversité des terrains soit très-grande, on peut néanmois la réduire à trois espèces principales ; la première est celle de tuf ou de roc, que l’on connoît facilement par la dureté, & pour lesquels on est obligé d’employer le pic, l’aiguille, le coin, la masse, & quelquefois la mine : c’est une pierre dont il faut prendre garde à la qualité.

Lorsqu’on emploie la mine pour la tirer, on se sert d’abord d’une aiguille qu’on appelle ordinairement trépan, bien acéré par un bout, & de six à sept pieds de longueur, manœuvré par deux hommes, avec lequel on fait un trou de quatre ou cinq pieds de profondeur, capable de contenir une certaine quantité de poudre.

Cette mine chargée, on bouche le trou d’un tampon chassé à force, pour faire faire plus d’effet à la poudre ; on y met ensuite le feu par le moyen d’un morceau d’amadou, afin de donner le temps aux ouvriers de s’éloigner ; la mine ayant ébranlé & écarté les pierres, on en fait le déblai, & on recommence l’opération toutes les fois qu’il est nécessaire.

La seconde est celle de rocaille ou de sable, pour lesquels on n’a besoin que du pic & de la pioche.

L’une, dit M. Bélidor, n’est autre chose qu’une pierre morte mêlée de terre, qu’il est beaucoup plus difficile de fouiller que les autres ; aussi le prix en est-il à-peu près du double.

L’autre se divise en deux espèces ; l’une qu’on appelle sable ferme, sur lequel on peut fonder solidement ; l’autre sable mouvant, sur lequel on ne peut fonder qu’en prenant des précautions contre les accidens qui pourroient arriver.

On les distingue ordinairement par la terre que l’on retire d’une sonde de fer, dont le bout est fait en tarière, & avec laquelle on a percé le terrain. Si la sonde résiste & a de la peine à entrer, c’est une marque que le sable est dur ; si au contraire elle entre facilement, c’est une marque que le sable est mouvant. Il ne faut pas confondre ce dernier avec le sable bouillant, appelé ainsi parce qu’il en sort de l’eau lorsque l’on marche dessus, puisqu’il arrive souvent que l’on peut fonder dessus très-solidement, comme on le verra dans la suite.

La troisième est de terres franches, qui se divise en deux espèces ; les unes, que l’on appelle terres hors d’eau, se tirent & se transportent sans difficultés ; les autres, qu’on appelle terres dans l’eau, coûtent souvent beaucoup, par les peines que l’on a de détourner les sources, ou par les épuisemens que l’on est obligé de faire.

Il y en a de quatre sortes, la terre ordinaire, la terre grasse, la terre glaise, & la terre de tourbe.

La première se trouve dans tous les lieux secs & élevés.

La seconde, que l’on tire des lieux bas & profonds, est le plus souvent composée de vase & de limon qui n’ont aucune solidité.

La troisième, qui se tire indifféremment des lieux bas & élevés, peut recevoir des fondemens solides, sur-tout lorsqu’elle est ferme, que son banc a beaucoup d’épaisseur, & qu’elle est par-tout d’une égale consistance.

La quatrième est une terre grasse, noire & bitumineuse, qui se tire des lieux aquatiques & marécageux, & qui étant sèche se consume au feu.

On ne peut fonder solidement sur un pareil terrain, sans le secours de l’art & sans des précautions que l’on connoîtra par la suite.

Une chose très-essentielle, lorsque l’on voudra connoître parfaitement un terrain, est de consulter les gens du pays : l’usage & le travail continuel qu’ils ont fait depuis long-temps dans les mêmes endroits, leur ont fait faire des remarques & des observations dont il est bon de prendre connoissance.

La solidité d’un terrain, dit Vitruve, se connoît par les environs, soit par les herbes qui en naissent, soit par des puits, citernes, ou par des trous de sonde.

Une autre preuve encore de sa solidité, est lorsque laissant tomber de fort haut un corps très-pesant, on s’apperçoit qu’il ne résonne ni ne tremble ; ce que l’on peut juger par un tambour placé près de l’endroit où doit tomber ce corps, ou un vase plein d’eau dont le calme n’en est pas troublé.

Mais avant que d’entrer dans des détails circonstariciés sur la manière de fonder dans les différens terrains, nous dirons quelque chose de la manière de planter les bâtimens.

Disposition des bâtimens.

L’expérience & la connoissance de la géométrie, sont des choses également nécessaires pour cet objet ; c’est par le moyen de cette derniere, que l’on peut tracer sur le terrain les tranchées des fondations d’un bâtiment, qu’on aura soin de placer d’alignement aux principaux points de vue qui en embellissent l’aspect : cette observation est si essentielle, qu’il y a des occasions où il seroit mieux de préférer les alignemens directs des principales issues, à l’obliquité de la situation du bâtiment.

Il faut observer de donner des dessins aux traits, les coter bien exactement, marquer l’ouverture des angles, supprimer les saillies au dessus des fondations, exprimer les empatemens nécessaires pour le retour des corps saillans ou rentrans, intérieurs ou extérieurs, & prendre garde que les mesures particulières s’accordent avec les mesures générales.

Alors, pour faciliter les opérations sur le terrain, on place, à quelque distance des murs de face, des pièces de bois bien écarries, que l’on enfonce assez avant dans la terre, & qui servent à recevoir des cordeaux bien tendus, pour marquer l’épaisseur des murs, & la hauteur des assises. On aura soin de les entretenir par des espèces d’entre-toises, non-seulement pour les rendre plus fermes, mais afin qu’ils puissent aussi entretenir les cordeaux à demeure tels qu’on les a placés, selon les cotes du plan.

Il ne sera pas inutile encore, lorsque les fondations seront hors de terre, de recommencer les opérations d’alignement, afin que les dernières puissent servir de preuves aux premières, & par-là s’assurer de ne s’être point trompé.

Des fondemens en général.

Les fondemens exigent beaucoup d’attention pour parvenir à leur donner une solidité convenable. C’est ordinairement de-là que dépend tout le succès de la construction : car, dit Palladio, les fondemens étant la base & le pied du bâtiment, ils sont difficiles à réparer ; & lorsqu’ils se détruisent, le reste du mur ne peut plus subsister.

Avant que de fonder, il faut considérer si le terrain est solide : s’il ne l’est pas, il faudra peut-être fouiller un peu dans le sable ou dans la glaise, & suppléer ensuite au défaut de la nature par le secours de l’art. Mais, dit Vitruve, il faut fouiller autant qu’il est nécessaire jusqu’au bon terrain, afin de soutenir la pesanteur des murs, bâtir ensuite le plus solidement qu’il sera possible, & avec la pierre la plus dure ; mais avec plus de largeur qu’au rez-de-chaussée. Si ces murs ont des voûtes sous terre, il leur faudra donner encore plus d’épaisseur.

Il faut avoir soin, dit encore Palladio, que le plan de la tranchée soit de niveau, que le milieu du mur soit au-milieu de la fondation, & bien perpendiculaire, & observer cette méthode jusqu’au faîte du bâtiment ; lorsqu’il y a des caves ou souterrains, qu’il n’y ait aucune partie du mur ou colonne qui porte à faux, que le plein porte toujours sur le plein, & jamais sur le vuide, & cela afin que le bâtiment puisse tasser bien également. Cependant, dit-il, si on vouloit les faire à-plomb, ce ne pourroit être que d’un côté, & dans l’intérieur du bâtiment, étant entretenues par les murs de refend & par les planchers.

L’empattement d’un mur que Vitruve appelle stéréobate, doit, selon lui, avoir la moitié de son épaisseur. Palladio donne aux murs de fondation le double de leur épaisseur supérieure ; & lorsqu’il n’y a point de cave, la sixième partie de leur hauteur : Scamozzi leur donne le quart au plus, & le sixième au moins ; quoiqu’aux fondations des tours, il leur ait donné trois fois l’épaisseur des murs supérieurs. Philibert de Lorme, qui semble être fondé sur le sentiment de Vitruve, leur donne aussi la moitié ; les Mansard aux Invalides & à Maisons, leur ont donné la moitié ; Bruant à l’hôtel de Belle-Isle, leur a donné les deux tiers.

En général, l’épaisseur des fondemens doit se régler, comme dit Palladio, sur leur profondeur, la hauteur des murs, la qualité du terrain, & celle des matériaux que l’on y emploie ; c’est pourquoi n’étant pas possible d’en régler au juste l’épaisseur, c’est, ajoute cet auteur, à un habile architecte qu’il convient d’en juger.

Lorsque l’on veut, dit-il ailleurs, ménager la dépense des excavations & des fondemens, on pratique des piles que l’on pose sur le bon fond, & sur lesquelles on bande des arcs ; il faut faire attention alors de faire celle des extrémités plus fortes que celles du milieu, parce que tous ces arcs, appuyés les uns contre les autres, tendent à pousser les plus éloignés ; & c’est ce que Philibert de Lorme a pratiqué au château de Saint-Maur, lorsqu’en fouillant pour poser les fondations de ce château, il trouva des terres rapportées de plus de quarante pieds de profondeur.

Il se contenta alors de faire des fouilles d’un diamètre convenable à l’épaisseur des murs, & fit élever sur le bon terrain des piles éloignées les unes des autres d’environ douze pieds, sur lesquelles il fit bander des arcs en plein ceintre, & ensuite bâtir dessus comme à l’ordinaire.

Léon Baptiste Alberti, Scamozzi, & plusieurs autres, proposent de fonder de cette manière dans les édifices où il y a beaucoup de colonnes, afin d’éviter la dépense des fondemens & des fouilles au dessous des entre-colonnemens ; mais ils conseillent en même temps de renverser les arcs, de manière que leurs extrados soient poses sur le terrain, ou sur d’autres arcs bandés en sens contraire, parce que, disent-ils, le terrain où l’on fonde pouvant se trouver d’inégale consistance, il est à craindre que, dans la suite, quelque pile venant à s’affaisser, ne causât une rupture considérable aux arcades, & par conséquent aux murs élevés dessus.

Ainsi, par ce moyen, si une des piles devient moins assurée que les autres, elle se trouve alors arcboutée par des arcades voisines, qui ne peuvent céder étant appuyées sur les terres qui sont dessous.

Il faut encore observer, dit Palladio, de donner de l’air aux fondations des bâtimens par des ouvertures qui se communiquent ; d’en fortifier tous les angles, d’éviter de placer trop près d’eux des portes & des croisées, étant autant de vides qui en diminuent la solidité.

Il arrive souvent, dit M. Bélidor, que lorsque l’on vient à fonder, on rencontre des sources qui nuisent souvent beaucoup aux travaux. Quelques-uns prétendent les éteindre en jetant dessus de la chaux vive mêlée de cendre ; d’autres remplissent, disent-ils, de vif-argent les trous par où elles sortent, afin que son poids les oblige à prendre un autre cours.

Ces expédiens étant fort douteux, il vaut beaucoup mieux prendre le parti de faire un puits au-delà de la tranchée, & d’y conduire les eaux par des rigoles de bois ou de briques couvertes de pierres plates, & les élever ensuite avec des machines : par ce moyen on pourra travailler à sec.

Néanmoins, pour empêcher que les sources ne nuisent dans la suite aux fondemens, il est bon de pratiquer dans la maçonnerie des espèces de petits aqueducs, qui leur donnent un libre cours.

Des fondemens sur un bon terrain.

Lorsque l’on veut sonder sur un terrain solide, il ne se trouve pas alors beaucoup de difficultés à surmonter ; on commence d’abord par préparer le terrain, comme nous l’avons vu précédemment, en faisant des tranchées de la profondeur & de la largeur que l’on veut faire les fondations.

On passe ensuite dessus une assise de gros libages, ou quartiers de pierres plates à bain de mortier ; quoique beaucoup de gens les posent à sec, ne garnissant de mortier que leurs joints. Sur cette première assise, on en élève d’autres en liaison à carreau & boutisse alternativement.

Le milieu du mur se remplit de moellon mêlé de mortier : lorsque ce moellon est brut, on en garnit les interstices avec d’autres plus petits que l’on enfonce bien avant dans les joints, & avec lesquels on arrose les lits.

On continue de même pour les autres assises, observant de conduire l’ouvrage toujours de niveau dans toute sa longueur, & des retraites ; on talude en diminuant jusqu’à l’épaisseur du mur au rez-de-chaussée.

Quoique le bon terrain se trouve le plus souvent dans les lieux élevés, il arrive cependant qu’il s’en trouve d’excellens dans les lieux aquatiques & profonds, & sur lesquels on peut fonder solidement, & avec confiance ; tels que ceux de gravier, de marne, de glaise, & quelquefois même sur le sable bouillant, en s’y conduisant cependant avec beaucoup de prudence & d’adresse.

Des fondemens sur le roc.

Quoique les fondemens sur le roc paraissent les plus faciles à faire par la solidité du fond, il n’en faut pas pour cela prendre moins de précautions. C’est, dit Vitruve, de tous les fondemens les plus solides, parce qu’ils sont déja fondés par le roc même. Ceux qui se font sur le tuf & la seareute, ne le sont pas moins, dit Palladio, parce que ces terrains sont naturellement fondés eux-mêmes.

Avant que de commencer à fonder sur le roc, il faut, avec le secours de la sonde, s’assurer de la solidité, & s’il ne se trouveroit pas dessous quelque cavité qui, par le peu d’épaisseur qu’elle laisseroit au roc, ne permettroit pas d’élever dessus un poids considérable de maçonnerie ; alors il faudroit placer dans ces cavités des piliers de distances à autres, & bander des arcs pour soutenir le fardeau que l’on veut élever, & par-là éviter ce qui est arrivé en bâtissant le Val-de-Grace, où, lorsqu’on eut trouvé le roc, on crut y asseoir solidement les fondations, mais le poids fit fléchir le ciel d’une carrière qui anciennement avoit été fouillée dans cet endroit ; de sorte qu’on fut obligé de percer ce roc, & d’établir par dessous œuvre dans la carrière des piliers pour soutenir l’édifice.

Il est arrivé une chose à peu près semblable à Abbeville, lorsque l’on eut élevé les fondemens de la manufacture de Vanrobais. Ce fait est rapporté par M. Briseux, dans son traité des maisons de campagne, & par M. Blondel, dans son architecture françoise. Ce bâtiment étant fondé dans sa totalité, il s’enfonça également d’environ six pieds en terre : ce fait parut surprenant, & donna occasion de chercher le sujet d’un événement si subit & si général. L’on découvrit enfin, que le même jour on avoit achevé de percer un puits aux environs, & que cette ouverture ayant donné de l’air aux sources, avoit donné lieu au bâtiment de s’affaisser. Alors on se détermina à le combler, ce que l’on ne put faire malgré la quantité de matériaux que l’on y jeta ; de manière que l’on fut obligé d’y enfoncer un rouet de charpente de la largeur du puits, & qui n’étoit point percé à jour. Lorsqu’il fut descendu jusqu’au fond, on jeta dessus de nouveaux matériaux jusqu’à ce qu’il fût comblé : mais en le remplissant, on s’apperçut qu’il y en étoit entré une bien plus grande quantité qu’il ne sembloit pouvoir en contenir. Cependant, lorsque cette opération fut finie, on continua le bâtiment avec succès, & il subsiste encore aujourd’hui.

Jean-Baptiste Alberti & Philibert de Lorme, rapportent qu’ils se sont trouvés en pareil cas dans d’autres circonstances.

Lorsque l’on sera assuré de la solidité du roc, & que l’on voudra bâtir dessus, il faudra y pratiquer des assises par ressauts, en montant ou descendant, selon la forme du roc, leur donnant le plus d’assiette qu’il est possible.

Si le roc est trop uni, & qu’il soit à craindre que le mortier ne puisse pas s’agraffer & faire bonne liaison, on aura soin d’en piquer les lits avec le têtu, ainsi que celui des pierres qu’on posera dessus, afin que cet agent entrant en plus grande quantité dans ces cavités, puisse consolider cette nouvelle construction.

Lorsque l’on y adossera de la maçonnerie, on pourra réduire les murs à une moindre épaisseur, en pratiquant toujours des arrachemens piqués dans leurs lits, pour recevoir les harpes des pierres.

Lorsque la surface du roc est très-inégale, on peut s’éviter la peine de le tailler, en employant toutes les menues pierres qui embarrassent l’âtelier, & qui avec le mortier remplissent très-bien les inégalités du roc.

Cette construction étoit très-estimée des anciens, & souvent préférée dans la plupart des bâtimens. M. Bélidor en fait beaucoup de cas, & prétend que lorsqu’elle s’est une fois endurcie, elle forme une masse plus solide & plus dure que le marbre ; & que par conséquent elle ne peut jamais s’affaisser, malgré les poids inégaux dont elle peut être chargée, ou les parties de terrains plus ou moins solides sur lesquels elle est posée.

Ces sortes de fondemens sont appelés pierrées, & se font de cette manière.

Après avoir creusé le roc d’environ sept à huit pouces, on borde les alignemens des deux côtés de l’épaisseur des fondemens, avec des cloisons de charpente, ensorte qu’elles composent des coffres dont les bords supérieurs doivent être posés le plus horizontalement qu’il est possible ; les bords inférieurs, suivant les inégalités du roc.

On amasse ensuite une grande quantité de menues pierres, en y mêlant si l’on veut les décombres du roc, lorsqu’ils sont de bonne qualité, que l’on corroie avec du mortier, & dont on fait plusieurs tas.

Le lendemain ou le surlendemain au plus tard, les uns le posent immédiatement sur le roc, & en remplissent les coffres sans interruption dans toute leur étendue, tandis que les autres le battent également par-tout avec la damoiselle, à mesure que la maçonnerie s’élève ; mais sur-tout dans le commencement, afin que le mortier & les pierres s’insinuent plus facilement dans les sinuosités du roc. Lorsqu’elle est suffisamment sèche, & qu’elle a déja une certaine solidité, on détache les cloisons pour s’en servir ailleurs.

Cependant, lorsque l’on est obligé de faire des ressauts en montant ou en descendant, on soutient la maçonnerie par les côtés avec d’autres cloisons ; & de cette manière, on surmonte le roc jusqu’à environ trois ou quatre pieds de hauteur, selon le besoin ; ensuite on pose d’autres fondemens à assises égales, sur lesquels on élève des murs à l’ordinaire.

Lorsque le roc est fort escarpé & que l’on veut éviter les remblais derrière les fondemens, on se contente quelquefois d’établir une seule cloison sur le devant pour soutenir la maçonnerie, & on remplit ensuite cet intervalle de pierrée comme auparavant.

La hauteur des fondemens étant établie, & arrasée convenablement dans toute l’étendue que l’on a embrassée, on continue la même chose en prolongeant,observant toujours de faire obliques les extrémités de la maçonnerie déja faite, jeter de l’eau dessus, & bien battre la nouvelle, afin de les mieux lier ensemble.

Une pareille maçonnerie faite avec de bonne chaux, dit M. Bélidor, est la plus excellente & la plus commode que l’on puisse faire.

Lorsque l’on est dans un pays où la pierre dure est rare, on peut, ajoute le même auteur, faire les soubassemens des gros murs de cette manière, avec de bonne chaux s’il est possible, qui, à la vérité, renchérit l’ouvrage par la quantité qu’il en faut ; mais l’économie, dit-il encore, ne doit pas avoir lieu lorsqu’il s’agit d’un ouvrage de quelque importance.

Cependant, tout bien considéré, cette maçonnerie coûte moins qu’en pierre de taille ; ses paremens ne sont pas agréables à la vue à cause de leurs inégalités ; mais il est facile d’y remédier, comme nous allons le voir.

Avant que de construire on fait de deux espèces de mortier ; l’un mêlé de gravier, & l’autre, comme nous l’avons dit, de menues pierres. Si on se trouvoit dans un pays où il y eût de deux espèces de chaux, la meilleure serviroit pour celui de gravier, & l’autre pour celui des menues pierres.

On commence par jeter un lit de mortier fin dans le fond du coffre, s’agraffant mieux que l’autre sur le roc ; ensuite, d’une quantité d’ouvriers employés à cela, les uns jettent le mortier fin de part & d’autre sur les bords intérieurs du coffre qui soutiennent les paremens ; d’autres remplissent le milieu de pierrée, tandis que d’autres encore le battent.

Si cette opération est faite avec soin, le mortier fin se liant avec celui du milieu, formera un parement uni, qui, en se durcissant, deviendra avec le temps plus dur que la pierre, & fera le même effet : on pourra même quelque temps après, si on juge à propos, y figurer des joints.

Il est cependant beaucoup mieux, disent quelques-uns, d’employer la pierre ou le libage, s’il est possible, sur-tout pour les murs de face, de refend ou de pignons ; & faire, si l’on veut, les remplissages en moellon à bain de mortier, lorsque le roc est d’inégale hauteur dans toute l’étendue du bâtiment.

On peut encore, par économie ou autrement, lorsque les fondations ont beaucoup de hauteur, pratiquer des arcades, dont une retombée pose quelquefois d’un côté sur le roc, & de l’autre sur un pied-droit ou massif, posé sur un bon terrain battu & affermi, ou sur lequel on a placé des plates-formes.

Mais alors il faut que ces pierres qui composent ce massif, soient posées sans mortier, & que leurs surfaces aient été frottées les unes sur les autres avec l’eau & le grès, jusqu’à ce qu’elles se touchent dans toutes leurs parties ; & cela jusqu’à la hauteur du roc ; & si on emploie le mortier pour les joindre ensemble, il faut lui donner le temps nécessaire pour sécher, afin que d’un côté ce massif ne soit pas sujet à tasser, tandis que du côté du roc il ne tassera pas.

Il ne faut pas cependant négliger de remplir de mortier les joints que forment les extrémités des pierres ensemble & avec le roc, parce qu’ils ne sont pas sujets au tassement, & que c’est la seule liaison qui puisse les entretenir.

Des fondemens sur la glaise.

Quoique la glaise ait l’avantage de retenir les sources au dessus & au dessous d’elle, de sorte qu’on n’en est point incommodé pendant la bâtisse, cependant elle est sujette à de très grands insonvéniens.

Il faut éviter, autant qu’il est possible, de fonder dessus, & prendre le parti de l’enlever, à moins que son banc ne se trouvât d’une épaisseur si considérable, qu’il ne fût pas possible de l’enlever sans beaucoup de dépense, & qu’il ne se trouvât dessous un terrain encore plus mauvais, qui obligeroit d’employer des pieux d’une longueur trop considérable pour atteindre le bon fond ; alors il faut tourmenter la glaise le moins qu’il est possible, raison pour laquelle on ne peut se servir de pilotis ; l’expérience ayant appris qu’en enfonçant un pilot à une des extrémités de la fondation, où l’on se croyoit assuré d’avoir trouvé de bon fond, on s’appercevoit qu’en en enfonçant un autre à l’autre extrémité, le premier s’élançoit en l’air avec violence.

La glaise étant très-visqueuse, & n’ayant pas la force d’agraffer les parties du pilot, le défichoit à mesure qu’on l’enfonçoit ; ce qui fait qu’on prend le parti de creuser le moins qu’il est possible, & de niveau dans l’épaisseur de la glaise ; on y pose ensuite un grillage de charpente, d’un pied ou deux plus large que les fondemens, pour lui donner plus d’empattement, assemblé avec des longrines & des traversines, de neuf ou dix pouces de grosseur, qui se croisent, & qui laissent des intervalles ou cellules que l’on remplit ensuite de briques, de moellon ou de cailloux à bain de mortier, sur lequel on pose des madriers, bien attachés dessus avec des chevilles de fer à têtes perdues ; ensuite on élève la maçonnerie à assises égales dans toute l’étendue du bâtiment, afin que le terrain s’affaisse également par-tout.

Lorsqu’il s’agit d’un bâtiment de peu d’importance, on se contente quelquefois de poser les premières assises sur un terrain ferme, & lié par des racines & des herbes qui en occupent la totalité, & qui se trouvent ordinairement de trois ou quatre pieds d’épaisseur posés sur la glaise.

Des fondemens sur le sable.

Le sable se divise en deux espèces ; l’une, qu’on appelle sable ferme, est sans difficulté le meilleur, & celui sur lequel on peut fonder solidement & avec facilité ; l’autre, qu’on appelle sable bouillant, est celui sur lequel on ne peut fonder sans prendre les précautions suivantes.

On commence d’abord par tracer les alignemens sur le terrain, amasser près de l’endroit où l’on veut bâtir, les matériaux nécessaires à la construction, & ne fouiller de terre que pour ce que l’on peut faire de maçonnerie pendant un jour ; poser ensuite sur le fond, le plus diligemment qu’il est possible, une assise de gros libages ou de pierres plates, sur laquelle on en pose une autre en liaison, & à joint recouvert avec de bon mortier ; sur cette dernière on en pose une troisième de la même manière, & ainsi de suite, le plus promptement que l’on peut, afin d’empêcher les sources d’inonder le travail, comme cela arrive ordinairement.

Si l’on voyoit quelquefois les premières assises flotter, & paraître ne pas prendre une bonne consistance, il ne faudrait pas s’épouvanter, ni craindre pour la solidité de la maçonnerie, mais au contraire continuer sans s’inquiéter de ce qui arrivera ; & quelque temps après, on s’appercevra que la maçonnerie s’affermira comme si elle avoit été placée sur un terrain bien solide.

On peut ensuite élever les murs, sans craindre jamais que les fondemens s’affaissent davantage.

Il faut sur-tout faire attention de ne pas creuser autour de la maçonnerie, de peur de donner de l’air à quelques sources, & d’y attirer l’eau, qui pourroit faire beaucoup de tort aux fondemens. Cette manière de fonder est d’un grand usage en Flandre, principalement pour les fortifications.

Il se trouve à Béthune, â Arras, & en quelques autres endroits aux environs, un terrain tourbeux, qu’il est nécessaire de connoître pour y fonder solidement. Dès que l’on creuse un peu dans ce terrain, il en sort une quantité d’eau si prodigieuse, qu’il est impossible d’y sonder sans qu’il en coûte beaucoup pour les épuisemens.

Après avoir employé une infinité de moyens, on a enfin trouvé que le plus court & le meilleur étoit de creuser le moins qu’il est possible, & de poser hardiment les fondations, employant les meilleurs matériaux que l’on peut trouver.

Cette maçonnerie ainsi faite, s’affermit de plus en plus, sans être sujette à aucun danger.

Lorsque l’on se trouve dans de semblables terrains que l’on ne connoît pas, il faut les sonder un peu éloignés de l’endroit où l’on veut bâtir, afin que si l’on venoit à fonder trop avant & qu’il en sortît une source d’eau, elle ne pût incommoder pendant ses ouvrages.

Si quelquefois on emploie la maçonnerie de pierrée, dit M. Bélidor, ce devroit être principalement dans ce cas ; car étant d’une prompte exécution, & toutes ses parties faisant une bonne liaison, sur-tout lorsqu’elle est faite avec de la pozzolane, de la cendrée de Tournay, ou de la terrasse de Hollande, elle fait un massif ou une espèce de banc, qui, ayant reçu deux pieds ou deux pieds & demi d’épaisseur, est si solide, que l’on peut fonder dessus avec confiance.

Cependant, lorsque l’on est obligé d’en faire usage, il faut donner plus d’empattement à la fondation, afin que, comprenant plus de terrain, elle en ait aussi plus de solidité.

On peut encore fonder d’une manière différente de ces dernières, & qu’on appelle par coffre : on l’emploie dans les terrains peu solides, & où il est nécessaire de se garantir des éboulemens & des sources.

On commence d’abord par faire une tranchée d’environ quatre ou cinq pieds de long, & qui ait de largeur l’épaisseur des murs. On applique sur le bord des terres, pour les soutenir, des madriers d’environ deux pouces d’épaisseur, soutenus à leur tour de distance, en distance par des pièces de bois en travers, qui servent d’étresillons.

Ces coffres étant faits, on ses remplit de bonne maçonnerie, & on ôte ses étresillons à mesure que les madriers sc trouvent appuyés par la maçonnerie ; ensuite on en fait d’autres semblables à côté, dont l’abondance plus ou moins grande des sources doit déterminer les dimensions, pour n’en être pas incommodé.

Cependant, s’il arrivoit, comme cela sc peut, que les sources eussent assez de force pour pousser fans qu’on pût les en empêcher, malgré toutes les précautions que l’on auroit pu prendre, il faut, selon quelques-uns, avoir recours à de la chaux vive & sortant du four, que l’on jette promptement dessus, avec du moellon ou libage, mêlé ensuite de mortier ; & par ce moyen on bouche la source, & on l’oblige de prendre un autre cours, sans quoi on se trouverait inondé de toutes parts, & on ne pourroit alors fonder sans épuisement.

Lorsque l’on a fait trois ou quatre coffres, & que la maçonnerie des premiers est un peu ferme, on peut ôter les madriers qui servoient à la soutenir, pour s’en servir ailleurs ; mais si on ne pouvoit les retirer sans donner jour à quelques sources, il seroit mieux alors de les abandonner.

Lorsque l’on veut fonder dans l’eau, & qu’on ne peut faire des épuisemens, comme dans de grands lacs, bras de mer, &c. ; si c’est dans le fond de la mer, on profite du temps que la marée est basse, pour unir le terrain, planter les repaires, & faire les alignemens nécessaires. On doit comprendre pour cela non-seulement le terrain de la grandeur du bâtiment, mais encore beaucoup au-delà, afin qu’il y ait autour des murailles, une berme assez grande pour en assurer davantage le pied ; on emplit ensuite une certaine quantité de bateaux des matériaux nécessaires, & ayant choisi le temps le plus commode, on commence par jeter un lit de cailloux, de pierres ou de moellons, tels qu’ils sortent de la carrière, sur lesquels on fait un autre lit de chaux, mêlé de pozzolane, de cendrée de Tournay, ou de terrasse de Hollande.

Il faut avoir soin de placer les plus grosses pierres sur les bords, & leur donner un talud de deux fois leur hauteur ; ensuite on fait un second lit de moellon ou de cailloux, que l’on couvre encore de chaux & de pozzolane comme auparavant, & alternativement un lit de l’un & un lit de l’autre.

Par la propriété de ces différentes poudres, il se forme aussitôt un mastic qui rend cette maçonnerie indissoluble, & aussi solide qui si elle avoit eté faite avec beaucoup de précaution ; car quoique la grandeur des eaux & les crues de la mer empêchent qu’on ne puisse travailler de suite, cependant on peut continuer par reprises, sans que cela fasse aucun tort aux ouvrages.

Lorsque l’on aura élevé cette maçonnerie au dessus des eaux, ou au rez-de-chaussée, on peut la laisser pendant quelques années à l’épreuve des inconvéniens de la mer en la chargeant de tous les matériaux nécessaires à la construction de l’édifice, afin qu’en lui donnant tout le poids qu’elle pourra jamais porter, elle s’affaisse également & suffisamment par-tout.

Lorsqu’au bout d’un temps on s’apperçoit qu’il n’est arrivé aucun accident considérable à ce massif, on peut placer un grillage de charpente, & bâtir ensuite dessus avec solidité, sans craindre de faire une mauvaise construction.

Il seroit encore mieux, si l’on pouvoit, de battre des pilots autour de la maçonnerie, & de former un bon empâtement, qui garantirait le pied des dégradations qui pourroient arriver dans la suite.

On peut encore fonder dans l’eau d’une autre manière, en se servant de caissons, qui ne sont autre chose qu’un assemblage de charpente & madriers bien calfatés, dans l’intérieur desquels l’eau ne sauroit entrer, & dont la hauteur est proportionnée à la profondeur de l’eau où ils doivent être posés, en observant de les faire un peu plus hauts, afin que les ouvriers ne soient point incommodés des eaux.

On commence par les placer & les arranger d’alignement dans l’endroit où l’on veut fonder ; on les attache avec des cables qui passent dans des anneaux de fer attachés dessus ; quand ils sont ainsi préparés, on les remplit de bonne maçonnerie.

A mesure que les ouvrages avancent, leur propre poids les fait enfoncer jusqu’au fond de l’eau ; & lorsque la profondeur est considérable, on augmente leur hauteur avec des hausses, à mesure qu’elles approchent du fond : cette manière est très en usage, d’une grande utilité, & très-solide.

Des fondemens sur pilotis.

Il arrive quelquefois qu’un terrain ne se trouvant pas assez bon pour fonder solidement, & que voulant creuser davantage, on le trouve au contraire encore plus mauvais : alors il est mieux de creuser le moins que l’on pourra, & poser dessus un grillage de charpente, assemblé comme nous l’avons vu précédemment, sur lequel on pose quelquefois aussi un plancher de madriers ; mais ce plancher ne paraissant pas toujours nécessaire, on se contente quelquefois d'élever la maçonnerie sur ce grillage, observant d’en faire les paremens en pierre jusqu’au rez-de-chaussée, & plus haut, si l’ouvrage étoit de quelque importance.

Il est bon de faire régner autour des fondations sur le bord des grillages, des heurtoirs ou espèces de pilots, enfoncés dans la terre au refus du mouton, pour empêcher le pied de la fondation de glisser, principalement lorsqu’il est posé sur un plancher de madriers, & par-là prévenir ce qui est arrivé un jour à Bergue-Saint-Vinox, où le terrain s’étant trouvé très-mauvais, une partie considérable du revêtement de la face d’une demi-lune, s’est détachée & a glissé tout d’une pièce jusque dans le milieu du fossé.

Mais lorsqu’il s’agit de donner encore plus de solidité au terrain, on enfonce diagonalement dans chacun des intervalles du grillage, un ou deux pilots de remplage ou de compression sur toute l’étendue des fondations ; & sur les bords du grillage, des pilots de cordage ou de garde près-à-près, le long desquels on pose des palplanches, pour empêcher le courant des eaux, s’il s’en trouvoit, de dégrader la maçonnerie.

Palladio recommande expressément, lorsque l’on enfonce des pilots, de les frapper à petits coups redoublés, parce que, dit-il, en les chassant avec violence, ils pourroient ébranler le fond.

On achève ensuite de remplir de charbon, comme dit Vitruve, ou, ce qui vaut encore mieux, de cailloux ou de moellons à bain de mortier, les vides que la tête des pilots a laissés : on arrase bien le tout, & on élève dessus les fondemens.

Pour connoître la longueur des pilots, que Vitruve conseille de faire en bois d’aune, d’olivier ou de chêne, & que Palladio recommande sur-tout de faire en chêne, il faut observer, avant que de piloter, jusqu’à quelle profondeur le terrain fait une assez grande résistance, & s’oppose fortement à la pointe d’un pilot que l’on enfonce exprès.

Ainsi, sachant de combien il s’est enfoncé, on pourra déterminer la longueur des autres en les faisant un peu plus longs, se pouvant rencontrer des endroits où le terrain résiste moins & ne les empêche point d’entrer plus avant. Palladio conseille de leur donner de longueur la huitième partie de la hauteur des murs qui doivent être élevés dessus ; lorsque la longueur est déterminée, on en peut proportionner la grosseur en leur donnant, suivant le même auteur, environ la douzième partie de leur longueur, lorsqu’ils ne passent pas douze pieds, mais seulement douze ou quatorze lorsqu’ils vont jusqu’à dix-huit ou vingt pieds ; & cela pour éviter une dépense inutile de pièces de bois d’un gros calibre.

Comme ces pilots ont ordinairement une de leurs extrémités faite en pointe de diamant, dont la longueur doit être depuis une fois & demie de leur diamètre jusqu’à deux fois, il faut avoir soin de ne pas leur donner plus ni moins ; car lorsqu’elles ont plus, elles deviennent trop foibles & s’émoussent lorsqu’elles trouvent des parties dures ; & lorsqu’elles sont trop courtes, il est très-difficile de les faire entrer.

Quand le terrain dans lequel on les enfonce ne résiste pas beaucoup, on se contente seulement, selon Palladio, de brûler la pointe pour la durcir, & quelquefois aussi la tête, afin que les coups du mouton ne l’éclatent point ; mais s’il se trouve dans le terrain des pierres, cailloux ou autres choses qui résistent & qui en émoussent la pointe, on la garnit alors d’un sabot ou lardoir, espèce d’armature de fer faisant la pointe, retenue & attachée au pilot par trois ou quatre branches.

L’on peut encore en armer la tête d’une virale de fer qu’on appelle srette, pour l’empêcher de s’éclater, & l’on proportionne la distance des pilots à la quantité dont on croit avoir besoin pour rendre les fondemens solides. Mais il ne faut pas les approcher l’un de l’autre, ajouté encore Palladio, de plus d’un diamètre, afin qu’il puisse rester assez de terre pour les entretenir.

Lorsque l’on veut placer des pilots de bordage ©u de garde, entrelacés dejtálplanches le long des fondemens, on fait à chacun d’eux, après les avoir écarris, deux rainures opposées l’une à l’autre de deux pouces de profondeur sur toute leur longueur, pour y enfoncer entre deux des palplanches qui s’y introduisent à coulisse, & dont l’épaisseur diffère selon la longueur : par exemple, fi elles ont six pieds, elles doivent avoir trois pouces d’épaisseur ; si elles en ont douze, qui est la plus grande longueur qu’elles puissent aypir, on leur donne quatre pouces d’épaisseur, & cette épaisseur doit déterminer la largeur des rainures sur les pilots, en observant de leur donner jusqu’aux environs d’un pouce de jeu, afin qu’elles y puissent entrer plus facilement.

Pour joindre les palplanches avec les pilots, on enfonce d’abord deux pilots perpendiculairement dans la terre, distans l’un de l’autre de la largueur des palplanches, qui est ordinairement dé douze à quinze pouces, en les plaçant de manière que deux rainures se trouvent l’une vis-à-vis de l’autre.

Après cela, on enfonce, au refus du mouton, une palplanche entre les deux, & on la fait entrer à force entre les deux rainures ; ensuite on pose à la même distance un pilot, & on enfonce comrhe auparavant une autre palplanche, & on continue ainsi de suite à battre alternativement un pilot & une palplanche.

Si le terrain résistoit à leur pointe, on pourroit les armer, comme les pilots, d’un sabot de fer par un bout, & d’une srette par l’autre.

On peut encore fonder sur pilotis, en commençant d’abord par enfoncer le long des fondemens, au refus du mouton, des rangées de pilots éloignés les uns des autres d’environ un pied cu deux, plus ou moins, disposes en échiquier ; en observant toujours de placer les plus forts & les plus longs dans les angles, ayant beaucoup plus besoin de solidité qu’ailleurs pour retenir la maçonnerie : ensuite on récépera tous les pilots au même niveau, sur lesquels on posera un grillage de charpente, de manière qu’il se trouve un pilot sous chaque croisée, pourl’arrêter dessus avec une cheyille à tête perdue, après quoi on pourra enfoncer des pilots de remplage, & élever ensuite les fondemens à l’ordinaire cette manière est très-bonne & très-solide.

Quoiqu’il arrive très-souvent que l’on emploie les pilots pour affermir un mauvais terrain, cependant il se trouve des circonstances où l’on ne peut les employer, sans courir un risque évident.

Si l’on fondoit, par exemple, dans un terrain aquatique, sur un fable mouvant, &c. alors les pilots seroient non-seulement très-nuisibles, mais encore éventeroient les sources, & fourniroient une quantité prodigieuse d’eau qui rendroit alors le terrain beaucoup plus mauvais qu’auparavant : d’ailleurs, on voit tous les jours que ces pilots ayant été enfoncés au refus du mouton avec autant de difficulté que dans un bon terrain, sortent de terre quelques heures après, ou se lendemain, l’eau des sources les ayant repoussés, en faisant effort pour sortir ; de manière que l’on a renoncé à les employer à cet usage.

Si l’on entreprenoit de rapporter toutes les manières de sonder, toutes les différentes qualités de terrains, & toutes les différentes cjrconstances où l’on se trouve, on ne finiroit jamais.

Ce que l’on vient de voir est presque suffisant pour que l’on puisse de soi-même, avec un peu d’intelligence & de pratique, faire un choix judicieux des différens moyens dont on peut se servir, & suppléer aux inconvéniens qui surviennent ordinairement dans le cours des ouvrages.

Des Fondemens dans l’eau.

Ces fondemens se font ou par épuisemens, ou sans épuisemens.

Dans le premier cas on environne le terrain où l’on veut fonder, de deux doubles rangs de pieux garnis de madriers, retenus de liens.

On remplit l’intervalle de glaise ou autre terre grasse, que l’on foule de manière à bien fermer les interstices, après quoi on fait l’épuisement avec le secours des machines hydrauliques, & on l’entretient pendant les constructions, que l’on fait à sec, comme ailleurs.

Cette manière de construire pendant les épuisemens, quoique facile, n’est pas toujours sans inconvéniens, sur-tout lorsque l’on fouille profondément, comme on va le voir.

En 1750, lors de l’établissement d’une Ecole royale Militaire, on forma le projet d’un puits capable de fournir de l’eau en abondance, à l’imitation de celui de l’Hôtel dés Invalides, dont les sources, venant du fond, sont regardées comme intarissables.

Ces deux puits, peu éloignés l’un de l’autre, sembloient aussi devoir différer bien peu dans leur construction. On se trompa ; car aux Invalides, la source du fond fe trouva à soixante pieds de profondeur, & à l’Ecole royale Militaire à cent quarante pieds.

Pour la construction de ce dernier, on employa trois années entières, sans aucune interruption de jour ni de nuit.

On commença par une excavation A, pl. VII, fig. 1, art de la Maçonnerie, tome 3 des gravures, de trente-six pieds de diamètre, dans laquelle on plaça une espèce de cuve B B en charpente, avec des madriers C C, bien assemblés & serrés, à dessein de la faire descendre, & de la remplacer par de semblables, à mesure qu’on avançoit la fouille. Mais tandis qu’on fouilloit, les terres extérieures s’éboulôient, & pressant inégalement la cuve, en retenoient une partie, tandis que l’autre descendoit. On établit alors un fort mouton, pour faire descendre la partie retenue ; mais inutilement.

On continua la fouille jusqu’à trente-quatre pieds, & l’on plaça dans l’intérieur une semblable cuve D D, mais plus petite.

Peu après parut la nape d’eau, qu’on épuisa, & ensuite un banc de glaise : mais plus on fouilloit, plus les eaux & les éboulis arrivoient en abondance.

Les cuves demeuroient & se rompoient par la pression des terres, au point qu’on prit le parti de poser le rouet, d’élever dessus la maçonnerie E E, bien cramponnée, & de faire descendre le tout en fouillant dessous.

Les premières assises firent d’abord pencher le niveau ; mais un peu d’art le redressa, & l’on continua de charger avec de nouvelles assises, & de fouiller, jusqu’à ce qu’enfin à quatre-vingt pieds de profondeur, sept ou huit de ces assises F F se détachèrent & descendirent, tandis que les autres, faisant environ soixante pieds de hauteur, demeuroient en l’air : évènement qui étonna.

Cependant on rejoignit les deux maçonneries E E & F F avec d’autres assises, & l’on moisa le tout avec un assemblage de forte charpente G G.

L’opération finie, on fouilla de nouveau, & tout descendit de quelques pieds, pour rester en l’air, comme auparavant.

Pendant ce temps-là, les épuisemens se continuoient, mais à l’extérieur des fouilles & fort peu dans l’intérieur, depuis qu’un banc de glaise de quatre-vingt pieds d’épaisseur, pressant l’extérieur de la maçonnerie, retenoit une partie des eaux de la surface de la terre.

On se détermina donc à construire en sous-œuvre un autre puits H H, que l’on chargea aussi peu à peu de maçonnerie. Ce dernier descendit d’environ trente pieds, & demeura en l’air comme le précédent. Desespéré, l’on prit le parti de sonder.

La sonde rapporta des terres de différente nature que celles qu’on avoit vues jusqu’alors, & qui annonçoient des sources prochaines. On reprit courage & l’on fouilla, retenant pour lors ses terres avec un hexagone II de palplanches couchées & assemblées par les extrémités, que l’on posoit à mesure. On descendit ainsi environ vingt-quatre pieds, & l’on découvrit enfin le sable bouillant qui contenoit les sources.

On détacha promptement toutes les machines, laissant flotter le bois ; & les eaux du-fond, réunies à celles de la terre, remontant à leur niveau naturel, laissèrent dans ce puits une profondeur d’eau d’environ cent dix pieds.

Le deuxième cas a lieu dans les bras de mer, lacs, étangs, & dans tous les lieux où les épuisemens deviendroient trop dispendieux ou impraticables.

Pour fonder en mer, on prend le temps de la marée basse, pendant lequel on unit le terrain, on plante les repaires & les alignemens. On emplit ensuite plusieurs bateaux des matériaux nécessaires, que l’on approche pendant la marée haute ; &, par un temps commode, on jette où l’on veut bâtir, des moellons, pierres ou cailloux ses plus gros, sur les bords, avec le meilleur mortier possible, dont on fait plusieurs lits de loin & de son mieux.

L’on comprend pour ce massif A A, fig. 2, plus d’emplacement que l’édifice n’en peut contenir, afin qu’autour des murs il y ait un empatement assez grand pour en assurer le pied, auquel on donne un talud d’une fois & demie ou deux fois la hauteur : on l’environne quelquefois de pieux B B, pour le préserver des dégradations qui pourroient arriver dans la suite, & l’on travaille ainsi par reprises, sans qu’il puisse en résulter aucun danger.

La maçonnerie une fois élevée au dessus des eaux, tasse & prend consistance ; après quoi on pose un grillage de charpente, sur lequel on bâtit, comme nous l’avons vu.

La manière de fonder dans les lacs & les étangs, est par cailloux, fig. 3, dont le fond en charpente est couvert de madriers bien calfatés, & les bords garnis de manière que ies eaux ne puissent s’y introduire.

Leur hauteur doit excéder la profondeur des eaux où ils doivent être placés, à laquelle on ajouté au besoin des hausses, afin que les ouvriers n’en soient point incommodés.

Si le fond est en pente, on le redresse, en jetant çà & là, & presque à l’aventure, une quantité de cailloux & pierres, jusqu’à ce que le terrain se trouve à peu près de niveau.

On arrange ensuite les cailloux A A, fig. 4, 5 & 6 ; on les fixe d’alignement, & on les remplit de bonne maçonnerie B B.

A mesure que l’ouvrage avance, son propre poids le fait descendre & prendre assiette au fond de l’eau.

Cette manière de fonder est très-solide, & d’un grand usage sur les bords de la mer & aux environs.

De la plantation des bâtimens.

L’emplacement destiné à exécuter l’édifice étant distribué par-tout en caves, à l’exception d’une principale cour, il faut une excavation presque générale, un peu plus grande pour l’aisance de la bâtisse, d’environ onze pieds de profondeur, qui est celle qu’elles doivent avoir, en y joignant l’épaisseur des voûtes recouvertes de terre, & de pavés ou carreaux.

Avant que de tracer sur le terrain, il faut un plan sur lequel soient marquées, tant en largeur qu’en profondeur, toutes les dimensions générales & particulières, ce qu’on entend par plan coté, afin d’éviter d’avoir toujours le compas à la main, & de faire des erreurs.

Ce plan en petit représente le même en grand dans toutes ses proportions, & sert à diriger dans la construction. On l’accompagne, vers le bas, d’une mesure appelée échelle, distribuée par toises, pieds & pouces, aussi en égales proportions, sur laquelle on rapporte les dimensions, pour en connoître la juste valeur.

Ces plans se renouvellent à chaque étage, lorsque les dimensions changent.

On fait aussi des coupes, pour diriger les hauteurs ; des élévations, pour diriger les détails de décoration extérieure, & d’autres dessins, suivant les besoins.

Pour tracer l’excavation de l’édifice, il faut, avant tout, prendre pour base l’alignement donné par le voyer : on fixe cet alignement sur de petits massifs en maçonnerie, appelés repaires, & sur ces massifs, on établit une ligne devant servir d’axe principal. Cette ligne est oblique sur la base, lorsque le terrain est irrégulier.

On place de ces sortes de repaires en maçonnerie, par-tout où il en faut, lorsque l’édifice est d’une assez grande importance, & qu’il doit durer un certain temps à construire, étant moins sujets que les autres à être dérangés ou perdus.

Sur la base principale & parallèlement à l’axe, on marquera des lignes doubles pour l’épaisseur des deux murs mitoyens, en observant six pouces d’épaisseur de plus par chaque côté intérieurement de celui de la cave de devant, pour porter la retombée de la voûte ; épaisseur qui doit être prise en totalité sur le terrain de celui à qui appartient la cave, & non sur celui du voisin ; ensuite d’autres lignes doubles pour l’épaisseur des murs, qui doivent porter les cloisons des grands escaliers.

Parallèlement à la base principale, on marquera une ligne double pour le mur mitoyen du fond, observant une épaisseur pour l’avant-corps du milieu, & deux autres de six pouces aux extrémités, pour porter la retombée des petites voûtes, ensuite des lignes doubles pour les autres murs.

Les lignes doubles pour les pans coupés, se posent après l’excavation faite, ne pouvant se marquer sur un terrain qui doit être excavé, ainsi que celles pour les murs d’échiffre des escaliers, parallèles à ceux de la cage.

L’excavation étant tracée, on fouille en pente douce, à peu près d’un pied ou deux par toise, de manière à faire descendre les voitures jusgu’au fond de l’excavation ; d’abord au milieu, ensuite en deux parties de droite & de gauche, puis en retournant d’équerre.

L’excavation ainsi préparée jusqu’à l’extrémité de l’emplacement, on fouille la tranchée pour le mur de clôture de la cour principale.

D’abord, on prépare le sol des caves formant une banquette, sur laquelle on jette les terres qui proviennent du fond ; on creuse la tranchée jusqu’au bon terrain, le sol des caves servant alors de première banquette, & celle ci-devant pratiquée servant de deuxième.

On continue de suite, faisant de nouvelles tranchées où il en est besoin, en suivant la même méthode ; & lorsqu’en approchant du devant, le terrain devient trop élevé pour pouvoir y jeter les terres, on fait des banquettes intermédiaires.

On fouille les tranchées jusqu’au bon terrain pour les murs mitoyens latéraux, le sol des caves servant de première banquette, celles précédemment pratiquées servant de deuxième & de troisième. On continue la fouille jusqu’au sol-des caves.

On baisse enfin la dernière banquette ; & lorsqu’elle devient trop basse pour pouvoir y jeter les terres, on construit un petit échafaud de boulins & de planches, pour servir de banquette intermédiaire, sur laquelle on jette les dernières terres, & de cette manière on parvient à faire approcher les voitures tout près des fouilles, & on évite les longs circuits, qui deviennent très-dispendieux.

Il est quelquefois indispensable d’étayer les terres pour les empêcher de s’ébouler, sur-tout lorsqu’elles sont mouvantes & sablonneuses, en appliquant dessus des madriers de part & d’autre, étrésillonnés par des boulins ou pièces de charpente mises en travers & forcées entre eux.

L’excavation faite, on pose les fondemens. On remplit les tranchées d’abord avec les plus gros moellons, ou mieux encore, avec une première assise de libage bien gissante, & l’on élève la maçonnerie entre deux cordeaux avec mortier.

Les fosses d’aisance sont voûtées au niveau des caves avec cheminées pour la descente des matières, & ouvertures pour les vidanges.

A quelques pouces au dessous du sol des caves, on pose les premières assises en pierres, des chaînes où il en est besoin pour porter le poids des poutres & planchers, des arcs pour lier les voûtes, qui, à cause de leur trop grande longueur, n’auroient pas assez de solidité ; les piédroits, dosserets & soupiraux, qui, n’ayant pas assez de force en moellons pour se défendre des chocs auxquels ils sont exposés, se détruiroient peu à peu.

On élève ensuite les murs entre deux cordeaux, posant à mesure les assises de pierres, & remplissant les intervalles en maçonnerie, le tout bien à-plomb & de niveau dans toute la surface du bâtiment.

Puis on pose les plates-bandes des portes, & l’on arrase jusqu’à la retombée des voûtes.

Cela fait, on pose les ceintres ; on les garnit de moellons en plâtre, pour leur donner la forme circulaire, & l’on bande les arcs.

Autrefois on plaçoit des madriers étroits & forts entre les arcs & les ceintres, allant de l’un à l’autre sous toute la largeur développée des voûtes, pour les construire ; ce qui en exigeoit une très-grande quantité.

On a depuis quelque temps aboli cet usage, en les liant avec le plâtre, qui prend à l’instant ; & l’on fait la même chose avec deux ou trois madriers, en les posant sous- les arcs après en avoir ôté les ceintres, les forçant d’étrésillons à chaque rang de voussoirs, & à mesure que l’on construit les voûtes.

On choisit pour voussoirs, des moellons plats, forts & minces d’un côté, que l’on pose sur les madriers, faisant tendre les coupes au centre de la voûte, calant, fichant & remplissant les joints de plâtre & pierrailles.

On fait aussi de la même manière des voûtes légères en briques, posées debout ou de champ, qui ne sont solides qu’autant qu’elles sont surmontées, ou au moins en plein ceintre ; mais on ne peut se dispenser de les maçonner en plâtre, qui a l’inconvénient de pousser les murs au dehors. Le mortier n’a pas cet inconvénient ; mais il en a un plus grand, d’être fort long à sécher, & d’être trop peu solide dans les murs & voûtes minces.

Quelques-uns, pour enchérir sur l’économie ou montrer du nouveau, ont imaginé de faire des voûtes avec des briques posées de plat, & de les doubler ; mais cette nouveauté, quoiqu’en usage en Provence, n’a pas eu un grand succès, & a été peu applaudie par les artistes.

Avant que de fermer entièrement les voûtes, il faut faire attention d’élever les murs au-delà des naissances, & jusqu’à cinq à six pouces au dessous du niveau des rez-de-chaussée, pour en conserver les à-plombs, continuant en pierres les chaînes & soupiraux seulement.

Les voûtes une fois fermées, on les couvre de décombres & de sable, pour boire les eaux du ciel, jusqu’à ce que le bâtiment soit couvert : les pluies qui tombent continuellement sur les voûtes, s’y insinuent, les tiennent toujours humides, & les empêchent de sécher & faire corps ; ce qui fait que quelques-uns ne voûtent que lorsque le bâtiment est entièrement couvert.

Autre inconvénient : ces caves non voûtées empêchent le service, & les pluies tombant au fond, pourrissent les fondemens ; de sorte que le meilleur parti est de les charger & endurcir la surface de manière à former un écoulement aux eaux, & d’élever promptement, pour couvrir le plus tôt possible, ou de paver provisionnellement, si le bâtiment doit rester long-temps à découvert.

Comme les bâtimens se font toujours en été, où les mauvais temps sont rares, on s’arrange, autant qu’il est possible, pour être en état de les couvrir avant l’hiver.

Les escaliers de cave se montent quelquefois après coup, mais mieux avec leurs murs de cage & d’échiffre.

Toutes les marches étant en pierre, se scellent & se garnissent plus facilement, & les murs faits en même temps sont plus solides.

Pour les construire, on divise sur une règle la quantité des marches & leur espace en hauteur ; & sur une autre, la même quantité & leur espace en largeur, & à chaque marche que l’on pose, on présente les deux règles ; la première, pour en fixer la hauteur ; & la deuxième, pour en fixer la largeur.

Ces marches se posent l’une sur l’autre, & sont appuyées, par leurs extrémités, d’un côté sur le mur de cage, & de l’autre sur celui d’échiffre : mais mieux encore & plus solidement sur une petite voûte en maçonnerie, pratiquée dessous, formant un caveau ; la dernière faisant marche palière, les unes & les autres délardées par dessous.

Les soupiraux, coupe, plan, élévation intérieure & élévation extérieure, se font toujours en pierre à plusieurs assises, avec ouverture par le haut, pour procurer de l’air aux caves, fermées souvent d’une grille ou barre de fer pour la sûreté.

Les puits circulaires ou ovales, que l’on construit en même temps que les murs, se placent au dehors ou au dedans des bâtimens, isolés ou pris dans l’épaisseur des murs de face, de refend ou mitoyens.

On les fonde à cinq ou six pieds au dessous de la nappe d’eau, après en avoir épuisé l’eau, en posant un rouet de charpente, surmonté de maçonnerie en moellons jusqu’au rez-de-chaussée, où l’on élève une margelle en pierre dure.

On les élève quelquefois seulement jusqu’au sol des caves, & alors on y pose des pompes pour en élever l’eau avec un balancier placé dans le lieu le plus commode des cours ou basses-cours.

Les murs élevés au rez-de-chaussée, on vérifie les alignemens d’après les repaires plantés autour de l’édifice, & on les élève au-delà, construisant en pierre les faces extérieures, quelquefois celles intérieures, mais au moins les assises de la retraite, une partie des tableaux de portes ou croisées, les piédroits & trumeaux qui seroient trop foibles en maçonnerie ; & l’on continue ainsi jusqu’au premier plancher, observant les vides de porres, de croisées, de boutiques, de remises, &c. dont on bande les arcs ou plates-bandes, aussi en pierres, sur les piédroits avec les ceintres, en place desquels, par économie, l’on applique des potreaux & linteaux.

On pose des gargouilles, bornes, bancs de pierre où il en faut, avec massif de maçonnnerie dessous, des seuils aux portes, des appuis, des balcons en balustrades, ou en entrelacs aux croisées ; enfin, des parpins sous les cloisons de refend.

Arrivé à la hauteur des entresols, on pose le premier plancher, on en lie les pièces dans les murs avec des liens & étriers de fer, les murs de face avec des chaînes, tirants & ancres à la hauteur de chaque plancher, & l’on continue ainsi jusqu’aux combles, scellant les planchers à mesure que les charpentiers les posent & élèvent les cloisons.

Si le bâtiment ne peut être couvert avant l’hiver, il faut prévenir les gelées, & couvrir les murs à force de pailles ou paillassons, & mieux encore avec un lit de paille & des décombres par dessus jusqu’après l’hiver, ainsi que toutes les pierres qui sont sur l’atelier, afin qu’encore empreintes des humidités de carrières, elles ne soient point exposées à la gelée. Si la belle saison n’est pas trop avancée, on fait les légers ouvrages.

Des légers Ouvrages.

Tous les ouvrages en plâtre, qui ne sont point gros murs ou massifs, sont réputés légers ouvrages, & se paient ordinairement 10 liv. & 10 liv. 10 sols la toise superficielle.

Les uns hourdés, s’appliquent aux cloisons, planchers, escaliers & poteries. Les autres enduits, s’appliquent aux plafonds, corniches, saillies, & aux surfaces de murs, portes & croisées.

Les cloisons se font en charpente ou en menuiserie.

Les premières de six, sept ou huit pouces d’épaisseur, sont de deux sortes. Les unes à bois recouverts, hourdées, pleines & enduites, ou bien creuses & enduites, sont formées de poteaux, décharges & tournisses, espacées des quatre à la latte ; c’est-à-dire, de façon qu’une latte, fixée à environ quatre pieds de longueur, puisse embrasser quatre poteaux assemblés dans la sablière du haut qui porte les solives du plancher, & dans la sablière du bas posée sur un parpin de pierre dure, de deux pouces d’épaisseur plus que la cloison élevée sur la maçonnerie des murs.

Les deux sablières arrêtées avec les autres parties de charpente, de liens, étriers, tirans & ancres de fer contournés suivant les places, on attache sur les poteaux & tournisses des lattes en, liaison de chaque côté, éloignées entre elles de cinq à six pouces, qu’on appelle à claire-voie, & l’on garnit i’intervalle en pierraille, plâtras & gros plâtre gâché, ce qu’on appelle hourdage ; & sur les lattes, on applique une première couche de plâtre gâché passé au panier, ce qu’on appelle crépis ; & ensuite une deuxième couche passée au sas ou tamis, ce qu’on appelle enduit.

Cette dernière est gâchée très-claire, & s’applique avec un balai de bouleau plongé à diverses reprises dans le plâtre liquide, & sur lequel on passe la truelle, pour l’unir à mesure qu’il devient dur ; & lorsqu’il commence à l’être, on passe le riflard çà & là en tout sens ; d’abord par le côté brételé, & ensuite par l’autre, pour en dresser la surface.

Lorsqu’on fait les cloisons creuses, on attache les lattes tout près les unes des autres, ce qu’on appelle à lattes jointives, laissant vide I’intervalle des bois, & l’on applique dessus les crépis & enduits en plâtre, comme à la précédente.

Les premières ont l’avantage d’assourdir les pièces & d’empêcher la voix d’en traverser l’épaisseur, ce que n’ont point les autres, à travers lesquelles les maîtres sont entendus des domestiques.

La deuxième sorte de cloison à bois apparens, est aussi composée de poteaux assemblés dans la sablière du haut & dans celle du bas, ayant chacun & de chaque côté des rainures, entre lesquelles on fixe des petits ais hachés & garnis de clous ainsi que les poteaux, & l’on remplit I’intervalle de plâtras & de plâtre, gui s’accrochent dans les hachures & clous.

Lorsque le garni a pris une certaine consistance, on le couvre de deux couches de plâtre semblables aux précédentes, jusqu’à la surface des bois qu’on laisse apparens.

Les cloisons en menuiserie de trois à quatre pouces d’épaisseur, sont, comme les précédentes, pleines ou creuses ; mais au lieu de, poteaux, on les fait en planches de bois de bateau ou de moindre valeur, fixées haut & bas dans des coulisses à rainures, attachées sur Íes plafonds & planchers. On les couvre, comme les autres, de lattes à claire-voie ou jointives, & ensuite de crépis & enduits en plâtre.

Les planchers sont en général de trois sortes. La première, suivant l’ancienne méthode, est composée de poutres sur lesquelles sont pesées des solives simples, solives d’enchevêtrure, & chévêtres portés sur les murs, lattes par dessus à lattes jointives & recouvertes d’une aire de plâtre, pour être par la suite carrelé ou parqueté, & le dessus des entrevoux plafonné, c’est-à-dire, recouvert d’un enduit de plâtre.

A ces planchers l’on réserve des intervalles vides, que l’on remplit de plâtras & plâtre soutenus de chévêtres de fer, sur une partie desquels on pratique des foyers au besoin ; la sûreté publique & les lois exigeant qu’ils soient éloignés des bois & autres matières combustibles.

Lorsque les planchers n’ont point de foyers ou qu’ils ne sont pas placés où on les désire, on est obligé pour lors de les poser sur les poutres & solives, ce qu’on ne peut faire sûrement & suivant la loi, qu’en les élevant au dessus du carreau avec un rang de briques d’épaisseur. Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/318 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/319 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/320 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/321 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/322 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/323 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/324 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/325 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/326 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/327 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/328 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/329 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/330 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/331 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/332 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/333 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/334 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/335 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/336 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/337 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/338 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/339 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/340 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/341 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/342 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/343 lorsqu’il est un peu plus long, on l’appelle pioche : son plan est en e.

F, riflard bretelé pour la pierre tendre.

G, crochet.

H, ripe.

Fig. 25, compas à fausse équerre.


Explication des Planches de la Maçonnerie, tome III des gravures.
PLANCHE PREMIÈRE.

Le haut de la planche représente des maçons diversement occupés. Les uns A montent des pierres taillées ; les autres B travaillent sur un échafaud à enduire un mur de plâtre ; d’autres C construisent un ouvrage de maçonnerie.

On yoit en D & en E deux tailleurs de pierre ; en F, ceux qui préparent la chaux ; en G, un scieur de pierre ; en H I K, les manœuvres occupés à servir dans la construction des bâtimens.

Fig. 1, maçonnerie maillée, que Vitruve appelle reticulatum.

Fig. 2 & 3, maçonnerie en liaison, appelée par Vitruve insertum.

Fig. 4, 5 & 6, maçonnerie de pierres brutes. L’isodomum, le pseudisomum & l’implecton grec. A, les assises. B, les couches de mortier. C, l’enduit de plâtre. D, le garni.

Fig. 7, maçonnerie en liaison & cramponnée, ou le revinctum des anciens. E, les pierres cramponnées. F, les crampons. G, le garni.

Fig. 8, pierres démaigries ou plus creuses en maçonnerie, vers le milieu que par les bords.

PLANCHE II. Suite de la pl. précédente.

Fig. 9, maçonnerie en échiquier. A, angles faits de briques. B, rang de briques qui tient le mur & le traverse. C, échiquier. D, partie intérieure du mur fait de ciment.

Fig. 10, autre maçonnerie en liaison. Deux faces de mur de carreaux de pierres ou de briques, L’intérieur du mur E est de ciment ou de cailloux de rivière, & soutenu de trois pieds en trois pieds dans sa hauteur par trois lits de briques.

Fig. 11, maçonnerie incertaine ou rustique. F, pierres incertaines.

Fig. 12, maçonnerie en pierres de tailles.

Fig. 13, mur de remplage.

Fig. 14, autre construction de muraille.

Fig. 15, maçonnerie faite de carreaux & bousilles de pierres dures ou tendres, posées en recouvrement les unes sur les autres. A A, carreaux. B, boutisses.

Fig. 16. Exemples de quelques précautions à observer dans l’art de bâtir.

A, arrachemens. B, chaînes de pierres. C, arcardes ou décharges.

PLANCHE III. Suite de la pl. précédente.

Fig. 17, A, arrachemens. B, chaînes de pierres. C, poutres.

Fig. 18, murs de face & de refend. D, D, pierres callées avec des lattes.

Fig. 19. EE, pierres callées avec des lames de plomb.

Fig. 20, mur de face. A, taluds ou retraites données en dehors. B, à-plomb du dedans.

Fig. 21, murs de face avec taluds ou retraites en dehors & en dedans. B ; retraites. C D, axe du mur tombant au milieu de sa fondation.

Fig. 22, murs de terrasse.

Fig. 23, autres murs de terrasse fortifiés d’éperons ou contreforts E, E, E.

PLANCHE IV., Suite de la pl. précédente.

Fig. 24, autres murs de terrasse avec des contreforts A en dehors, & d’autres contreforts B en dedans, diagonasement disposés en forme de scie.

Fig. 25, les mêmes murs de terrasse avec des contreforts en dehors A A, semblables à ceux de la fig. 24, mais dont les contreforts du dedans C C sont disposés en forme de portion circulaire.

PLANCHE V.

Fig. 1 & 2, manière de fonder par les piles.

A, A, les piles.

B, B, le bon fond.

C, C, C, fig. 1, arcs bandés sur les piles.

C, C, G, fig. 2, arcs renversés.

Fig. 3 & 4, manière de fonder sur le roc.

A A, le roc.

B B, piles élevées ou maçonneries adossées.

C C, fig. 3, assises pratiquées par ressaut au roc.

C C, fig. 4, harpes de pierres & arrachemens pratiqués au roc.

Fig. 5, manière dé fonder par les pierrées.

A A, le roc.

B B, C C, E E, cloisons de charpente.

D D, les bords inférieurs de cette cloison.

Fig. 6, la même manière de fonder par les pierrées avec une seule cloison, quand le roc est escarpé.

A, le roc.

B, espace entre le roc & la maçonnerie, qu’on remplit de pierrées.

C, cloison.

D, maçonnerie.

Fig. 7, fondation par arcades, dans le cas où l’on veut économiser.

A, le roc.

B, B, les arcades.

C, C, les massifs.

D, D, retombées des arcades.

Fig. 8, fondemens sur la glaise. A A, grillages de charpente.

B B, longrines. Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/345 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/346 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/347 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/348 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/349 que ledit maître peut prononcer, sont réglées jusqu’à la somme de dix écus, &c.

Quoique les statuts dont on vient de parler fassent mention de six ans d’apprentissage, cependant il n’y a point d’apprenti en règle & par brevet ; les maîtres s’attachent seulement à prendre parmi les manœuvres qu’ils paient les plus capables, ils les gardent à titre d’apprentis pendant trois ans, en augmentant leur paie de deux sous par jour. Ils sont réciproquement maîtres de garder ou de rester ; mais si c’est l’apprenti qui quitte la seconde année, on lui retient les deux sous par jour d’augmentation.

Les droits de réception des maîtres maçons sont fixés à 800 livres, par l’édit du mois d’août 1776.

Jurisdiction de la Maçonnerie.

Le maître général des bâtimens a deux juridictions ; l’une très-ancienne, établie depuis près de cinq siècles ; & l’autre très-moderne, dont l’établissement n’est que du règne de Louis XIV.

Le siège de cette dernière est à Versailles ; & l’autre dans la cour du palais à Paris, à côté de la conciergerie.

Quoiqu’il n’y ait qu’un seul maître général qui préside, qui rend les jugemens, & qui peut avoir un lieutenant ; il est cependant d’usage d’appeler tous ceux qui signent avec lui, maîtres généraux des bâtimens.

Cette jurisdiction est composée de trois architectes, maîtres généraux des bâtimens, pour juger, qui exercent d’année en année les uns après les autres ; d’un greffier en chef, d’un procureur de la communauté, & de trois huissiers. Les procureurs au parlement occupent & plaident dans cette jurisdiction.

Les officiers de ce siège connoissent des différens entre les entrepreneurs & ouvriers employés à la construction des bâtimens, des contestations de maçons à maçons ou à marchands pour matériaux fournis, leurs voitures & leurs chariages, de la police de la maçonnerie qui se fait toutes les semaines dans les bâtimens de la ville, fauxbourgs & banlieue de Paris, & dont les procès-verbaux sont rapportés aux audiences de cette jurisdiction.

Les bourgeois ont droit d’y traduire les entrepreneurs & maçons, pour raison des ouvrages de maçonnerie sur lesquels ils ont l’un & l’autre, quelque contestation ; mais un entrepreneur ni maçon ne peuvent assigner, pour un pareil sujet, les bourgeois, qui ont droit de décliner cette jurisdiction.

Les audiences se tiennent les lundis & vendredis au matin, & l’appel de ses jugemens est au parlement.

Il y a encore, dans cette jurisdiction, d’autres officiers nommés maitres-jurés-maçons, adjoints du maître-garde, qui, par l’édit du mois d’octobre 1574, furent établis au nombre de vingt pour faire ses visites sus mentionnées ; mais depuis, ce temps ce nombre se trouve monter à soixante.

VOCABULAIRE.

Abat-jour ; nom que l’on donne à une espèce de fenêtre ou ouverture destinée à éclairer tout étage souterrain, à l’usage des cuisines, offices, caves, &c. On les nomme aussi des soupiraux : elles reçoivent le jour d’en haut par le moyen de l’embrasement de l’appui qui est en talud ou glacis, avec plus ou moins d’inclinaison, selon que l’épaisseur du mur le peut permettre ; elles sont le plus souvent tenues moins hautes que larges.

On appelle aussi fenêtre en abat-jour, le grand vitrail d’une église, d’un grand sallon ou galerie, lorsqu’on est obligé de pratiquer à cette croisée un glacis à la traverse supérieure ou inférieure de son embrâsure, pour raccorder l’inégalité de hauteur qui peut se rencontrer entre la décoration intérieure ou extérieure d’un édifice, tel qu’on le remarque aux Invalides, au vestibule, & à la galerie du château de Clagny.

Abat-jour ; se dit aussi d’une fenêtre, dont l’embrâsure de l’appui est en-talud, pour recevoir le jour d’en haut.

Abattage ; on dit dans un chantier & sur un atelier faire un abattage d’une ou plusieurs pierres, lorsque l’on veut les coucher de leur lit sur leurs joints pour en faire les paremens ; ce qui s’exécute, lorsque ces pierres sont d’une moyenne grosseur, avec un boulin & des moellons : mais lorsqu’elles sont d’une certaine étendue, on se sert de leviers, de cordages & de coins, &c.

Abattis ; les carriers appellent ainsi les pierres qu’ils ont abattues dans une carrière, soit la bonne pour bâtir, ou celle qui est propre à faire du moellon.

Ce mot se dit aussi de la démolition & des décombres d’un bâtiment.

Abattre ; c’est démolir un maison, un mur, un plancher, &c.

Accoudoir ; petit mur ou partie inférieure de l’ouverture d’une croisée, sur laquelle on s’appuie.

Affaisser ; un bâtiment s’affaisse, lorsque manquant par les fondemens il s’abaisse par son propre poids ; un mur s’affaisse, lorsqu’il sort d’à-plomb ; un plancher s’affaisse, quand il perd son niveau, soit par une trop grande charge ou autrement.

Affaîter un bâtiment ; c’est en faire ou réparer le faîte.

Affleurer ; c’est réduire deux corps saillans l’un sur l’autre à une même surface : désaffleurer, c’est le contraire. On dit : cette porte, cette croisée désaffleure le nu du mur, lorsque l’une des deux fait ressaut de quelques lignes, & qu’alors il faut Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/351 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/352 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/353 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/354 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/355 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/356 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/357 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/358 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/359 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/360 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/361 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/362 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/363 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/364 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/365 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/366 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/367 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/368 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/369 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/370 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/371 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/372 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/373 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/374 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/375 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/376 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/377 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/378 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/379 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/380 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/381 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/382 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/383 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/384 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/385 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/386 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/387 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/388 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/389 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/390 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/391 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/392 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/393 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/394