Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Éclaircissement

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Panckoucke (1p. lix-lxii).

ÉCLAIRCISSEMENT relatif à un premier titre d’une souscription à 672 liv. de l’Encyclopédie annoncée in-8o. à deux colonnes, & in-4o. à trois colonnes, qui n’a point eu lieu.

Comme il importe dans une entreprise de la nature de celle-ci, de n’être point exposé à aucune difficulté avec les souscripteurs, & qu’on ne pourroit même aller en avant avec confiance, si l’on avoit la crainte d’un procès dans l’avenir, je vais mettre sous les yeux de ces souscripteurs les faits qui se sont passés relativement à la souscription de cet ouvrage, & que plusieurs d’entre eux paroissent encore ignorer aujourd’hui. cet éclaircissement me paroît nécessaire dans la conjoncture présente, pour servir de réponse aux objections qui nous ont été faites par quelques personnes.

Il existe dans le public deux titres différens de souscriptions à 672 liv. Le premier est conçu ainsi :

N°… Je reconnois que M… a souscrit pour un exemplaire, format in-… ([1]) de l’Encyclopédie méthodique, & a payé la somme de 36 liv. à compte de celle de 672 liv., prix D’UN EXEMPLAIRE COMPLET, conformément aux conditions énoncées dans le prospectus. À Paris, ce….

Ce titre étoit relatif à un prospectus qui étoit le modèle d’une édition projetée in-8o. à deux colonnes, & in-4o. à trois colonnes, en 42 volumes in-4o. de discours & 7 de planches, & en 84 volumes in-8o. & 7 de planches. Il étoit exprimé, à la fin de ce prospectus, que, ‘‘comme il seroit possible qu’il y eût quelques volumes de plus ou de moins, dans ce cas, on s’en tiendroir compte réciproquement, &c.’’. Ainsi, quoique le titre de souscription porte que la somme de 672 liv. est le prix d’un exemplaire complet, il est clair cependant que les souscripteurs auroient eu à payer plusieurs volumes excédant le nombre annoncé dans ce prospectus in-8o., même au prix de 12 liv. ; car c’étoit dans ce premier plan celui de chaque volume in-4o, & qu’on auroit eu aussi à leur tenir compte de tous les volumes au-dessous de ce nombre, tout titre de souscription, en librairie, étant relatif à un prospectus, & vice versd. Nous observerons que le public n’a voulu d’aucun de ces formats, ni de l’in-8o. à deux colonnes, ni de l’in-4o. à trois colonnes, & qu’au mois de mars 1782, nous étions au désespoir de nous être engagés dans cette grande entreprise, & que nous la regardions comme absolument impossible. À cette époque, & voulant faire un dernier effort pour ramener le public, je changeai de plan, & je publiai le prospectus d’une édition in-4o. à deux colonnes, en 53 volumes de discours & 7 de planches, au prix de 751 liv. ;


& comme il importoit de fonder le succès de cette édition, & qu’il eût été dangereux de s’embarquer dans une entreprise de plusieurs millions, sans avoir la certitude d’un certain nombre de souscriptions, afin de ne pas avoir à regretter de l’avoir conçue, on continua la souscription à 672 liv., en annonçant cependant qu’elle seroit irrévocablement fermée à la fin d’avril de cette même année, au lieu du premier juillet suivant, terme du premier prospectus in-8o. ; de sorte que l’on admit les souscripteurs du premier titre à cette nouvelle souscription proposée à 751 liv. au prix de 672 liv., & on laissa même la liberté au public de jouir de cette faveur, comme je viens de le dire ci-dessus, jusqu’au 30 avril inclusivement, la souscription à 672 liv. ayant été rigoureusement fermée à cette époque. On délivra à ces souscripteurs un titre conçu en ces termes :

N°… Je reconnois que M… a souscrit pour un exemplaire de l’Encyclopédie méthodique, en 53 volumes de discours & 7 de planches, format in-4o., & a payé la somme de 36 liv. à compte de celle de 672 liv., conformément aux conditions énoncées dans le prospectus.

On a retranché, dans ce titre de souscription, ces mots, prix d’un exemplaire complet, parce que dès lors on nous fit remarquer que, comme ce prix n’étoit pas réellement celui d’un exemplaire complet, même dans le premier titre, il étoit inutile de laisser subsister cette phrase.

À l’époque où nous avons chagé de plan, publié un nouveau prospectus, le premier titre devenoit nul entre les mains des souscripteurs, si nous l’eussions voulu, parce que le moindre changement dans une souscription en anéantit le titre ; mais nous avons alors annoncé par un lettre circulaire, en date du 12 Mars 1782, à tous les libraires de l’Europe, & notamment dans le Mercure du 12 mars 1782, & les journaux, ce qui suit :

« Nous sentons que ce changement aux conditions rigoureuses de notre souscription, nous donne le droit d’en changer les conditions, comme il donne à chacun des souscripteurs actuels celui de renoncer à sa souscription. Nous croyons cependant leur devoir, par égard, de maintenir vis-à-vis d’eux le prix de 672 liv. Mais cette condition n’aura plus lieu vis à-vis le public que jusqu’à la fin d’avril 1782 ; & la souscription de 672 liv., qui ne devoir être fermée qu’au mois de juillet, le sera donc rigoureusement pour tout le monde à cette époque du mois d’avril. »

Or les deux titres ci-dessus, quoiqu’exprimés différemment, sont & ne peuvent être relatifs s qu’au prospectus in-4o. à deux colonnes de l’Encyclopédie actuelle. Dans tous les deux, on y a exptimé, conformément aux conditions énoncées dans le prospectus. On n’a ni fait, ni annoncé dans aucun temps deux classes différentes de souscripteurs à 672 liv. La loi est absolument la même, tant pour ceux du premier titre, que pour ceux du second ; & cette loi est relative au seul prospectus qui fait la règle entre les souscripteurs & l’entrepreneur, c’est-à dire, au prospectus in-4o, à deux colonnes, lequel est le type, le modele de l’édition actuelle, tout prospectus de souscription, en librairie, devant être, comme l’on sait, le modèle de l’édition.

Et comme à la date du changement de plan de prospectus, on m’avoit representé que je prenois des engagemens trop rigoureux avec le public ; qu’il étoit impossible de déterminer le nombre de volumes de discours & de planches qu’auroit cet ouvrage ; que l’imperfection des différentes parties de l’Encyclopédie, qui alors n’étoit pas connue, pouvoit seule le déterminer, on modifia de la manière qui suit la restriction, beaucoup trop rigoureuse, qu’on avoit prise dans le premier prospectus in-8o. à deux colonnes, & l’on mit dans le prospectus in-4o. à deux colonnes, qui est le modèle, nous le répétons, de l’édition actuelle, que, « dans le cas où il y auroit trois à quatre volumes de plus de discours, & peut-être un volume de planches de plus, on s’en tiendroit compte réciproquement sur le pied de la souscription : mais si, contre toute attente & pour la perfection de l’ouvrage, nous étions nécessités à un plus grand nombre de volumes de discours, les souscripteurs ne payeront ces derniers volumes que 6 liv., au lieu de 11 liv. On a cru cette dernière condition plus honnête que de s’obliger à donner des volumes gratis, qui, en nuisant a l’entrepreneur, auroit pu nuire à l’ouvrage ; & en donnant ces volumes beaucoup au dessous du prix de fabrique, nous ne craignons pas qu’on nous accuse d’en augmenter le nombre pour notre intérêt particulier. »

Nous n’avons nulle part, dans aucun prospectus, ni lettres, ni journaux, annoncé que cette condition seroit particulière aux seuls souscripteurs à 751 liv. ou aux seuls souscripteurs du second titre à 672 liv. ; il n’a été publié aucun prospectus in-4o. à deux colonnes, où elle ne soit insérée ; elle est donc une loi, une règle générale pour les deux classes de souscripteurs, & la forme même de l’énoncé l’indique suffisamment, puisque, dans tous les billets de souscriptions on a mis, conformément aux conditions énoncées dans le prospectus. Or il n’existe d’autre prospectus réel de l’édition actuelle, que le prospectus in-4o. à deux colonnes, qui en est le modèle. Quelques personnes, porteurs du premier titre, sont donc dans l’erreur, lorsqu’elles se persuadent qu’elles doivent avoir l’Encyclopédie actuelle pour le prix de 672 liv., à quelque nombre de volumes qu’elle puisse s’étendre, parce que leur titre porte, prix d’un exemplaire complet. L’exposé des faits leur prouve qu’elles ne l’auroient pas eu même à ce prix dans l’exécution du premier plan, puisqu’encore une fois le prospectus in-8o. à deux colonnes, auquel ce titre étoit alors relatif, porte expressément qu’on se tiendra compte réciproquement de plusieurs volumes excédans, & qu’on devoir même les payer 12 liv. au lieu de 6 liv. Or ce prospectus in-8°. étant nul, puisque l’édition, dont il devoit être le modèle, n’a pas eu lieu, ce titre devient relatif au prospectus in-4o. à deux colonnes, où la condition précédente a été modifiée de la manière dont nous venons de le rapporter ([2]). C’est la grande imperfection de la première Encyclopédie, imperfection reconnue par M. Diderot lui-même, qui a nécessité cette augmentation de volumes. Des parties entières manquent dans cette première édition ; & la nomenclature de toutes y est si imparfaite, qu’ayant cru d’abord que l’Encyclopédie actuelle ne contiendroit que trente mille articles plus que la première, nous sommes actuellement assurés qu’elle en contiendra plus de cent mille. Tous les gens de lettres attachés à cet ouvrage pourront répondre que nous n’avons sollicité en aucune manière cette augmentation de volumes ; elle est contraire à nos intérêts, eux-mêmes n’auroient pu prendre d’engagement sérieux envers nous, puisque c’est l’état d’imperfection de chacune des parties de l’ancienne Encyclopédie, qui a dû régler leurs travaux & l’étendue de leur ouvrage.

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  1. (1) On exprimoit, dans ce titre, le format in-4o, ou in-8o., dont les souscripteurs avoient la liberté du choix.
  2. (1) Les souscripteurs du premier titre seroient mal fondés à dire qu'ils n'ont point eu connoissance du prospectus in-4o. à deux colonnes, relatif à l'édition actuelle, ni de la lettre du 12 mars 1782, ni de l'avis inséré dans le mercure & les journaux ; car, en supposant que cela fût, on auroit encore à leur répondre, qu'ayant reçu une édition tout à fait différente de celle qui est annoncée dans le titre dont ils sont porteurs, & par le premier prospectus, ils ont dû nécessairement conclure qu'il y avoit du changement dans la souscription, & qu'il devoit exister un prospectus relatif au format & à l'édition publiés ; & l'acceptation qu'ils ont faite des livraisons, prouve le consentement qu'ils ont donné à la nouvelle forme qu'on a été obligé d'adopter pour faire l'entreprise.