Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Dictionnaire de la pratique/Stil-de-grain

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STIL-DE-GRAIN. (subst. comp. masc.) C’est une forte décoction de graine d’Avignon, que l’on mêle avec de la craie, & dont on fixe la couleur en y ajoutant un peu d’alun. La craie que l’on choisit ordinairement est celle qui vient des environs de Troyes en Champagne. Aulieu de cette craie, quelques-uns prennent du blanc de plomb ou de céruse, que l’on broie bien fin sur le porphyre. On réduit en poudre la graine d’Avignon dans un mortier de bois, on la fait bouillir dans un pot de terre vernissé, jusqu’à ce que l’eau dans laquelle elle nage soit réduite d’un tiers au moins ; on passe cette décoction dans un linge ; on y mêle un peu d’alun dont l’effet est de fixer la couleur, & quand l’alun est fondu, on détrempe avec cette décoction la craie ou le blanc, & l’on réduit le tout à la consistance d’une pâte, qu’on paîtrit dans les mains pour en former des trochisques, ou boules. On laisse sécher ces trochisques, & on les détrempe de nouveau dans la décoction, ce qu’on renouvelle jusqu’à trois ou quatre fois, suivant l’intensité du ton que l’on veut donner au stil-de-grain, ayant l’attention de le faire sécher à chaque fois différente. La décoction doit être chaude quand n détrempe le blanc. (ancienne Encyclopédie.)


il reste presque toujours dans cette composition des parties salines de l’alun, & il est absolument nécessaire de l’en dépouiller : cette opération exige des soins indispensables.

Après avoir bien fait laver le porphyre & la mollette, précaution qu’il faut toujours prendre abaque fois qu’on passe d’une couleur à l’autre,


faites broyer le stil-de-grain avec un peu d’eau ; jettez-le ensuite dans une très-grande quantité d’eau chaude bien pure ; délayez-le quelques instans avec une spatule, ou cuiller de bois, & laissez-le reposer un jour ou deux : alors jetez l’eau sans agiter le vase, jusqu’à ce que le sédiment soit prêt à tomber, & versez-le avec le peu d’eau qui reste, sur du papier à filtrer que vous aurez étendu sur un linge suspendu par ses quatre angles. Quand le sédiment sera sec, il se levera de lui-même en écailles. Mettez-le sur le porphyre avec un pot d’eau, pour lui faire donner quelques tours de mollette. Il ne reste plus qu’à le réduire en trochisques.

Il y a dans le commerce des stils-de-grain de différentes nuances, depuis le citron jusqu’à l’orangé : quelques marchands appellent celui-ci jaune-royal. Ce jaune m’a paru tiré de la racine de curcuma ou terra merita, que l’on nomme aussi safran d’Inde : cette couleur est peu solide. On en trouve sous le nom de stil-de-grain d’Angleterre : les compositions qu’on appelle de la sorte sont ordinairement d’une couleur fauve ou mordorée, quelquefois d’une couleur de boue. On connoît aussi un stil-de-grain brun, qui n’est qu’un mêlange de stil-de-grain jaune & de terre d’ombre nu de bistre. Pour éprouver la bonté du stil-de-grain jaune ou doré, écrâsez-en avec du bleu de Prusse, mais un peu moins de ce dernier : ce mêlange doit donner une poudre d’un beau verd.

La graine d’ahouai, arbre laiteux qui croit au Ceylan, fourniroit un beau stil-de-grain jaune. Il est d’autres plantes étrangères dont nous pourrions, pour le même usage, desirer la possession. Tel est le cariarou, dont les feuilles donneroient une couleur voisine de celle de l’écarlate ; les feuilles de l’alcana, sorte de troëne d’Egypte, fourniroient un rouge solide. Les baies du balisier, plante de la Guiane, donnent un pourpre fort riche ; la racine du mascapenna teint en cramoisi ; le tsaï de la Cochinchine, plante qui, fermentée comme celle de l’indigo, donne, dit M. Poivre, un verd d’émeraude très-solide & très-abondant ; le bois de taan ba, espèce de mûrier, teint en jaune, comme tous les arbres de la même classe. Mais nous n’avons pas besoin, pour cette dernière couleur, d’aller chercher loin de nous ce que nous pouvons trouver dans nos campagnes. La nature y prodigue une foule de végétaux propres à la composition des stils-de-grain : le point capital est de leur donner de la solidité. On n’emploie ordinairement dans cette vue que l’alun ; je crois que la dissolution d’étain rempliroit mieux ce but, sur-tout pour la peinture à l’huile, & que les couleurs n’y perdroient pas du côté de l’éclat.

Voyez à l’article Lacque, la recette de la dissolution d’étain.

Les plantes dont on a coutume de composer des stil-de-grain, donneront peut-être un jaune un peu moins brillant avec cette dissolution ; mais il aura le grand avantage d’être plus solide qu’avec l’alun.

Faites bouillir, par exemple, à petit-feu, pendant une demi-heure, dans deux pintes d’eau de fontaine, une poignée de petites branches de pue plier d’Italie, coupées en petits morceaux. Ajoutez ensuite à la décoction deux poignées de tiges de gaude fraîche, ou même sèche, telle que la vendent les épiciers. Laissez-la bouillir quelques instans, & joignez-y cinq ou six gros de sel de tartre en poudre, avec une petite cuillerée de sel commun : laissez un moment la décoction devant le feu, mais sans bouillir, & coulez-la dans un plat de terre, au travers d’un linge. Versez dedans goutte à goutte, & par intervalles, cinq ou six gros de dissolution d’étain. Quand l’effervescence aura cessé faites chauffer le plat, afin qu’une grande partie de l’eau s’évapore. La chaux métallique, versée dans la décoction, lâche son dissolvant, saisit les particules colorantes, les retient, & se précipite incorporée avec elles, pendant que le dissolvant, qui s’unit à l’alkali du tartre & du sel marin, nage dans la liqueut. Mais il faut le séparer du précipité, c’est ce qu’on opère par le moyen de la filtration. L’eau passe à travers les pores du papier gris ou lombard, entraînant avec elle tous les sels qu’elle tient dissous, & laisse le précipité, qui forme une lacque jaune. Il est bon de l’arroser encore sur le filtre, & même abondamment, pour achever de le désaler.

Ce qui n’est encore qu’une lacque, devient un véritable stil-de-grain, si l’on met dans la décoction de gaude un peu de craie bien broyée, avant d’y jetter la dissolution d’étain. La composition sera, par ce moyen, plus volumineuse ; mais c’est à peu-près tout ce qu’elle y gagnera, si ce n’est que les substances alkalines exaltent presque toujours les jaunes.

On peut substituer à la gaude une herbe encore plus commune, la fumeterre. On la trouve dans les jardins & chez tous les herboristes : verte ou sèche, il n’importe. Le jaune est à-peu-près tel que celui de la gaude, & il n’est pas moins durable.

Les plantes qui suivent donneront aussi des jaunes francs & également solides, jonquille, souci, mordoré, verdâtre.

Le bois de fumac de Virginie.

Les petites branches des alaternes.

Celles de l’arbre aux anémones.

Ceiles du thuya de Canada.

L’éorce du peuplier d’Italie, ainsi que ses nouvelles branches.

La tige & les feuilles de la sarrete.

Les fleurs encore fraîches, ou sechées à l’ombre du jonc marine.


L’œillet d’Inde, tige, feuilles & fleurs.

La graine d’Avignon.

  • La grande camomille ou œil-de-bœuf.
  • Le bois de Fustel.
  • La racine de curcuma ou terra merita.

Les trois dernières plantes que nous avons marquées d’un astérique, donnent un jaune moins solide que celles qui ont précédé. (Traite de la peinture au pastel.)

C’est à l’expérience à montrer la bonté & la solidité des stils-de-grain, dans lesquels on remplaceroit l’alun par la dissolution d’étain. Mais il faut avertir que les stils-de-grain qui se trouvent dans le commerce, & qui sont composés de craie ou de blanc de blomb mêlé d’alun, & impregnés d’une décoction colorante, manquent absolument de solidité ; qu’ils ne tiennent pas, & que, par conséquent, ils ne sont bons, ni pour l’huile, ni pour la détrempe. Les peintres qui en ont fait usage, en ont pu reconnoître le vice de leur vivant.