Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Dictionnaire de la pratique/Stuc

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STUC. (subst. masc.) Le stuc ou le marbre factice, est une composition dont le plâtre fait toute la base. La dureté qu’on sait lui donner, les différentes couleurs que l’on y mêle, & le poli dont il est susceptible, le rendent propre à représenter presqu’au naturel les marbres les plus précieux.

La dureté que le plâtre peut acquérir, étant la qualité la plus essentielle à cet art, c’est aussi la première à laquelle les ouvriers doivent s’appliquer. Elle dépend absolument du degré de la calcination que l’on donne au plâtre ; & comme la pierre qui le produit est susceptible de quelques petites différences dans sa qualité intrinsèque, suivant les différens pays où elle se rencontre, il faut tâtonner & étudier le degré de calcination qu’on doit lui donner, pour que le plâtre qui en viendra, prenne le plus grand degré de dureté qu’il est possible ; on ne peut donner ici de notions sur cette méthode qu’en ce qui regarde le plâtre de Paris ; ce sera l’affaire des ouvriers d’essayer de calciner plus ou moins les pierres gypseuses des autres pays, afin de trouver le plus grand degré de dureté où l’on puisse porter le plâtre qu’elles produisent.

On casse les pierres à plâtre de Paris avec des marteaux, en morceaux à-peu-près gros comme un petit œuf, ou comme une grosse noix. On enfourne ces morceaux dans un four que l’on fait chauffer, comme si l’on vouloit y cuire du pain ; on bouche l’ouverture du four. Quelque temps après, on débouche le four pour en tirer un ou deux petits morceaux de plâtre que l’on casse avec un marteau ; si l’on s’apperçoit que la calcination a pénétré jusqu’au centre du petit morceau, de façon cependant qu’on y remarque encore quelques points brillans, c’est une marque que la calcination est à son point de perfection, & alors on retire promptement du four tout le plâtre par le moyen du rable. Si dans la cassure on remarquoit beaucoup de brillants, ou qu’on n’en remarquât point du tout, ce seroit une preuve, dans le premier cas, que la pierre ne seroit point assez calcinée ; dans le second cas qu’elle le seroit trop.

Quoique le plâtre devienne très-dur lorsqu’il en calciné à son point, la surface s’en trouve cependant remplie d’une infinité de pores, & les grains sont trop faciles à s’en détacher pour qu’il puisse prendre le poli comme le marbre. C’est pour remédier à cet inconvenient, que l’on prend le parti de détremper le plâtre avec de l’eau dans laquelle on fait dissoudre de la colle, qui remplissant les pores, & attachant les grains les uns aux autres, permet que, pour ainsi-dire, on puisse nier & emporter la moitié de chaque grain, ce qui forme le poli.

Cette colle est ordinairement de la colle de Flandre ; il y en a qui y mêlent de la colle de poisson, & même de la gomme arabique. C’est avec cette eau chaude & collée que l’on détrempe le plâtre ; mais comme le peu de solidité de cette substance, sur-tout lorsqu’elle n’est point appuyée, demande qu’on donne une certaine épaisseur aux ouvrages, on diminue la dépense en faisant le corps de l’ouvrage ou le noyau avec du plâtre ordinaire, & en le couvrant avec la composition de plâtre dont on vient de parler, elle doit avoir une ligne & demie ou deux lignes d’épaisseur.

Lorsque l’ouvrage est suffisamment sec, on travaille à le polir, à-peu-près de la même façon que le véritable marbre. On emploie ordinairement une espèce de pierre qui est assez difficile à trouver. C’est une sorte de cos ou pierre à aiguiser, qui a des grains plus fins que ceux du grès, & qui ne se détachent pas si facilement de la pierre ; la pierre-ponce peut rendre le même service. On frotte l’ouvrage avec la pierre d’une main, & on tient de l’autre une éponge imbibée d’eau, avec laquelle on nettoie continuellement l’endroit que l’on vient de frotter, afin d’ôter à chaque instant par le lavage ce qui a été emporté de la surface : il faut laver l’éponge de temps en temps, & la tenir toujours remplie d’eau fraîche.

On frotte ensuite l’ouvrage avec un tampon de linge, de l’eau, de la craie ou du tripoli. On substitue à cela du charbon de saule, broyé & passé très-fin, ou même des morceaux de charbons entiers, pour mieux atteindre le fond des moulures, en employant toujours l’eau avec l’éponge qui est imbibée. On finit par frotter avec un morceau de chapeau imbibé d’huile & de tripoli en poudre très-fine, & enfin avec le morceau de chapeau imbibé d’huile seule.

Lorsqu’on veut un fond de couleur, il suffit de délayer la couleur dans de l’eau de colle, avant d’employer cette eau à délayer le plâtre.

Il semble qu’on pourroit ajuster les pierres à polir, dont on vient de parler, à des morceaux de bois faits en façon de varlopes ou d’autres outils de Menuisier ; les surfaces de l’ouvrage en seroient mieux dresses, & les moulures plus exactes ; mais il faut se souvenir de laver toujours à mesure que l’on frotte.

Lorsqu’on veut imiter un marbre quelconque, on détrempe avec l’eau collée chaude, dans différens petits pots, les couleurs qui se rencontrent dans ce marbre ; on délaye avec chacune de ces couleurs un peu de plâtre ; on fait de chaque couleur une galette à-peu-près grande comme la main ; on met toutes ces galettes alternativement l’une sur l’autre ; celles dont la couleur est dominante sont en plus grand nombre ou plus épaisses. On tourne sur le côté ces galettes qui étoient arrangées sur le plat ; on les coupe par tranches dans cette situation, & on les étend ensuite promptement sur le noyau de l’ouvrage, où on les applatit. C’est par ce moyen que l’on vient à bout de représenter le dessin bizarre des différentes couleurs dont les marbres sont pénétrés. Si l’on veut imiter les marbres qu’on appelle des brèches, on met dans la composition de ces galettes, lorsqu’on les étend sur le noyau, de morceaux de plâtre de différentes grosseurs, délayés avec la couleur de la brèche ; ces morceaux venant à être applatis, représentent très-bien cette sorte de marbre. Il faut remarquer que, dans toutes ces opérations, l’eau collée doit être un peu chaude, sans quoi le plâtre prendroit trop vîte, & ne donneroit pas le tems de manœuvrer.

Si c’est sur un fond de couleur que l’on veut représenter des objets, comme des forêts, des paysages, des rochers, ou même des vases, des fruits & des fleurs, il faut les dessiner sur du papier, piquer ensuite les contours des figures du dessin, les appliquer sur le fond, après qu’il aura été presque achevé de polir, & les poncer avec une poudre d’une couleur différente du fond, c’est-à-dire, noire si le fond est blanc, & blanche si le fond est noir. On arrête ensuite tous les contours marqués par le poncis, en les traçant plus profondément avec la pointe d’une alêne, dont se servent les Cordonniers ; après quoi, avec plusieurs alênes dont on aura rompu les pointes, pour en former de petits ciseaux, en les aiguisant sur une meule, on enlevera proprement toute la partie du fond qui se trouve renfermée, dans les contours du dessin qui est tracé ; ce qui formera sur le fond des cavités à-peu-près d’une demi-ligne de profondeur.

Lorsque tout ce qui est contenu dans l’intérieur des contours de dessin, sera ainsi champlevé, on aura plusieurs petits pots ou gobelets, & l’on y tiendra sur du sable ou de la cendre chaude, de l’eau collée, dans laquelle on aura délayé différentes couleurs ; on mettra un peu de plâtre dans la paume de la main, que l’on teindra plus ou moins, en y mêlant plus ou moins de cette eau colorée ; on remuera bien le tout sur la paume de la main avec un couteau à cou. leurs dont les peintres se servent, jusqu’à ce que l’on s’apperçoive qu’il commence à prendre un peu de consistance ; alors on en prendra avec le coûteau la quantité que l’on jugera nécessaire, & on la placera dans un côté de l’intérieur du creux de la figure que l’on veut représenter, en pressant avec le couteau, & unissant par-dessus la partie du plâtre coloré que l’on vient de mettre, & qui touche les contours de la figure.

On détrempera ensuite promptement dans la main un autre plârre coloré, mais d’une nuance plus claire, qu’on placera dans le même creux, à côté de celui qu’on vient de mettre ; on aura quatre ou cinq aiguilles enfoncées parallélement par la tête au bout d’un petit bâton, comme les dents d’un peigne, avec lesquels on mêlera un peu la dernière couleur avec celle qu’on a posée la première, afin que l’on n’apperçoive pas le passage d’une nuance à l’autre, & que la dégradation en soit observée ; on continuera à poser ainsi des nuances plus claires du côté de la lumière, jusqu’à ce que le creux de la figure que l’on veut représenter, soit exactement rempli : ensuite on applatira légèrement le tout avec le couteau, & on le laissera sécher.

Si l’on s’apperçoit, après avoir poli, que les nuances ne soient pas bien observées dans quelqu’endroit, on pourra, avec une pointe, faire des hachures dans cet endroit, & introduire un plâtre coloré plus en brun & fort liquide ; il faut que ces hachures soient assez profondes pour ne pouvoir être tout-à-fait emportées par le poli qu’on sera obligé de donner sur tout l’ouvrage. On se sert de cette dernière manœuvre pour


découper les feuilles des arbres, celles des plantes, &c.

En général les figures indéterminées, comme les ruines, les rochers, les cavernes, &c. réussissent toujours beaucoup mieux dans cette façon de peindre, que des figures qui demandent de l’exactitude dans les nuances, & de la correction dans le dessin.

On polit les peintures de la même façon qu’on l’a dit pour les fonds ; & si l’on s’apperçoit en polissant, qu’il se soit formé quelques petits trous, on les remplit de plâtre délayé très-clair avec de l’eau collée, & de la même couleur. Il est même d’usage, avant d’employer l’huile pour le poli, de passer une teinte générale de plâtre coloré & d’eau collée très-claire, sur toute la surface, pour boucher tous les petits trous.

Il faut choisir pour toutes ces opérations le meilleur plâtre & le plus fin ; celui qui est transparent paroît devoir mériter la préférence.

Pour les couleurs, toutes celles que l’on emploie dans la peinture à fresque sont propres à ce genre. Il doit paroître singulier que, dans cette façon de peindre, on ait prescrit de se servir de la paume de la main pour palette, en voici la raison.

Lorsqu’on détrempe le plâtre avec de l’eau de colle colorée, on est obligé d’employer une trop grande quantité d’eau pour qu’elle ne s’écoulât pas si on la mettoit sur une palette ; au lieu que l’on forme dans la main un creux qui la contient, & qu’en étendant les doigts à mesure que le plâtre vient à se prendre, cette singulière palette, qui étoit creuse d’abord, devient plate quand il le faut. On pourroit ajouter à cela que la chaleur de la main empêche le plâtre de prendre trop vîte. (Article de M. de Montamy, dans l’ancienne Encyclopédie.)