Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Horizon
HORIZON. (subst. masc.) Ce mot a, dans le langage de la peinture, la même signification que dans la langue ordinaire ; c’est-it-dire, qu’il sert à nommer la ligne où se réunissent le Ciel & la terre : il vient d’un mot grec qui signifie déterminer, fixer la limite. Cependant on s’en sert dans la peinture, sous deux rapports différens : le premier est relatif à la perspective. On appelle horizon, ou ligne horizontale, la ligne sur laquelle aboutissent les rayons visuels. On nomme horizon, l’endroit du tableau où la terre touche au ciel, & c’est la seconde application de ce mot. Mais on exprime plus proprement cette partie du tableau par le mot lointain. En ce sens, la meilleure méthode de rendre l’horizon relativement aux couleurs, aux effets & aux manières diverses des habiles peintres, pourroit former un article qui sera mieux placé sous le mot Lointain. Ainsi nous nous contenterons de dire ici quelque chose sur l’horizon dans la perspective.
Nous avons établi que c’étole sur la ligne horizontale que se plaçoit le point où le réunissent les rayons visuels, & qu’on appelle communément le point de vue. C’est une convention d’autant mieux fondée que l’œil de l’homme qui contemple, sans intention particulière, une vaste campagne, ou l’étendue de la mer, s’arrête ordinairement à l’horizon.
La ligne de l’horizon doit être en perspective du niveau le plus exact : aussi employe-t-on figurément les expressions, ligne horizontale, surface, plan horizontal, pour exprimer le niveau de ces plans, de ces surfaces, de ces lignes. Cette qualité spéciale de l’horizon en perspective, détermine la différence de cette application du mot, d’avec celle qui se donne à l’horizon ou lointain, dans une peinture, car ce lointain ou horizon peut être très varié de formes.
Ce n’est pas une chose indifférente pour un peintre, que de bien ou mal placer, dans son ouvrage, la ligne horizontale. Si elle est placée haute, il faudra voir davantage le dessus des objets ; si cette ligne est basse, ces dessus ou profondeurs deviennent plus raccourcies.
Un artiste raisonnable se détermine sur ce choix par la place que doit occuper son ouvrage, & par les objets qu’il le propose de rendre. S’ils sont d’une nature à produire une parfaite illusion, tels que des meubles, de l’architecture, ou tous autres objets sans mouvement ; alors il doit suivre la loi donnée par la nature, & placer l’horison suivant le lieu qu’occupera le regardant. S’il fait un tableau d’histoire, alors sans s’écarter de cette loi d’une maniére choquante, il doit cependant s’en éloigner autant qu’il le faut pour conserver de la grace, disons plus, de la vraisemblance dans son ouvrage : autrement ce seroit le cas de lui appliquer cette leçon :
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
En effet, supposons qu’un peintre ait à faire un tableau destiné à être placé à vingt pieds
de terre ; s’il met l’horizon tel qu’il seroit dans la nature, s’il voyoit d’en bas la scène réelle qu’il veut peindre, il placera cette ligne à 14 ou 15 pieds au dessous du bas de son tableau ; & alors toutes les hauteurs des objets de son tableau, deviendront raccourcies, & produiront des effets désagréables, sur-tout dans un sujet dont l’action se passeroit sur la terre, & par rapport aux figures debout.
D’un autre côté, lorsque les peintres choisissent un horison trop haut, les objets de leurs tableaux ont l’air de se renverser sur les spectateurs. C’est une pratique qui produit des effets ridicules, & qu’il faut fuir, quoique le Tintoret en ait fait un assez fréquent usage.
Ainsi pour concilier la vraissemblance avec la nécessité de plaire, il est avantageux de placer la ligne d’horizon un peu bas, sur-tout lorsque le tableau doit être élevé, sans cependant le faire sortir de la scène.
Nous savons que cette conciliation est contre le systême de quelques peintres qui n’ont pas fait difficulté de placer l’horizon hors d’œuvre, quand l’exposition de leur tableau leur a semblé l’exiger. L’art de peindre est aussi l’art de plaire, & on peut sacrifier cette loi de rigueur, sur-tout lorsque des peintres habiles en perspective, en ont usé ainsi. Il nous suffit de cirer le Vouet, le Sueur, Jouvenet, la Hyre & Carle Maratte, qui sont assurément des modèles à suivre sans balancer. (Article de M. Robin.)