Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Honneur

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Panckoucke (1p. 421).
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HONNEUR. (subst. masc.) L’honneur d’un artiste est d’exceller dans son art ; mais il perdra pour son talent, tout le temps qu’il ne craindra pas d’employer à la recherche des honneurs, & cette recherche occupant une partie de l’es esprits, au moment où il recevra les honneurs qu’il aura poursuivis, il sera moins digne de les obtenir.

Mais s’il est dangereux pour les artistes de courir après les honneurs, il est très-avantageux pour l’art que les honneurs viennent les chercher. On ne sauroit douter que ceux qui furent accordés aux arts dans l’ancienne Grèce, n’aient contribué beaucoup à leur perfection.

Les villes d’la Grèce honoroient sans doute la peinture, quand elles enrichirent Zeuxis, & quand, dans la suite, elles recurent avec reconnoissance le présent de les ouvrages.

Un édit public ne permit qu’aux personnes libres d’exercer les arts ; on eût craint qu’ils ne fussent souillés par des mains qui avoient porté des fers. Les élémens de la peinture, ou plutôt du dessin, furent ce qu’on apprit, avant toutes choses, aux enfans de condition libre.

Pamphile, le maître d’Apelles, exigeoit un talent de ceux qui vouloient apprendre son art : si les autres maîtres suivirent son exemple, les enfans du bas peuple, à qui la démocratie permettoit de s’élever aux charges publiques, & de prendre part aux plus grands intérêts de l’état, ne pouvoient aspirer à cultiver les arts.

Alexandre aimoit Apelles, se plaisoit à venir s’entretenir avec lui dans son attelier, & ne s’offensoit pas des réponses quelquefois un peu familières du peintre.

Ce Démétrius, à qui ses conquêtes firent donner le nom de Poliorcetes, (le preneur de villes) ne marqua pas moins de bienveillance pour Protogènes. Le prince, pour se délasser du siège de Rhodes, alloit visiter l’artiste dont la maison étoît dans la campagne.

Les arts ne furent pas de même considérés à Rome. Il est vrai que des patriciens exerçoient la peinture ; mais suivant l’esprit public des Romains, c’étoit l’homme alors qui honoroit l’art & dans la Grèce, c’étoit l’art qui honoroit l’homme.

Les arts, après leur renaissance, furent excités par des honneurs. Léonard de Vinci mourut dans les bras du Roi de France. Le fier Jules II honoroit Michel-Ange autant qu’il pouvoit honorer quelqu’un ; c’est-à-dire, que du moins il le considéroit un peu plus que les Monsignori de sa cour.

Raphaël, aimé de Léon X, eut l’espérance d’être cardinal.


L’Empereur Maximilien se plaisoit à voir travailler Albert Durer, & l’. Ce peintre obtint l’estime de Charles-Quint de Ferdinand, son Frère, Roi de Hongrie & de Bohëme.

On connoit la considération que le terrible Henri VIII, Roi d’Angleterre, eut pour Holbeen. « De sept paysans, je pourrois faire sept comtes comme vous, dit-il à un seigneur ennemi d’Holbeen ; mais de sept comtes, je ne pourrois faire un Holbeen. »

Nous avons fait connoître à l’article Ecole, les honneurs que Rubens reçut à la cour de Philippe IV, Roi d’Espagne, & à celle de Charles II, Roi d’Angleterre.

Si l’artiste vit dans un temps où l’art ne soit pas honoré, qu’il le considère & s’honore lui-même. Si les riches, les grands ont peu d’estime pour les arts, qu’il se garde bien de les fréquenter ; il perdroir auprès d’eux l’énergie qui lui est nécessaire, concevroit quelque doute sur la dignité de sa profession & risqueroit de se moins estimer lui même, en se voyant médiocrement estimé. L’illusion d’un noble orgueil lui est utile ; qu’il la conserve précieusement. (Article de M. Levesque.)