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Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Plan de travail

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Panckoucke (1p. v-viii).

PLAN DE TRAVAIL POUR L’ENCYCLOPÉDIE MÉTHODIQUE,

adopté par MM. les Auteurs & Rédacteurs de cette édition.

Quoiqu’il y ait aujourd’hui plus de vingt mille exemplaires de l’Encyclopédie répandus chez les nations civilisées, par les éditions qui ont été faites à Paris, à Genève, à Lucques, Florence, Lyon, Yverdum, Lausane; cependant, comme un dictionnaire complet & universel des sciences, des arts, & des métiers sera nécessaire dans tous les temps, on ne peut douter qu’une édition de l’Encyclopédie, rangée par ordre de matières, augmentée, corrigée, & perfectionnée dans toutes ses parties, ne doive avoir du succès & mériter l’approbation & l’accueil de l’Europe éclairée. Mais le succès de cette nouvelle entreprise ne peut dépendre que de la perfection réelle de chacune des parties. Pour y parvenir & bien connoître le travail que chacun des gens de lettres qui se sont chargés de la révision d’une partie avoit à faire, on a cru nécessaire de s’assurer de l’état véritable de tous les articles qui composent chacune des parties de ce grand ouvrage. En conséquence, on a pris deux Encyclopédies in-folio, & deux exemplaires des supplémens, on a fait couper tous les articles, & en réunissant ceux qui ont rapport au même objet, on a formé un nombre de parties principales; chacune de ces grandes parties forme un dictionnaire séparé, qui, n’étant point confondu avec les autres, permet que l’homme de lettres, le savant chargé de sa rédaction, juge de l’imperfection de la nomenclature & des défauts de chacun des articles qui le composent; il n’est point obligé de lire vingt-un volumes in-folio, il n’est point accablé sous le poids de la masse entière. Pour éviter le défaut d’ordre & de concert qui a régné dans la première édition de l’Encyclopédie, il étoit aussi nécessaire que les nouveaux rédacteurs s’étendissent & travaillassent sur un plan commun.


La première & la principale attention de chaque auteur a été de circonscrire son objet, de bien connoître les limites dans lesquelles il a dû se renfermer, & de dresser le plan de la science ou de l’art dont il s’est chargé; sans cette attention, il se seroit exposé à comprendre dans son travail des objets qui doivent être traités par d’autres coopérateurs, & à faire nombre de doubles emplois. Le dictionnaire de Physique, par exemple, ne contiendra que les articles qui appartiennent directement à la Physique, parce que tous les autres articles qui ont avec la Physique un rapport plus ou moins éloigné, se trouveront dans les dictionnaires des sciences auxquels ils appartiennent directement, & qui feront eux-mêmes partie de l’Encyclopédie par ordre de matière. Ainsi, le dictionnaire de Physique ne contiendra aucune notion élémentaire de Mathématiques, d’Astronomie, aucun terme de Chimie, d’Anatomie, de Physique céleste, puisque chacun de ces objets sera traité séparément dans les parties de Mathématiques, de Chimie, d’Anatomie, &c.

Il n’y a que des hommes très-instruits qui puissent parfaitement connoître les limites de la science dans lesquelles ils doivent se renfermer. Ces limites ont été quelquefois difficiles à saisir, parce qu’il y a des connoissances, comme celles des sciences économiques, qui embrassent tout ce que l’on veut, & dont le circuit n’a jamais été bien déterminé: il a fallu nécessairement fixer ces limites dans cette nouvelle édition, pour ne rien confondre, ne pas se répéter; & ces opérations préliminaires, qui ont été arrêtées avec les auteurs, font connoître qu’il étoit nécessaire qu’ils s’accordassent & s’entendissent pour mettre, dans tout le cours de cet ouvrage, de l’unité, de l’ordre, & de l’harmonie dans l’exécution des différentes parties de cette grande entreprise.

Quelques détails sur les objets qui pouvoient être communs à plusieurs sciences, feront voir combien il étoit nécessaire que les rédacteurs s’entendissent, & sur les choses, & sur les noms, & sur les mots, afin d’éviter les doubles emplois & les répétitions.

La Minéralogie, par exemple, qui traite des productions du règne minéral, est bien distincte de la science qui traite du règne végétal & du règne animal; cependant la plupart des objets de la Minéralogie sont communs avec la Métallurgie, la Chimie, la Matière médicale; un dictionnaire de Minéralogie, qui ne feroit pas partie de l’Encyclopédie méthodique, devroit embrasser tous ces objets; mais comme on traitera particulièrement de la Chimie, de la Métallurgie, &c., dans les dictionnaires particuliers, qui font eux-mêmes partie de l’Encyclopédie par ordre de matières, on n’auroit pu en parler dans le dictionnaire Minéralogique, sans se répéter. Il étoit donc bien nécessaire de connoître exactement les limites dans lesquelles la Minéralogie doit être renfermée. La Chimie ne traite des minéraux, que pour connoître la nature de leurs parties intégrantes; on emploie, pour y parvenir, les dissolvans les plus actifs, le feu, les acides. Le Minéralogiste ne considère les métaux que dans leur état naturel; il les juge, les compare sur leurs rapports extérieurs; il cherche leur origine dans le sein de la terre; il observe leur accroissement, leur dépérissement. Un dictionnaire de Minéralogie, faisant partie de l’Encyclopédie méthodique, ne doit donc comprendre que les noms & les dénominations qui désignent les minéraux dans leur état naturel.

Le métallurgiste diffère du minéralogiste, en ce qu’il n’a en vue que les métaux & les demi-métaux. Son travail s’étend sur toutes les mines métalliques; il observe leurs indices sur la surface de la terre; il suit leurs veines, leurs filons dans toutes leurs directions. Un laboratoire de Chimie suffit pour la Docimasie, qui est l’art d’essayer les mines en petit; le Métallurgiste travaille sur les grandes masses, &c. Son laboratoire, ce sont les volcans, les montagnes, les antres profonds, les entrailles de la terre, le fond des vastes mers, en un mot, la surface du globe.

Il en est de même de la matière médicale, qui comprend la description des drogues employées par les médecins. Le minéralogiste doit donner les noms des drogues simples tirées du règne minéral, mais il ne faut pas qu’elles y soient décrites relativement au choix que les apothicaires en font pour la Pharmacie.

Un des défauts de l’ancienne Encyclopédie est dans l’imperfection de la nomenclature; on n’y trouve presque jamais ce qu'on y cherche il y a des sciences où elle est imparfait de plus des trois


quarts ; comme la Marine, &c. Il a donc fallu que chaque coopérateur comprît dans son plan de travail la nomenclature la plus exacte de tous les mots qu'il doit traiter. On y est parvenu, en cherchant dans les ouvrages originaux, qui ont été publiés sur la science que traite chaque rédacteur, tous les mots qui ont pu échapper aux premiers auteurs de l’Encyclopédie.

Une autre attention, non moins importante que la précédente, concerne les mots communs à plusieurs sciences & arts, & qui sont tout à la fois du domaine, soit du géomètre, soit du physicien, soit du naturaliste & du chimiste. L’article Air, par exemple, sera également traité par le chimiste, le physicien, le médecin; tous doivent en parler, mais tous doivent le faire différemment, & sans se répéter. Le chimiste parlera de la décomposition de l’air & de ses différentes espèces. Le physicien l’envisagera comme élément, & parlera des différentes expériences auxquelles on le soumet; il doit le considérer comme une des grands moyens que la nature emploie, soit comme ressort de la végétation, soit comme une des principales causes des météores & des vents; le médecin considère plus particulièrement l’air, par rapport à sa salubrité, à son action sur le corps humain, à sa quantité dans les alimens.

Non seulement on s’est attaché particulièrement à compléter la nomenclature de chaque partie; mais afin de ne laisser échapper aucun des mots communs ou équivoques, on a d’abord dressé une table exacte de ces derniers mots, extraite de l’Encyclopédie, de son supplément, des Questions sur l’Encyclopédie, où il y en a un grand nombre, & de la table de ces noms, insérée dans le trentième volume du grand Vocabulaire, dont la liste des mots est beaucoup plus considérable que celle d’aucun dictionnaire; & on a communiqué aux auteurs de l’Encyclopédie méthodique cette table des mots communs & équivoques, afin que chacun d’eux connût d’abord ceux qui étoient de son objet & de son plan. Avec toutes ces attentions, nous ne croyons pas qu’aucun mot de la langue puisse échapper dans cette Encyclopédie.

Dans cette nouvelle édition on évitera le seul reproche, peut-être fondé, qu’on a pu faire jusqu’à présent aux dictionnaires. On les regarde comme des ouvrages superficiels, qui sont plus faits pour être consultés, que pour être étudiés. Ce reproche est fondé général, mais non pas pour tous les dictionnaires. Nous en pourrions citer plusieurs, qui sont des traités complets de la science qu’ils embrassent, & c’est ce qu’on se propose dans cette nouvelle édition de l’Encyclopédie. Chaque dictionnaire sera complet dans son genre, & comprendra tout ce qu’il y a de vrai, d utile, de réel dans la science ou l’art qu’il a pour objet. Dans l’ancienne Encyclopédie on n’a pas donné assez d’étendue aux articles de toutes les connoissances utiles, & on en a donné beaucoup trop aux planches. Ceux qui ont lu ce grand ouvrage, savent qu’il arrive souvent que l’on ne trouve pas ce que l’on y cherche. Non seulement la nomenclature y est imparfaite, mais il y a des milliers d’articles de peu d’utilité, qui sont d’une longueur démesurée, & une infinité d’autres très-utiles, sur lesquels on trouve à peine quelques lignes. Il eût été très-utile de travailler à de nouveaux dictionnaires, si chacun d’eux ne devoit pas l’emporter sur ceux que nous possédons. Leur étendue doit donc être déterminée sur leur utilité, sur l’état actuel de la science, & sur les progrès qu’elle a faits.

Quant à la manière de traiter chaque article, on ne pouvoit rien prescrire en particulier sur cet objet : mais la table générale de tous les objets que chaque dictionnaire doit embrasser, étant dressée, il étoit facile de distinguer dans cette table les mots principaux de l’art & de la science, les rapports & l’analogie qu’ils ont entre eux : c’est par ce travail préliminaire, auquel chacun des rédacteurs s’est assujetti, qu’ils ont pu connoître, sans se tromper, les mots qui n’exigent qu’une simple définition, & ceux qui étant, pour ainsi dire, la clef de l’art ou de la science, doivent être traités avec l’étendue convenable, puisqu’une foule de mots leur sont subordonnés.

Aux articles, par exemple ; de la Minéralogie, les mots, suc lapidifique, concrétion, minéralisation, &c., sont les principaux de cette science ; il faut donc les traiter avec une certaine étendue, & donner un précis des opinions des meilleurs auteurs sur chacune des opérations de la nature. Il en est de même, en Chimie, des mots métaux, métallisation, acides, &c.

Chaque traité contiendra des définitions claires, nettes, & précises de tous les termes de la science ou de l’art ; une exposition très-succincte des différens systêmes ; & à l’article qui indiquera la science qu’on traite, on donnera une idée générale des principaux objets de cette science, on y fera mention des meilleurs auteurs, & on fera l’histoire abrégée de la science, afin de faire connoître les progrès successifs qu’elle a faits. Le grand art, dans une pareille entreprise, est d’étre concis, serré, de dire beaucoup en peu de mots, d’éviter les répétitions, les superfluités. Le style, en général, doit être simple, clair, & toujours relatif au sujet. Chaque chose doit avoir son coloris, & l’on conçoit que la Littérature exige un autre ton que la Marine ou l’Art Militaire.

Chacun de ces dictionnaires sera précédé de discours préliminaires, lesquels seront suivis de tableaux d’analyses, qui indiqueront l’ordre encyclopédique de tous les mots de chaque dictionnaire. M. d’Alembert a fait voir, dans le discours qui est à la tête de la première édition de l’Encyclopédie, en quoi consistoit l’ordre encyclopédique, & de quelle manière il pouvoit s’allier avec l’ordre alphabétique ; mais s’il a prouvé que cette liaison fût possible pour un dictionnaire qui renferme, pêle-mêle, toutes les connoissances humaines, combien n’est-il pas plus facile de la réaliser dans des dictionnaires qui chacun n’embrassent qu’un seul objet, & qui, étant précédés de tableaux analytiques, dans lesquels l’ordre des mots & des choses est indiqué, rendent l’usage de ces dictionnaires aussi commode que s’ils étoient des traités suivis & particuliers de chaque science ou art ? La division que nous avons adoptée ne nuit donc pas à l’ordre encyclopédique. Dans la première édition de l’Encyclopédie, on a employé trois moyens pour concilier l’ordre alphabétique avec l’ordre encyclopédique ; le systême figuré qui est à la tête de l’ouvrage ; la science à laquelle chaque article se rapporte, & la manière dont l’article a été traité, en mettant d’ordinaire à chaque mot le nom de la science ou de l’art dont il dépend. Dans l’édition actuelle, on n’a employé qu’un seul moyen, mais beaucoup plus simple, plus naturel ; c’est de mettre à la tête de chaque dictionnaire l’ordre dans lequel les mots doivent être lus, comme si chaque dictionnaire n’étoit qu’un traité didactique. Par ce moyen, le lecteur voit, pour ainsi dire, d’un seul coup d’œil le tableau de chaque science, & la liaison de tous les mots qui y ont rapport, ou plutôt de toutes les idées qui en sont les élémens.

L’art des renvois suppose un esprit juste & méthodique ; mais il faut bien prendre garde de ne pas trop les multiplier. Ils deviennent presque inutiles pour plusieurs dictionnaires dans cette nouvelle édition, puisqu’on mettra à la tête de chaque ouvrage le tableau, ou l’ordre dans lequel on doit lire les principaux articles de chaque dictionnaire, comme si c’étoient des traités suivis. Ainsi, le lecteur, en parcourant ce tableau, verra d’un seul coup-d’œil & sans être obligé de recourir à des renvois toujours incommodes, qu’en Physique, par exemple, après le mot mouvement, on doit lire les mots vîtesse ([1]), puissance, force, force d’inertie, force motrice, force morte, force vive, force projectile, lois de la nature, lois du mouvement, choc des corps, communication du mouvement, &c. De sorte que le renvoi ne devient nécessaire, que quand le mot n’est pas désigné dans le tableau. Dans tous les cas, si on l’indique, on sera exact à l’y placer. L’ancienne Encyclopédie fourmille d’omissions à cet égard.

Une autre attention qu’auront les rédacteurs, c’est de ne renvoyer qu’à l’ouvrage même, & non à d’autres ; une Encyclopédie devant essentiellement, & par sa nature, contenir le systême entier des connoissances humaines, & tous les mots des sciences dans leurs diverses parties.

L’indication des figures, & leur correspondance avec le discours sera toujours exacte & rigoureuse. Presque toutes les planches de la première Encyclopédie n’ont aucun rapport au discours. On aura aussi la plus grande attention à distinguer, par un signe, les articles corrigés, & les articles nouveaux par un double signe ; ou de mettre les noms à la fin des articles d’une certaine conséquence.

Les rédacteurs auront sans cesse sous les yeux la table de l’Encyclopédie, par M. Mouchon, deux volumes in-folio. Cette table, très-bien faite, indique les articles qui servent de supplement les uns aux autres ; elle réunit les observations, les corrections qui ont rapport à un, même article ; objet important pour cette nouvelle édition, où tout sera refondu, rapproché, & mis à sa place.


On peut juger par cette table, de l’imperfection où avoit été laissée la nomenclature dans la première édition de l’Encyclopédie. Elle peut encore servir à relever les erreurs qui ont pu se glisser dans le dépecement de tous les articles de l’Encyclopédie & de son supplément, dont plusieurs personnes ont été chargées, & dont le travail a duré près d’une année.

Cette table ne se borne pas à ces seuls objets d’utilité. Si l’Encyclopédie renferme des contradictions, elle les fait connoître ; elle présente les terme scientifiques des arts & des sciences sous leur terme vulgaire ; elle fournit encore un moyen très-facile de tirer de l’Encyclopédie, sur chaque matière de sciences & d’arts, des traités aussi complets que la nature de cet ouvrage peut le permettre.

Ces deux premières parties sont de M. Panckoucke.

  1. Si on recherchoit ces mots dans l’ancienne Encyclopédie, on seroit obligé d’ouvrir tous les volumes in-folio ; ces matières étant réunies, le lecteur n’est obligé de recourir qu’au volume qui les renferme, & cet exemple fait sentir d’une manière bien convaincante l’utilité & la commodité d’une Encyclopédie par ordre de matières.