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Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Ressort

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RESSORT, (subst. masc.) Ce mot, qui appartient à la physique & à la mécanique, est quelquefois ; employé métaphoriquement pour exprimer l’action, le mouvement d’une composition pittoresque. On dit qu’une composition a du ressort pour signifier qu’elle a de l’action : si elle est froide & sans vie, on dit qu’elle manque de ressort. On soupçonne que les peintres de l’antiquité n’ont pas connu le ressort, de la grande machine pittoresque, & je le crois : mais je crois aussi qu’ils ont connu au plus haut dégré des parties de l’art encore supérieures, telles que la beauté, le caractère & l’expression. Comme il est vraisemblable qu’ils ont traité rarement des sujets pro-


pres à la grande machine, & qui exigeassent un grand ressort, on ne peut guère leur reprocher d’avoir peu connu une partie de l’art qui ne convenoit point aux sujets qu’ils se plaisoient à choisir.

Ces idées de grand mouvement, de ressort, de grande machine, qui sont entrées dans la tête des modernes, ont fait à l’art plus de tort qu’on ne pense : de là sont venus les mouvemens exagérés, les imaginations folles, les expressions outrées, les compositions tourmentées. Tous les artisles ont voulu se distinguer par la chaleur, & ceux que la nature avoit destinés à la sagesse, se piquant de répandre à froid beaucoup de mouvement dans leurs ouvrages, n’ont fait qu’augmenter le troupeau servile des imitations. Imitatores servum pecus. Il y auroit bien peu d’hommes qui cultivassent les arts sans succès, si chacun savoit connoître & choisir le genre qui lui convient.

La plus froide sagesse peut mériter & obtenir des applaudissemens, & la folie elle-même ne manque pas d’agrémens quand elle n’est pas déplacée. Dulce est insanire in loco. Je ne crois pas que Michel-Ange, Raphaël, le Dominiquin, aient connu les mots de ressort & de grande machine, comme termes de leur art ; quoique le premier eût dans l’ame un terrible ressort, & que tous aient traité ce qu’on appelle des sujets de grande machine. Ces expressions sont nées avec les machinisti, les pittori di machine, les Cortone, les Solimene, les Corrado &c.

Il semble que, dès le quinzième siècle, Léon Alberti ait prévu le règne des peintres machinistes. « Je blâme assurément, dit-il, les peintres qui, pour paroître fertiles, & pour ne pas laisser d’espace vuide dans leurs ouvrages, ne suivent aucune règle dans leurs compositions, & placent tout au hasard & sans ordre, de sorte que leurs productions ne présentent aucun sujet déterminé & ne sont qu’un tumulte confus ; tandis que celui qui veut mettre de la dignité dans l’histoire, doit chercher surtout la simplicité. En effet, comme un prince montre de la majesté en exprimant ses volontés en peu de paroles, mais avec assez d’autorité pour que ses ordres soient remplis, de même un tableau d’histoire augmente en dignité quand il n’offre que le nombre requis de figures, & cette variété limitée lui donne de la grace. Je hais la solitude dans les sujets d’histoire ; mais je suis loin aussi d’approuver cette abondance qui nuit à la dignité ; & j’aime beaucoup mieux trouver dans ces fortes de tableaux ce que je vois observé par les poëtes tragiques & comiques, qui, pour représenter leur sujet, n’employent que le moins de personnages qu’il leur est possible. (L) »

RETOUCHER, RETOUCHE, (v. act.), (subst. fem.) J’expliquerai bientôt ce que signifie dans la peinture le mot touche. Les mots dont il est question dans cet article, ne sembleroient en être qu’une réduplication ; mais ils ont une signification plus générale & différente à quelques égards. La touche, comme je le dirai, est un signe d’expression. La retouche & retoucher expriment le soin que se donne un peintre en retravaillant à son ouvrage. Ges mots signifient encore le soin que prend un professeur ou un maître à corriger les ouvrages ou les études de ses élèves ; enfin on dit d’un homme habile ou ignorant, qui fait profession de réparer les tableaux endommagés, qu’il les retouche, c’est-à-dire, qu’il place de la couleur où il n’en manque & quelquefois même où il n’en manque pas.

Lorsqu’un artiste modeste & convaincu de la nécessité d’atteindre à la perfection, dit : « je veux retoucher mon ouvrage, j’y vois des négligences ; » il se sert de ce mot dans le sens dans lequel Boileau employoit le mot repolir en disant :

Vingt sois sur le métier remettez votre ouvrage ;
Polissez-le cent fois & le repolissez.

Jobserverai, à l’occasion de ce précepte si juste en général, qu’il a cependant quelques inconvéniens lorsqu’on l’applique à la peinture. Car si quelquefois le style poli & repoli d’un écrivain fait sentir la peine qu’un ya prisé, si l’on s’apperçoit même de cette peine en quelques endroits de l’auteur immortel que j’ai cité, la peinture d’un tableau trop retouché rend un témoignage physique, & par là bien plus sensible, du soin laborieux de l’attiste ; la couleur, délicate par sa nature, se montre alors visiblement fatiguée & altérée par les peines qu’on s’est données.

Il y a donc plus d’inconvénient par la différence du méchanisme des deux arts, à retoucher trop un tableau qu’a repolir cent fois un poëme.

Je ne m’arêterai pas ici sur ce qu’on appelle particulièrement retouche, dans les restaurations des ouvrages de peinture, en ayant déjà parlé à l’article Raccommodage ou réparation des tableaux, en expliquant les procédés connus qu’on y employe de nos jours.

Quant à la partie de l’instruction des maîtres, qui consiste en ce qu’on appelle, en terme d’école de peinture, retoucher les élèves, elle est sans doute infiniment essentielle ; mais elle ne comporte cependant que des observations & point de règles fixes.

Les maîtres (je l’ai dit au mot artiste) peuvent influer beaucoup sur les progrès de leurs élèves, par les modèles qu’ils leur font


imiter & par les preuves démonstratives qu’ils doivent leur donner, en retouchant leurs ouvrages, des défauts dans lesquels ils sont tombés.

Il est quelques arts qui rendent ce moyen d’instruction plus convainquant, tels que sont la musique, le dessin, la gravure, la sculpture, la peinture, l’architecture. La retouche n’est pas aussi visiblement démonstrative dans l’art des vers, & même dans celui de l’éloquence ; mais pour m’en tenir à celui dont je dois parler, lorsque le maître, en passant un nouveau trait à côté ou sur le trait que lui presente l’élève, lui fait : observer incontestablement combien cette retouche rend l’imitation plus conforme au modese qui se trouve prêsent pour affirmer la vérité, que ce lui qu’avoir tracé le jeune disciple ; lorsqu’il accompagne cette comparaison démonstrative d’une instruction claire, courte & appropriée au dégré d’avancement, aisi qu’à l’intelligence du dessinateur, il est certain que l’évidence se joint au raisonnement, & que cette leçon, qui parle à la fois dans l’esprit par les yeux & par les oreilles, doit être très-efficace.

La retouche du maître, doit donc être toujours accompagnée d’une explication, ou d’une instruction, dont elle doit être regardée comme la démonsration.

Il en est de même de la composition & de la couleur ; & je pense que j’en dis assez sur ce sujet pour donner lieu à toutes les applications qu’en peuvent & en doivent faire les maîtres de l’art, a qui il ne m’appartient pas d’enseigner. (Article de M. Watelet).

RETOUCHÉ. (part. pass.) Quoique l’on dise qu’un maître retouche son tableau, pour faire entendre qu’il y donne des forces, des finesses, qu’il y met la dernière main, on entend toujours par tableau retouché, un tableau raccommodé.

En gravure, on appelle épreuve retouchée, une épreuve d’une planche non-terminée, & qu’au moyen du crayon ou du lavis, on a conduit à l’effet que doit produire la planche finie. Mais on entend toujours par planche retouchée, une planche usée dont on a réveillé les travaux. (L.)

REVEILLON (subst. masc.) Être réveillé indique un mouvement suggéré, qui fait sortir du sommeil ou du repos.

Ceux qui regardent des ouvrages de peinture ne sont, au moins la plupart, que trop enclins à une sorte d’indifférence qui ressemble assez á l’assoupissement. La pratique de la peinture fournit quelques moyens, pour ainsi dire méchaniques, de réveiller les assoupis ; mais