Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Retoucher, retouche

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RETOUCHER, RETOUCHE, (v. act.), (subst. fem.) J’expliquerai bientôt ce que signifie dans la peinture le mot touche. Les mots dont il est question dans cet article, ne sembleroient en être qu’une réduplication ; mais ils ont une signification plus générale & différente à quelques égards. La touche, comme je le dirai, est un signe d’expression. La retouche & retoucher expriment le soin que se donne un peintre en retravaillant à son ouvrage. Ges mots signifient encore le soin que prend un professeur ou un maître à corriger les ouvrages ou les études de ses élèves ; enfin on dit d’un homme habile ou ignorant, qui fait profession de réparer les tableaux endommagés, qu’il les retouche, c’est-à-dire, qu’il place de la couleur où il n’en manque & quelquefois même où il n’en manque pas.

Lorsqu’un artiste modeste & convaincu de la nécessité d’atteindre à la perfection, dit : « je veux retoucher mon ouvrage, j’y vois des négligences ; » il se sert de ce mot dans le sens dans lequel Boileau employoit le mot repolir en disant :

Vingt sois sur le métier remettez votre ouvrage ;
Polissez-le cent fois & le repolissez.

Jobserverai, à l’occasion de ce précepte si juste en général, qu’il a cependant quelques inconvéniens lorsqu’on l’applique à la peinture. Car si quelquefois le style poli & repoli d’un écrivain fait sentir la peine qu’un ya prisé, si l’on s’apperçoit même de cette peine en quelques endroits de l’auteur immortel que j’ai cité, la peinture d’un tableau trop retouché rend un témoignage physique, & par là bien plus sensible, du soin laborieux de l’attiste ; la couleur, délicate par sa nature, se montre alors visiblement fatiguée & altérée par les peines qu’on s’est données.

Il y a donc plus d’inconvénient par la différence du méchanisme des deux arts, à retoucher trop un tableau qu’a repolir cent fois un poëme.

Je ne m’arêterai pas ici sur ce qu’on appelle particulièrement retouche, dans les restaurations des ouvrages de peinture, en ayant déjà parlé à l’article Raccommodage ou réparation des tableaux, en expliquant les procédés connus qu’on y employe de nos jours.

Quant à la partie de l’instruction des maîtres, qui consiste en ce qu’on appelle, en terme d’école de peinture, retoucher les élèves, elle est sans doute infiniment essentielle ; mais elle ne comporte cependant que des observations & point de règles fixes.

Les maîtres (je l’ai dit au mot artiste) peuvent influer beaucoup sur les progrès de leurs élèves, par les modèles qu’ils leur font


imiter & par les preuves démonstratives qu’ils doivent leur donner, en retouchant leurs ouvrages, des défauts dans lesquels ils sont tombés.

Il est quelques arts qui rendent ce moyen d’instruction plus convainquant, tels que sont la musique, le dessin, la gravure, la sculpture, la peinture, l’architecture. La retouche n’est pas aussi visiblement démonstrative dans l’art des vers, & même dans celui de l’éloquence ; mais pour m’en tenir à celui dont je dois parler, lorsque le maître, en passant un nouveau trait à côté ou sur le trait que lui presente l’élève, lui fait : observer incontestablement combien cette retouche rend l’imitation plus conforme au modese qui se trouve prêsent pour affirmer la vérité, que ce lui qu’avoir tracé le jeune disciple ; lorsqu’il accompagne cette comparaison démonstrative d’une instruction claire, courte & appropriée au dégré d’avancement, aisi qu’à l’intelligence du dessinateur, il est certain que l’évidence se joint au raisonnement, & que cette leçon, qui parle à la fois dans l’esprit par les yeux & par les oreilles, doit être très-efficace.

La retouche du maître, doit donc être toujours accompagnée d’une explication, ou d’une instruction, dont elle doit être regardée comme la démonsration.

Il en est de même de la composition & de la couleur ; & je pense que j’en dis assez sur ce sujet pour donner lieu à toutes les applications qu’en peuvent & en doivent faire les maîtres de l’art, a qui il ne m’appartient pas d’enseigner. (Article de M. Watelet).