Encyclopédie méthodique/Physique/AMIANTE

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AMIANTE. L’amiante doit être néceſſairement rangée parmi les pierres ; elle eſt compoſée de filets plus ou moins longs & déliés, plus ou moins adhérens entr’eux, & réunis en faiſceaux, fixés ſur des rochers dont on les détache avec une ſorte de peine. La couleur de l’amiante varie beaucoup ; il y en a d’un blanc gris, d’autres d’un gris jaunâtre ; on en trouve encore d’un très-beau blanc, qui a un coup-d’œil ſoyeux, & dont les filets ont ſix ou huit pouces de longueur, tandis que les autres n’ont que un, deux ou trois pouces ordinairement. On en trouve en Corſe, en France, ſur-tout dans les Pyrénées, en Sybérie, en Allemagne, &c.

L’amiante réſiſte à un feu ordinaire ; mais expoſée à un feu violent, elle ſe vitrifie. Les acides n’ont aucune action ſur cette pierre.

Les filets dont l’amiante eſt compoſée, pouvant aiſément ſe ſéparer les uns des autres, & leur longueur & leur flexibilité ſe prêtant à prendre la forme d’un tiſſu, les anciens ont fait des toiles d’amiante. Pline aſſure (Hist. Nat. T. XIX, Cap. I.) avoir vu dans des festins des nappes de lin vif, c’eſt-à-dire d’amiante qu’on jetoit au feu après les repas pour les blanchir ou nettoyer, la flamme conſumant toutes les matières étrangères qui pouvoient adhérer à leur ſurface. On brûloit de même dans des toiles tiſſues d’amiante les corps des rois, afin que leurs cendres n’étant point confondues avec celles des bûchers, puſſent être renfermées dans des urnes. Pline dit encore que l’amiante étoit rouſſe, compoſée de filets très-courts ; qu’on la travailloit difficilement, & qu’elle étoit auſſi chère que les plus belles perles. On lui donnoit le nom de lin incombuſtible.

L’art de filer l’amiante eſt preſque perdu. On a fait des efforts pour le retrouver. Les habitans de quelques vallées des Pyrenées, où on trouve beaucoup d’amiante, en font des bourſes & des jaretières qu’ils vendent aux curieux ; j’en ai dans mon cabinet d’hiſtoire naturelle, qui ſont véritablement incombuſtibles, mais qui ſont bien groſſièrement travaillées.

Ciampini dit dans ſon traité de la manière de filer l’amiante, qu’il faut d’abord la faire tremper dans l’eau chaude pour en ſéparer, par le broiement, les parties terreuſes & les filamens les plus courts. Enſuite on carde un peu l’amiante ; on l’unit avec du coton ou de la laine filée, pour en faire une toile compoſée. Après cette dernière opération, on jette la toile au feu, qui conſumant le coton & la laine, ne laiſſe plus qu’un tiſſu d’amiante. Il y en a qui recommandent de faire tremper l’amiante dans l’huile bouillante, pour l’amollir & en rendre les filamens plus flexibles : mais cette précaution paroît inutile pour l’amiante blanche & ſoyeuſe. Dans mes collections d’hiſtoire naturelle, j’en poſſède de ſemblables, qui eſt d’une très-grande flexibilité.

On a fait du papier incombuſtible avec l’amiante ; on y emploie ſes brins les plus petits & les plus fins qui ne peuvent être filés. On ſent combien il ſeroit avantageux de pouvoir rendre cette fabrique aſſez générale pour conſerver des titres précieux malgré les incendies ; mais il faudroit auſſi trouver une encre indeſtructible. Le Père Kirker parle dans son mundus ſubterraneus, Liv. 8, d’un papier d’amiante qu’il jettoit au feu pour en effacer l’écriture, & ſur lequel il écrivoit enſuite de nouveau.

Personne n’ignore que les lampes perpétuelles ſont une fable. On citoit en leur faveur le témoignage de quelques perſonnes qui avoient vu, en ouvrant des tombeaux, des lampes allumées. Si cette obſervation eſt réelle, on doit attribuer l’effet à quelque gaz ou matière phoſphoreſcente qui ſe ſera enflammée à l’air. Voyez Lampes perpétuelles, Phosphore, Gaz, &c.

Si on étoit en peine d’aſſigner une huile perpétuelle, on ne l’étoit pas pour la mèche ; car on a prétendu que l’amiante étoit une mèche perpétuelle & abſolument indeſtructible ; mais ce fait eſt faux. Il eſt bien vrai que ſi on met dans la flamme d’une bougie ou ſur un charbon ardent un filament d’amiante, on le verra rougir entièrement revenir dans ſon premier état, un inſtant après qu’on en aura retiré. Cependant ſi on réitère pluſieurs fois cette opération, ou ſi l’on ſe ſert pendant quelque temps d’un petit faiſceau d’amiante dans une lampe à huile, on obſervera que les filamens auront diminué, parce que de temps en temps des brins éclatent & s’échappent du corps des filamens d’amiante. À cet égard, les mêches d’argent qu’on emploie dans les lampes à esprit-de-vin ſont beaucoup préférables & mériteroient bien plutôt le nom de mèches perpétuelles.

L’asbeſte eſt un genre de pierre voiſin de l’amiante. Ses filets ont plus de cohérence, plus de dureté & de rigidité que ceux de l’amiante, ils ne ſont même point flexibles, & ne peuvent être aucunement travaillés. Par cet expoſé, on voit quelle eſt l’erreur dans laquelle eſt tombé l’auteur d’un dictionnaire de phyſique, article Amiante : le voici en ſon entier. « C’eſt une pierre filamenteuſe, c’eſt-à-dire, une pierre compoſée de fils ſerrés les uns contre les autres. On détache adroitement ces fils pour les mettre au rouet, & on en fait l’asbeſte, qui n’eſt autre choſe qu’une toile qui non-ſeulement réſiſte au feu, mais qui encore ſe purifie & ſe blanchit dans cet élément. » L’asbeſte n’eſt pas la toile faite avec l’amiante ; c’eſt un genre de pierre auſſi diſtinct que l’eſt l’amiante. Selon quelques auteurs, l’amiante & l’asbeste ſont des ſortes de pierres contenues dans le même genre.