Encyclopédie méthodique/Physique/ANAXAGORE

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ANAXAGORE, diſciple d’Anaximènes, fut le maître de Périclès ; il vécut environ cinq ſiècles avant J. C. Il s’appliqua preſqu’uniquement à la connoiſſance des différens objets de la nature, ſans s’occuper même de ſes intérêts particuliers. Il se justifioit de cette négligence, en diſant : J’ai employé à former mon eſprit le temps que j’aurois mis à cultiver mes terres. Pourquoi êtes-vous venu ſur la terre, lui demandoit quelqu’un ? Il répondit, pour contempler le ſoleil, la lune & les étoiles. Comme on lui reprochoit l’indifférence qu’il avoit pour ſa patrie : au contraire, répliqua-t-il, en montrant le ciel, j’en fais un grand cas. Ces traits peignent son caractère.

C’eſt à ce philosophe qu’on croit qu’eſt due la découverte de la cauſe des éclipſes ; il paroît être le premier qui ait annoncé que la lune étoit habitée, que le ſoleil étoit une maſſe de feu ou de matière enflammée. Cependant il ne paroît pas avoir eu une juſte idée de ſa groſſeur, puiſqu’il comparoit cet aſtre à la grandeur du Péloponèſe. Selon lui, les aſtres étoient des corps ſolides, peſans, & ſemblables aux pierres ; s’il avoit reſtreint cette idée aux planètes, il auroit connu une vérité importante. Pour expliquer comment des corps auſſi lourds & peſans pouvoient ſe ſoutenir dans l’air & ne pas tomber, il avoit recours au mouvement circulaire qui les retenoit dans leurs orbites reſpectives. Les cieux, ſelon lui, étoient auſſi de pierre, ſans doute tranſparente. Remontant enſuite à l’origine des choſes, il aſſura que l’auteur de la nature a créé des homœméries ou parties ſimilaires, jouiſſant naturellement d’une tendance propre à ſe réunir ſelon les circonſtances. On voit par ce court expoſé, que les opinions de ce philoſophe contiennent un mélange de vérités & d’abſurdités. L’hiſtoire de l’eſprit humain nous fournit des preuves trés-multipliées que les choſes ont toujours été telles.

Anaxagore fut perſécuté pendant sa vie, & accuſé injuſtement d’impiété. Le gouvernement d’Athènes le fit renfermer dans une priſon obſcure, & ſans le crédit de Périclès, il auroit perdu le jour. Ce n’eſt pas la ſeule victime que la philoſophie ait offert à l’envie. Étant exilé, il ſe retira à Lampſaque, où ſes élèves vinrent le trouver. Près de ſes derniers momens, on lui demanda s’il ne ſeroit pas charmé d’être enſeveli dans Claſomènes ſa patrie : Cela eſt inutile, répondit-il, le chemin qui mène aux enfers eſt auſſi long d’un lieu que d’un autre. Ce philoſophe mourut l’an 460 avant J. C. âgé de 72 ans. On éleva ſur ſa tombe deux autels, l’un conſacré à la vérité, l’autre au bon ſens.