Encyclopédie méthodique/Physique/ANTIPATHIE

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ANTIPATHIE phyſique. C’eſt l’oppoſition naturelle & invincible qu’on prétend exiſter entre certains êtres. On croit qu’il y en a entre pluſieurs eſpèces d’animaux, comme entre le crapaud & la belette ; & dans quelques perſonnes, relativement à certains objets, on a cité, d’après le docteur Mather, dans les tranſactions philoſophiques le fait d’une demoiſelle de la nouvelle Angleterre, qui s’évanouit en voyant quelqu’un ſe couper les ongles avec un couteau, quoiqu’elle ne fût nullement émue, en les voyant couper avec une paire de ciseaux. Il y en a qui ont cru qu’un tambour de peau de loup fait caſſer un tambour de peau de brebis, & que les poules s’envolent au ſon d’une harpe garnie de cordes faites des boyaux d’un renard.

Les péripatéticiens diſoient que les antipathies provenoient de certaines qualités occultes, inhérentes dans les corps. D’autres ont cru expliquer les antipathies, en regardant notre corps « comme une eſpèce de clavecin, dont les nerfs ſont les cordes. Le degré de tenſion dans les nerfs, diffère dans chaque homme, ce qui occaſionne, diſent-ils, un ébranlement différent de la part du même objet ; & ſi cet ébranlement eſt tel qu’il produiſe une ſenſation déſagréable, voilà l’antipathie. Mais comment, dit M. d’Alembert, un degré de tenſion plus ou moins grand, & peut-être quelquefois peu différent, produit-il dans deux hommes des ſenſations toutes oppoſées ? Voilà ce qu’on n’expliquera jamais ; il ne s’agiſſoit que d’avouer ſon ignorance un peu plutôt. »

Il ne peut exiſter dans l’ordre moral des antipathies fondées ſur les impreſſions déſagréables, que pluſieurs objets peuvent exciter en agiſſant ſur les organes d’une manière particulière ; & il eſt poſſible que ces impreſſions ſoient augmentées par pluſieurs idées qui les ont accompagnées pour la première fois, & qui ſeront enſuite rappelées par le ſouvenir dans les mêmes circonſtances. On ne peut non plus nier que pluſieurs objets phyſiques, tels, par exemple, que certains alimens ne faſſent ſur les organes une impreſſion déſagréable, & conſéquemment n’excitent dans quelques personnes une eſpèce d’averſion & de répugnance : l’expérience de tous les jours le démontre. Mais ces ſortes d’antipathies, improprement dites, ne ſont point invincibles ; car on voit ſouvent des perſonnes rechercher des objets moraux ou phyſiques, dont elles avoient eu auparavant de l’éloignement.

Les exemples d’antipathies proprement dites, qu’on a cités au commencement de cet article, ne ſont point prouvés ; ce ſont des abſurdités complètes, qui ne méritent aucune réfutation ſérieuſe. Les anciens ouvrages en ſont pleins ; on entend encore quelquefois dans la ſociété des vieillards, rapporter des exemples de ce genre. Mais ce ne ſont que ceux qui ont forte doſe de crédulité ; il ſuffit de réfléchir ſur le défaut de rapport qu’il y a entre l’effet suppoſé & la prétendue cauſe, pour être perſuadé de la fauſſeté de l’opinion qui admet des antipathies : d’ailleurs on en ſera bientôt convaincu en répétant l’expérience prétendue du tambour, celle des cordes de renard, &c.