Encyclopédie méthodique/Physique/ARÉOMÈTRE

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ARÉOMÈTRE. Ce mot qui vient du grec, ainſi qu’un grand nombre de ceux qui ſont relatifs aux ſciences, eſt dérivé d’αραιός tenuis, & de μετρον, menſura, & il déſigne un inſtrument de phyſique qui est propre à meſurer la denſité ou peſanteur ſpécifique des fluides. On penſe aſſez communément que l’aréomètre fut inventé vers la fin du quatrième ſiècle, par Hypatie, fille de Theon, ſelon que nous l’apprend Sineſius Cyrénée dans ſa quinzième lettre. Les anciens appeloient cet inſtrument baryllion ou hygrobaroſcope ; & ceux qui par état meſuroient chez les Romains, le poids des eaux, étoient appelés baryliſtes & baryniles. Quelques-uns ont donné le nom d’hygromètre à l’aréomètre ; mais cette dénomination doit être ici rejetée, parce que ce nom eſt conſacré à ſignifier un inſtrument bien différent, & dont nous parlerons au mot Hygromètre. C’eſt ſur-tout dans l’étude des ſciences qu’on doit obſerver de ne jamais exprimer le même objet par différens noms, ni de déſigner diverſes choſes par les mêmes termes.

L’aréomètre eſt repréſenté dans la figure 262 ; il eſt compoſé d’une boule Α, ſurmontée par un tube C D, & terminée en bas par un petit tube intermédiaire & une boule B, dans laquelle il y a du mercure, afin que l’inſtrument puiſſe ſe tenir verticalement, lorſqu’il eſt plongé dans un fluide, ſon centre de gravité étant de beaucoup au-deſſus du centre de figure, & vers la partie inférieure. Cet inſtrument se fait ordinairement avec du verre ſoufflé à la lampe de l’émailleur. D’autre fois on le fabrique en métal. Le tube eſt diviſé ſelon ſa longueur, en différentes parties, ſoit par de petits boutons de verre qu’on y a ſoudés, ſoit par un tuyau de papier ſur la circonférence duquel on a marqué une graduation convenable. Le haut du tube eſt fermé hermétiquement ; on peut le terminer en anneau, afin de pouvoir le ſuſpendre commodément.

Cet inſtrument étant plongé dans une liqueur, ne s’y enfonce pas en entier, parce qu’en le conſtruiſant, on a eu ſoin de le faire un peu plus léger qu’un égal volume de la liqueur qu’il déplace. Conſéquemment on peut, par ſon moyen, évaluer la peſanteur d’un fluide, en obſervant ſur les degrés de la graduation, le plus ou le moins de profondeur à laquelle l’aréomètre deſcend. Il deſcend davantage dans un fluide moins denſe, & conſéquemment plus léger : au contraire, il deſcend moins dans un fluide plus peſant, & qui a plus de denſité. Si, par exemple, cet inſtrument s’enfonce dans l’eau juſqu’en C, il pourra, mis dans l’eſprit-de-vin, deſcendre juſqu’en D ; & de même s’arrêter au point du milieu entre C & D, s’il eſt plongé dans une liqueur dont la denſité ou peſanteur ſpécifique ſoit moyenne entre l’eau & l’eſprit-de-vin.

[ En effet, c’eſt une loi générale, qu’un corps peſant s’enfonce dans un fluide, juſqu’à ce qu’il occupe dans ce fluide, la place d’un volume qui lui ſoit égal en peſanteur ; de-là il s’enſuit que plus un fluide eſt denſe, c’eft-à-dire, plus il eſt peſant, plus la partie du fluide, qui ſera égale en poids à l’aréomètre, ſera d’un petit volume, & par conſéquent le volume de fluide que l’aréomètre doit déplacer ſera auſſi d’autant plus petit, que le fluide eſt plus peſant ; ainſi plus le fluide eſt peſant, moins l’aréomètre doit s’y enfoncer. Il doit donc s’enfoncer moins dans l’eau que dans le vin, moins dans le vin que dans l’eau-de-vie, &c., comme il arrive en effet.]

Cet inſtrument eſt plutôt un aréoſcope qu’un véritable aréomètre ; ſa graduation étant arbitraire, il indique ſeulement qu’une liqueur eſt plus peſante qu’une autre, mais non préciſément de combien de degrés réels elle eſt plus peſante. D’ailleurs, deux inſtrumens faits de cette manière, ne ſont pas comparables entr’eux.

Aréomètre à poids. L’aréomètre dont on vient de parler, a été rendu plus exact & d’un uſage plus étendu, en le conſtruiſant comme on le voit dans la figure 263. Α eſt un globe léger & creux de ſimilor, portant à ſa partie inférieure un fil de cuivre B C, terminé en C par une vis pour y adapter ſucceſſivement pluſieurs petits poids de cuivre de différente peſanteur, tels que P, Q, R ; la tige cylindrique D E, qui eſt également creuſe, eſt diviſée en 40 parties égales. « Cet inſtrument eſt conſtruit de manière qu’étant chargé du poids P, qui tient le milieu entre les deux autres, & étant plongé dans de l’eau de pluie, il puiſſe deſcendre juſqu’en E, & qu’il deſcende juſqu’en D, ſi on le plonge dans un autre liquide qui pèſe 40 grains de plus qu’un pareil volume d’eau de pluie ; d’où il ſuit que ſi on le plonge dans différens liquides, ſuivant qu’il s’y enfoncera plus ou moins profondément, on pourra, à l’aide de l’échelle gravée ſur la tige de cet inſtrument, juger de la peſanteur ſpécifique qui ſera alors déterminée par grains. Si on ſubſtitue le petit poids R à la place de P, l’inſtrument étant plongé dans de l’eſprit-de-vin, s’enfoncera juſqu’en E ; mais lorſqu’on le plongera dans de bon eſprit de froment, il deſcendra juſqu’à quelqu’un des degrés marqués entre D & E ; d’où on pourra juger de la légèreté ſpécifique des autres fluides ſpiritueux dans leſquels on le plongera, en conſidérant le nombre plus ou moins grand de degrés ſelon leſquels il s’enfoncera. Le troiſième poids Q, qui eſt le plus peſant, s’adapte à cet inſtrument, lorſqu’il s’agît de déterminer la peſanteur ſpécifique des différentes ſaumures : de ſorte que le même inſtrument peut ſervir à déterminer la peſanteur ſpécifique de toutes ſortes de liqueurs, en changeant le poids qu’on y adapte. » Muſſchenb. tom. II, p. 230.

[ Il faut apporter diverſes précautions dans la conſtruction & l’uſage de cet inſtrument. 1o. Il faut que les liqueurs dans leſquelles on plonge l’aréomètre, ſoient exactement au même degré de chaleur ou de froid, afin qu’on puiſſe être sûr que leur différence de denſité ne vient point de l’une de ces deux cauſes, & que le volume de l’aréomètre même n’en a reçu aucun changement.

2o. Que le col de l’inſtrument ſur lequel ſont marquées les gradations, ſoit par-tout d’une groſſeur égale ; car s’il eſt d’une forme irrégulière, les degrés marqués à égales diſtances, ne meſureront pas des volumes de liqueurs ſemblables en ſe plongeant ; il ſera plus ſûr & plus facile de graduer cette échelle relativement à la forme du col, en chargeant ſucceſſivement l’inſtrument de pluſieurs petits poids bien égaux dont chacun produira l’enfoncement d’un degré.

3o. On doit avoir ſoin que l’immerſion ſe faſſe bien perpendiculairement à la ſurface de la liqueur, ſans quoi l’obliquité empêcheroit de compter avec juſteſſe le degré d’enfoncement.

4o. Comme l’uſage de cet inſtrument eſt borné à des liqueurs qui diffèrent peu de peſanteur entr’elles, on doit bien prendre garde que la partie qui ſurnage ne ſe charge de quelque vapeur ou ſaleté, qui occaſionneroit un mécompte, dans une eſtimation, où il s’agit de différences peu conſidérables. Et lorſque l’aréomètre paſſe d’une liqueur à l’autre, on doit avoir ſoin que ſa ſurface ne porte aucun enduit qui empêche que la liqueur où il entre ne s’applique exactement contre cette ſurface.

5o. Enfin, malgré toutes ces précautions, il reſte encore la difficulté de bien juger le degré d’enfoncement, parce que certaines liqueurs s’appliquent mieux que d’autres au verre ; & qu’il y en a beaucoup qui, lorſqu’elles le touchent, s’élèvent plus ou moins au-deſſus de leur niveau. Quand on ſe ſert de l’aréomètre que nous avons décrit, il faut le plonger d’abord dans la liqueur la moins peſante, & remarquer à quelle gradation ſe rencontre ſa ſurface ; enſuite il faut la rapporter dans la plus denſe, & charger le haut de la tige ou du col de poids connus, juſqu’à ce que le degré d’enfoncement ſoit égal au premier. La ſomme des poids qu’on aura ajoutés pour rendre cette ſeconde immerſion égale à la première, ſera la différence des peſanteurs ſpécifiques entre les deux liqueurs. Leçons de phyſique de l’abbé Nollet.]

Aréomètre de M. Homberg. Cet aréomètre dont on trouve la deſcription dans les Transactions philoſophiques, (n° 262 ) & dans les Memoires de l’académie des ſciences, (année 1699, p. 46) conſiſte dans une bouteille de verre ou matras dont le col Α B eſt ſi étroit, qu’une goutte d’eau y occupe cinq ou six lignes, voyez la figure 264. À côté de ce col eſt un petit tube capillaire D de la longueur de ſix pouces, & parallèle au col Α B. Pour remplir ce vaiſſeau, on verſe la liqueur par l’orifice Α où eſt un entonnoir, juſqu’à ce qu’on aperçoive ſortir la liqueur, par l’orifice du tuyau D ; c’eſt-à-dire, juſqu’à ce qu’elle ſoit dans le col Α B, à la hauteur e, par exemple. Par ce moyen, on aura toujours le même volume ou la même quantité de liqueur, & conſéquemment on pourra trouver, par le moyen d’une balance, quelle eſt, parmi les différentes liqueurs dont on aura rempli cet aréomètre, celle dont la peſanteur abſolue eſt la plus grande, ou qui pèſe le plus.

[Il faut avoir quelque égard à la ſaiſon de l’année, & au degré de chaleur ou de froid qui règne dans l’air ; car il y a des liqueurs que la chaleur raréfie, & que le froid condenſe beaucoup plus que d’autres, & qui occupent plus ou moins d’eſpace, ſelon qu’il fait plus ou moins chaud ou froid. Voyez Pesanteur spécifique, Raréfaction, &c.

À l’aide de cet inſtrument, ſon ſavant auteur a conſtruit la table suivante, qui montre, tant pour l’été que pour l’hiver, les différentes peſanteurs ſpécifiques des fluides, dont l’uſage eſt le plus ordinaire en Chimie.

aréomètre  pesé en été  en hiver.

               


L’inſtrument vuide peſoit une dragme vingt-huit grains.

Une autre méthode pour connoître le degré de peſanteur d’un fluide, eſt de ſuſpendre une maſſe de verre maſſif & de figure ronde à un crin de cheval, que l’on attache au-deſſous d’un petit plat : cette maſſe ainſi ſuſpendue en l’air à une balance bien juſte, demeure en équilibre avec un poids fait en forme de baſſin, & ſuſpendu à l’autre bras de la balance ; on plonge enſuite le corps de verre dans la liqueur dont on veut examiner la peſanteur, & ſur le champ l’autre bras de la balance s’élève & devient plus léger, parce que le corps de verre a perdu dans la liqueur une partie de son poids : on met enſuite ſur le petit plat auquel le crin de cheval eſt attaché, autant de poids qu’il en faut pour que l’équilibre ſoit rétabli ; & ces poids ajoutés indiquent ce que la maſſe de verre a perdu de ſon poids dans la liqueur : or, le poids que ce corps a perdu eſt égal au poids d’un pareil volume de la liqueur ; donc on connoît par-là ce que pèſe un volume de la liqueur égal à celui du petit corps de verre.

M. Muſſchenbroek paroît préférer cette dernière méthode à toutes les autres qu’on a imaginées pour peſer les liqueurs. Il prétend que la méthode de M. Homberg en particulier a ſes inconvéniens, parce que la vertu attractive du tuyau étroit fait que la liqueur y monte plus haut que dans le col large ; & comme les liqueurs ont une vertu attractive différente, il devra y avoir auſſi une grande différence entre leurs hauteurs dans le col large, lorſqu’elles ſe ſeront élevées juſqu’à l’orifice du tuyau étroit.]

Aréomètre de Farenheit. L’aréomètre qui porte le nom de Farenheit, ne diffère des aréomètres ordinaires que par une eſpèce de godet qu’il porte à ſa ſurface ſupérieure. Voyez la figure 265. Il eſt fondé ſur ce que ſi on met au haut de la tige d’un aréomètre ordinaire quelque petite lame de métal, &c. il s’enfonce plus avant, quoique dans la même liqueur. [ En effet, la partie plongée de l’aréomètre ſoulève autant de liqueur qu’il en faut, pour faire équilibre à l’inſtrument entier. S’il pèſe une once, par exemple, il ſoulève moins d’eau que de vin, quant au volume, parce qu’il faut plus de vin que d’eau pour le poids d’une once ; & comme il ne fait monter la liqueur qu’en s’enfonçant, il doit donc plonger plus avant dans celle qui eſt la plus légère. Si l’on augmente le poids de l’aréomètre par l’addition de quelque lame de métal, ou autrement, il s’enfonce plus avant, quoique dans la même liqueur ; parce qu’alors il en faut une plus grande quantité pour lui faire équilibre.]

L’aréomètre de Farenheit eſt compoſé d’une boule B, d’un petit globe S, plein en partie de mercure, d’une tige Α C, & d’un godet ou baſſin D E, dans lequel on met pluſieurs petits poids pour faire enfoncer l’aréomètre dans une liqueur, juſqu’à ce que la ſurface de celle-ci correſponde à une petite marque a, qui ordinairement eſt un petit grain d’émail. Ceci ſuppoſé, on plongera cet inſtrument, dont on doit préalablement connoître le poids, dans de l’eau diſtillée, & on mettra ſucceſſivement dans le baſſin des petits poids, juſqu’à ce que ſon enfoncement coïncide au grain d’émail a : alors la ſomme du poids de l’aréomètre & de ceux qui ſont dans le baſſin D E, eſt égale au poids d’un volume d’eau déplacé par l’aréomètre. On répétera cette opération, qui eſt très-ſimple, ſur toute autre liqueur dont on voudra connoître la peſanteur ſpécifique, & l’inſtrument indiquera de la même manière cette peſanteur. Puiſque l’enfoncement de l’aréomètre eſt toujours le même, ſavoir, jusqu’au même point, (le grain d’émail) les deux volumes ſont donc égaux, & la différence de leurs poids doit donner celle de leurs peſanteurs ſpécifiques, ou le rapport de leur denſité. Pour cet effet, on fera cette proportion : la peſanteur ſpécifique de cette liqueur eſt à celle de l’eau, comme le poids du volume de cette liqueur, meſuré par l’aréomètre, eſt au poids du volume d’eau, auſſi meſuré par l’aréomètre. Ce qu’on vient d’établir ici, ſert à expliquer divers faits. Si tous les corps qui flottent s’enfoncent plus ou moins, ſuivant la denſité du fluide, une barque chargée en mer aura donc moins de parties hors de l’eau, ſi elle vient à remonter une rivière, car l’eau ſalée pèſe plus que l’eau douce, & les nageurs aſſurent qu’ils en ſentent bien la différence. On doit donc avoir égard à cet effet, & ne pas rendre la charge auſſi grande qu’elle pourroit l’être, ſi l’on prévoit qu’on doive paſſer par une eau moins chargée de ſel, que celle où l’on s’embarque. On a vu quelquefois des îles flottantes, c’eſt-à-dire, des portions de terre aſſez conſidérables qui ſe détachent du continent & ſe trouvant moins peſantes que l’eau, ſe ſoutiennent à la ſurface, & flottent au gré des vents. L’eau mine peu-à-peu certains terreins, qui ſont plus propres que d’autres à ſe diſſoudre : ces ſortes d’excavations s’augmentent avec le temps, & s’étendent au loin ; le deſſus demeure lié par les racines des plantes & des arbres, & le ſol n’eſt ordinairement qu’une terre bitumineuſe, fort légère ; de ſorte que cette eſpèce de croûte eſt moins peſante que le volume d’eau ſur lequel elle eſt reçue, quand un accident quelconque vient à la détacher de la terre ferme, & à la mettre à flot. L’exemple de l’aréomètre fait voir encore qu’il n’eſt pas beſoin, pour ſurnager, que le corps flottant ſoit d’une matière plus légère que l’eau ; car cet inſtrument ne ſe ſoutient point en vertu du verre ou du mercure dont il ſst fait, mais ſeulement parce qu’il a, avec peu de ſolidité, un volume conſidérable qui répond à une quantité d’eau plus peſante. Ainſi l’on pourroit faire des barques de plomb, ou de tout autre métal, qui ne s’enfonceroient pas. Et en effet, les chariots d’artillerie portent ſouvent à la ſuite des armées, des gondoles de cuivre, qui ſervent à établir des ponts pour le paſſage des troupes.

Aréomètre de Baumé pour les ſels & pour les liqueurs ſpiritueuſes. Cet inſtrument eſt un aréomètre ordinaire, fait en verre, comme on le voit dans la figure 266. On le gradue de la manière ſuivante : on marque zéro à l’endroit du tube où il ceſſe de s’enfoncer dans l’eau pure ; c’eſt le premier terme de la graduation qui doit ſe trouver vers l’extrémité ſupérieure de ce tube. On obtient le ſecond terme, en préparant une eau ſalée, dans laquelle on fait diſſoudre quinze livres de ſel marin très-ſec & très-pur, dans quatre-vingt-cinq livres d’eau, ce qui forme cent livres de liquide. On ſimplifie cette opération, en n’employant que quinze onces de ſel, & quatre-vingt-cinq onces d’eau, car le rapport eſt le même. Enſuite on plonge l’inſtrument dans cette liqueur à une température déterminée, (car lorſque la liqueur eſt plus froide l’inſtrument s’y enfonce moins.) Quand l’aréomètre ceſſe de s’y enfoncer, on marque cet endroit ſur le tube, & on y le chiffre quinze degrés, ce qui forme le ſecond terme de la graduation.

Après cette opération, on diviſe l’intervalle qui ſe trouve entre ces deux termes en portions égales qui ſont autant de degrés. Cet intervalle ainſi diviſé peut ſervir d’étalon pour diviſer de la même manière la partie inférieure du tube, à laquelle on a eu ſoin de donner, en la formant, aſſez de longueur. Pour cet effet, on prend avec un compas la diſtance de zéro à 15, que l’on reporte en bas & que l’on diviſe de même ; ce qui donne 30 degrés ſur l’inſtrument. On peut ainſi augmenter le nombre des degrés juſqu’à 80, ſi on le juge à propos, quoiqu’on ait jamais occaſion de s’en ſervir.

Comme il n’est pas aiſé d’avoir des tubes parfaitement cylindriques, on y remédiera, en formant les degrés de l’aréomètre les uns après les autres. Ainſi on prendra une livre de ſel qu’on fera diſſoudre dans quatre-vingt-dix-neuf livres d’eau, & l’endroit où l’aréomètre plongé dans cette liqueur s’arrêtera, formera le premier degré. Pour marquer le ſecond degré, on fera diſſoudre deux livres du même ſel, dans quatre-vingt-dix-huit livres d’eau : pour le troiſième degré, ou prendra trois livres de ſel, & quatre-vingt-dix-sept livres d’eau, & ainſi de ſuite, juſqu’à ce que l’on ſoit parvenu à graduer entièrement l’aréomètre, en diminuant toujours la quantité de l’eau, d’autant de livres que l’on ajoute de livres de ſel. Toutes ces opérations doivent ſe faire dans une cave, & il faut y laiſſer les liqueurs aſſez de temps, pour qu’elles en prennent la température, qui eſt de dix degrés au-deffus de la congélation. Pendant l’opération, il faut prendre garde qu’il n’y ait aucune évaporation, qui diminueroit la quantité d’eau, de ſorte que les proportions ne ſe trouveroient plus.

Ce procédé ſert à conſtruire un aréomètre pour connoître le degré de rectification des liqueurs ſpiritueuſes. Afin de le conſtruire, il faut deux liqueurs propres à fournir deux termes ; l’un ſera l’eau pure, & l’autre cette eau chargée d’une quantité déterminée de ſel. On prépare cette dernière liqueur, en prenant dix onces de ſel marin purifié & bien ſec : on les met dans un matras ; & après avoir verſé par-deſſus quatre-vingt-dix onces d’eau pure, on agite le matras, afin de faciliter la diſſolution du ſel.

Lorſque le ſel eſt diſſous dans l’eau, on prend un aréomètre dispoſé comme le précédent, & ſuffiſament chargé de mercure : on le-plonge dans cette liqueur : il doit s’y enfoncer à deux ou trois lignes au-deſſus de la ſeconde boule ; s’il s’y enfonce trop, on ôte un peu de mercure de la petite boule ; s’il ne s’enfonce pas aſſez, on en ajoute ſuffisamment. Lorſqu’il s’enfonce convenablement, on marque zero à l’endroit où il s’arrête, cela forme le premier terme, comme on le voit dans la figure 267 en Α. Enſuite on enlève l’inſtrument, on le lave & on le plonge dans de l’eau diſtillée : on marque dix degrés à l’endroit où il s’eſt fixé B ; cela forme le ſecond terme de la graduation. Enſuite on diviſe en dix parties égales, l’eſpace compris entre ces deux termes, ce qui donne dix degrés. Ces degrés ſervent d’étalon pour former les autres de la partie ſupérieure du tube. On donne l’étendue de cinquante degrés à cette échelle, ce qui eſt ſuffisant.

Les degrés de cet aréomètre ont un uſage inverſe de celui qui ſert aux liqueurs ſalines ; car l’aréomètre propre aux ſels, annonce une eau d’autant plus riche en ſel, qu’il s’enfonce moins dans cette eau. Celui-ci, au contraire, annonce une liqueur d’autant plus riche en eſprit, qu’il s’enfonce davantage dans les liqueurs ſpiritueuſes.

Aréomètre de Cartier. Cet inſtrument de comparaiſon eſt en argent, & ne diffère pas eſſentiellement de celui de M. Baumé. Sa forme, ſelon l’auteur, reſſemble à un fuſeau ; ſon corps rond & alongé ſe termine en pointe : il eſt ſurmonté d’un tube diviſé en progreſſion arithmétique ; & ſa diviſion comprend 33 degrés. Le premier degré marqué par le n°. 10, déſigne l’eau de rivière pure. Le vingt-unième degré eſt le terme où finit l’eau-de-vie ſimple. Le vingt-deuxième & le trente-troiſième renferment l’eau-de-vie rectifiée ; & l’eſprit-de-vin comprend le trente-quatrième degré & au-delà.

La température influant ſur les liqueurs, la chaleur les raréfiant & le froid les condenſant, il eſt de toute néceſſité que l’aréomètre enfonce plus ou moins dans la même liqueur, à proportion qu’elle eſt plus ou moins raréfiée. Le dixième degré au-deſſus de la congélation du thermomètre de M. de Réaumur, eſt le degré de température fixé pour la vérification des eaux-de-vie ſimples, & c’eſt à ce degré qu’il eſt conſéquemment néceſſaire de les ramener.

Avant de faire uſage de l’aréomètre, il faut mettre dans un vaſe la liqueur que l’on veut eſſayer, y laiſſer pendant quelques minutes le thermomètre, pour s’aſſurer de ſa température : ſi la liqueur du thermomètre eſt au-delà du dixième degré fixé par la conſtruction, alors en mettant le vaſe qui contient l’eau-de-vie, dans de l’eau froide, il eſt aiſé de la rafraîchir, juſqu’à ce que le thermomètre, que l’on laiſſe toujours dedans, marque le dixième degré au-deſſus de la congélation. Si au contraire c’eſt en hiver, & que la liqueur ſoit froide, on l’échauffe juſqu’à ce que le thermomètre ſoit monté au dixième degré ; alors on plonge l’aréomètre dans la liqueur, & on voit le degré de ſon enfoncement. Il faut prendre garde ſeulement que l’immerſion ſe faſſe perpendiculairement, & que l’inſtrument n’ait point contracté d’adhérence avec quelques parties graſſes qui arrêteroient ſon enfoncement.

Dans les vérifications ordinaires, pour n’être pas obligé de ramener les eaux-de-vie à la  température fixée par la loi, il suffit de ſavoir que dix degrés de chaleur au-dcſſus du degré fixé pour la vérification, raréfient toutes les eaux-de-vie ſimples, de façon que l’aréomètre s’y enfonce d’un degré de plus, & que dix degrés au-deſſous de celui fixé pour la vérification, condenſent ces eaux-de-vie, de façon que l’aréomètre s’y enfonce d’un degré de moins.

Pour les eſprits-de-vin, c’eſt-à-dire, depuis le trente-troiſième degré, dix degrés de chaleur augmentent l’enfoncement de l’aréomètre d’un degré & demi, & dix degrés de froid diminuent ſon enfoncement d’un degré & demi.

Si, par exemple, c’eſt en été, & que l’on veuille connoître le degré de force d’une eau-de-vie, on commence par y mettre le thermomètre : ſi, après quelques minutes, le thermomètre marque le vingtième degré au-deſſus de la glace, c’eſt-à-dire, dix degrés au-deſſus de la température fixée par la loi, & que l’aréomètre s’y enfonce juſqu’au vingt-deuxième degré, on peut dire, ſans craindre de ſe tromper, que cette eau-de-vie eſt au vingt-unième degré, priſe au dixième degré de température. Si dans un eſprit-de-vin pris au vingtième degré de chaleur, l’aréomètre s’y enfonce juſqu’au trente-quatrième degré & demi, on peut dire que c’eſt de l’eau-de-vie rectifiée du trente-troiſième degré. Si au contraire la vérification ſe fait en hiver, & que la température de la liqueur ſoit à la glace, c’eſt-à-dire, dix degrés au-deſſous du tempéré, alors il faut compter un degré pour toutes les eaux-de-vie ſimples, & un degré & demi pour les eſprits-de-vin, de plus que n’en préſente l’aréomètre. Ainſi une eau-de-vie qui, examinée à la glace, ne donneroit que vingt-un degrés à l’aréomètre, ſeroit une eau-de-vie du vingt-deuxième degré, & conſéquemment dans la claſſe des eaux-de-vie rectifiées ; de même une eau-de-vie qui, à cette température, c’eſt-à-dire, à la glace, ne laiſſeroit enfoncer l’aréomètre que juſqu’au trente-troiſième degré, ſeroit un eſprit-de-vin ; puiſque cette liqueur, au dixième degré de la température, donne à l’aréomètre trente-quatre degrés & demi.

Cet aréomètre étant fort en uſage dans le commerce, il étoit à propos de dire quelque-choſe ſur la manière de s’en ſervir, d’autant plus que cela peut être appliqué, proportion gardée, aux autres aréomètres.

Aréomètre de M. le Raz de Lanthenée, M. le Raz fit imprimer en 1769, à Paris, un eſſai ſur une méthode de rendre les aréomètres ou pèſe-liqueurs comparables. Ce petit mémoire de 32 pages in-12 qui fut alors diſtribué parmi les ſavans, avoit été préſenté, ſelon que le dit l’auteur, à l’académie des ſciences, avant que M. de Montigny & M. Lavoiſier euſſent lu des mémoires ſur la même matière. Le principe ſur lequel ce phyſicien ſe fonde, eſt cette vérité hydroſtatique, que le poids d’un volume de liqueur déplacé par un corps qui y flotte, eſt toujours égal au poids total de ce corps ; d’où il conclut que deux aréomètres de même matière, de même forme & d’un poids égal, déplaceroient, dans la même liqueur ou dans des liquides de différentes eſpèces, des volumes de liqueurs également peſans.

« Que ces pèſe-liqueurs, dit M. le Raz, quels que ſoient leurs volumes, pèſent 600 grains, par exemple, & qu’ils ſoient ſucceſſivement plongés dans la même eau, ils en déplaceront chacun un volume qui pèſera 600 grains. Que l’on faſſe une marque ſur leur tige au terme de leur immerſion, & qu’on les plonge enſuite dans une liqueur moins denſe, dans de l’eſprit-de-vin, par exemple, les volumes déplacés ſont encore de 600 grains ; mais à cauſe de la différente denſité de ces liqueurs, les inſtrumens s’enfonceront davantage dans la ſeconde que dans la première. Faites une nouvelle marque, pour indiquer la profondeur de cette ſeconde immerſion ; diviſez enſuite en parties égales l’espace compris entre les deux marques, & continuez cette diviſion ſur la longueur de la tige ; il eſt évident que, plongés dans la même liqueur, leur enfoncement, plus ou moins grand, mais toujours proportionnel, ſera annoncé par le même nombre de degrés de leur échelle. Voilà donc déjà deux pèſe-liqueurs ou deux aréomètres comparables entr’eux. »

S’agit-il de régler & de graduer deux aréomètres, dont le poids ſoit encore de 600 grains ? qu’on le plonge dans un vaſe rempli en partie d’eau de pluie diſtillée, & que ce vaſe ſoit lui-même plongé dans un vaiſſeau plus grand, contenant d’eau ordinaire & de glace pilée, pour réduire l’eau diſtillée à la température de cinq degrés, échelle de Réaumur. Si on marque alors ſur la tige de chacun de ces inſtrumens le point de leur immerſion, on aura un terme fixe qu’on retrouvera facilement en tout temps. Pour avoir un ſecond terme également fixe, l’eau du vaiſſeau étant toujours à la même température, on chargera les aréomètres, par exemple, d’un poids de 40 grains chacun : alors ils prendront un nouvel enfoncement proportionnel & relatif à la charge qu’on leur aura ajoutée ; on marquera exactement ce point, & on divisera l’eſpace compris entre les deux immerſions en 40 parties égales : après, la diviſion ſera continuée ſur toute la longueur des tiges qu’on ſuppoſe bien cylindriques, & on aura de cette manière deux aréomètres très comparables l’un à l’autre. Il est inutile d’observer que l’addition du poids équivaut à une diminution proportionnelle de denſité dans le liquide, dans lequel ils sont plongés.

L’eau, dans toutes les conſtructions d’aréomètres, a toujours été priſe pour la meſure commune des autres liqueurs. Sa peſanteur ſpécifique étant regardée comme l’unité, celles des autres liqueurs en ſont conſéquemment des parties fractionnaires. Pour éviter le petit embarras qui en résulte, M. de Lanthenée conſidère cette unité comme compoſée elle-même d’un certain nombre de parties, par exemple, de mille : c’eſt pourquoi il preſcrit de former des aréomètres de mille grains. Ces inſtrumens étant plongés dans l’eau avec les conditions précédentes, on écrit le nombre 1 000 au niveau de la première immerſion, & on diviſe le reſte de leurs tiges en parties égales entr’elles, & dont le nombre doit être le même que celui des grains, dont la charge produit le ſecond enfoncement. Ces parties expriment alors les différences des volumes déplacés, & conſéquemment leur denſité ou leur peſanteur ſpécifique.

L’aréomètre dont on vient de parler, plongé dans l’eau diſtillée à 5 degrés de température, déplaceroit certainement un volume de liquide qui péſeroit mille grains, & conſéquemment s’enfonceroit dans ce liquide juſqu’au nombre 1 000. Si on le plongeoit enſuite dans une liqueur moins denſe, il en déplaceroit encore mille grains ; mais l’enfoncement y ſeroit plus grand. Suppoſons, avec ce phyſicien, que ſon immerſion le portât au nombre 1 020, il déplaceroit dans cette liqueur, de volume en ſus, par conſéquent les deux volumes déplacés ſeroient entr’eux comme 1 000 eſt à 1 020. Comme leurs peſanteurs ſpécifiques ſont en raiſon réciproque de leurs volumes, celle de l’eau diſtillée ſeroit à celle de l’autre liqueur, comme 1 000 : 980 .

On obſervera, 1o. qu’il n’eſt pas abſolument néceſſaire que les liqueurs employées ſoient refroidies par la glace ; cette condition eſt preſcrite ſeulement, lorſqu’il s’agit de la conſtruction des aréomètres ; il ſuffit ſeulement, pour l’uſage ordinaire, que les liqueurs ſoient à la même température, comme il arrive lorſqu’elles ont été environ une demi-heure dans le même lieu. 2o. Que toutes les liqueurs n’étant point également dilatables au même degré de chaleur, & que leurs peſanteurs ſpécifiques variant ſenſiblement d’un degré à un autre, ſans qu’il ſoit poſſible d’aſſigner la progreſſion ſelon laquelle ces changemens arrivent, il eſt cependant néceſſaire, pour une exactitude parfaite, que dans le ſervice de cet inſtrument, les liqueurs ſoient réduites à la température employée pour la graduation ; c’eſt-à-dire, de cinq degrés.

Tous les ouvriers n’étant pas également habiles, on peut ſupposer que les aréomètres conſtruits ſelon la méthode de M. le Raz, ne ſeront pas tous du poids de mille grains. Pour remédier à ce défaut, s’il arrivoit, ce phyſicien propoſe le moyen suivant : On fera une proportion dont les trois premiers termes seront, 1o. les mille grains que l’inſtrument devroit peſer ; 2o. le poids du pèſe-liqueur donné ; 3o. le poids dont on s’est ſervi dans le pèſe-liqueur de mille grains, pour produire le ſecond enfoncement. Suppoſons, par exemple, qu’un aréomètre ne pèſe que huit cents grains, & qu’on ſe ſoit ſervi d’un poids de quarante grains pour le ſecond enfoncement, on fera la proportion suivante : 1 000 : 800 : : 40 X = 32. On chargera donc de trente-deux grains l’aréomètre qui ne pèſe que huit cent. Alors, plongé dans l’eau diſtillée refroidie au cinquième degré, il s’y enfoncera proportionnellement à celui du pèſe-liqueur de mille grains, par une charge de quarante grains : enſuite on diviſera en quarante parties égales l’intervalle des deux immerſions de l’aréomètre, & il deviendra, dit-il, comparable à celui de mille grains. C’est une erreur palpable.

Par le moyen de cet inſtrument, dit M. de Lanthenée, on peut juger facilement de la peſanteur ſpécifique des ſolides, & conſéquemment faire la fonction d’une balance hydroſtatique. Alors on pèſe les ſolides dans l’air, & enſuite dans l’eau, après les avoir attachés avec un crin à un crochet ménagé au-deſſous de l’aréomètre. « Suppoſons, par exemple, un corps qui pèſe quarante grains dans l’air ; on évaluera ces quarante grains en parties pareilles à celles dont le pèſe-liqueur vaut mille, ce qui s’exécute par la proportion ſuivante : Si huit cents grains, poids du pèſe-liqueur, ſont évalués à mille, à quel nombre de ces parties répond le poids du corps qui pèſe quarante grains ? En effectuant cette régie, le quatrième terme ſera cinquante. On plonge enſuite le pèſe-liqueur dans l’eau. Suppoſons que dans cette opération, ſon enfoncement réponde au nombre 1 002 ; on l’y replonge enſuite avec le corps dont nous venons de faire mention. Il eſt évident que ſi ce corps ne perdoit rien de son poids, le pèſe-liqueur s’y enfonceroit alors jusqu’au nombre 1 052 ; mais comme il perd néceſſairement une partie de ſon poids, ſuppoſons que cet enfoncement ne réponde qu’au n°. 1 047, le corps adjoint au pèſe-liqueur perdra donc de ſon poids, qui ſera préciſément celui du volume d’eau qu’il aura déplacé. La peſanteur ſpécifique de cette eau, comparée à celle du corps plongé, ſera donc dans le rapport de cinq à cinquante, ou comme mille eſt à dix mille.

La manière dont M. le Raz de Lanthenée a expoſé la conſtruction & l’uſage de ſon aréomètre, eſt ſéduisante : ſon uſage peut s’étendre à un grand nombre de cas ; mais cependant il n’eſt pas propre à indiquer le degré de ſpirituoſité de l’eau-de-vie ou de l’eſprit-de-vin, à cauſe que la diviſion de ſon échelle eſt en parties égales. De plus, cet inſtrument eſt d’une conſtruction difficile ; la tige doit être rigoureuſement cylindrique, ce qui eſt bien rare : d’un autre côté, cet aréomètre ne diffère pas eſſentiellement de celui de Farenheit, dont la conſtruction très-ſimple eſt certainement préférable. Ce phyſicien parle encore de l’aréomètre à tige, dont les enfoncemens ſeroient marqués ſur une échelle attachée invariablement au vaſe qui contient la liqueur ; il ignoroit ſans doute que M. de Parcieux en a décrit un ſemblable dans ſon troiſième mémoire ſur les eaux de l’Yvette.

L’aréomètre de feu M. de Parcieux eſt repréſenté dans la fig. 268 ; on l’y voit en face. Il eſt de profil & dans le moment où l’on s’en ſert dans la fig. 269. La fig. 270 en montre les différentes parties. Α B eſt un vaſe cylindrique de fer blanc, de trois pieds de longueur & de trois pouces de diamètre, propre à contenir l’eau qu’on veut peſer. C D eſt une fiole de verre dont la cavité extérieure qui ſe trouve à ſon fond, eſt remplie de petites balles de plomb pour lester la fiole, & épargner le mercure qu’on eſt obligé de mettre dans ſon intérieur. Ces grains de plomb ſont retenus avec de la cire qu’on coule & que l’on taille enſuite en hémiſphère a n a, E F eſt un fil de laiton argenté, de 30 pouces de longueur, & dont le diamètre ne peut être déterminé que par le tâtonnement ; ordinairement il eſt d’environ une ligne de diamètre. Ce fil eſt la tige du pèſe-liqueur. GH eſt une régle de bois diviſée par pouces & par lignes, de la même longueur que le fil de laiton, terminée par une queue quarrée I qui entre dans la douille K, ſoudée à l’orifice du vaſe de fer blanc. Cette régle eſt l’échelle de l’aréomètre, dont la tige est E F, enfoncée dans le bouchon de liége m qui ferme la fiole, parcourt tout l’eſpace, lorſqu’après avoir péſé l’eau la plus legère, comme l’eau diſtillée ou l’eau de pluie, on péſe auſſitôt l’eau de puits. Ces eaux doivent être à la même température, pour cet effet on les laiſſe environ trois quarts d’heure dans le même endroit avant de les peſer.

Cet aréomètre fut imaginé par ſon auteur, pour déterminer la péſanteur ſpécifique de l’eau de l’Yvette qu’il ſe propoſoit de faire conduire à Paris ; & par ſon moyen, il prouva très-bien que cette eau étoit douée de la même légèreté ſpécifique que les meilleures eaux. L’analyſe chimique & l’obſervation confirmèrent encore qu’elle étoit très-ſalubre. On peut voir dans les mémoires de l’académie des ſciences, plusieurs mémoires de ce ſavant, ſur cet objet ; celui ſur l’aréomètre eſt dans le recueil de 1766, pag. 158.

Aréomètre de M. Briſſon. Cet aréomètre donne, ſans calcul, & par la seule immerſion, le rapport de la peſanteur ſpécifique des liqueurs à celle des l’eau de pluie ou de l’eau diſtillée. La deſcription ſuivante eſt de ce phyſicien. Un même aréomètre, dit-il, que l’on plonge dans des liqueurs de différentes denſités ou peſanteurs ſpécifiques, meſure toujours des volumes de liqueurs qui ſont en raiſon inverſe de ces denſités ; enſorte que le volume de la partie plongée dans une liqueur, excède autant le volume de la partie plongée dans une autre liqueur plus peſante, que la denſité de cette dernière liqueur excède la denſité de la première. Ainſi, pour conſtruire un aréomètre qui, par ſa ſimple immerſion, faſſe connoître le rapport de la denſité d’une liqueur quelconque à celle de l’eau de pluie, il s’agit de trouver un moyen de connoître exactement le rapport du volume de la partie plongée dans l’eau de pluie, ou au volume de la partie plongée dans cette liqueur.

De même qu’un aréomètre, dont le poids demeure toujours le même, s’enfonce dans une liqueur moins denſe, plus qu’il ne le fait dans une liqueur plus denſe ; & que ce plus eſt toujours en raiſon inverſe des denſités de ces liqueurs : de même auſſi un aréomètre qu’on charge ſucceſſivement de différens poids, s’enfonce davantage dans la même liqueur, à meſure qu’il eſt plus chargé ; & la quantité dont il s’enfonce de plus dans ce dernier cas, eſt toujours proportionnelle au poids dont il eſt chargé. Si donc, on plonge dans l’eau un aréomètre qui pèſe, par exemple, d’abord 9 gros, & enſuite 10 gros ; le volume de la partie plongée dans le premier cas, ſera au volume de la partie plongée dans le ſecond, comme 9 eſt à 10. Si enſuite, réduiſant l’aréomètre à ſon premier poids (que j’appelle poids primitif) ; ſavoir, à 9 gros, on le plonge dans une liqueur moins denſe que l’eau, & qu’il s’y enfonce juſqu’au point où il s’eſt enfoncé dans l’eau lorſqu’il peſoit 10 gros ; il eſt clair que le volume de cette liqueur, meſuré par l’aréomètre, sera au volume de l’eau, meſuré par l’aréomètre de même poids, comme 10 eſt à 9 ; & puiſque les denſités ſont en raiſon inverſe des volumes, on conclura, avec raiſon, que la denſité de cette liqueur eſt à celle de l’eau, comme 9 est à 10.

C’eſt ſur ce principe qu’eſt fondé la manière de graduer un aréomètre qui ſoit propre à faire connoître, par ſa ſimple immerſion, & ſans exiger aucun calcul, le rapport de la denſité ou peſanteur ſpécifique des différentes liqueurs à celle de l’eau de pluie, ou de l’eau diſtillée. C’eſt donc en ajoutant au poids primitif de l’aréomètre, ou en retranchant de ce poids, des quantités connues, & qui ſoient dans un rapport convenable pour chaque degré avec ce poids primitif, & en plongeant l’aréomètre, ainſi chargé ou déchargé, dans l’eau de pluie ou l’eau diſtillée, qu’on peut en déterminer exactement chaque degré. C’eſt de ces quantités, convenables pour chaque degré, que j’ai formé des tables au moyen deſquelles on pourra graduer de pareils aréomètres.

Voici la règle ſuivant laquelle ces tables ſont conſtruites. Suppoſons qu’on connoît exactement le poids de l’aréomètre, qui exprime la denſité de l’eau.

Soit , le poids primitif de l’aréomètre, ou la denſité de l’eau.

Soit , le volume d’eau qu’il déplace.

Soit , le volume qu’il déplaceroit de plus que le volume , dans un fluide dont la denſité ſeroit à celle de l’eau : : étant plus petit que .

Alors, selon les principes de l’Hydrostatique, le poids abſolu du volume de nouveau fluide déplacé, eſt égal au poids abſolu de l’aréomètre, c’eſt-à-dire, au poids du volume d’eau qu’il déplace.

Or, le volume déplacé dans le fluide dont la denſité est , eſt , par la ſuppoſition ; donc, puiſque la denſité est , ſon poids abſolu eſt .

Par la même raiſon, le poids abſolu de l’Aréomètre, ou du volume d’eau qu’il déplace, eſt  ; il faut donc que ou que . D’où l’on tire que l’on peut changer en .

Cette règle fait voir qu’alors, la quantité dont l’aréomètre doit plonger de plus, eſt une portion du volume qu’il déplace dans l’eau exprimée par une fraction qui a pour numérateur la différence des denſités de l’eau & du fluide dont il s’agit, & pour dénominateur, la denſité de ce dernier.

Nous avons ſuppoſé plus petit que  : & par conſéquent qu’alors l’Aréomètre plongeroit plus que dans l’eau. Si étoit plus grand que , il eſt évident, à l’inſpection de la valeur , qu’alors la valeur de ſeroit négative, ce qui doit être en effet ; puiſqu’alors l’aréomètre doit moins plonger que dans l’eau. Toute la différence qu’il y a, eſt donc qu’au lieu d’ajouter au volume déplacé dans l’eau, ou, ce qui eſt la même choſe, au poids primitif de l’aréomètre, il faut, au contraire, en retrancher ; mais la quantité que l’on doit retrancher, ſe détermine toujours, par la même règle.

Ainſi, la quantité qu’il faut ajouter au poids primitif de l’aréomètre, ou qu’il en faut retrancher, eſt une fraction de ce poids, qui a pour dénominateur, la denſité que doit indiquer l’aréomètre, ou le degré que l’on cherche ; & pour numérateur, la différence de cette denſité à la denſité de l’eau.

En ſuppoſant donc, comme nous le faiſons, que la denſité de l’eau eſt égale à 1 000, le dénominateur de cette fraction eſt le degré que l’on cherche, & le numérateur eſt ce qui manque au dénominateur pour faire 1 000, ou l’excès du dénominateur ſur 1 000 : & lorſque le dénominateur eſt moindre que 1 000, qui eſt le cas où eſt plus petit que , la quantité exprimée par la fraction, eſt additive : mais lorſque le dénominateur excède 1 000, qui eſt le cas où eſt plus grand que , cette quantité eſt ſouſtractive. Ainſi, quand la liqueur qu’on éprouve eſt moins denſe que l’eau, ſa denſité eſt à celle de l’eau, comme le dénominateur eſt à la ſomme du numérateur & du dénominateur. Mais, lorſque la liqueur qu’on éprouve eſt plus denſe que l’eau, ſa denſité eſt à celle de l’eau, comme le dénominateur eſt au dénominateur moins le numérateur.

On prendra donc un aréomètre ordinaire de verre Α B, fig. 271 ; 272, convenablement leſté de mercure en S, & à la tige duquel on donnera une longueur ſuffiſante pour le nombre de degrés qu’on veut lui faire porter. On paſſera dans ſa tige le petit rouleau de papier qui doit porter ſa graduation. Enſuite on pèſera l’inſtrument avec des balances bien exactes, & on tiendra note de ce poids, qui eſt celui que j’appelle poids primitif. Cela fait, on plongera l’aréomètre dans l’eau de pluie ou l’eau diſtillée ; & l’endroit C de la tige, où il ceſſera de s’enfoncer, ſera marqué 1 000. Pour avoir les autres degrés, on ajoutera ou on retranchera pour chacun, les quantités indiquées par les tables. Il faut avoir ſoin de conſerver l’eau dans un même degré de température, pendant tout le temps qu’on en fera uſage pour graduer l’inſtrument : & l’on s’aſſurera de ce degré au moyen d’un bon thermomètre. On pourra choiſir tel degré qu’on voudra ; mais je crois qu’il conviendroit d’en prendre un qu’on puiſſe aiſément ſe procurer en toutes les ſaisons. J’ai fait voir ailleurs que 14 du thermomètre de M. de Réaumur, eſt un degré convenable pour cela.

Il ſuffira de chercher, pour l’épreuve, les degrés de 10 en 10 ; & l’on diviſera en 10 parties égales, qui formeront autant de degrés, l’intervalle qui ſépare chaque dixaine. Ces degrés ne devroient pas être égaux entr’eux : ainſi, cette manière de graduer l’inſtrument occaſionnera une erreur, mais qui peut être négligée, parce qu’elle eſt très-petite : elle ne peut pas aller à . Le défaut de régularité dans la figure de la tige, & le trait de plume qui marquera chaque degré ſur l’échelle, peuvent occaſionner une erreur plus grande. Si l’on veut éviter cette petite erreur, on cherchera, par l’épreuve, tous les degrés les uns après les autres.

Toutes les fois qu’on plonge l’aréomètre, il faut avoir ſoin que toute ſa ſurface ſoit bien nette, afin que l’eau s’y applique immédiatement. Il faut auſſi l’obliger à ſe plonger un peu plus qu’il ne doit, afin que ſa tige étant mouillée, il ſe mette enſuite bien en équilibre avec l’eau. Sans cette précaution, il arriveroit ſouvent que les petits frottemens qu’éprouvent ſa tige, en s’enfonçant dans l’eau, le ſoutiendroient moins plongé qu’il ne doit l’être ; de ſorte que la partie plongée meſureroit un volume de liqueur moins peſant que l’inſtrument.

Il n’eſt pas poſſible que le même aréomètre puiſſe ſervir pour toutes les liqueurs ; moins denſes & plus denſes que l’eau : lorſqu’on en feroit uſage pour celles de ces derniers dont la denſité différeroit beaucoup de celle de l’eau, il ne manqueroit pas de faire la baſcule. Il vaut donc mieux faire des aréomètres dont les uns ſoient deſtinés à faire connoître les peſanteurs ſpécifiques des liqueurs moins denſes que l’eau, & les autres à faire connoître les peſanteurs ſpécifiques des liqueurs plus denſes que l’eau. Les premiers, (fig. 271) ſeront leſtés de manière qu’ils enfoncent dans l’eau à quelques lignes ſeulement au-deſſus de la boule ; & là ſera marqué le terme 1 000. Dans ceux-ci, la communication de la groſſe boule à la petite, dans laquelle eſt le mercure, ſera fermée ; parce que, pour les graduer, on n’a rien à retrancher de leur poids primitif ; on n’a ſeulement qu’à y ajouter. Mais ceux qui ſeront deſtinés à faire connoître les peſanteurs ſpécifiques des liqueurs plus denſes que l’eau, (fig. 272.) ſeront leſtés de manière qu’ils enfoncent dans l’eau juſqu’à quelques lignes de l’extrémité ſupérieure de leur tige ; & là ſera marqué le terme 1 000. Dans ceux-ci, la communication de la groſſe à la petite boule ſera ouverte ; parce que, pour les graduer, on aura beſoin de retrancher de leur poids primitif.

J’ai donné à ma Table une étendue plus que ſuffisante, afin qu’elle puiſſe ſervir pour toutes ſortes de liqueurs, depuis les plus légères juſqu’aux plus peſantes ; de ſorte qu’un aréomètre dont la graduation ſeroit auſſi étendue que la table, pourroit ſervir à faire connoître les peſanteurs ſpécifiques de toutes les liqueurs, depuis l’éther juſqu’à l’huile de vitriol concentrée. Et afin de rendre cette table d’un uſage plus commode, j’ai réduit à leur plus ſimple expreſſion toutes les fractions qui en étoient ſuſceptibles.

Dans preſque tous les aréomètres que l’on a imaginés juſqu’ici, les degrés ſont des parties égales. Un peu de réflexion fait voir que cela ne doit pas être ainſi : & la nouvelle conſtruction que je viens de donner, le prouve évidemment. Tous ces degrés vont en augmentant de grandeur d’un côté & en diminuant de l’autre, à meſure qu’ils s’éloignent de 1 000, c’eſt-à-dire, que ces degrés ont d’autant plus d’étendue, qu’ils indiquent les peſanteurs ſpécifiques de liqueurs moins denſes ; & qu’ils ont, au contraire, d’autant moins d’étendue, qu’ils indiquent les peſanteurs fpécifiques de liqueurs plus denſes ; de ſorte que les degrés voiſins de celui qui indique la peſanteur ſpécifique de l’éther, ſont beaucoup plus étendus que ne le ſont les degrés voiſins de celui qui indique la peſanteur ſpécifique de l’huile de vitriol concentrée.

Pour rendre la graduation de ces aréomètres la plus exacte qu’il eſt poſſible, je ne connois point de moyen plus efficace & en même temps plus commode que celui dont s’eſt ſervi M. de Montigny, pour graduer les aréomètres qu’il a deſtinés à éprouver les eaux-de-vie. Le voici en peu de mots.

Sur le bord d’un vaſe V V, (fig. 273) de verre ou de métal, dont la profondeur ſera un peu plus grande que la longueur totale de l’aréomètre Α B, on fixera verticalement une tige quarrée d’ivoire G D, dont la longueur excédera au moins d’un pouce celle de la tige de l’aréomètre, & ſur laquelle gliſſera un curſeur de cuivre E F, perpendiculaire à la tige quarrée, & bien dreſſé dans ſa partie inférieure.

On remplira ce vaſe d’eau de pluie ou d’eau diſtillée, & l’on aura ſoin de l’entretenir toujours également plein. On y plongera l’aréomètre. (Supposons que c’en ſoit un deſtiné uniquement pour les liqueurs moins denſes que l’eau.), il ne s’y enfoncera qu’à quelques lignes au-deſſus de la boule, comme en C. Le curſeur E F étant en g, & touchant immédiatement l’extrémité ſupérieure Α de la tige, on tirera un petit trait de crayon g, que l’on marquera 1 000. Enſuite on ajoutera au poids primitif de l’aréomètre une quantité de mercure qui égale de ce poids. L’aréomètre s’enfoncera encore d’une petite quantité, par exemple, juſqu’en H. On fera deſcendre d’autant le curſeur E F, de façon qu’il touche encore immédiatement l’extrémité ſupérieure Α de la tige. Le curſeur étant fixé en h, on tirera encore un trait de crayon h, que l’on marquera 990. Après avoir ôté le mercure qu’on avoit ajouté, on ajoutera de nouveau au poids primitif de l’aréomètre une quantité de mercure qui égale de ce poids. L’aréomètre s’enfoncera d’une quantité un peu plus grande que la précédente fois, par exemple, juſqu’en I. Après avoir fait deſcendre d’autant le curſeur E F, comme ci-deſſus, on tirera un troiſième trait de crayon i, qu’on marquera 980, & ainſi de ſuite, en continuant d’ajouter, pour chaque dizaine, la quantité de poids indiquée par la table.

L’opération finie, la graduation de l’aréomètre ſe trouvera ſur la tige quarrée d’ivoire G D. Il faudra la tranſporter ſur le petit rouleau de papier qu’on aura mis dans la tige de l’inſtrument ; ce que l’on fera aiſément au moyen d’un compas. Mais il faudra avoir ſoin de la placer ſur le rouleau de papier dans le ſens oppoſé à celui dans lequel elle ſe trouve ſur la tige quarrée ; c’est-à-dire, que le terme 1 000, au lieu d’être en haut, ſera en bas en G, & les autres termes en montant, comme on le voit en C, D, E, F, (fig. 271) ; enſuite, en enfonçant plus ou moins le rouleau de papier dans la tige de l’aréomètre, on fera répondre exactement le terme 1 000 à l’endroit G de la tige qui ſe trouvera à la ſurface de l’eau, l’aréomètre n’étant chargé que de ſon poids primitif.

Suppoſons maintenant qu’on ait à graduer un aréomètre deſtiné à peſer les liqueurs plus denſes que l’eau ; il ſera leſté de manière qu’il s’enfonce dans l’eau juſqu’à quelques lignes de l’extrémité ſupérieure Α de ſa tige. On fera donc gliſſer le curſeur E F en en-bas, juſqu’à ce qu’il vienne toucher immédiatement l’extrémité de la tige de l’aréomètre ; & , on tirera un trait de crayon, que l’on marquera 1 000, comme nous l’avons dit ci-deſſus. Enſuite, en retranchant ſucceſſivement du poids primitif de l’aréomètre , &c. on marquera, en montant ſur la tige quarrée G D, les termes 1 010, 1 020, 1 030, &c.

Lorſque la graduation ſera achevée, on la tranſportera de la tige quarrée ſur le rouleau de papier, en obſervant de l’y placer, comme nous l’avons dit, pour l’autre aréomètre, dans le ſens oppoſé à celui dans lequel elle ſe trouve ſur la tige quarrée, comme on le voit en C, H, I, K. (fig. 272).

Il eſt néceſſaire que le pied du curſeur n’embraſſe la tige quarrée d’ivoire que ſur trois côtés, ayant ſeulement deux petits rebords qui faſſent reſſort ſur le quatrième ; afin qu’en faiſant gliſſer le curſeur le long de la tige quarrée, on n’efface pas les traits de crayon qu’on aura marqués précédemment.

Je ne dois pas finir cet article, ſans avertir que l’opération de graduer ces ſortes d’aréomètres, demande trop d’exactitude & de ſoins, pour qu’on puiſſe en confier la conſtruction à des ouvriers ordinaires. Ce doit être un ouvrage réſervé aux phyſiciens qui déſireront ſe procurer de pareils inſtrumens, ou en procurer à des amateurs.


Table des quantités qu’il faut ajouter au poids de l’Aréomètre, ou retrancher de ce poids, pour le graduer de 10 en 10 degrés.
Pour ajoutez du poids
de l’Aéromètre
700 degrés 0         ou
710 degrés 0         ou
720 degrés 0         ou
730 degrés 0         ou
740 degrés 0         ou

Pour ajoutez du poids
de l’Aéromètre
750degrés 0         ou
760degrés 0         ou
770 degrés 0         ou
780 degrés 0         ou
790 degrés 0         ou
800 degrés 0         ou
810 degrés 0         ou
820 degrés 0         ou
830 degrés 0         ou
840 degrés 0         ou
850 degrés 0         ou
860 degrés 0         ou
870 degrés 0         ou
880 degrés 0         ou
890 degrés 0         ou
900 degrés 0         ou
910 degrés 0         ou
920 degrés 0         ou
930 degrés 0         ou
940 degrés 0         ou
950 degrés 0         ou
960 degrés 0         ou
970 degrés 0         ou
980 degrés 0         ou
990 degrés 0         ou
1000 degrés 0 ôtez
1010degrés 0         ou
1020degrés 0         ou
1030degrés 0         ou
1040degrés 0         ou
1050degrés 0         ou
1060degrés 0         ou
1070degrés 0         ou
1080degrés 0         ou
1090degrés 0         ou
Pour ôtez du poids
de l’Aéromètre
1100degrés 0         ou
1110degrés 0         ou
1120degrés 0         ou
1130degrés 0         ou
1140degrés 0         ou
1150degrés 0         ou
1160degrés 0         ou
1170degrés 0         ou
1180degrés 0         ou
1190degrés 0         ou
1200degrés 0         ou
1210degrés 0         ou
1220degrés 0         ou
1230degrés 0         ou
1240degrés 0         ou
1250degrés 0         ou
1260degrés 0         ou
1270degrés 0         ou
1280degrés 0         ou
1290degrés 0         ou
1300degrés 0         ou
1310degrés 0         ou
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1330degrés 0         ou
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1380degrés 0         ou
1390degrés 0         ou
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1410degrés 0         ou
1420degrés 0         ou
1430degrés 0         ou
1440degrés 0         ou
Pour ôtez du poids
de l’Aéromètre
1450degrés 0         ou
1460degrés 0         ou
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1970degrés 0         ou
1980degrés 0         ou
1990degrés 0         ou
2000degrés 0         ou

Aréomètre de M. Vallet. L’aréomètre ou pèſe-liqueur eſt, comme on l’a déjà dit, un inſtrument imaginé pour connoître la denſité des liqueurs, ou déterminer combien il y a d’acide ou de ſel dans un volume de liqueur connu, & combien il y a d’eſprit ardent dans une pinte ou dans un muid d’eau-de-vie. Mais aucun de ceux qui ont été conſtruits juſqu’à préſent, ſelon M. Vallet, n’a pu remplir cet objet ; ils déſignent ſeulement qu’une liqueur eſt plus chargée de ſel ou d’acide qu’une autre. Le principe qui ſert de baſe à la conſtruction des échelles des aréomètres, eſt la cauſe de leur défaut. On prend l’eau pour premier terme de O, & pour ſecond, l’eau ſaline, compoſée de dix onces de ſel marin bien ſec, diſſous dans quatre-vingt-dix onces d’eau ; on ouvre le compas pour prendre la diſtance de ces deux termes, que l’on reporte enſuite ſur la tige, ſuppoſée aſſez longue pour les contenir quatre ou cinq fois, après on donne cet eſpace en dix parties égales, qui montent ordinairement à quarante ou quarante-cinq degrés : chaque degré déſigne un centième. On n’avoit donc point fait attention qu’à meſure que les acides devenoient plus concentrés, ils devoient produire des degrés inégaux ou plus petits.

« Cet aréomètre ainſi conſtruit, marque vingt-deux degrés dans l’acide marin, & quarante-ſept dans l’acide nitreux, lorſque ces acides ſont au plus haut point de leur concentration ; mais comme l’acide vitriolique eſt environ d’un tiers plus denſe que l’acide nitreux, & que la différence eſt à peu-près dans les rapports de deux à trois, ce premier pèſe-liqueur ne pouvoit nous faire connoître les différens points de denſité de l’acide vitriolique lorſqu’il étoit au-deſſus de quarante à quarante-cinq degrés ; pour y ſuppléer on fit un ſecond pèſe-liqueur qui, au lieu d’avoir O pour premier terme, commençoit où l’autre finiſſoit, & qui étoit continué ſuivant le même principe juſqu’à ſoixante-dix degrés. Cet aréomètre plongé dans l’acide vitriolique le plus concentré y marquoit ſoixante-ſix degrés.

Si ces pèſe-liqueurs étoient plongés dans quelqu’acide affoibli avec de l’eau, dans un volume connu, ils indiquoient que ces acides étoient moins concentrés de quelques centièmes de degrés, & il étoit fort difficile de faire cadrer ces centièmes avec les ſeize onces qui compoſent la livre. Comme les principes établis pour la conſtruction de l’échelle de ces pèſe-liqueurs étoient faux, les centièmes ou degrés indiqués par l’aréomètre, n’étoient pas le vrai nombre, par conſéquent l’uſage du pèſe-liqueur dans cet état, étoit d’une médiocre utilité.

Pour démontrer le peu de confiance que l’on doit avoir dans l’uſage des anciens pèſe-liqueurs, voici quelques réſultats des mélanges d’acide & d’eau à des doses relatives, qui font toujours un même tout des ſeize onces qui compoſent la livre ; & d’autres mélanges d’eſprit-de-vin & d’eau à des doſes faiſant ſeize demi-poiſſons, qui compoſent la pinte de Paris. J’ai pris de l’acide vitriolique concentré à ſoixante-ſix degrés, j’en ai mêlé

04 onces avec 13 onces d’eau.
08 onces avecs8 oncesd’eau.
12 onces avecs4oncesd’eau.

J’ai laiſſé prendre à ces mélanges la température de dix degrés au-deſſus du terme de la glace, J’ai plongé l’aréomètre de M. Baumé dans le mélange de quatre onces d’acide & douze onces d’eau ; il marquoit vingt-un degrés, & n’en devoit marquer que 16 , puiſque 16  : 66 : :  : 16. Je l’ai enſuite plongé dans le mélange de 8 onces d’acide & 8 onces d’eau : il marquoit 38 degrés, & n’en devoit marquer que 33, puiſque 33 : 66 : : 8 : 16. Enfin, dans le mélange de 12 onces d’acide & de 4 onces d’eau, l’aréomètre marquoit 52 , & n’en devoit marquer que 49  ; puiſque 49  : 66 : : 12 : 16.

J’ai fait de ſemblables mélanges d’acide nitreux & d’eau. Au peſe-liqueur de M. Baumé, l’acide nitreux le plus concentré marque 47 degrés à la température dite ci-deſſus. Si l’on mêle 4 onces de cet acide avec 12 onces d’eau, il marque audit pèſe-liqueur 16 degrés, & n’en devoit marquer que 11  ; puiſque 11  : 47 : : 4 : 16. Dans un mélange de 8 parties d’acide & 8 d’eau, il marque audit pèſe-liqueur, 31 degrés, & n’en devoit marquer que 23  ; puiſque 23  : 47 : : 8 : 16. Enfin, dans un mélange de 12 onces d’acide & 4 onces d’eau, il marque 42 degrés, & n’en devoit marquer que 35  ; puiſque 35  : 47 : : 12 : 16. La cauſe de ces défauts de proportion eſt évidente. Elle dérive du faux principe d’après lequel on a conſtruit l’aréomètre. On l’a diviſé en parties égales, & il falloit au contraire le diviſer en parties proportionnelles décroiſſantes, eu égard aux diverſes peſanteurs ſpécifiques qu’ont les acides mêlés à telle ou telle quantité d’eau. Je ne fais pas ici mention de l’acide marin, l’erreur n’est pas auſſi ſenſible que dans les deux précédens. »

L’aréomètre pour les eaux-de-vie a été également examiné. On a pris de l’eſprit-de-vin du commerce, qui marquoit trente cinq degrés au pèſe-liqueur de Cartier, après avoir été rectifié au bain-marie. Il marquoit trente-ſept degrés au même pèſe-liqueurs à la température de dix degrés au-deſſus du terme de la glace. Enſuite, avec de cet eſprit-de-vin & de l’eau diſtillée, on a fait trois mélanges à des doſes en rapport avec les ſeize demi-poiſſons que compoſent la pinte de Paris.

On a plongé le pèſe-liqueur de M. Cartier dans un mélange de douze demi-poiſſons d’eſprit-de-vin & quatre demi-poiſſons d’eau, il marquoit 26 & en devoit marquer 27 car 27  : 37 : : 12 : 16. Enſuite plongé dans un mélange de parties égales d’eſprit-de-vin & d’eau, il marquoit 19 degrés, & n’en devoit marquer que 18 , puiſque 18  : 37 : : 8 : 16. Dans le troiſième mélange de quatre demi-poiſſons d’eſprit-de-vin & douze d’eau, l’aréomètre marquoit 13 degrés, & n’en devoit marquer que 9 , puiſque 9  : 37 : : 4 : 16. Dans cette eſpèce d’eau-de-vie, l’acheteur ſeroit donc trompé avec un inſtrument fait pour le préſerver de l’erreur.

« Les aréomètres que j’annonce, dit M. Vallet, ſont conſtruits ſur de nouveaux principes, & n’ont pas les défauts des précédens. J’ai réuni deux objets bien eſſentiels dans cet inſtrument : l’un indique au juſte la quantité d’acide & d’eau dans un poids connu de liqueur, telle qu’une livre, & accorde les degrés avec les ſeize parties de la livre ; l’autre indique au juſte la quantité d’eſprit ardent & d’eau dans une meſure connue d’eau-de-vie, & accorde les ſeize degrés avec les ſeize parties ou demi-poiſſons qui compoſent la pinte de Paris.

Pour conſtruire mon échelle, 1o. je plonge un aréomètre, convenablement leſté, dans de l’eau ; & ſur le point précis de l’immerſion, je marque (O), (fig. 274) pour mon premier terme ; 2o. je le plonge dans un mélange de quatre onces d’acide & douze onces d’eau, & à l’endroit de l’immerſion, je marque également le terme 4 ; 3o. je le plonge dans un mélange de huit onces d’acide & huit onces d’eau, je marque le terme 8 ; 4o. dans un mélange de douze onces d’acide & quatre onces d’eau, & je marque le terme 12 ; 5o. enfin, je plonge l’aréomètre dans de l’acide concentré, & au point d’immerſion je marque 16 ; ainſi O & 16 ſont les deux termes extrêmes de mon échelle.

Je tire cinq lignes parallèles a, b, c, d, e, perpendiculaires à ma verticale f, paſſant chacune ſur les termes 0. 4, 8, 12, 16. Ces parallèles ne ſont pas & ne doivent pas être à égale diſtance, par la raiſon qu’en mêlant des acides avec de l’eau qu’on y ajoute en progreſſion arithmétique, la denſité de ces acides diminue en progreſſion géométrique ; & faute de cette obſervation, l’on s’eſt toujours trompé dans la conſtruction des anciens aréomètres.

Il ne s’agit plus que de trouver nos autres degrés, & voici comme je m’y prends : j’ouvre un compas ſur les deux termes 12 & 4 ; je porte une des pointes ſur le point du terme 16, l’autre ſur la parallèle 12 d, à droite & à gauche, & de ce dernier point, je porte le compas ſur les parallèles 8 c, 4 b, 0 a ; de chacun de ces points, je décris les cercles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, & des points d’interjection g h ; des deux premiers cercles décrits, je tire avec une règle des lignes qui ſe rendent à un centre commun I, d’où je tire la première partie de mes courbes d’un côté d’a en e ; j’en fais autant de l’autre : des points d’interjection I m, je tire également des lignes qui ſe rencontrent à un point plus éloigné O, duquel, comme centre, je décris l’autre portion de la courbe de c en 16, & ainſi de l’autre côté : enfin je diviſe en ſeize parties égales la partie de cette courbe, compriſe de part & d’autre, entre les deux dernières parallèles 16, 0 ; ſur ceux des points de diviſions, je tire des parallèles dont les unes tombent ſur celles déjà tracées. J’opère de la même manière pour mon aréomètre à eſprit-de-vin, avec cette différence que les 16 termes ou degrés qui, pour les acides, marquent des onces, indiquent des meſures de demi-poiſſons, dont les 16 font la pinte de Paris. Ces premiers pèſe-liqueurs m’ont ſervi d’étalons. J’en ai vérifié la grande exactitude, en faiſant tous les mélanges proportionnels d’acide & d’eau, & d’eſprit-de-vin & d’eau, correſpondans parfaitement aux degrés indiqués.

Entre chaque degré, il y a un point qui ſert de demi-degré, & peut faire connoître juſqu’à un trente-deuxième la richeſſe de la liqueur.

Je donne ici une autre manière mécanique pour tracer mes échelles, & qui ſera beaucoup plus facile que la précédente.

J’ai conſtruit, ſuivant la figure 274, deux aréomètres pour chaque acide, un grand & un petit : j’ai porté les degrés du grand ſur une perpendiculaire Α, (même figure) ; j’ai également porté les degrés du petit ſur une autre ligne perpendiculaire, à une grande diſtance de la première, repréſentant auſſi un pèſe-liqueur B ; j’ai tiré des lignes ſur chacun des degrés correſpondans de l’un à l’autre, ce qui forme un plan incliné ; avec ce plan, je trace tous les pèſe-liqueurs qui n’ont pas une marche plus grande que celui marqué Α, & j’en peux tracer avec le même plan qui ont la marche bien plus petite que le pèſe-liqueur marqué B ; tout cela ſe fait promptement ſans compaſſer. Je prends un aréomètre ſans échelle, je le plonge dans l’eau, & je marque le terme 0 ; je le plonge enſuite dans l’acide le plus concentré (qui marque 16 degrés à mon étalon) ; à l’endroit de l’immerſion, je fais une marque à la tige pour le terme 16 : j’ouvre un compas ſur ces deux termes, je le préſente ſur mon plan, & je marque la perpendiculaire qui eſt égale de longueur à l’ouverture du compas, que je ſuppoſe être celle marquée c ; je mets une règle d en longueur ſur cette perpendiculaire ; j’ajoute entre cette règle une équerre F, que je poſe juſte ſur la première ligne E du plan ; j’ai une bande de papier g tracée de la largeur qui convient à la groſſeur du tube de l’aréomètre ; je la place ſous l’équerre ; je trace le premier degré 0 ; je deſcends l’équerre ſur la ſeconde ligne, & je trace le ſecond, ainſi de ſuite juſqu’à la dernière ligne, & l’échelle eſt finie.

On conçoit aiſément que par ce moyen l’on peut tracer des échelles d’aréomètre bien plus juſtes & avec plus de vîteſſe qu’en les diviſant avec le compas.

J’ai également fait des plans pour tracer les échelles des pèſe-liqueurs à eſprit-de-vin.

L’on voit que j’ai rendu cette opération très-facile, de très-difficile qu’elle étoit, suivant la première de ces deux figures ; mais il m’a fallu celle-ci pour former la ſeconde.

J’ai mis les échelles des trois acides dans un ſeul aréomètre ; elles ſont diviſées en 16 degrés chacune ; les 16 degrés correſpondent avec les 16 onces de la livre, les longueurs que prennent ces trois échelles, diſtinguent bien les denſités différentes de ces trois acides : le dernier degré de l’échelle de l’acide marin, qui eſt 16, ſe trouve vis-à-vis de 5 degrés de celle de l’acide nitreux, & le ſeizième degré de celle-ci eſt vis-à-vis 10 degrés de l’acide vitriolique. Par cette raison, le pèſe-liqueur ancien, tel qu’il eſt diviſé en degrés egaux, ne faiſant que des centièmes, ne pouvoit ſervir à connoître l’état des liqueurs acidules ou ſalines que très-imparfaitement ; mais dans ce même pèſe-liqueur, la troiſième. échelle pour l’acide vitriolique ne marquoit que 10 degrés, comparativement au dernier terme 16 de l’acide nitreux. J’en ai ajouté un ſecond qui ſert de ſuite à cette échelle, qui commence au huitième degré, & eſt prolongé juſqu’au terme 16, qui correſpond aux 66 degrés du pèſe-liqueur de M. Baumé.

L’aréomètre pour l’eſprit-de-vin eſt conſtruit, comme on l’a dit, ſur les mêmes baſes. J’ai pris de l’eſprit-de-vin du commerce, qui, après l’avoir rectifié, marquoit 40 degrés à l’aréomètre de M. Baumé, & 37 à celui de M. Cartier, qui eſt le plus haut point de rectification connu. Dans cet état, je le regarde comme pur & ſans eau, quoiqu’il en contienne encore plus de , qui lui ſervent de principe conſtituant ; & si l’on parvenoit à lui en ôter une partie, on le décompoſeroit ; mais il falloit partir d’un principe. Cet eſprit-de-vin donne le premier terme de mon échelle, qui marque ſeize degrés, & l’eau diſtillée pour le second terme qui eſt (0). Chaque degré de cet aréomètre correſpond à chacun des 16 demi-poiſſons qui compoſent la pinte de Paris ; de ſorte qu’en le plongeant dans quelque eau-de-vie, que ce ſoit dans une meſure quelconque, le degré indiquera la quantité d’eſprit ardent qu’elle contient, & le reſte ſera de l’eau ; par conſéquant, toute l’eau qu’il contiendra au-deſſous de 16 degrés, lui ſera ſurabondante. Pour qu’on voie d’un coup-d’œil ce qu’une meſure d’eſprit ardent contient de cet eſprit & d’eau, les chiffres de la colonne à gauche de l’échelle de mon pèſe-liqueur, déſignent le nombre des demi-poiſſons d’eſprit ardent contenus dans une pinte d’eau-de-vie ; & ceux de la colonne à droite déſignent la quantité d’eau : le nombre à gauche uni à celui de la droite, donne toujours 16 ; les points marqués entre les degrés déſignent des de poiſſons, ou des de la pinte, avantage qui ne ſe trouve pas dans celui de M. Cartier, qui n’a d’autres parties aliquotes, ſans fraction, que l’unité.

Avec le mien, il ſera facile d’aſſigner le prix au juſte de toute eſpèce d’eau-de-vie, par le nombre des degrés qu’elles marqueront, connoiſſant une fois le prix de l’eſprit-de-vin le plus rectifié qui marquera 16 degrés à cet aréomètre. Mémoire de M. Vallet, dans les obſervations ſur la phyſique, l’hiſtoire naturelle, &c. 1788.

Aréomètre de M. Bories. La connoiſſance du degré de rectification des eaux-de-vie étant très-importante, principalement pour le commerce, les états généraux de la province de Languedoc propoſèrent, pour le ſujet d’un prix, au jugement de l’académie des ſciences de Montpellier, la manière de déterminer les différens degrés de ſpirituoſité des eaux-de-vie ou eſprit-de-vin, par le moyen le plus sûr, & en même temps le plus ſimple & le plus applicable aux usages du commerce. Le prix fut partagé entre un mémoire de M. l’abbé Poncelet, & un autre de M. Pouget & Bories. Mais, comme ce concours laiſſoit encore bien des choſes à déſirer, les états propoſèrent un nouveau prix en 1772, qui fut remporté, l’année ſuivante, par M. Bories. Le travail de cet habile phyſicien étant d’une étendue peu ordinaire, nous croyons qu’il eſt à propos d’en réſerver le précis pour l’article Pèse-liqueur. Voyez ce mot.

Aréomètre à tige de D. Caſbois. Cet inſtrument ne diffère pas, quant à ſa forme, de l’aréomètre ordinaire ; il eſt compoſé d’une boule de verre ou d’argent, ſurmontée d’une tige mince & d’égale groſſeur, leſtée de façon que, plongée dans la liqueur, la tige ſoit toujours dans une direction verticale. Mais la manière de le graduer eſt différente : on lui fait marquer de combien de millièmes une liqueur pèſe plus ou moins que l’eau pure.

Pour faire cette graduation, on part d’un terme connu, celui de l’eau naturelle, prise à la température des caves, & dépouillée par la diſtillation de tout ce qui pourroit augmenter ſon poids. On y plonge l’aréomètre, & lorſqu’après quelques oſcillations, il y a pris ſon équilibre, on marque l’endroit où la tige eſt coupée ; c’eſt le premier terme ; enſuite on fait par un mélange convenable d’eau & d’eſprit de vin, une liqueur moins peſante que l’eau d’un dixième, ou ce qui revient au même, de cent millième. On y plonge l’aréomètre, & l’endroit où la tige eſt coupée par la ſurface de cette liqueur, eſt le ſecond terme. L’espace entre ces deux termes, on le partage en cent parties égales, & on a des degrés dont chacun marque évidemment la millième partie de la peſanteur de l’eau. On porte ces degrés au-deſſus & au-deſſous du terme de l’eau qu’on marque par un zéro, & on les compte depuis ce terme par 1, 2, 3, 4. &c. Ceux qui ſont au-deſſus du zéro, marquent des millièmes à retrancher du poids de l’eau ; ceux qui sont au-deſſous du zéro, marquent des millièmes à ajouter à ce même poids.

On ſait que le pied cube d’eau, ſous la température d’environ dix degrés, pèſe ſoixante douze livres ou 1152 onces. Ainſi rapportant les degrés de mon aréomètre au pied cube, chacun doit marquer 1 once 1 gros ou près de 11 grains à ajouter ou à retrancher, ſelon qu’il eſt au-deſſus, ou au-deſſous du zéro.

Soit maintenant une eau-de-vie dont on voudroit connoître la bonté par ſa peſanteur ſpécifique. J’y plonge l’aréomètre, dit l’auteur, & je prends le degré où la tige eſt coupée par la ſurface de la liqueur. Je ſuppoſe que le degré ſoit 82°. au-deſſus du terme de l’eau : je dis 82 degrés au-deſſus du terme de l’eau, ſignifient que la liqueur eſt moins peſante que l’eau de 82 millièmes ; par conſéquent le pied cube de cette liqueur pèſe 82 fois 1 once 1 gros 11 grains, ou 5 livres 3 onces, 3 gros 38 grains moins que le pied cube d’eau, dont le poids eſt de 72 livres : donc le pied cube de cette liqueur pèſe 66 livres 2 onces 1 gros 34 grains.

Pouſſons encore plus loin la conséquence. L’eau diſtillée eſt à l’eſprit-de-vin rectifié, comme 993 eſt à 963. Suivant ce rapport, on trouvera que le pied cube d’eſprit de vin rectifié pèſe 58 livres 7 onces . Voyons maintenant combien d’eau il y a dans l’eau-de-vie que nous venons de peſer. La règle eſt aiſée à faire, elle ſe réduit à cette question. Combien faut-il d’eau à 72 livres de pied cube, & d’eſprit-de-vin à 58 livres 7 gros la même meſure, pour faire un pied cube d’un poids de 66 livres 2 onces ? la règle faite, on trouve que le mélange contient 123 parties d’eau, ſur 94 parties d’eſprit-de-vin, & que le pied cube de ce mélange eſt compoſé de 37 livres 7 onces d’eau, & de 28 livres 10 onces d’eſprit-de-vin. Cet exemple fait voir, qu’en ſuppoſant l’eau-de-vie compoſée d’eſprit & d’eau, on peut, par le moyen de mon aréomètre, trouver non-ſeulement la peſanteur ſpécifique, mais encore la quantité d’eau qu’elle contient. Je me propoſe de donner une table où l’on trouvera ſans calcul, les poids & les mélanges qui répondent à chaque degré de l’aréomètre.

L’uſage de cette eſpèce de balance n’eſt pas borné aux liqueurs plus légères que l’eau ; il s’y étend avec le même avantage à celles qui en ſont plus peſantes ; mais alors il faut que la tige de l’aréomètre ſoit aſſez longue pour porter environ 150 degrés au-deſſus & au-deſſous du terme de l’eau. Cette longueur à laquelle la boule doit être proportionnée, rend l’inſtrument fort incommode ; pour parer à cet inconvénient, on fait deux aréomètres de médiocre grandeur ; l’un pour les liqueurs ſpiritueuſes, l’autre pour les eaux ſalées. Le premier leſté de manière que le même terme ſe trouve à l’extrémité ſupérieure de la tige. Celui-ci ſe gradue comme le premier, avec cette différence, que l’on prend pour le ſecond terme un mélange de ſel & d’eau plus peſant d’un dixième que l’eau diſtillée. L’intervalle partagé en cent parties donne des millièmes que l’on compte de haut en bas, & dont chacun marque la millième partie de la peſanteur de l’eau. Pour avoir le poids d’une eau ſalée par le moyen de l’aréomètre, il faut ajouter au poids de l’eau diſtillée, autant de millièmes de ce poids, qu’il y a de degrés depuis le terme de l’eau juſqu’à la ſurface de la liqueur que l’on pèſe.

On a ſuppoſé juſqu’ici que la peſanteur ſpécifique de l’eau diſtillée étoit un terme fixe, mais on a ſuppoſé en même-temps qu’on prendroit toujours ce terme au même degré de chaleur, & qu’elle augmente en volume ſans augmenter en poids. Cette augmentation eſt à-peu-près , depuis le degré de chaleur qu’on nomme tempéré, juſqu’à celui qui fait bouillir l’eau. Or, de la dilatation, fait de diminution dans la peſanteur ſpécifique. Le degré de chaleur ſous lequel on peut prendre le terme de l’eau, eſt arbitraire. Perſonne n’a droit de le fixer. Cependant, ſi l’on veut faire des aréomètres comparables, il faut convenir du degré, d’où l’on partira. Quant à moi, je prendrai toujours la température des caves, qui répond à-peu-près au dixième degré du thermomètre de Réaumur, parce que je le trouve par-tout & dans toutes les ſaiſons de l’année, & que l’on a calculé ſous ce degré preſque toutes les tables des peſanteurs ſpécifiques.

Il ne me reſte plus qu’une difficulté à lever, celle de former, par un mélange convenable, une liqueur plus ou moins peſante d’un dixième que l’eau pure. Voici comme je m’y prends ; Je pèſe une bouteille vuide, peu importe quelle en ſoit la capacité ; je tiens compte de ſon poids pour le déduire de celui de cette même bouteille pleine. Après cette préparation, j’emplis la bouteille d’eau diſtillée, & je pèſe cette eau avec la plus grande exactitude. Je ſuppoſe que l’eau, tare defalquée, pèſe quarante onces, si je veux faire une liqueur qui pèſe de moins que cette eau, il faut que je mêle de l’eau & de l’eſprit-de-vin, en telle proportion, que ce mélange rempliſſant la bouteille ne pèſe que trente-ſix onces. Pour y parvenir, je vuide la bouteille qui contenoit l’eau diſtillée, je la remplis d’eſprit-de-vin commun, puis je la pèſe. Il arrive que l’eſprit-de-vin ne pèſe pas trente-ſix onces, & qu’il faut en augmenter le poids par un mélange. Je fais donc ſortir un peu d’eſprit de-vin de la bouteille, & je mets de l’eau à la place, par ce mélange l’eſprit-de-vin devient un peu plus peſant, je le remets ſur la balance ; & s’il n’a pas encore le poids demandé, je continue à y mettre un peu d’eau jusqu’à ce que la bouteille pleine, tare défalquée, pèſe juſtement trente-ſix onces. Alors j’ai une liqueur qui, ſous le même volume, eſt plus légère que l’eau, d’un dixième.

On suivra le même procédé pour faire une liqueur plus peſante que l’eau, d’un dixième ; c’eſt-à-dire, qu’après avoir peſé l’eau dans une bouteille, comme ci-deſſus, on remplira cette même bouteille d’une eau dans laquelle on fera diſſoudre autant de ſel qu’il étoit poſſible, & comme cette eau ſalée pèſe plus que l’eau pure, de plus d’un dixième, on l’amènera au poids qu’elle doit avoir, en faiſant ſortir de la bouteille un peu d’eau ſalée, & en la rempliſſant avec autant d’eau pure. Ces liqueurs ainſi préparées, peuvent ſe conſerver & ſervir à régler une infinité d’aréomètres. Obſervat. ſur la phyſique, &c. 1780 mars, pag. 228.

Nouvel aréomètre à godet. Le pèſe-liqueur qu’on vient de décrire, a une ſimple tige qui n’eſt point ſurmontée d’un godet ; il montre ſur ſa tige, (lorſqu’il eſt plongé dans une liqueur) de combien de millièmes cette liqueur eſt plus ou moins peſante que l’eau pure. Le nouvel aréomètre à godet, montre non ſeulement en millièmes le rapport d’une liqueur à l’eau pure ; mais encore en poids de marc, ce que pèſe une meſure déterminée de cette liqueur, & ce qu’un poids donné de cette même liqueur a de volume. Il a de plus l’avantage d’être petit, & par conſéquent commode, de marquer plus ſenſiblement & plus ſurement la peſanteur ſpécifique de la liqueur qui lui eſt ſoumiſe, & de pouvoir être appliqué à une très-petite quantité de cette liqueur.

Cet aréomètre ou pèſe-liqueur eſt un tube de verre terminé en bas par une petite bouteille leſtée en mercure ; & en haut par une tige courte & mince qui porte un léger godet d’ivoire. Son poids eſt de 1 000 grains, & ſon volume, à compter d’un point marqué ſur la tige, eſt égal au volume de 1 000 grains d’eau pure, à la température de 10 degrés. Pour le conſtruire, on prend un tube de 4 à 5 pouces de longueur, ſur 1 pouce environ de diamètre (le plus leger eſt le meilleur) : on le ferme hermétiquement à l’une de ſes extrémités, & à cette partie on ſoude une petite bouteille qu’on fait venir en poire, de manière que ſa queue mince puiſſe être ouverte ou fermée ſelon le beſoin. Je fais entrer, dit D. Casbois à qui on doit encore cet inſtrument ; je fais entrer dans cette bouteille aſſez de mercure pour que le tout pèſe exactement 1 000 grains, & je ſcelle l’extrémité de la queue. Tenant enſuite la boule en bas, je le plonge doucement dans un vaſe plein d’eau diſtillée & miſe à la température de 10 degrés. Lorſque le tube, laiſſé à lui-même, y a pris ſon équilibre, je marque l’endroit où la ſurface de l’eau vient le couper : puis le portant à la lampe, & dirigeant la flamme 2 lignes au-deſſous de la marque, j’enlève la partie ſupérieure du tube qui a surnagé : à cette partie je ſubſtitue une tige de 15 à 20 lignes de longueur, ſur une ligne de diamètre, au bout de laquelle j’adopte un léger godet d’ivoire, capable de contenir 500 grains, poids de marc.

Je vérifie enſuite le poids de mon aréomètre. Si, après le changement que je viens d’y faire, il pèſe plus ou moins de 1 000 grains, je rectifie ce défaut en introduiſant dans la bouteille, ou en faiſant ſortir une quantité convenable de mercure : après quoi je ferme ſolidement la bouteille, & je ne touche plus au poids de l’inſtrument, que pour le faire aller à des liqueurs plus légères que l’eau.

Il me reſte à fixer également le volume de 1 000 grains d’eau que l’aréomètre doit avoir depuis le milieu de ſa tige juſqu’en bas. Pour cet effet, je le plonge dans l’eau diſtillée dont je viens de parler : s’il y deſcend & s’y arrête lorſque la ſurface de l’eau vient couper la tige vers le milieu, il eſt clair qu’il a le volume que je voulois lui donner. Je marque cet endroit de la tige par un point d’émail, & l’aréomètre eſt fait. S’il deſcend totalement dans l’eau, ou s’il n’y dëſcend pas aſſez je porte à la lampe l’extrémité ſupérieure du tube, je l’enfle ou je la diminue juſqu’à ce que je parvienne au point d’immerſion que je dois marquer ſur la tige.

L’aréomètre, tel que je viens de le décrire, eſt applicable aux eaux ſalées & nitreuſes, aux eſprits de ſels, aux ſyrops, en général aux liqueurs plus peſantes que l’eau pure. Pour le faire aller aux liqueurs plus légères que l’eau, à l’eſprit-de-vin, par exemple, aux eaux-de-vie ; aux huiles, aux vins, &c. il ſuffit de diminuer ſon leſte, en ouvrant la bouteille inférieure & en faiſant ſortir une quantité convenable de mercure. Que j’en tire ſeulement 10 grains, l’aréomètre eſt en état de peſer tous les vins ; si j’en tire 170, il pèſera toutes les liqueurs légères, juſqu’à l’eſprit-de-vin le plus rectifié. Quand j’ai fait ſortir de la bouteille autant de mercure que je le juge à propos, je la referme hermétiquement, & je remarque ſur le godet le poids fixe auquel j’ai réduit l’aréomètre.

Voici la manière de ſe ſervir de cette eſpèce de balance. On plonge l’aréomètre dans la liqueur qu’on veut peſer, & le laiſſant nager librement, on met ſur le godet autant de grains, poids de marc, qu’il en faut, pour le faire deſcendre juſqu’au point d’émail. Alors l’aréomètre fait équilibre avec un volume de cette liqueur égal à celui de 1 000 grains d’eau. Ce volume eſt de 2 pouces cubes 2 tiers ou la 18e partie de la pinte de Paris. On en conclut que 2 pouces cubes 2 tiers de cette liqueur pèſent autant que l’aréomètre chargé des grains qu’on a mis ſur le godet. C’est-à-dire, que ſi le poids fixe de l’aréomètre eſt de 830 grains, & que l’on ait mis ſur le godet 60 grains, le volume de 2 pouces cubes deux tiers de la liqueur pèſera 890 grains.

On en conclut encore qu’une meſure quelconque de cette liqueur eſt à une pareille meſure d’eau, comme le poids total de l’aréomètre eſt à 1 000. Ainſi, en ajoutant le poids fixe de l’aréomètre aux grains qu’on a mis ſur le godet, & en comparant cette ſomme qui exprime la peſanteur de la liqueur, à 1 000 qui exprime la peſanteur de l’eau, on voit par la différence en plus ou moins, de combien de millièmes cette liqueur pèſe plus ou moins que l’eau.

Suppoſons, par exemple, que l’aréomètre pèſe 990 grains, & qu’en le plongeant dans du vin, on ait mis ſur le godet 3 grains pour le faire deſcendre au point d’émail ; la peſanteur de ce vin ſera exprimée par 993 & la différence, 7, entre 993 & 1 000 ſignifiera, que le vin eſt de 7 millièmes plus léger que l’eau pure.

Lorſqu’une liqueur eſt compoſée de deux autres liqueurs connues, on pourroit, par le moyen de l’aréomètre et d’un calcul aiſé, connoître à-peu-près la quantité de chacune des deux qui entre dans ſa compoſition, ſi ces deux liqueurs ne ſe pénétroient pas. Voudroit-on ſavoir, par exemple, combien une eau-de-vie à 80 degrés contient d’eſprit-de-vin à 170, & d’eau à zéro ? On trouveroit, par une règle d’alliage, que cette eau-de-vie contient 90 parties d’eau & 80 parties d’eſprit-de-vin.

Mais l’expérience nous a appris que l’eau & l’eſprit-de-vin ſe pénétroient, c’eſt-à-dire, qu’ils occupoient moins d’eſpace après leur mélange, qu’ils en occupoient avant : qu’un pouce-cube d’eſprit-de-vin, par exemple, mêlé avec un pouce-cube d’eau ne faiſoit pas 2 pouces-cubes.

La différence eſt aſſez grande pour qu’on doive en tenir compte dans le calcul. Les mélanges que j’ai faits, après en avoir exactement meſuré & peſé les portions, m’ont fait voir que la pénétration de l’eau & de l’eſprit-de-vin alloit juſqu’à augmenter de 20 millièmes la denſité du mélange, quand il ſe faiſoit par parties égales. C’eſt ce qui m’a déterminé à donner la table ſuivante, dans laquelle on trouve pour chaque degré de l’aréomètre, les portions d’eau & d’eſprit-de-vin qui forment un volume égal à celui de 1 000 grains d’eau, y compriſe leur pénétration.

La première colonne de cette table marque de combien de grains, ou de millièmes, une meſure du mélange, égale à celle de 1 000 grains d’eau, pèſe moins que cette meſure d’eau. Ces différences en moins entre la peſanteur d’une liqueur & celle de l’eau, je les appelerai degrés de légèreté.

La ſeconde colonne marque, en grains, ou en millièmes, la peſanteur de chaque mélange ſous le volume de 1 000 grains d’eau, à la température de 10 degrés.

La troiſième marque la quantité d’eau pure qui eſt entrée dans chaque mélange.

La quatrième marque la portion d’eſprit-de-vin que contient chaque mélange. Celui que j’ai employé eſt à l’eau, comme 830 eſt à 1 000.

La cinquième marque de combien de grains, ou de millièmes, les portions d’eau & d’eſprit-de-vin de la troiſième & de la 4e colonne, ſe ſont pénétrées au moment de leur mélange.

Table pour connoître un mélange d’eau & d’eſprit-de-vin.
Degrés
de
l’Aréomètre.
Poids
du
mélange
Quantité

d’eau
Quantité
d’eſprit-
de-vin
Pénétra-

tion
0 1 000 1 000 0 0
1 999 991 8
2 998 982 16
3 997 972 25
996 963 33
5 995 953 42
994 944 50
7 993 935 58 3
8 992 925 67
991 916 75
10 990 907 83
11 989 898 91
12 988 888 100
13 987 879 108
14 986 870 116 6
15 985 861 124
16 984 852 132
17 983 843 140
18 982 834 148
19 981 824 137
20 980 815 165
21 979 806 173 9
22 978 797 181
23 977 788 189
24 976 779 197
25 975 770 205
26 974 761 213
27 973 752 221
28 972 743 229 12
29 971 734 237
30 970 726 244
31 969 717 252
32 968 708 260
33 967 699 268
34 966 690 276
35 965 681 284 15
36 964 673 291

Degrés
de
l’Aréomètre.
Poids
du
mélange
Quantité

d’eau
Quantité
d’eſprit-
de-vin
Pénétra-

tion
37 963 665 398
38 962 657 305
39 961 650 311
40 960 642 318
41 959 634 325
42 958 626 332
43 957 619 338 17
44 956 614 345
45 955 604 351
46 954 596 358
47 953 588 365
48 952 580 372
49 951 573 378
50 950 566 384
51 949 558 391 19
52 948 551 397
53 947 544 403
54 946 537 409
55 945 530 415
56 944 523 421
57 943 516 427
58 942 509 433
59 941 503 438
60 940 497 443 20
61 939 491 448
62 938 485 453
63 937 479 458
64 936 473 463
65 935 467 468
66 934 461 473
67 933 455 478
68 932 449 483
69 931 443 488
70 930 437 493 20
71 929 431 498
72 928 426 502
73 927 421 506
74 926 415 511
75 925 410 515
76 924 405 519
77 923 399 524
78 922 394 528
79 921 389 532
80 920 383 537
81 919 378 541 19
82 918 373 545
83 917 368 549
84 916 363 553
85 915 358 557
86 914 354 560
87 913 349 564
88 912 344 568
89 911 339 572
90 910 334 568
91 909 329 580
92 908 325 583
93 907 320 587
94 906 315 591
95 905 310 595
96 904 306 598 17
97 903 301 602
98 902 296 606
99 901 291 610
100 900 286 614
101 899 282 617
102 898 277 621
103 897 272 625
104 896 268 628
Degrés
de
l’Aréomètre.
Poids
du
mélange
Quantité

d’eau
Quantité
d’eſprit-
de-vin
Pénétra-

tion
105 895 263 632
106 894 258 636
107 893 254 639
108 892 249 643 15
109 891 245 646
110 890 240 650
111 889 235 654
112 888 231 657
113 887 226 661
114 886 222 664
115 885 217 668
116 884 212 672
117 883 208 675 13
118 882 203 679
119 881 199 682
120 880 194 686
121 879 190 689
122 878 185 693
123 877 181 696
124 876 176 700
125 875 172 703
126 874 167 707
127 873 163 710
128 872 158 714
129 871 154 717 11
130 870 150 720
131 869 145 724
132 868 141 727
133 867 136 731
134 866 132 734
135 865 127 738
136 864 123 742
137 863 119 744
138 862 114 748
139 861 110 751
140 860 105 755
141 859 101 758 9
142 858 97 761
143 857 93 769
144 856 89 767
145 855 85 770
146 854 81 773
147 853 77 776
148 852 73 779
149 851 69 782
150 850 65 785
151 849 61 788
152 848 57 791
153 847 53 799
154 846 49 797 6
155 845 45 800
156 844 42 802
157 843 39 809
158 842 36 806
159 841 33 808
160 840 32 810
161 839 27 814
162 838 24 819
163 837 21 806
164 836 18 818
165 835 15 820
166 834 12 822
167 833 9 829
168 832 6 826
169 831 3 828
170 830 0 830

Cette table eſt le réſultat de pluſieurs expériences faites & répétées avec toute l’exactitude poſſible. L’eſprit-de-vin que j’y ai employé étoit à l’eau pure, comme huit cent trente eſt à mille ; c’eſt-à-dire que huit cent trente grains de cet eſprit occupoient un volume de mille grains d’eau, ou qu’il étoit de cent ſoixante-dix millièmes plus léger que l’eau pure. Cet eſprit-de-vin avoit été préparé par M. Peltre, habile pharmacien, & réputé pour donner à ſes opérations l’attention la plus ſcrupuleuſe. Je ſuis fondé à croire qu’il m’a donné l’eſprit-de-vin le plus pur ; puiſque le célèbre M. Beaumé, dans ſes élémens de pharmacie, regarde comme très-rectifié tout eſprit-de-vin, dont ſix gros quarante-huit grains rempliſſent une bouteille capable de contenir une once d’eau, & qui par conſéquent eſt à l’eau, comme cent trente-trois un tiers eſt à mille, ou qui eſt de 166 millièmes 2 tiers plus léger que l’eau pure. Il eſt bon d’obſerver que j’ai comparé mon eſprit-de-vin à l’eau, ſous la température de 10 degrés de Réaumur, ainſi que l’a fait M. Beaumé.

J’avois un eſprit-de-vin de 170 degrés de légèreté. Cette différence, entre ſa peſanteur ſpécifique & celle de l’eau pure, m’a déterminé à faire les mélanges par parties qui fuſſent des 170mes du total.

J’ai commencé par mettre 10 parties d’eſprit-de-vin ſur 160 parties d’eau, & j’ai trouvé que ce mélange qui, ſelon les règles d’alliage, devoit être à 10 degrés de légèreté, & ne peſer que 990 grains ſous le volume de 1 000 grains d’eau, de fait étoit à 7 degrés, & peſois 993 grains. J’en ai conclu, 1o. que 993 grains de ce mélange contenoient 935 grains d’eau & 58 grains d’eſprit-de-vin pur : 2o. que l’eau & l’eſprit-de-vin s’étoient pénétrés ou condenſés de 3 millièmes dans le mélange.

Un ſecond mélange de 20 parties d’eſprit-de-vin & de 150 parties d’eau, ſoumis à l’aréomètre, s’eſt trouvé à 14 degrés au lieu d’être à 20, & peſer 986 grains au lieu de 980 : d’où j’ai conclu qu’un volume de ce mélange à celui de 1 000 grains d’eau, contenoit 116 grains d’eſprit-de-vin ſur 870 d’eau, & que leur pénétration étoit de 6 millièmes.

Après avoir fait de la même manière un troiſième mélange de 30 parties d’eſprit-de-vin ſur 140 parties d’eau ; un 4e de 40, ſur 130, un 5e de 50, ſur 120, &c. avoir déterminé le poids de chaque mélange ſous le volume de 1 000 grains d’eau, le nombre de grains d’eau & le nombre de grains d’eſprit-de-vin qui entroient dans chacun, leur pénétration ; j’en ai dreſſé une table compoſèe de 18 termes. Puis inſérant entre ces termes autant de moyens arithmétiques qu’il y avait de degrés de différence, j’ai formé la table entière telle qu’on la voit. La ſolution des problêmes ſuivans en fera connoître l’uſage & l’utilité.

1o. Trouver par le moyen de l’aréomètre ce que pèſe la pinte d’une liqueur donnée.

L’aréomètre ſubmergé juſqu’au point d’émail, vous fera connoître, par le nombre de grains que vous aurez mis ſur le godet ajouté à celui qui s’y trouve écrit, ce que pèſe une meſure de cette liqueur égale au volume de 1 000 grains d’eau. Multipliez ce nombre par 18, vous aurez en grains le poids d’une pinte de cette liqueur. En effet, la pinte de Paris contient 18 000 grains d’eau diſtillée : L’aréomètre marque ce que pèſe une meſure de liqueur égale au volume de 1 000 grains de cette eau : il marque donc ce que pèſe la dix-huitième partie de la pinte. Donc, en multipliant par 18, le poids trouvé par l’aréomètre ou marqué dans la table, vous aurez le poids d’une pinte de la liqueur propoſée.

2o. Un vin d’un degré connu ayant été altéré par un mélange d’eau, trouver la quantité d’eau qui a été miſe dans le vin.

Voyez dans la troiſième colonne la quantité d’eau qui répond au degré du vin avant son altération, & enſuite celle qui répond au degré du même vin après son altération ; comparez ces deux quantités d’eau : leur différence marque évidemment combien on a mis d’eau dans le vin.

On connoîtra de la même manière un mélange d’eau-de-vie & d’eau.

3o. Le degré de légereté d’un vin étant connu ; trouver combien on peut en tirer d’eau-de-vie d’un degré donné. Par exemple, combien on tireroit d’eau-de-vie à 70 degrés, d’un vin qui ſeroit de 6 degrés plus léger que l’eau.

Cherchez dans la quatrième colonne combien il y a d’eſprit-de-vin dans le mélange qui répond à 70 degrés : & combien il y en a dans celui qui répond à 6 : vous trouverez 493 & 50. Diviſez la première quantité par la ſeconde ; le quotient 9 + 43 cinquantièmes eſt le nombre des meſures de vin à 6 degrés qui donnera au moins une meſure d’eau-de-vie au degré demandé.

Je dis, au moins, parce que le vin contient effectivement plus l’eſprit qu’il n’y en a dans le mélange auquel je le compare. L’eau & l’eſprit ardent ſont bien les principaux élémens du vin, ceux qui entrent dans ſa compoſition en plus grande abondance ; mais ils n’en ſont pas les ſeuls. Il y entre des principes ſalins & terreux, dont la peſanteur ſpécifique eſt plus grande que celle de l’eau. Il faut donc plus d’eſprit-de-vin pour les amener au ſixième degré de légèreté, qu’il n’en faut pour faire venir l’eau au même degré. Concluons que le vin en queſtion ne donnera pas une quantité d’eau-de-vie plus petite que celle qui eſt déterminée par la solution du problême, mais qu’elle peut en fournir une plus grande. Le ſurplus dépend de la quantité des matières terreuſes & groſſières qui reſtent en diſſolution dans le vin ſuppoſé. L’expérience ſeule peut nous faire connoître ce surplus.

L’erreur ſeroit moins grande dans l’eſtimation d’une quantité d’eau-de-vie néceſſaire pour faire de l’eſprit-de-vin : parce que l’eau-de-vie ne contient guère que du flegme & de l’eſprit. Ce qui entre de plus dans ſa compoſition, ne fait qu’une partie inſenſible de ſon poids.

Ainſi, pour trouver, par exemple, combien il faudroit d’eau-de-vie à 61 degrés pour faire de l’eſprit-de-vin à 166, on cherchera dans la table la quantité d’eſprit qui répond aux degrés 61 & 166 ; on trouvera 448 & 822 : diviſant le ſecond nombre par le premier, on aura 1 & un peu plus de 8 dixièmes. Ce quotient ſera le nombre des meſures d’eau-de-vie qui fera une meſure d’eſprit-de-vin.

Il eſt inutile de s’étendre ici ſur les avantages d’un bon aréomètre ; puiſque perſonne ne doute que c’eſt d’après la connoiſſance de la peſanteur ſpécifique des liqueurs, que le phyſicien en découvre les principales propriétés ; que le mathématicien en calcule les rapports ; que le chimiſte s’aſſure de leur déphlegmation ou concentration, & que le commerçant en apprécie la valeur. Rien de plus utile par conſéquent qu’une balance ſimple, portative, & d’un uſage aiſé, au moyen de laquelle on puiſſe voir dans l’inſtant & avec préciſion ce que pèſe une liqueur quelconque, ſous un volume donné.

Nous avons cru qu’il étoit à propos de faire connoître les divers aréomètres qui ont été inventés juſqu’à ce jour, perſuadés que ceux qui cultivent les ſciences phyſiques, en liroient avec plaiſir les différentes deſcriptions accompagnées de figures. Nous les avons tous fait conſtruire pour le cabinet de phyſique des états-généraux de Languedoc, ceux qui nous paroiſſent mériter la préférence, ſont ceux à tige & à godet, de Dom Casbois.

On obſervera ici qu’il eſt à propos d’avoir pluſieurs ſortes d’aréomètres dans un cabinet de phyſique complet, dont les uns ſervent pour les acides concentrés, d’autres pour les eaux minérales, les eaux ordinaires ; quelques-uns pour les vins & pour les eaux-de-vie & les eſprits, enfin d’autres pour les ethers. On ſent bien que ſi on n’emploit qu’un ſeul aréomètre pour les différens uſages auxquels cet inſtrument peut ſervir, il devroit être d’une grandeur & d’un volume conſidérable, & qu’il exigeroit une grande quantité de liqueur pour l’épreuve, ce qui ſeroit très-incommode & dispendieux.

Ainſi, un ſeul aréomètre qui ſerviroit à éprouver les acides minéraux les plus concentrés, & tous les liquides intermédiaires, juſqu’aux ethers les mieux rectifiés, auroit une longueur démeſurée ; c’eſt pourquoi il faut, ainſi que nous l’avons dit, avoir une ſuite d’aréomètres dont l’un commence où l’autre finit, & qui puiſſent ſervir à peſer la ſérie de liquides dont nous avons parlé.

Aréomètre à pompe. Voyez hygroclimax.