Encyclopédie méthodique/Physique/ARC-EN-CIEL

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ARC-EN-CIEL. C’eſt une des plus brillantes eſpèces de météores lumineux qui paroiſſent dans le ciel ; l’arc-en-ciel ſe préſente aux yeux ſous la forme d’un arc ou plutôt d’une portion d’anneau, d’une bande demi-circulaire ornée des différentes teintes des couleurs priſmatiques qui ſe peignent dans une nuée oppoſée au ſoleil, & qui ſe réſout en pluie. Cet effet dépend de la réfraction des rayons du ſoleil dans les gouttes de pluie qui tombent des nuages ; cette réfraction produiſoit une décompoſition des rayons de lumière.

On n’aperçoit ordinairement qu’un arc-en-ciel, auquel on donne le nom d’arc-en-ciel principal, d’arc-en-ciel intérieur, parce que quand il en paroît deux, il eſt entouré par le ſecond à une certaine diſtance : auſſi nomme-t-on celui-ci arc-en-ciel ſecondaire, ou extérieur. Les couleurs de l’arc-en-ciel intérieur ſont bien plus vives que celles de l’arc extérieur. Voici l’ordre des couleurs priſmatiques qu’on obſerve dans l’arc principal ou intérieur, en comptant du dedans au dehors : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge. L’arrangement de ces couleurs eſt renverſé dans l’arc extérieur ; elles ſont donc ainſi, en continuant de compter de la même manière : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet. Si on n’avoit point d’idée des teintes & des nuances des couleurs qui brillent dans l’arc-en-ciel, il ſuffiroit de voir les couleurs que fait paroître un prisme qui reçoit & décompoſe les rayons du ſoleil : l’image du ſpectre coloré en eſt la plus parfaite repréſentation.

De tout temps ce brillant météore a excité l’admiration, mais la cauſe qui le produit a été long-temps ignorée. Les anciens, preſque toujours ſuperſtitieux, ſe ſont moins appliqués à la connoître, qu’à rechercher les préſages qu’on pourroit tirer de ſes différentes apparences.

Ariſtote ſuppoſoit, pour expliquer ce 1o. que les gouttes de pluie dans leſquelles ſe formoit l’arc-en-ciel, étoient autant de miroirs convexes qui renvoyoient à nos yeux des images du ſoleil deſquelles il ne s’en formoit qu’une ſeule qu’on voyoit confuſe ; parce que ces miroirs étant petits, ils ne rendent que la couleur du ſoleil ſans en rendre la figure ; 2o. que ces rayons de lumière par leur mélange avec l’ombre de nuage plus ou moins épaiſſe, produiſoient les trois couleurs qu’il remarquoit dans l’iris ; ſavoir, le rouge, le vert & le violet. (Météorol. lib. 4.)

Poſſidonius, célèbre mathématicien d’Alexandrie, qui vivoit après Eratosthènes & avant Ptolémée, ajouta, à l’explication d’Ariſtote, que le corps entier du nuage devoit avoir la forme d’un miroir concave ſphérique ; par cette ſuppoſition, il crut rendre raiſon de la figure circulaire de l’arc-en-ciel, & de la réunion de tous les rayons réfléchis par le miroir dans un point ou foyer qui étoit au fond de l’œil du ſpectateur.

Sénèque, dans ſes queſtions naturelles, livre premier, depuis le chapitre trois juſqu’au huitième, traite de l’arc-en-ciel, & adopte le ſentiment d’Ariſtote & de Poſſidonius. « Je ſuis, dit-il, du ſentiment de Poſſidonius, & je crois que l’arc-en-ciel ſe forme dans une nuée concave, & qui auroit la figure d’un balon coupé en deux…… L’arc-en-ciel eſt l’image du ſoleil, mais qui ne lui reſſemble pas en toutes choses. Et certes, toutes ſortes de miroirs ne repréſentent pas parfaitement les objets dont ils reçoivent les images… Pourquoi donc s’étonneroit-on qu’il ſe fît dans les nuées un miroir, de telle ſorte qu’il ne puiſſe repréſenter le ſoleil qu’avec des imperfections & des défauts ? »

Il eſt inutile de s’arrêter ici à rapporter les ſentimens ridicules des anciens philoſophes ſur l’arc-en-ciel. Plutarque rapporte que les prêtres, dans leur offrandes ſe ſervoient par préférence de bois ſur lequel l’arc-en-ciel avoit reposé & qui en avoit été mouillé, parce qu’ils s’imaginoient, on ne ſait pourquoi, que ce bois rendoit une odeur bien plus agréable que les autres.

Pline ne paroît pas avoir fait des obſervations particulières ſur ce météore ; il se contente de rapporter ce qui étoit connu de ſon temps ; il a même raſſemblé peu de faits ſur ce sujet ſi intéreſſant. Mais laiſſons dans l’oubli tout ce que les anciens ont dit ſur l’arc-en-ciel ; leurs connoiſſances n’étoient pas aſſez avancées pour rien établir de ſatisfaiſant ſur cette matière ; il faut franchir un intervalle de temps conſidérable, pour aller jusqu’à Antonio de Dominis.

Marc-Antonio de Dominis, archevêque de Spalatro, montre dans ſon livre de radiis viſùs & lucis, imprimé à Veniſe en 1611, que [ l’arc-en-ciel eſt produit dans des gouttes rondes de pluie, par deux réfractions de la lumière ſolaire, & une réflexion entre deux ; & il confirme cette explication par des expériences qu’il a faites avec une fiole & des boules de verre pleines d’eau, expoſées au ſoleil. Il faut cependant reconnoître que quelques anciens avoient avancé antérieurement à Antoine de Dominis, que l’arc-en-ciel étoit formé par la réfraction des rayons du ſoleil dans des gouttes d’eau. Kepler avoit eu la même penſée, comme on le voit par les lettres qu’il écrivit à Brenger en 1605, & à Harriot en 1606. Deſcartes qui a ſuivi dans ſes météores l’explication d’Antoine de Dominis, a corrigé celle de l’arc extérieur. Mais comme ces deux savans hommes n’entendoient point la véritable origine des couleurs, l’explication qu’ils ont donnée de ce météore, eſt défectueuſe à quelques égards ; car Antoine de Dominis a cru que l’arc-en-ciel extérieur étoit formé par les rayons qui raſoient les extrémités des gouttes de pluie, & qui venoient à l’œil après deux réfractions & une réflexion. Or, on trouve par le calcul, que ces rayons dans leur ſeconde réfraction doivent faire un angle beaucoup plus petit avec le rayon du ſoleil qui paſſe par l’œil, que l’angle ſous lequel on voit l’arc-en-ciel intérieur ; & cependant l’angle ſous lequel on voit l’arc-en-ciel extérieur, eſt beaucoup plus grand que celui ſous lequel on voit l’arc-en-ciel intérieur : de plus, les rayons qui tombent fort obliquement ſur une goutte d’eau, ne font point de couleurs ſenſibles dans leur ſeconde réfraction, comme on le verra aisément par ce que nous dirons dans la ſuite. À l’égard de M. Deſcartes, qui a le premier expliqué l’arc-en-ciel extérieur par deux réflexions & deux réfractions, il n’a pas remarqué que les rayons extrêmes qui font le rouge, ont leur réfraction beaucoup moindre que ſelon la proportion de 3 à 4, & que ceux qui font le violet, ſont beaucoup plus grandes, de plus, il s’eſt contenté de dire qu’il venoit plus de lumière à l’œil ſous les angles de 41 & de 42 degrés, que ſous les autres angles, ſans prouver que cette lumière doit être colorée ; & ainſi il n’a pas ſuffiſamment démontré d’où vient qu’il paroît des couleurs ſous un angle d’environ 42 degrés, & qu’il n’en paroît point ſous ceux qui ſont au-deſſous de 40 degrés, & au-deſſus de 44 dans l’arc-en-ciel intérieur. Ce célèbre auteur n’a donc pas ſuffiſamment expliqué l’arc-en-ciel, quoiqu’il ait fort avancé cette explication. Newton l’a achevée par le moyen de sa doctrine des couleurs. ]

Plus les phénomènes que l’arc-en-ciel préſente, ſont brillans, plus le déſir d’en connoître la cauſe doit être vif. Afin de ſatisfaire nos lecteurs, nous allons expoſer en peu de mots, 1o. les principes d’où dépend ce météore ; 2o. une explication claire & abrégée de la manière dont il ſe forme 3o. une explication plus détaillée & plus compoſée ; 4o, la deſcription de quelques variétés & de différentes eſpèces d’arcs-en-ciel, tels que l’arc-en-ciel lunaire, l’arc-en-ciel marin, l’arc-en-terre, l’arc-en-ciel des cataractes & des cascades, les arcs-en-ciel blancs & les iris perpendiculaires ; 5o. la réfutation de quelques objection faites contre la théorie de Newton.

1o. Les principes d’où dépendent la formation de l’arc-en-ciel, ſont les loix de la réfraction, celles de la réflexion, & enfin les loix de la réfrangibilité des rayons de lumière.

Tout rayon de lumière qui paſſe obliquement d’un milieu dans un autre de différente nature, éprouve une déviation, un changement de direction qu’on appelle réfraction.

Cette réfraction ſe fait, ou en s’approchant, ou en s’éloignant de la perpendiculaire. Si le rayon de lumière paſſe obliquement d’un milieu moins attirant dans un milieu plus attirant, par exemple, de l’air dans l’eau, il s’approchera de la perpendiculaire ; il s’en éloignera au contraire, s’il va d’un milieu plus attirant dans un autre qui le ſoit moins, par exemple, de l’eau dans l’air.

Le ſinus de l’angle de réfraction eſt dans un rapport conſtant avec le ſinus de ſon angle d’incidence. Le rapport du ſinus de l’angle briſé ou réfracté, eſt, lorſque le rayon paſſe de l’air dans l’eau, comme 3 à 4, & réciproquement de 4 à 3 quand le paſſage ſe fait de l’eau dans l’air.

L’angle de réflexion eſt égal à l’angle d’incidence. La lumière étant un fluide parfaitement élaſtique, ſes rayons ſuivent cette loi bien plus exactement que les autres corps.

La lumière eſt compoſée de rayons de diverſes eſpèces, différemment réfrangibles & différemment réflexibles. Conſéquemment la réfraction la décompoſe en produiſant leur sſparation, & ces rayons ainſi ſéparés, ſe préſentent aux yeux avec les couleurs qui leur sont propres. Voici l’ordre des rayons colorés, en commençant à compter de ceux qui ſont les moins réfrangibles à ceux qui le ſont davantage : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo & violet. Ce ſont les ſept couleurs primitives qu’on obſerve dans un arc-en-ciel, & qu’on obſerve dans une chambre obſcure où l’on reçoit un rayon ſolaire ſur un priſme triangulaire. Voyez Réfraction, Réflexion, Couleurs, Réfrangibilité, Prisme.

2o. Ces principes ſuppoſés, on comprendra plus facilement l’explication de l’arc-en-ciel. Afin de mieux ſaisir la marche des rayons de lumière, dans les gouttes de pluie, examinons la route qu’ils tiennent en partant du ſoleil, en entrant & en ſortant de chaque goutte, pour parvenir enſuite à l’œil ; & pour rendre plus ſenſibles les changemens de direction qu’ils éprouvent, augmentons les dimenſions d’une goutte de pluie, & ſuppoſons-la repréſentée par le cercle s t D s de la figure 63. Il eſt évident que le rayon ſolaire S tombant obliquement ſur cette goutte d’eau, ſe réfractera en s, en s’approchant de la perpendiculaire s C, bien loin de ſuivre la direction s F, ce qu’il auroit fait s’il n’y avoit pas eu changement de milieu. Le rayon réfracté ira donc en t, où il ſera réfléchi en partie par la dernière couche de la goutte d’eau. L’angle de réflexion étant égal à l’angle d’incidence, le rayon s t ſera donc réfléchi vers e, où ſe fera une nouvelle réfraction, qui éloignera de la perpendiculaire C p ce rayon, parce qu’il paſſe obliquement de l’eau dans l’air, & ne lui permettra pas de ſuivre ſa direction t f. Mais ce rayon de lumière t f, qui eſt compoſé de ſept eſpèces de rayons différemment réfrangibles, ſe décompoſera en paſſant de l’eau dans l’air, & préſentera ſept rayons partiels, ſavoir, en allant de O en B, le rouge qui eſt le moins réfrangibles, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo & le violet, qui eſt le plus réfrangible de tous les rayons. Si l’œil s’élève lentement de O en B, il appercevra ſucceſſivement ces différentes couleurs dans le même ordre où elles ont été nommées. Ces apparences ſucceſſives auront encore lieu, ſi la goutte ou cercle s t D s deſcendoit de D en E, l’œil reſtant en O. Mais, dans tous ces cas, l’angle formé par le rayon incident S s & le rayon émergent e B, eſt d’un degré 45 minutes plus petit que l’angle S F O, celui-ci étant de 42 degrés 2 minutes, celui-là ſera donc de 40 degrés 17 minutes.

Suppoſons maintenant qu’au lieu de faire deſcendre la goutte de D en E, l’œil reſtant toujours au point O, tout l’eſpace D E ſoit rempli de gouttes d’eau, on verra en même temps les ſept couleurs primitives de l’arc-en-ciel. Il en ſera de même de tous les autres eſpaces où les rayons incidens & émergens auroient entr’eux les mêmes rapports. Si on imagine donc de pareilles ſuites de globules d’eau ou de gouttes de pluie dans un anneau ou bande ſemi-circulaire A F B E, fig. 65, dont l’œil O d’un ſpectateur occupe le centre, il verra un arc-en-ciel ordinaire, l’arc principal ou intérieur, c’eſt-à-dire, une bande Α F B E ornée des ſept couleurs prismatiques. La largeur de cette bande eſt égale à D E, & par conſéquent proportionnelle à la différence qu’il y a entre les rayons les plus réfrangibles & ceux qui le ſont le moins, c’eſt-à-dire, entre les rayons violets & les rayons rouges.

Comme on apperçoit ſouvent deux arcs-en-ciel en même temps, il eſt néceſſaire d’expliquer la formation du ſecond arc-en-ciel qu’on nomme ſecondaire ou extérieur. Conſidérons d’abord un ſeul globule d’eau, a d s e (figure 64) ; le rayon ſolaire S s tombant obliquement ſur la partie inférieure s de la goutte d’eau, en conſéquence des loix de la réfraction & de la réflexion qu’on a expoſées, ſe réfractera au point s, en s’approchant de la perpendiculaire p s C, parce qu’il paſſe de l’air dans l’eau, c’eſt-à-dire, d’un milieu moins attirant dans un milieu plus attirant. Il ne continuera donc pas ſa route vers a, mais ſera réfléchi en d, & delà en e, en faiſant toujours ſon angle de réflexion égal à celui de ſon incidence. Parvenu en e, ce rayon ſolaire, réfléchi une ſeconde fois, ſe portera vers g, où il éprouvera une réfraction qui l’éloignera de la perpendiculaire p g C, à cauſe qu’il ſort obliquement d’un milieu plus attirant dans un qui l’eſt moins. Il ne continuera donc point la direction g h, qui eſt le prolongement de celle e g que la ſeconde réflexion lui avoit imprimée.

Le rayon ſolaire ſortant du point g, ſe décompoſera & ſe diviſera en ſept rayons différemment réfrangibles, de telle ſorte que le rouge qui l’eſt le moins, ſera en O, après ſeront l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo, & en B le rayon violet qui eſt le plus réfracté. Si l’œil d’un obſervateur eſt en O, le rayon émergent g O faiſant, avec le rayon ſolaire incident S s, un angle de 50 degrés 57 minutes, il appercevra le rouge. L’œil s’abaiſſant ſucceſſivement de O en B, le rayon incident S s fera, avec les ſix autres rayons émergens, une ſuite d’angles qui augmenteront juſqu’à l’angle formé par ce même rayon incident S s & par le rayon g B violet, qui eſt de 54 degrés 4 minutes, conſéquemment plus grand de 3 degrés 7 minutes ; alors il appercevra ſucceſſivement les ſept couleurs primitives. Les apparences ſeront les mêmes, si l’œil reſtant toujours en O, la goutte d’eau montoit de G en H.

Mais ſi on ſuppoſe cet eſpace G H rempli en même temps de ſemblables gouttes d’eau, l’œil en O verra à la fois les ſept couleurs de l’arc-en-ciel : & s’il y a de pareilles ſuites de gouttes d’eau dans des circonférences de demi-cercles concentriques, formant un demi-anneau C H D G, fig. 65, dont l’œil O ſoit le centre, ou plutôt ſoit le ſommet d’un cône dont ces circonférences conſtitueroient la baſe, on obſervera un arc-en-ciel, c’eſt-à-dire, une bande demi-circulaire ornée des ſept couleurs priſmatiques, placées dans un ordre oppoſé à celui de l’arc intérieur ou principal.

Les couleurs de ce ſecond arc, de cet arc-en-ciel extérieur, ſont moins vives que celles de l’arc intérieur, parce que les rayons de lumière qui forment l’arc extérieur, ont ſubi deux réflexions en d & en e, fig. 64 ; & que les rayons de l’arc intérieur ne souffrant qu’une ſeule réflexion en t (fig. 63), ceux-là ſont moins affoiblis que ceux-ci. Chaque réflexion, comme chaque réfraction, produit un déchet & une diminution d’intenſité dans l’éclat des couleurs. Auſſi les rayons qui ont été réfléchis en t (fig. 63), & en d & e, (fig. 64) ont-ils éprouvé une diſperſion d’une partie des filets lumineux qui les formoient du bord ; & nous n’avons conſidéré que la portion reſtante du rayon, celle qui a continué la route tracée jusqu’à l’œil.

Dans l’explication de l’arc-en-ciel intérieur & extérieur, & dans celle des figures 63 & 64, on a dit que ſes couleurs ſe préſentoient à l’œil, ou ſur un carton, d’O en B, O étant le rouge & B le violet ; mais l’ordre dans lequel nous voyons la ſuite des couleurs priſmatiques dans l’arc-en-ciel même, eſt entièrement oppoſé, parce que tous les ſept rayons primitifs ſe croiſant au point e, fig. 63, & en g, fig. 64, nous rapportons en r & r l’impreſſion faite en O & O ; en b & b, celle qui a été faite en B & B, & ainſi des autres qui ſont intermédiaires. Mais B (fig. 63) étant en haut, il faut que le point où l’œil rapporte l’impreſſion faite dans cette direction, ſoit après le croiſement dans la partie inférieure en b ; de même O ſera rapporté en r. Il faut en dire autant des parties correſpondantes de la figure 64. Cet effet vient de cette loi générale d’optique que nous rapportons toujours les impreſſions en ligne droite ; & qu’après le croiſement de deux ou plusieurs rayons qui paſſent par un trou ou par un point, les apparences ſont conſéquemment renversées. C’eſt ainſi que ſur la rétine ou dans une chambre obſcure, comme nous le dirons en ſon lieu, la peinture des objets extérieurs eſt entièrement renverſée.

Il eſt facile de démontrer par expérience, la vérité de cette explication. Prenez une boule de verre creuſe & mince, remplie d’une eau bien-claire, & ſuſpendue par le moyen de deux cordons M H G C, fixés par une extrémité à un bouton ſoufflé à chaque pôle, paſſant enſuite ſur des poulies, & retenus par la main M, comme on le voit en la figure 64. Si cette boule eſt vers le fond d’un appartement, que les rayons du ſoleil puiſſent tomber ſur elle, ſoit ſur la partie ſupérieure, ſoit ſur la portion inférieure, & qu’un ſpectateur ſoit entre le ſoleil & la boule qui repréſente une goutte de pluie, on verra ſucceſſivement les couleurs de l’arc-en-ciel à meſure qu’on élèvera ou abaiſſera cette boule, de manière que les rayons émergens S s qui viennent du ſoleil à la boule, & ceux qui vont du point g, fig. 63, ou du point e, fig. 64, faſſent des angles d’environ 40 & 42 degrés, & de 50 & 54 degrés environ. Ces couleurs priſmatiques occuperont l’eſpace de D en E & de G en H, en commençant par le rouge & finiſſant par le violet. Or c’eſt ce que l’obſervation confirme ; car on verra le rouge en r, le violet en b, & les autres couleurs entre ces deux extrêmes. Si on a diſpoſé, comme il eſt déſigné, fig. 63 & 64, quatorze globes, dont ſept reçoivent un rayon ſolaire par la partie ſupérieure & les ſept autres par l’inférieure, on obſervera le même ordre des couleurs que dans l’arc-en-ciel double, lorſque ces quatorze globes ſeront à des hauteurs convenables, c’eſt-à-dire, qu’on verra la couleur violette aux deux extrémités 1 & 14, & la couleur rouge aux points intérieurs 7 & 8, déſignés par r & r.

Maintenant ſuppoſons qu’on ait rangé circulairement 14 ſuites de globes ſemblables, ſur autant de circonférences concentriques, comme en Α F B E, C H D G (fig. 65), où on n’en a marqué que 4, E, F, G, H, pour éviter la confuſion ; & que l’œil ſoit en O, ſommet du cône dont ces différentes circonférences forment la baſe, on verra réellement deux bandes circulaires, ſéparées entr’elles par un intervalle, & chacune ornée des ſept couleurs priſmatiques dans l’ordre où on les aperçoit, lorſque dans le ciel l’arc-en-ciel intérieur & extérieur ſont viſibles

Les choſes ſont ainſi dans la réalité, puiſque la pluie tombant dans l’endroit où on voit dans l’arc-en-ciel, il n’y a aucun point de cette partie de l’athmoſphère où pendant la chûte de la pluie il n’y ait des globules d’eau. Tous ceux qui ſe trouvent dans ces deux zones circulaires, ſervent à former l’arc-en-ciel double ; & les autres gouttes de pluie qui ſont au-deſſus, au-deſſous ou à côté, deviennent inutiles, parce que les rayons ſolaires réfractés & réfléchis n’arrivent point à l’œil, mais paſſent au-deſſus, au-deſſous ou à côté, & ne nuiſent aucunement à ceux qui ont agi efficacement ſur l’œil.

Indépendamment de l’expérience de la boule de verre, on peut encore confirmer la théorie donnée de l’arc-en-ciel par une autre expérience très-facile. Il ſuffit de tourner le dos au ſoleil, lorſqu’il eſt à une petite hauteur ſur l’horiſon, de remplir ſa bouche d’eau, & de la faire jaillir enſuite ; ou dans la même poſition, d’avoir une ſeringue pleine d’eau, & de la faire jouer ; ou enfin de ſe placer devant un jet d’eau que le vent agite & diviſe en petite pluie, on apercevra les ſept couleurs priſmatiques, peintes dans l’air au-delà de cette pluie artificielle ; & ſelon la quantité de gouttes d’eau & la grandeur de l’eſpace qu’elles occuperont, on obſervera une portion plus ou moins grande de bande circulaire, ornée des couleurs de l’arc-en-ciel, qui dépend des mêmes cauſes & des mêmes circonstances ; ſavoir, des réfractions, des réflexions, & de la diverſe réfrangibilité des rayons hétérogènes dont la lumière eſt compoſée.

La largeur de l’arc-en-ciel intérieur & celle de l’arc-en-ciel extérieur, telles qu’elles paroiſſent dans le ciel, ſont cependant plus grandes que ne la donnent les limites qui renferment tous les degrés de réfrangibilité des ſept rayons hétérogènes ; mais il faut avoir égard au diamètre du ſoleil qui eſt d’un demi-degré à-peu-près. Newton, par ſes calculs, a déterminé la largeur de l’arc intérieur, de 1 degré 45 minutes, celle de l’arc extérieur de 3 degrés 10 minutes, & leur diſtance réciproque de 8 degrés 55 minutes. Ces dimenſions devroient être réellement conformes au résultat des calculs, ſi le ſoleil n’étoit qu’un ſimple point ; mais ſon diamètre étant d’environ un demi-degré, chacune des bandes de l’arc-en-ciel en eſt élargie, & leur diſtance mutuelle diminuée : de telle ſorte que, dans la réalité, la largeur de l’arc intérieur est de 2 degrés 15 minutes ; celle de l’arc extérieur de 3 degrés 40 minutes ; & leur diſtance réciproque eſt ſeulement de 8 degrés 25 minutes.

L’explication qu’on vient de lire ſur les phénomènes de l’arc-en-ciel, eſt ſimple & claire ; pour la rendre plus intelligible, nous avons cherché à lui donner tout le développement néceſſaire. Néanmoins nous croyons qu’il ſera agréable à pluſieurs de nos lecteurs de leur en rapporter une autre plus compoſée, dont la première encyclopédie étoit redevable à M. d’Alembert ; elle mérite d’être conservée.

Pour concevoir l’origine de l’arc-en-ciel, examinons d’abord ce qui arrive lorſqu’un rayon de lumière qui vient d’un corps éloigné, tel que le ſoleil, tombe ſur une goutte d’eau ſphérique, comme ſont celles de la pluie. Soit donc une goutte d’eau Α D K N (fig. 66) & les lignes E F, B Α, &c. des rayons lumineux qui partent du centre du ſoleil, & que nous pouvons concevoir comme parallèles entre eux à cauſe de l’éloignement immenſe de cet aſtre ; le rayon B Α étant le seul qui tombe perpendiculairement ſur la ſurface de l’eau, & tous les autres étant obliques, il eſt aiſé de concevoir que tous ceux-ci ſouffriront une réfraction & s’approcheront de la perpendiculaire ; c’eſt-à-dire, que le rayon E F, par exemple, au lieu de continuer ſon chemin ſuivant F G, ſe rompra au point F, & s’approchera de la ligne H E I perpendiculaire à la goutte en F, pour prendre le chemin F K. Il en eſt de même de tous les autres rayons proches du rayon E F, leſquels ſe détourneront d’E vers K, où il y en aura vraiſemblablement quelques-uns qui s’échapperont dans l’air, tandis que les autres ſe réfléchiront ſur la ligne KN, pour faire des angles d’incidence & de réflexion égaux entr’eux. Voyez Réflexion.

De plus, comme le rayon K N & ceux qui le ſuivent, tombent obliquement ſur la ſurface de ce globule, ils ne peuvent repaſſer dans l’air ſans ſe rompre de nouveau & s’éloigner de la perpendiculaire M N L ; de ſorte qu’ils ne peuvent aller directement vers Y, & ſont obligés de ſe détourner vers P. Il faut encore obſerver ici que quelques-uns des rayons, après qu’ils ſont arrivés en N, ne paſſent point dans l’air, mais ſe réfléchiſſent de nouveau vers Q, où ſouffrant une réfraction, comme tous les autres, ils ne vont point en droite ligne vers Z, mais vers R, en s’éloignant de la perpendiculaire T V ; mais comme on ne doit avoir égard ici qu’aux rayons qui peuvent affecter l’œil que nous ſuppoſons placé un peu au-deſſous de la goutte, au point P, par exemple, nous laiſſons ceux qui ſe réfléchiſſent de N vers Q comme inutiles, à cauſe qu’ils ne parviennent jamais à l’œil du ſpectateur. Cependant il faut obſerver qu’il y a d’autres rayons, comme 2, 3, qui ſe rompant de 3 vers 4, de-là ſe réfléchiſſant vers 5, & de 5 vers 6, puis ſe rompant ſuivant 6, 7, peuvent enfin arriver, à l’œil qui eſt placé au-deſſous de la goutte.

Ce que l’on a dit juſq’ici eſt très-évident : mais pour déterminer préciſément les degrés de réfraction de chaque rayon de lumière, il faut recourir à un calcul par lequel il paroît que les rayons qui tombent ſur le quart de cercle Α D, continuent leur chemin ſuivant les lignes que l’on voit tirées dans la goutte Α D K N, où il y a trois choſes extrêmement importantes à obſerver. En premier lieu, les deux réfractions des rayons à leur entrée & à leur ſortie ſont telles, que la plûpart des rayons qui étoient entrés parallèles ſur la ſurface Α F, ſortent divergens, c’eſt-à-dire, s’écartent les uns des autres, & n’arrivent point juſqu’à l’œil ; en ſecond lieu, du faiſceau de rayons parallèles qui tombent ſur la partie Α D de la goutte, il y en a une petite partie qui ayant été rompue par la goutte, viennent ſe réunir au fond de la goutte dans le même point, & qui étant réfléchis de ce point, ſortent de la goutte parallèles entre eux comme ils y étoient entrés. Comme ces rayons ſont proches les uns des autres, ils peuvent agir avec force ſur l’œil en cas qu’ils puiſſent y entrer, & c’eſt pour cela qu’on les a nommés rayons efficaces ; au lieu que les autres s’écartent trop pour produire un effet ſenſible, ou du moins pour produire des couleurs auſſi vives que celles de l’arc-en-ciel. En troiſième lieu, le rayon N P a une ombre ou obſcurité ſous lui ; car puiſqu’il ne ſort aucun rayon de la ſurface N 4, c’eſt la même choſe que ſi cette partie étoit couverte d’un corps opaque. On peut ajouter à ce que l’on vient de dire, que le même rayon N P a de l’ombre au-deſſus de l’œil, puiſque les rayons qui ſont dans cet endroit, n’ont pas plus d’effet que s’ils n’exiſtoient point du tout.

De-là il s’enſuit que pour trouver les rayons efficaces, il faut trouver les rayons qui ont le même point de réflexion, c’eſt-à-dire qu’il faut trouver quels ſont les rayons parallèles & contigus, qui, après la réfraction, ſe rencontrent dans le même point de la circonférence de la goutte, et ſe réfléchiſſent de-là vers l’œil.

Or, ſuppoſons que N P ſoit le rayon efficace, & que E F ſoit le rayon incident qui correſpond à N P, c’eſt-à dire, que F ſoit le point où il tombe un petit faiſceau de rayons parallèles, qui après s’être rompus viennent ſe réunir en K pour ſe réfléchir de-là en N, et ſortir ſuivant N P, & nous trouverons par le calcul que l’angle O N P, compris entre le rayon N P  & la ligne O N, tirée du centre du ſoleil, eſt de 41 degrés 30 minutes. On enſeignera ci-après la méthode de le déterminer.

Mais comme outre les rayons qui viennent du centre du ſoleil à la goutte d’eau, il en part une infinité d’autres des différens points de ſa ſurface, il nous reſte à examiner pluſieurs autres rayons efficaces, ſur-tout ceux qui partent de la partie ſupérieure et de la partie inférieure de ſon diſque.

Le diamètre apparent du ſoleil étant d’environ 32, il s’enſuit que ſi le rayon E F paſſe par le centre du ſoleil, un rayon efficace qui partira de la partie ſupérieure du ſoleil, tombera plus haut que le rayon E F de 16, c’eſt-à-dire, fera avec ce rayonE F un angle d’environ 16 minutes. C’eſt ce que fait le rayon G H (fig 67) qui ſouffrant la même réfraction que E F, ſe détourne vers I & de-là vers L, juſqu’à ce que ſortant avec la même réfraction que N P, il parvienne en M pour former un angle de 41 dégrés 14 minutes avec la ligne O N.

De même le rayon Q R qui part de la partie inférieure du ſoleil, tombe ſur le point R 16 minutes plus bas, c’eſt-à-dire, fait un angle de 16 minutes en-deſſous avec le rayon E F ; et ſouffrant une réfraction, il ſe détourne vers S, & de-là vers T, où paſſant dans l’air, il parvient juſqu’à V ; de ſorte que la ligne T V et le rayon O T forment un angle de 41 degrés 46 minutes.

À l’égard des rayons qui viennent à l’œil après deux réflexions et deux réfractions, on doit regarder comme efficaces ceux qui, après ces deux réflexions et ces deux réfractions, ſortent de la goutte parallèles entre eux.

Supputant donc les réflexions des rayons qui viennent comme 23 (fig. 66) du centre du ſoleil, & qui pénétrant dans la partie intérieure de la goutte, ſouffrent ainſi que nous l’avons ſuppoſé, deux réflexions & deux réfractions, & entrent dans l’œil par des lignes pareilles à celle qui est marquée par 6, 7 (fig. 68), nous trouvons que les rayons que l’on peut regarder comme efficaces, par exemple, 67, forment avec la ligne 86 tirée du centre du ſoleil, un angle 867 d’environ 52 degrés : d’où il s’enſuit que le rayon efficace qui part de la partie la plus élevée du ſoleil, fait avec la même ligne 86 un angle moindre de 16 minutes ; & celui qui vient de la partie inférieure, un angle plus grand de 16 minutes.

Imaginons donc que Α B C D E F soit la route du rayon efficace depuis la partie la plus élevée du ſoleil juſqu’à l’œil F, l’angle 86 F ſera d’environ 51 degrés & 44 minutes. De même, G H I K L M eſt la route d’un rayon efficace qui part de la partie inférieure du ſoleil & aboutit à l’œil, l’angle 86 M approche de 52 degrés & 16 minutes.

Comme il y a plusieurs rayons efficaces, outre ceux qui partent du centre du ſoleil, ce que nous avons dit de l’ombre ſouffre quelque exception ; car des trois rayons qui ſont tracés (fig. 66 & 67) il n’y a que les deux extrêmes qui aient de l’ombre à leur côté extérieur.

À l’égard de la quantité de lumière, c’eſt-à-dire, du faiſceau de rayons qui ſe réuniſſent dans un certain point, par exemple, dans le point de réflexion des rayons efficaces, on peut le regarder comme un corps lumineux terminé par l’ombre. Au reſte il faut remarquer que juſqu’ici nous avons ſuppoſé que tous les rayons de lumière rompoient également ; ce qui nous a fait trouver les angles de 41 degrés 30 minutes & de 52 minutes. Mais les différens rayons qui parviennent ainſi juſqu’à l’œil, ſont de diverſes couleurs, c’eſt-à-dire propres à exciter en nous l’idée de différentes couleurs ; & par conſéquent ces rayons ſont différerement rompus de l’eau dans l’air quoiqu’ils tombent de la même manière ſur une ſurface réfrangible : car on ſait que les rayons jaunes, ceux-ci moins que les bleus, les bleus moins que les violets, & ainsſ des autres. Voyez Couleur.

Il ſuit de ce qu’on vient de dire, que les rayons différens ou hétérogènes ſe ſéparent les uns des autres & prennent différentes routes, & que ceux qui ſont homogènes ſe réuniſſent & aboutiſſent au même endroit. Les angles de 41 degrés 30 minutes & de 52 degrés, ne ſont que pour les rayons d’une moyenne réfrangibilité, c’eſt-à-dire, qui en ſe rompant s’approchent de la perpendiculaire plus que les rayons rouges, mais moins que les rayons violets : & de-là vient que le point lumineux de la goutte où se fait la réfraction, paroît bordé de différentes couleurs, c’eſt-à-dire, que le rouge, le vert & le bleu, naiſſent des différens rayons rouges, verts & bleus du ſoleil, que les différentes gouttes tranſmettent à l’œil, comme il arrive lorſqu’on regarde des objets éclairés à travers un priſme. Voyez Prisme.

Telles ſont les couleurs, qu’un ſeul globule de pluie doit repréſenter à l’œil : d’où il s’enſuit qu’au grand nombre de ces petites globules venant à ſe répandre dans l’air, y fera appercevoir différentes couleurs, pourvu qu’ils ſoient tellement diſpoſés que les rayons efficaces puiſſent affecter l’œil ; car ces rayons ainſi diſpoſés, formeront un arc-en-ciel.

Pour déterminer maintenant qu’elle doit être cette diſpoſition, ſuppoſons une ligne droite tirée du centre du ſoleil à l’œil du ſpectateur, telle que VX, figure 67 que nous appelerons ligne d’aſpect : comme elle part d’un point extrêmement éloigné, on peut la ſuppoſer parallèle aux autres lignes tirées du même point ; or, on ſait qu’une ligne droite qui coupe deux parallèles, forme des angles alternes égaux.

Imaginons donc un nombre indéfini de lignes tirées de l’œil du ſpectateur à l’endroit oppoſé au ſoleil où ſont des gouttes de pluie, leſquelles forment différens angles avec la ligne d’aſpect, égaux aux angles de réfraction de différens rayons réfrangibles, par exemple, des angles de 41 degrés 46 minutes, & de 41 degrés 30 minutes, & de 41 degrés 40 minutes, ces lignes tombant ſur des gouttes de pluie éclairées du ſoleil, formeront des angles de même grandeur avec les rayons tirés du centre du ſoleil aux mêmes gouttes ; de ſorte que les lignes ainſi tirées de l’œil repréſenteront les rayons qui occaſionnent la ſenſation de différentes couleurs.

Celle, par exemple, qui forme un angle de degrés 46 minutes, repréſentera les rayons les moins réfrangibles ou rouges, des différentes gouttes ; & celle de 41 degrés 40 minutes, les rayons violets qui ſont les moins réfrangibles. On trouvera les couleurs intermédiaires. Voyez Rouge.

On ſait que l’œil étant placé au ſommet d’un cône, voit les objets ſur ſa ſurface comme s’ils étoient dans un cercle, au moins lorſque ces objets ſont aſſez éloignés de lui : car quand différens objets ſont à une diſtance aſſez conſidérable de l’œil, ils paroiſſent être à la même diſtance. Nous en avons donné la raiſon dans l’article Apparent ; d’où il s’enſuit qu’un grand nombre d’objets ainſi diſpoſés, paroîtront rangés dans un cercle ſur la ſurface du cône. Or, l’œil de notre ſpectateur eſt ici au ſommet commun de pluſieurs cônes formés par les différentes eſpèces de rayons efficaces & la ligne d’aſpect. Sur la ſurface de celui dont l’angle au ſommet eſt le plus grand, & qui contient tous les autres, ſont ces gouttes ou partie de gouttes qui paroiſſent rouges ; les gouttes de couleur de pourpre ſont ſur la ſuperficie du cône qui forme le plus petit angle à ſon ſommet ; & le bleu, le vert, &c. ſont dans les cônes intermédiaires. Il s’enſuit donc que les différentes eſpèces de gouttes doivent paroître comme ſi elles étoient diſposées dans autant de bandes ou arcs colorés comme on le voit dans l’arc-en-ciel.

M. Newton explique cela d’une manière plus ſcientifique, & donne aux angles des valeurs un peu différentes. Suppoſons, dit-il, que O, (fig. 65) ſoit l’œil du ſpectateur, & O P une ligne parallèle aux rayons du ſoleil ; & ſoient P O E, P O F des angles de 46 degrés 17 minutes, de 42 degrés 2 minutes, que l’on ſuppoſe tourner autour de leur côté commun O P : ils décriront par les extrémités E, F, de leurs autres côtés O E & O F, les bords de l’arc-en-ciel.

Car ſi E, F ſont des gouttes placées en quelque endroit que ce ſoit des ſurfaces coniques décrites par O E, O F, & qu’elles ſoient éclairées par les rayons du ſoleil S E, }{lié|S F}} ; comme l’angle S E O eſt égal à l’angle P O E qui eſt de 40 degrés 17 minutes, ce ſera le plus grand angle qui puiſſe être fait par la ligne S E & par les rayons les plus réfrangibles qui ſont rompus vers l’œil après une ſeule réflexion ; & par conſéquent toutes les gouttes qui ſe trouvent ſur la ligne O E, enverront à l’œil dans la plus grande abondance poſſible les rayons les plus réfrangibles, & par ce moyen, feront ſentir le violet le plus foncé vers la région où elles ſont placées.

De même l’angle S F O étant égal à l’angle P O B qui eſt de 42 degrés 2 minutes, ſera le plus grand angle ſelon lequel les rayons les moins réfrangibles puiſſent ſortir des gouttes après une ſeule réflexion ; & par conſéquent ces rayons ſeront envoyés à l’œil dans la plus grande quantité poſſible par les gouttes qui ſe trouvent ſur la ligne O F, & qui produiront la ſenſation du rouge le plus foncé en cet endroit.

Par la même raiſon les rayons, qui ont des degrés intermédiaire de réfrangibilité, viendront dans la plus grande abondance poſſible des gouttes placées entre E & F, & feront ſentir les couleurs intermédiaires dans l’ordre qu’exigent leurs degrés de réfrangibilité, c’est-à-dire, en avançant de E en F, ou de la partie intérieure de l’arc à l’extérieure dans cet ordre, le violet, l’indigo, le bleu, le vert, le jaune, l’orangé & le rouge : mais le violet étant mêlé avec la lumière blanche des nuées, ce mélange le ſera paroître foible, & tirant ſur le pourpre.

Comme les lignes O E, O F peuvent être ſituées indifféremment dans tout autre endroit des ſurfaces coniques dont nous avons parlé ci-deſſus, ce que l’on a dit des gouttes & des couleurs placées dans ces lignes, doit s’entendre des gouttes & des couleurs diſtribuées en tout autre endroit de ces ſurfaces  ; par conſéquent le violet ſera répandu dans tout le cercle décrit par l’extrémité E du rayon O E autour de O P ; le rouge dans tout le cercle décrit par F, & les autres couleurs dans les cercles décrits par les points qui ſont entre E & F. Voilà quelle eſt la manière dont ſe forme l’arc-en-ciel intérieur.

Arc-en-ciel extérieur. Quant au ſecond arc-en-ciel qui entoure ordinairement le premier, en aſſignant les gouttes qui doivent paroître colorées, nous excluons celles qui partant de l’œil, ſont des angles un peu au-deſſous de 42 degrés 2 minutes, mais non pas celles qui en font de plus grands.

Car ſi l’on tire de l’œil du ſpectateur une infinité de pareilles lignes, dont quelques-unes faſſent des angles de 50 degrés 57 minutes avec la ligne d’aſpect, par exemple, O G ; d’autres des angles de 54 degrés 7 minutes, par exemple, O H, il faut de toute néceſſité que les gouttes ſur leſquelles tomberont ces lignes, faſſent voir des couleurs, ſur-tout celles qui forment l’angle de 50 degrés 57 minutes.

Par exemple, la goutte G paroîtra rouge, la ligne G O étant la même qu’un rayon efficace, qui après deux réflexions & deux réfractions, donne le rouge ; de même les gouttes ſur leſquelles tombent les lignes qui font avec O P des angles de 54 degrés 7 minutes, par exemple, la goutte H paroîtra couleur de pourpre ; la ligne O H étant la même qu’un rayon efficace, qui après deux réflexions & deux réfractions, donne la couleur pourpre.

Or, s’il y a un nombre ſuffiſant de ces gouttes, & que la lumière du ſoleil ſoit aſſez forte pour n’être point trop affoiblie par deux réflexions & réfractions conſécutives, il eſt évident que ces gouttes doivent former un ſecond arc ſemblable au premier. Dans les rayons les moins réfrangibles, le moindre angle ſous lequel une goutte peut envoyer des rayons efficaces après deux réflexions, a été trouvé par le calcul, de 50 degrés 57 minutes, & dans les plus réfrangibles, de 54 degrés 7 minutes.

Suppoſons l’œil placé au point Q, comme ci-devant, & que P O G, P O H ſoient des angles de 50 degrés 57 minutes, & de 54 degrés 7 minutes ; ſi ces angles tournent autour de leur côté commun O P, avec leurs autres côtés O G, O H, ils décriront les bords de l’arc-en-ciel C H D G, qu’il faut imaginer, non pas dans le même plan que la ligne O P, ainſi que la figure le préſente, mais dans un plan perpendiculaire à cette ligne.

Car ſi G O ſont des gouttes placées en quelques endroits que ce ſoit des ſurfaces coniques décrites par O G, O H, & qu’elles ſoient éclairées par les rayons du ſoleil ; comme l’angle S G O eſt égal à l’angle P O G de 50 degrés 57 minutes, ce ſera le plus petit angle qui puiſſe être fait par les rayons les moins réfrangibles après deux réflexions ; & par conſéquent toutes les gouttes qui ſe trouvent ſur la ligne O G, enverront à l’œil, dans la plus grande abondance poſſible, les rayons les moins réfrangibles, & feront ſentir par ce moyen le rouge le plus foncé vers la région où elles ſont placées.

De même l’angle S H O étant égal à l’angle P O H, qui eſt de 54 degrés 7 minutes, fera le plus petit angle ſous lequel les rayons les plus réfrangibles puiſſent ſortir des gouttes après deux réflexions ; & par conſéquent ces rayons ſeront envoyés à l’œil, dans la plus grande quantité qu’il ſoit poſſible, par les gouttes qui ſont placées dans la ligne O H, & produiront la ſenſation du violet le plus foncé dans cet endroit.

Par la même raiſon, les rayons qui ont des degrés intermédiaires de réfrangibilité, viendront dans la plus grande abondance poſſible des gouttes entre G & H, & feront ſentir les couleurs intermédiaires dans l’ordre qu’exigent leurs degrés de réfrangibilité, c’eſt-à-dire, en avançant de G en H, ou de la partie intérieure de l’arc à l’extérieure, dans cet ordre, le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo, & le violet.

Et comme les lignes O G, O H peuvent être ſituées indifféremment en quelqu’endroit que ce ſoit des ſurfaces coniques, ce qui vient d’être dit des gouttes & des couleurs qui ſont ſur ces lignes, doit être appliqué aux gouttes & aux couleurs qui ſont en tout autre endroit de ces ſurfaces.

C’eſt ainſi que ſeront formés deux arcs colorés ; l’un intérieur, & compoſé de couleurs plus vives par une seule réflexion ; & l’autre extérieur, & compoſé de couleurs plus foibles par deux réflexions.

Les couleurs de ces deux arcs ſeront dans un ordre oppoſé l’une à l’égard de l’autre ; le premier ayant le rouge en-dedans & le pourpre au-dehors ; & le ſecond le pourpre en-dehors & le rouge en-dedans, & ainſi du reſte.

Arc-en-ciel artificiel. Cette explication de l’arc-en-ciel eſt confirmée par une expérience facile : elle conſiſte à ſuſpendre une boule de verre pleine d’eau en quelque endroit où elle ſoit expoſée au ſoleil, & d’y jeter les yeux, en ſe plaçant de telle manière que les rayons qui viennent de la boule à l’œil, puiſſent faire avec les rayons du ſoleil un angle de 42 ou de 50 degrés ; car ſi l’angle eſt d’environ 42 ou 43 degrés, le ſpectateur, (supposé en O) verra un rouge fort vif ſur le côté de la boule oppoſé au ſoleil, comme en F, & ſi cet angle devient plus petit, comme il arrivera en faiſant deſcendre la boule juſqu’en E ; d’autres couleurs paroîtront ſucceſſivement ſur le même côté de la boule ; ſavoir, le jaune, le vert & le bleu.

Mais ſi l’on fait l’angle d’environ 50 degrés, en hauſſant la boule juſqu’en G, il paroîtra du rouge ſur le côté de la boule qui eſt vers le ſoleil, quoiqu’un peu foible ; & ſi l’on fait l’angle encore plus grand, en hauſſant la boule juſqu’en H, le rouge ſe changera ſucceſſivement en d’autres couleurs, en jaune, vert & bleu. On obſerve la même choſe lorſque, ſans faire changer de place à la boule, on hauſſe ou on baiſſe l’œil pour donner à l’angle une grandeur convenable.

On produit encore, comme nous l’avons dit, un arc-en-ciel artificiel, en ſe tournant le dos au ſoleil, & en jetant en haut de l’eau dont on aura rempli ſa bouche ; car on verra dans cette eau les couleurs de l’arc-en-ciel, pourvu que les gouttes ſoient pouſſées aſſez haut pour que les rayons tirés de ces gouttes à l’œil du ſpectateur, faſſent des angles de plus de 41 degrés avec le rayon O P.

Dimenſion de l’arc-en-ciel. Deſcartes a le premier déterminé ſon diamètre par une méthode indirecte, avançant que ſa grandeur dépend du degré de réfraction du fluide, & que le ſinus d’incidence eſt à celui de réfraction dans l’eau, comme 250 à 187. Voyez Réfraction.

M. Halley a depuis donné, dans les Transactions philoſophiques, une méthode ſimple & directe de déterminer le diamètre de l’arc-en-ciel, en ſuppoſant donné le degré de réfraction du fluide, ou réciproquement de déterminer la réfraction du fluide par la connoiſſance que l’on a du diamètre de l’arc-en-ciel. Voici en quoi conſiſte ſa méthode : 1o. Le rapport de la réfraction, c’eſt-à-dire, des ſinus d’incidence & de réfraction, étant connus, il cherche les angles d’incidence & de réfraction d’un rayon, qu’on ſuppoſe devenir efficace après un nombre déterminé de réflexions ; c’eſt-à-dire, il cherche les angles d’incidence & de réfraction d’un faiſceau de rayons infiniment proches, qui, tombant parallèles ſur la goutte, ſortent parallèles après avoir ſouffert au-dedans de la goutte un certain nombre de réflexions déterminé. Voici la règle qu’il donne pour cela. Soit une ligne donnée Α C (fig. 69), on la diviſera en D, enſorte que D C ſoit à Α C en raiſon du ſinus de réfraction au ſinus d’incidence ; enſuite on la diviſera de nouveau en E, enſorte que Α C ſoit à Α E comme le nombre donné de réflexions augmenté de l’unité eſt à cette même unité ; on décrira après cela ſur le diamètre Α E le demi-cercle Α B E ; puis du centre C & du rayon C D, on tracera un arc D B, qui coupe le demi-cercle au point B : on menera les lignes Α B, C B ; Α B C, ou son complément à deux droits, ſera l’angle d’incidence, & C Α B l’angle de réfraction qu’on demande.

2o. Le rapport de la réfraction & l’angle d’incidence étant donné, on trouvera ainſi l’angle qu’un rayon de lumière qui ſort d’une boule après un nombre donné de réflexions, fait avec la ligne d’aſpect, & par conſéquent la hauteur & la largeur de l’arc-en-ciel. L’angle d’incidence & le rapport de réfraction étant donnés, l’angle de réfraction l’eſt auſſi. Or, ſi on multiplie ce dernier par le double du nombre des réflexions augmenté de 2, & qu’on retranche du produit le double de l’angle d’incidence, l’angle reſtant ſera celui que l’on cherche.

Suppoſons avec M. Newton, que le rapport de la réfraction ſoit comme 108 à 81 pour les rayons rouges, comme 109 à 81 pour les bleus, &c. le problême précédent donnera les angles ſous leſquels on voit les couleurs.

I. Arc-en-ciel. rouge 42 d. 11 m. Le ſpectateur ayant le dos tourné au ſoleil, parce que les rayons qui viennent à l’œil du ſpectateur après une ou deux réflexions, ſont du même côté de la goutte que les rayons incidens.
violet 40 d. 16 m.
II. Arc-en-ciel. rouge 50 d. 58 m.
violet 54 d. 9 m.

Si l’on demande l’angle formé par un rayon après trois ou quatre réflexions, & par conſéquent la hauteur à laquelle on devroit apercevoir le troiſième & le quatrième arc-en-cicl, qui ſont très-rarement & très-peu ſenſibles, à cauſe de la diminution que ſouffrent les rayons par tant de réflexions réitérées, on aura

III. Arc-en-ciel. rouge 41 d. 37 m. Le ſpectateur ayant le viſage tourné vers le ſoleil, parce que les rayons qui viennent à l’œil du ſpectateur après trois ou quatre réflexions, ſortent de la goutte d’un côté oppoſé à celui par où ils y ſont entrés, & conſéquemment ſont, par rapport au ſoleil, d’un autre côté de la goutte que les rayons incidens.
violet 37 d. 9 m.
IV. Arc-en-ciel. rouge 43 d 53 m.
violet 49 d. 34 m.

Il est aiſé ſur ce principe de trouver la largeur de l’arc-en-ciel ; car le plus grand demi-diamètre du premier arc-en-ciel, c’eſt-à-dire de ſa partie extérieure, étant de 42 degrés 11 minutes, & le moindre, ſavoir, de la partie inférieure, de 40 degrés 16 minutes, la largeur de la bande meſurée du rouge au violet ſera de 1 degré 55 minutes ; & le plus grand diamètre du ſecond arc étant de 54 degrés 9 minutes, & le moindre de 50 degrés 58 minutes, la largeur de la bande ſera de 3 degrés 11 minutes, & la diſtance entre les deux arcs-en-ciel de 8 degrés 47 minutes.

On regarde dans ces meſures le ſoleil comme un point ; c’eſt pourquoi comme ſon diamètre eſt d’environ 30 minutes, & qu’on a pris juſqu’ici les rayons qui paſſent par le centre du ſoleil, on doit ajoûter ces 30 minutes à la largeur de chaque bande ou arc du rouge ou violet ; ſavoir, 15 minutes en-deſſous au violet à l’arc intérieur, & 15 minutes en-deſſus au rouge dans le même arc ; & pour l’arc-en-ciel extérieur, 15 minutes en-deſſus au violet, & 15 minutes en-deſſous au rouge ; & il faudra retrancher 30 minutes de la diſtance qui eſt entre les deux arcs.

La largeur de l’arc-en-ciel intérieur sera donc de 2 degrés 25 minutes, & celle du ſecond de 3 degrés 41 minutes, & leur diſtance de 8 degrés 17 minutes. Ce ſont-là les dimenſions de l’arc-en-ciel, & elles ſont conformes à très-peu près à celles qu’on trouve en meſurant un arc-en-ciel avec des instrumens.

Phénomènes particuliers de l’arc-en-ciel. Il eſt aiſé de déduire de cette théorie tous les phénomènes particuliers de l’arc-en-ciel : 1o. par exemple, pourquoi l’arc-en-ciel est toujours de même largeur : c’eſt parce que les degrés de réfrangibilité des rayons rouges & violets qui forment ſes couleurs extrêmes, ſont toûjours les mêmes.

2o. Pourquoi on voit quelquefois les jambes de l’arc-en-ciel contiguës à la ſurface de la terre, & pourquoi d’autres fois ces jambes ne viennent pas juſqu’à terre : c’eſt parce qu’on ne voit l’arc-en-ciel que dans les endroits où il pleut : or si la pluie eſt aſſez étendue pour occuper un eſpace plus grand que la portion viſible du cercle que décrit le point E, on verra un arc-en-ciel qui ira juſqu’à terre, ſinon on ne verra d’arc-en-ciel que dans la partie du cercle occupée par la pluie.

3o. Pourquoi l’arc-en-ciel change de ſituation à meſure que l’œil en change, & pourquoi, pour parler comme le vulgaire, il ſuit ceux qui le ſuivent, & fuit ceux qui le fuient : c’eſt que les gouttes colorées ſont diſpoſées ſous un certain angle autour de la ligne d’aſpect, qui varie à meſure qu’on change de place. De-là vient auſſi que chaque ſpectateur voit un arc-en-ciel différent.

Au reſte ce changement de l’arc-en-ciel pour chaque ſpectateur, n’eſt vrai que rigoureuſement parlant ; car les rayons du ſoleil étant cenſés parallèles, deux ſpectateurs voiſins l’un de l’autre ont aſſez ſenſiblement le même arc-en-ciel.

4o. D’où vient que l’arc-en-ciel forme une portion de cercle tantôt plus grande & tantôt plus petite : c’eſt que ſa grandeur dépend du plus ou moins d’étendue de la partie de la ſuperficie conique qui eſt au-deſſus de la ſurface de la terre dans le temps qu’il paroît ; & cette partie eſt plus grande ou plus petite, ſuivant que la ligne d’aſpect eſt plus inclinée ou oblique à la ſurface de la terre ; cette obliquité augmentant à proportion que le ſoleil eſt plus élevé, ce qui fait que l’arc-en-ciel diminue à proportion que le ſoleil s’élève.

5o. Pourquoi l’arc-en-ciel ne paroît jamais lorſque le ſoleil eſt élevé d’une certaine hauteur : c’eſt que la ſurface conique ſur laquelle il doit paroître eſt cachée ſous terre lorſque le ſoleil eſt élevé de plus de 42 degrés ; car alors la ligne O P, parallèle aux rayons du ſoleil, fait avec l’horiſon en-deſſous un angle de plus de 42 degrés, & par conſéquent la ligne O E, qui doit faire un angle de 42 degrés avec O P, eſt au-deſſous de l’horiſon, de ſorte que le rayon E O rencontre la ſurface de la terre, & ne ſauroit arriver à l’œil. On voit auſſi que ſi le ſoleil eſt plus élevé que 42 degrés, mais moins que 54, on verra l’arc-en-ciel extérieur, ſans l’arc-en-ciel intérieur.

6o. Pourquoi l’arc-en-ciel ne paroît jamais plus grand qu’un demi-cercle : le ſoleil n’eſt jamais viſible au-deſſous de l’horiſon, & le centre de l’arc-en-ciel eſt toujours dans la ligne d’aſpect ; or dans le cas où le ſoleil eſt à l’horiſon, cette ligne raſe la terre ; donc elle ne s’élève jamais au-deſſus de la ſurface de la terre.

Mais ſi le ſpectateur eſt placé ſur une éminence conſidérable, & que le ſoleil ſoit dans ou sous l’horiſon, alors la ligne d’aſpect dans laquelle eſt le centre de l’arc-en-ciel, ſera conſidérablement élevée au-deſſus de l’horiſon, & l’arc-en-ciel fera pour lors plus d’un demi-cercle ; & même ſi le lieu eſt extrêmement élevé, & que la pluie ſoit proche du ſpectateur, il peut arriver que l’arc-en-ciel forme un cercle entier. ]

L’obſervation ſuivante confirme cette aſſertion. Le 23 septembre 1765, M. Paſumot étant au ſommet du Mont-d’or, y fut ſurpris par des brouillards épais & très-condenſés qui paroiſſoient ne pouvoir pas tenir long-temps, parce qu’ils étoient violemment entaſſés, accumulés & roulés par un vent de nord qui ſuivit leur apparition. Dans un inſtant où une portion de ces brouillards étoit comme en dépôt, & rempliſſoit tout le vaſte & profond vallon de Chambon, un rayon de ſoleil perça les brouillards ſupérieurs, & fit voir à cet obſervateur dans le vallon un petit iris entier, d’environ dix-huit à vingt-un pieds de diamètre.

7o. Comment l’arc-en-ciel peut paroître interrompu & tronqué à ſa partie ſupérieure : rien n’eſt plus ſimple à expliquer. Il ne faut pour cela qu’un nuage qui intercepte les rayons, & les empêche de venir de la partie ſupérieure de l’arc à l’œil du ſpectateur ; car dans ce cas, n’y ayant que la partie inférieure qui ſoit vue, l’arc-en-ciel paroîtra tronqué à ſa partie ſupérieure. Il peut encore arriver qu’on ne voye que les deux jambes de l’arc-en-ciel, parce qu’il ne pleut point à l’endroit où devroit paroître la partie ſupérieure de l’arc-en-ciel.

8o. Par quelle raiſon l’arc-en-ciel peut paroître quelquefois renverſé : ſi le ſoleil étant élevé de 41 degrés 46 minutes, ſes rayons tombent ſur la ſurface de quelque lac ſpacieux dans le milieu duquel le ſpectateur ſoit placé, & qu’en même temps il pleuve, les rayons venant à ſe réfléchir dans les gouttes de pluie produiront le même effet que ſi le ſoleil étoit ſous l’horiſon, & que les rayons vinſſent de bas en haut ; ainſi la ſurface du cône ſur laquelle les gouttes colorées doivent être placées, ſera tout-à-fait au-deſſus de la ſurface de la terre. Or, dans ce cas ſi ſa partie ſupérieure eſt couverte par des nuages, & qu’il n’y ait que ſa partie inférieure ſur laquelle les gouttes de pluie tombent, l’arc ſera renverſé.

9o. Pourquoi l’arc-en-ciel ne paroît pas toujours exactement rond, & qu’il eſt quelquefois incliné : c’eſt que la rondeur exacte de l’arc-en-ciel dépend de ſon éloignement, qui nous empêche d’en juger : or, ſi la pluie qui le forme eſt près de nous, on appercevra ſes irrégularités ; & ſi le vent chaſſe la pluie, enſorte que ſa partie ſupérieure ſoit plus ſenſiblement éloignée de l’œil que l’inférieure, l’arc paroîtra incliné, en ce cas l’arc-en-ciel pourra paroître oval, comme le paroît un cercle incliné vû d’aſſez loin.

10o. Pourquoi les jambes de l’arc-en-ciel paroiſſent quelquefois inégalement éloignées : ſi la pluie ſe termine du côté du ſpectateur dans un plan tellement incliné à la ligne d’aſpect, que le plan de la pluie forme avec cette ligne un angle aigu du côté du ſpectateur, & un angle obtus de l’autre côté, la ſurface du cône ſur laquelle ſont placées les gouttes qui doivent faire paroître l’arc-en-ciel, ſera tellement diſpoſée, que la partie de cet arc qui ſera du côté gauche paroîtra plus proche de l’œil que celle du côté droit.

11o. C’eſt un phénomène fort rare de voir en même temps trois arcs-en-ciel ; les rayons colorés du troiſième ſont toujours fort foibles à cauſe de leurs triples réflexions : auſſi ne peut-on jamais voir un troiſième arc-en-ciel, à moins que l’air ne ſoit entièrement noir par-devant & fort clair par-derrière.

M. Halley a vu en 1698 à Cheſter trois arcs-en-ciel en même temps, dont deux étoient les mêmes que l’arc-en-ciel intérieur & l’extérieur qui paroiſſoit ordinairement. Le troisième étoit preſque auſſi vif que le ſecond, & ſes couleurs étoient arrangées comme celles du premier arc-en-ciel ; ſes deux jambes repoſoient à terre au même endroit où repoſoient celles du premier arc-en-ciel, & il coupoit en-haut le ſecond arc-en-ciel, diviſant à-peu-près cet arc en trois parties égales. D’abord on ne voyoit pas la partie de cet arc qui étoit à gauche ; mais elle parut enſuite fort éclatante : les points où cet arc coupoit l’arc extérieur parurent enſuite ſe rapprocher, & bientôt la partie ſupérieure du troiſième arc-en-ciel ſe confondit avec l’arc-en-ciel extérieur. Alors, l’arc-en-ciel extérieur perdit ſa couleur en cet endroit, comme cela arrive lorſque les couleurs ſe confondent & tombent les unes ſur les autres ; mais aux endroits où les deux couleurs rouges tombèrent l’une ſur l’autre en ſe coupant, la couleur rouge parut avec plus d’éclat que celle du premier arc-en-ciel. M. Senguerd a vu, en 1685, un phénomène ſemblable, dont il fait mention dans ſa phyſique. M. Halley, faiſant attention à la manière dont le ſoleil luiſoit, & à la poſition du terrain qui recevoit ſes rayons, croit que ce troiſième arc-en-ciel étoit cauſé par la réflexion des rayons du ſoleil qui tomboient ſur la rivière Dée, qui paſſe à Cheſter.

M. Celſius a obſervé, en Dalécarlie, province de Suède, très-coupée de lacs & de rivières, un phénomène à-peu-près ſemblable, le 8 août 1743, vers les 6 à 7 heures du ſoir, le ſoleil étant à 11 degrés 30 minutes de hauteur ; & le premier qui en ait obſervé de pareils, a été M. Étienne, chanoine de Chartres, le 10 août 1665. Voyez le journ. des Sav. & les Tranſact. phil. de 1666, & l’Hiſt. acad. des Sc. an. 1743.

Vitellion dit avoir vu à Padoue quatre arcs-en-ciel en même temps ; ce qui peut fort bien arriver, quoique Vicomercatus ſoutienne le contraire.

M. Langwith a vu en Angleterre un arc-en-ciel ſolaire avec ſes couleurs ordinaires ; & ſous ce premier arc-en-ciel on en voyoit un autre dans lequel il y avoit tant de vert, qu’on ne pouvoit diſtinguer ni le jaune ni le bleu. Dans un autre temps, il parut encore un arc-en-ciel avec ſes couleurs ordinaires, au-deſſus duquel on remarquoit un arc bleu, d’un jaune clair en haut, & d’un vert foncé en bas. On voyoit de temps en temps au-deſſous deux arcs de pourpre rouge, & deux de pourpre vert. Le plus bas de tous ces arcs étoit de couleur de pourpre, mais fort foible, & il paroiſſoit & diſparoiſſoit à diverſes repriſes. M. Musschembroeck explique ces différentes apparences par les obſervations de Newton ſur la lumière. Voyez l’Eſſai de phyſ. de cet auteur, art. 1611. ]

Les mémoires de l’académie de Berlin font mention d’un arc-en-ciel triple qu’on aperçut aux bains de Freyenwalde, vers les ſept heures du ſoir, du côté de l’orient, le 12 juillet 1770. L’arc-en-ciel intérieur étoit accompagné d’un arc extérieur, tous deux tronqués vers le haut par des nuages, enſorte que l’on ne voyoit que la partie boréale, qui deſcendoit juſqu’à l’horiſon ; les couleurs en étoient bien vives ; cependant, l’arc extérieur paroiſſoit d’un tiers plus étroit que l’intérieur, & l’on n’y diſtinguoit exactement que du rouge & du vert.

Entre ces deux iris, mais une fois plus près de l’extérieur, s’élevoit un troiſième arc-en-ciel, qui ſembloit appuyé ſur un nuage à trois ou quatre degrés au-deſſus de l’horiſon. Cet iris n’étoit pas concentrique aux deux autres, il faiſoit partie d’un grand cercle, & alloit couper cet arc. L’ordre des couleurs, dans ce troiſième iris, étoit celui des iris ordinaires : le rouge en fermoit le cercle extérieur, & alloit au point d’interſection ſe confondre avec le cercle rouge du ſecond arc-en-ciel. Ces deux iris étoient ſenſiblement d’une égale largeur ; les couleurs viſibles n’alloient pas au-delà du vert. Ils ne ceſſèrent de paroître que lorſque le premier arc diſparut.

Les Tranſactions philoſophiques pour l’année 1666, font mention de deux arcs-en-ciel dont l’extérieur, au lieu d’être concentrique à l’intérieur, le coupoit latéralement. Il eſt probable que l’un étoit produit par le ſoleil, l’autre par un parhélie, ou par la réflexion de l’image du ſoleil ſur un nuage éclatant, dont la poſition de l’obſervateur l’empêchoit de s’apercevoir. On peut voir dans les Tranſactions philoſophiques de l’année 1721, quelques autres obſervations d’arcs-en-ciel extraordinaires.

Mais, quelles ſeroient les dimenſions des iris qui ſe formeroient par des rayons qui auroient ſouffert 3, 4, 5 réflexions, &c. avant que de ſortir de la goutte d’eau ? M. Halley l’examine dans les Tranſactions philoſophiques de l’année 1700, où il donne auſſi une méthode directe pour déterminer le diamètre de l’iris, le rapport de la réflexion étant connu. Cet habile phyſicien trouve que le premier iris eſt produit par des rayons incidens dont l’angle d’inclinaiſon eſt tel, que l’excès du double de l’angle rompu, correſpondant ſur cet angle d’inclinaiſon, eſt le plus grand qu’il eſt poſſible : le ſecond iris eſt formé par des rayons tels, que l’excès du triple de l’angle rompu ſur celui d’inclinaiſon, eſt pareillement le plus grand ; le troiſième, par des rayons tellement inclinés à leur entrée, que le quadruple de l’angle rompu ſurpaſſe, le plus près qu’il eſt poſſible, l’angle d’inclinaiſon, &c. en prenant un multiple de l’angle rompu qui ſurpaſſe de l’unité le nombre de réflexions. Dès-lors, voilà le problême ſoumis à l’art de l’analiſte ; il ne s’agit plus que de déterminer quel eſt l’angle d’inclinaiſon, tel qu’un certain multiple donné de ſon angle rompu correſpondant, le ſurpaſſe d’un excès qui ſoit le plus grand qu’il ſe puiſſe. M. Halley trouve pour ces angles d’incidence & leurs angles rompus correſpondans, une formule fort générale : en nommant i & r, les ſinus des angles d’incidence & rompu, & I le ſinus total, le ſinus d’incidence, pour le premier iris, ſera , pour le ſecond , pour le troiſième pour le quatrième ce ſera , &c. La progreſſion eſt facile à apercevoir ; car les nombres 4, 9, 16, 25, ſont les quarrés de 2, 3, 4, 5, qui déſignent le nombre des réflexions augmenté de I, & les dénominateurs 3, 8,15, &c. ſont ces mêmes quarrés diminués de l’unité ; mais l’angle d’incidence des rayons étant donné, il ſera facile de trouver l’angle rompu, puiſque la raiſon de la réfraction eſt donnée ; & enfin de ces deux angles, il eſt facile de dériver celui ſous lequel le rayon, ſortant de la goutte, rencontre le rayon incident. (Il n’y a qu’à multiplier l’angle rompu par le nombre des réflexions augmenté de l’unité, & en ôter l’angle d’incidence.) Or, ce rayon incident à cauſe de l’immenſe éloignement du ſoleil, eſt ſenſiblement parallèle à la ligne tirée de cet aſtre, par l’œil du ſpectateur, au centre de l’iris ; d’où il ſuit que cet angle meſurera le rayon de l’iris, à compter du point diamétralement oppoſé au ſoleil, ſi le nombre des réflexions eſt impair (comme dans le premier, le troiſième, le cinquième iris) ; ou du ſoleil même, ſi ce nombre eſt pair, comme dans le ſecond, le quatrième, le ſixième &c. C’eſt là la règle que donne M. Halley, & il trouve par-là que le premier iris a un rayon de 42° 30 minutes ; le ſecond, de 51° 55 minutes ; l’un & l’autre à compter de l’oppoſite au ſoleil, comme l’obſervation l’a déjà montré ; que le troiſième, ſi il paroiſſoit, ſeroit éloigné de cet aſtre de 40° 20 minutes ; le quatrième, de 45° 33 mimutes, &c. Ce peu d’éloignement du ſoleil & des arcs-en-ciel de la troiſième & de la quatrième claſſe, eſt probablement ce qui a empêché juſqu’ici d’en voir. Hist. des mathém. de Montucla, tom. II, p. 650.

Les principaux auteurs qui ont traité ſavamment de la théorie de l’arc-en-ciel, ſont Deſcartes, dans ſon ouvrage ſur les météores ; Newton, dans ſon optique ; Barrow, dans ſes Lectiones opticœ ; Bernouilli, dans le quatrième volume de ſes œuvres, édition de Genève, 1743 ; Muſſchenbroek, dans ſon Cours de phyſique, &c.

On peut appliquer ici une réflexion philoſophique de d’Alembert. On ne ſait pas pourquoi une pierre tombe, & on ſait la cauſe des couleurs de l’arc-en-ciel, quoique ce dernier phénomène ſoit beaucoup plus ſurprenant que le premier pour la méthode. Il semble que l’étude de la nature ſoit propre à nous enorgueillir d’une part, & à nous humilier de l’autre.

Comme les personnes qui ne ſont pas familiariſées avec les principes de l’optique, ne conçoivent pas aiſément les phénomènes de l’arc-en-ciel, Muſſchenbroek a fait exécuter une machine de ſon invention, par le moyen de laquelle on les repréſente tous facilement Α Α Α Α, figures 70 & 71, eſt une table à quatre pieds, ouverte à ſon milieu, afin qu’on puiſſe faire monter & deſcendre à travers cette table un corps conique. B C eſt la moitié d’un cône, dont le ſommet eſt en D. Ce ſommet eſt appuyé ſur un axe tranſversal ſur lequel tourne le cône B C, & ſur lequel il s’élève au-deſſus de la table, ou ſur lequel il s’abaiſſe au-deſſous : à l’extrémité du même ſommet eſt adapté un œil de la grandeur ordinaire de l’œil d’un homme, & qui ſert à représenter l’œil du ſpectateur ; outre cela, une verge de fer, longue de trois pieds, eſt adaptée au cône & à l’axe ; l’extrémité de cette verge ſe termine par un manche M ; un globe doré S eſt enfilé ſur cette verge, & ce globe repréſente le ſoleil ; la base du cône B eſt entourée d’une bande large ſemi-circulaire, ſur laquelle on peint les ſept couleurs de l’iris ; le côté du cône forme avec l’axe un angle de 40 degrés 17 minutes ; la largeur de la bande peinte ſur la baſe du cône, eſt de près de deux degrés, conformément à la largeur ordinaire d’un iris principal. E, E, ſont deux plans triangulaires mobiles, dont le centre du mouvement eſt placé au-deſſus du ſommet du cône ; ces deux plans ſont conſtamment appliqués à chaque côté du cône ; ils ſervent à cacher l’échancrure faite à la table, & ils repréſentent en même temps l’horiſon. On verra, dans la figure 70, comment ils ſont conſtamment appliqués aux deux côtés du cône. Cela poſé, lorſque la tige de fer, ainſi que le ſoleil S, eſt parallèle à l’horiſon, la moitié du cône eſt au-deſſus de la table, & l’œil du ſpectateur, qui eſt en D, voit la bande colorée ſemi-circulaire placée à la baſe du cône : mais lorſque la main ſaiſit le manche de la tige de fer, & élève le ſoleil S, le cône s’abaiſſe ainſi que le limbe qui eſt adhérent à la basſe du cône, qui alors devient moindre qu’un demi-cercle. Si on élève encore le ſoleil S, on abaiſſe toujours, dans la même proportion le cône, & conſéquemment l’arc, repréſente l’iris qui diminue auſſi ; ce qui a lieu juſqu’à ce que le ſoleil S ſoit élevé à 42 degrés 1 minute ; car alors tout l’arc-en-ciel ſe trouve au-deſſus de l’horiſon, & les plans E E couvrent entièrement le cône. Ce limbe, coloré appliqué à la baſe du cône, repréſente la pluie qui tombe au-devant & au loin du ſpectateur, dans le temps qu’on obſerve dans le ciel un ample arc-en-ciel ; mais comme il arrive quelquefois que l’arc-en-ciel paroît plus petit, lorſque la pluie qui tombe n’eſt pas éloignée du ſpectateur, il y a ſur cette machine un autre arc plan L, ſur lequel on a peint les ſept couleurs de l’iris, qui eſt placé à une plus proche diſtance du ſommet du cône, & dont la largeur eſt proportionnée, de façon que cet arc forme un demi-cercle sur l’horiſon, lorſque le ſoleil eſt à l’horiſon, & qu’il eſt tout-à-fait caché par les plans E, E, lorſque le ſoleil eſt élevé à 42 degrés 2 minutes au-deſſus de l’horiſon : on repréſente donc aiſément, à l’aide de cette machine, comme il arrive que l’arc-en-ciel paroiſſe quelquefois très-ample, & quelquefois très-petit.

Il y a outre cela ſur cette machine un autre limbe N, placé au-deſſus du premier limbe L ; ce limbe N repréſente le ſecond iris, & les couleurs de ce dernier y ſont peintes dans un ordre renverſé. On a donné à ce dernier limbe une largeur ſuffiſante pour que cet iris paroisse à l’œil du ſpectateur, placé en D, de 3 degrés 8 minutes de largeur. Ce limbe repréſente un demi-cercle au-deſſus de la table lorſque le ſoleil S eſt placé dans le plan de cette table, ou ſe trouve à l’horiſon. Mais lorſque le ſoleil S eſt élevé à 54 degrés 7 minutes au-deſſus de l’horiſon, ce limbe deſcend au-deſſous de l’horiſon, & ſe dérobe à l’œil du ſpectateur. Les bords intérieurs des plans E, E, ceux qui ſont contigus & qui touchent les côtés du cône, ſont auſſi peints des mêmes couleurs que l’iris ; ils ont les mêmes dimenſions que l’iris lui-même dans l’endroit où ils touchent le limbe de la baſe B ; mais leur largeur va toujours en diminuant, & ils ſe terminent en un point auprès du ſommet du cône. Ces bords colorés repréſentent les jambes de l’iris, celles qu’on remarque à la campagne, dans un iris naturel, lorſqu’une nuée qui lance la pluie paſſe ſur la tête du ſpectateur, & fait tomber des gouttes de pluie qui s’attachent à l’herbe. La fig. 71 repréſente la même machine, mais vue par derrière : on y voit même le limbe coloré qui eſt adhérent à la baſe du cône. Les plans triangulaires E, E ſont tirés par les cordes H H, qui paſſent ſur la circonférence de deux poulies horiſontales K, K, pour venir embraſſer les gorges de deux autres poulies verticales R, R : on attache aux extrémités de ces cordes deux poids P, P par le moyen deſquels les deux plans ſont conſtamment tirés & appliqués contre les côtés du cône ; & par ce moyen l’échancrure faite à la table eſt continuellement cachée, & les plans E, E repréſentent l’horiſon. On peut conſulter ſur cela, & ſur ce qui y a rapport, les Tranſ. Philoſ. d’Angleterre, n. 240, 267, 375. Les notes de Clarck, ſur la phyſique de Rohault, part. III. ch. 17. Les ouvrages de Jacques Bernouilli, vol. I. pag. 401. L’optique de Newton, & ſes leçons d’optique. Smith compleat ſyſtem. of Optics Book. 2. c. 10. Martin dans ſa philoſoph. Britann. volume II.

4o. De quelques variétés d’iris ou d’arc-en-ciel & de ſes différentes eſpèces.

Arc-en-Ciel blanc. Pluſieurs obſervateurs ont vu en différentes circonſtances des arcs-en-ciel blancs ; & on ne ſauroit douter de leur exiſtence. Le docteur Menzelius obſerva dans les environs de Berlin, le 22 ſeptembre 1676, ſur les ſix heures du matin, un arc-en-ciel blanc qui dura une heure. Il vit au même endroit, le premier octobre 1680, un arc-en-ciel ſemblable qui commença à 7 heures & demie du matin & finit à 9 heures & demie. Le 6 octobre 1684, cet obſervateur apperçut un autre arc-en-ciel blanc, depuis ſept heures du matin juſqu’à huit heures. Ce ſavant penſe que cette eſpèce d’arc-en-ciel eſt formée des rayons réfléchis par des vapeurs & des nuages épais, d’autant que leurs extrémités inférieures paroissent ordinairement plus groſſes & plus larges, en s’approchant de la terre où l’air eſt chargé d’une plus grande abondance de vapeurs, dont les molécules ſont d’une grande ténuité, & que leur ſommet, qui ſe trouve dans un air condenſé, échappe preſque à la vue. On prétend que ces arcs-en-ciel blancs ſont obſervés plus ſouvent dans les régions ſeptentrionales où l’air eſt plus épais. Menzelius vit auſſi le 3 février 1681, trois iris ſe ſuccéder dans l’eſpace de deux heures. Le premier parut à quatre heures du ſoir, le ſoleil étant près de son coucher, & l’horiſon étant ſerein : c’eſt dans la partie oppoſée du ciel, chargée de nuages interrompus, qu’on obſerva un arc-en-ciel blanchâtre. Sa couleur devint dorée, de même que celle des nuages, à meſure que le ſoleil s’approcha de l’horiſon. Enfin, lorſque le ſoleil fut couché, la lune, qui étoit à son plein, s’étant levée, on obſerva du côté du couchant un arc-en-ciel blanc qui dura quatre heures. Il y avoit eu en même temps autour de la lune un halo très-ſi ble.

Mariotte parlant des arcs-en-ciel ſans couleurs dans ſon eſſai de phyſique, dit qu’ils ſe forment ſur les brouillards, comme les autres dans la pluie, & il aſſure en avoir vu pluſieurs fois, ſoit le matin après le lever du ſoleil, ſoit la nuit à la clarté de la lune. « J’en ai vu, dit Mariotte, à trois diverſes fois ; la dernière fois j’en vis deux de ſuite en moins d’une demi-heure. C’étoit au mois de ſeptembre ; il avoit fait un grand brouillard au lever du ſoleil. Une heure après, le brouillard ſe ſépara par intervalles ; un vent qui venoit du levant ayant pouſſé un de ces brouillards ſéparés à deux ou trois cents pas au-delà du lieu où j’étois, & le ſoleil luiſant clairement deſſus, je vis un arc-en-ciel ſemblable en grandeur, en ſituation, & en figure, à un arc-en-ciel ordinaire. Il étoit tout blanc hors un peu d’obſcurité qui le terminoient à l’extérieur ; la blancheur du milieu étoit très-éclatante, & ſurpaſſoit de beaucoup celle qui paroiſſoit ſur le reſte du brouillard ; il n’avoit qu’environ un degré & demi de largeur. Un autre brouillard ayant été pouſſé de même, je vis un autre arc-en-ciel ſemblable au premier ; ces brouillards étoient si épais, que je ne voyois rien au-delà. » Cet illuſtre phyſicien penſe en conſéquence que ces arcs-en-ciel ſans couleurs ſe font dans les brouillards, comme les autres ſe font dans la pluie, & que le défaut de couleurs vient de la petiteſſe des vapeurs imperceptibles qui compoſent les brouillards.

Iris perpendiculaires ou Verges. Nous plaçons ici ce qui regarde les iris perpendiculaires, parce que l’ordre méthodique, bien ſupérieur à l’ordre alphabétique, l’exige. Les iris perpendiculaires, qu’on ne peut nommer des arcs-en-ciel perpendiculaires, parce que, plus ſouvent droites que courbés, ils ne ſont alors que des portions d’arcs-en-ciel blancs ; & quand ils ont des couleurs, ils ne ſont que des parties d’arcs-en-ciel ſolaires dont la courbe ſupérieure manque. Cette explication nous paroît bien plus ſimple que celle d’un auteur qui ſoutient qu’ils ne ſont autre choſe que des faiſceaux ou colonnes de vapeurs très-atténuées, qui s’élèvent en petit volume & dans une direction perpendiculaire, ſur leſquelles les rayons lumineux viennent ſe briſer & ſe réfléchir, mais dont les couleurs ne ſont point diſtinguées comme celles de l’arc-en-ciel.

L’auteur de l’Hiſtoire naturelle de l’air & des météores, (tom. VII, p. 322) aſſure avoir vu deux météores de ce genre. Le premier parut le 27 août 1768, le ciel étant fort embrumé du nord au ſud, & le vent, de l’oueſt au nord. « Je vis, dit-il, environ trois-quarts d’heure avant le coucher du ſoleil, une verge ou iris perpendiculaire, diviſée par les nuages qui en laiſſoient voir tantôt une partie, tantôt une autre, dont les couleurs étoient rangées dans l’ordre suivant : le rouge en-dedans, le jaune & le vert en-dehors, ces deux couleurs peu démêlées. Cette apparence ſe ſoutint plus d’une heure, on ne l’apercevoit que par intervalles ; il y avoit des nuages au deſſous qui la cachoient de temps en temps. J’ai obſervé le ſecond le 18 décembre 1769 ; le vent étoit ſud-oueſt, l’air nébuleux & épais ; & pendant que le ſoleil ſe plongeoit dans un brouillard pâle & preſque tranſparent, il ſort du point de l’horiſon où le ſoleil devoit ſe coucher, une grande verge ou pyramide renverſée d’un rouge aſſez vif, & qui paroiſſoit au travers du brouillard répandu à l’horiſon. Après le coucher du ſoleil, elle ſe teignit d’un rouge pourpre, & on continua de la diſtinguer pendant plus de trois-quarts d’heure ; elle étoit d’un rouge plus obſcur dans les endroits où les bandes des nuages la coupoient horiſontalement : on put en remarquer la forme tant que le crépuſcule eut quelque éclat. La lune étoit alors à son vingtième jour, & ne ſe leva que long-temps après que ce météore eut diſparu dans les ténèbres de la nuit. »

Le 3 octobre 1789, ſur les cinq heures & un quart du soir, j’aperçus, à Béziers, du côté du vrai orient, un iris perpendiculaire ; la largeur de cette bande étoit deux fois plus grande que celle des arcs-en-ciel ordinaires, & la hauteur de douze ou quinze fois la largeur. On diſtinguoit très-bien pluſieurs des couleurs priſmatiques : le rouge paroiſſoit à la droite du côté du ſud ; l’orangé, le jaune, le vert & le bleu étoient placés à la ſuite, en allant vers le nord ; le rouge, le jaune & le vert étoient beaucoup plus vifs que l’orangé & le bleu. Cette bande colorée étoit un iris parfaitement perpendiculaire ; on ne voyoit aucune apparence de courbure. Dans le reſte du ciel, il n’y avoit pas de veſtige d’aucune autre portion de bande colorée.

Quoique le ciel fût aſſez clair dans la partie ſupérieure, cependant il y avoit des nuages plus ou moins épars, preſque tout le tour de l’horiſon ; le ſoleil étoit caché par pluſieurs nuages qui étoient dans la partie de l’oueſt ; mais leur portion ſupérieure étoit dorée par les rayons du ſoleil, ou plutôt fortement éclairée par eux. Il eſt probable que ce phénomène dépend de la décompoſition des rayons du ſoleil, qui, paſſant ſur la partie ſupérieure d’un nuage vertical & réfringent, alloient enſuite ſe peindre ſur un autre nuage vers l’orient. C’étoit l’expérience même du priſme faite par la nature en grand, comme nous la faiſons en petit dans nos cabinets. On marquoit encore au-deſſus & au-deſſous de cet iris perpendiculaire, des nuages plus épais, qui contribuoient à faire paroître les couleurs plus vives & plus brillantes ; je puis dire n’en avoir jamais vu de plus éclatantes. Ce phénomène dura environ un demi-quart d’heure.

À la ſuite de ces obſervations, nous en ferons connoître une aſſez ſingulière qu’on doit à un phyſicien diſtingué.

M. l’abbé Dicquemare obſerva au Havre, le 18 juin 1777, à 7 heures 30 minutes du ſoir, un iris ſingulier du côté de l’oueſt. Il vit ſur un nuage un petit iris en zig-zag, ou plutôt en petite équerre, deux petites branches formant un angle droit : on n’y apercevoit bien diſtinctement que le vert & le rouge ; cette dernière couleur étoit du côté du ſoleil. Une gloire compoſée des mêmes couleurs & dans le même ordre, couronnoit le nuage qui paroiſſoit au travers de l’iris. Le tout enſemble formoit un groupe tendre & fort agréable.

Arc-en-ciel lunaire. Les arcs-en-ciel produits par la lune ſont aſſez rares ; car les obſervateurs modernes qui ſe conſacrent aux obſervations météorologiques, n’en aperçoivent qu’un petit nombre.

Aristote, qui prétend qu’avant lui on n’avoit point remarqué l’iris lunaire, nous apprend que de ſon temps on en vit paroître deux dont la couleur étoit blanche. Pline & Sénèque n’en parlent que ſur le témoignage des philosophes Grecs.

Cornelius Gemma, médecin de Louvain, rapporte que le 12 mars 1569, il vit à minuit un iris lunaire qui avoit toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Bernier aſſure, dans ſes mémoires ſur l’empire du Mogol, qu’il a vu deux fois l’iris lunaire à Delli, & qu’il l’a de même obſervé deux nuits de ſuite, en allant par eau de Pipli à Ogouli, & toujours dans la partie du ciel oppoſée à la lune, cet aſtre ſe trouvant dans ces circonſtances vers l’occident & à son plein. Ces iris, au rapport de l’obſervateur, étoient plus colorés que les couronnes, & on y remarquoit même quelque foible diſtinction des couleurs.

Au mois d’octobre 1671, on obſerva un phénomène de ce genre dans le Brandebourg, quatre ou cinq jours après la pleine lune, le matin, avant le lever du ſoleil. Cet iris étoit du côté de l’orient, dans des nuages & des brouillards, & les ſeules couleurs rouge & jaune manquoient ; la lune étoit du côté de l’occident, & élevée ſur l’horiſon d’environ 80 degrés ; le ciel étoit clair & ſerein dans cette partie. Gemma Friſi en a vu un coloré, ainſi que Daniel Sennert, en 1599 ; Snellius en a vu deux, en deux ans de temps ; Plot en a remarqué un en 1675.

Le 2 février 1684, on vit en Saxe, le ſecond jour après la pleine lune, un halo ou couronne, au centre de laquelle se croiſoient deux bandes blanches ; celle qui étoit parallèle à l’horiſon, s’étendant au-delà de la circonférence de la couronne, coupoit l’autre en deux points, à chacun deſquels étoit un paraſélène, & ce météore étoit ſurmonté par une eſpèce d’iris incomplet. Ce phénomène fut vu à Dreſde, à Leipſick, à Berlin & dans la Sileſie.

En 1693, le 18 juillet, à neuf heures & un quart du ſoir, la lune étant aſſez claire du côté du midi, & le ciel couvert au nord d’un nuage épais, on aperçut un arc-en-ciel lunaire aux environs de Bourges ; il étoit d’une couleur blanchâtre.

Je me ſouviens d’avoir vu, dit Mariotte, (Traité des couleurs) tom. Ier de ſes œuvres poſth, p. 268) il y a fort long-temps, en une même nuit, trois arcs-en-ciel à la lune, ſans couleur ; c’étoit au mois d’octobre, deux ou trois heures avant le jour ; & ils se firent l’un après l’autre dans des brouillards ſéparés. Il eſt fâcheux que cet exact obſervateur n’ait donné aucune deſcription de ce phénomène.

M. Thoresby a obſervé un arc-en-ciel lunaire, remarquable par la beauté & l’éclat de ſes couleurs. (Tranſ. philoſ.)

Le 17 décembre 1709, le P. Feuillée obſerva à Lima, ſur les huit heures & demie du ſoir, un arc-en-ciel lunaire, très-bien formé, « la lumière duquel étoit réfléchie par un foible nuage étendu ſur les pleyades, & ſur l’étoile de la première grandeur de l’épaule orientale d’orion. Cette lumière nous repréſentoit des couleurs pâles qu’on diſtinguoit aiſément les unes des autres ſur le même nuage, pendant que cet arc-en-ciel parut. Ce que je remarquai de ſingulier dans ce phénomène, fut qu’il ne paroiſſoit dans le ciel que le ſeul nuage qui le formoit, & qu’on voyoit confuſément les étoiles à travers de ce nuage, marque de ſa rareté. Cet arc-en-ciel ſe conſerva tout entier durant 4 à 5 minutes, quoique pouſſé par un petit vent qui ſépara en petite partie le nuage qui le repréſentoit, & peu de temps après il diſparut. » Journal des obſervations phyſiques mathématiques & botaniques du P. Feuillée. Tom. I. pag 483.

M. Weidler vit en 1719 un iris lunaire, la lune étant à demi-pleine : à peine pût-il reconnoître les couleurs ; les ſupérieures étoient néanmoins plus diſtinctes que les inférieures : l’arc disparut auſſitôt que la pluie ceſſa.

Muſſchenbroek en a auſſi obſervé un le premier octobre 1729, vers les dix heures du ſoir ; il n’apperçut aucune couleur, & il pleuvoit très-fort à l’endroit où on voyoit le météore.

Le 21 mai 1731, au rapport de M. de Ratte, dans le ſecond volume de l’académie de Montpellier. p. 129. Le temps paroiſſant un peu diſpoſé à la pluie, M. de Pantade vit un arc-en-ciel lunaire, qui dura environ une demi-heure. La lune étoit dans ſon plein : l’arc-en-ciel étoit bien tranché, & avoit les mêmes couleurs que ceux qui ſont cauſés par la lumière du ſoleil, mais beaucoup moins fortes. L’obſervateur vit en même temps un ſecond arc-en-ciel, plus confus que le premier, & dans un ordre oppoſé.

Le 27 août 1736, on vit à Yſſelſtein un arc-en-ciel lunaire, qui étoit très-grand, & fort éclatant, & qui n’étoit par-tout que de couleur jaune.

M. Ulloa obſerva au Pérou le 4 avril 1738, un iris lunaire, compoſé de trois arcs unis entre eux vers leur partie ſupérieure ; la largeur de l’arc du milieu étoit de 5 degrés, ſon diamètre de 60, & celui des autres étoit différent. Ils étoient tous trois de couleurs diverſes.

En 1770, vers les dix heures du ſoir, M. du Séjour, père du célèbre Géomètre de l’académie, étant à Chambourcy, près St.-Germain-en-Laye, apperçut un arc-en-ciel lunaire, la lune étant preſqu’au méridien, & diſtante de ſon plein ſeulement d’un jour & demi. L’arc-en-ciel paroiſſoit du côté du nord où il pleuvoit. On n’y diſtinguoit point les couleurs priſmatiques, mais ſeulement des nuances, entre les différens cercles concentriques, dont l’arc étoit compoſé, hist. de l’acad. des ſciences, année 1770. pag. 22.

En allant de la nouvelle Zelande à Otahiti, M. Cook, & Forſter, virent à la fin de juin, 1773, pendant une nuit, ce météore qui leur parut aſſez frappant ; il auroit été à ſouhaiter que ces illuſtres ſavans en euſſent décrit les différentes circonſtances.

Le 16 juin, 1777, Madame Petau, fille de M. Fouchi, ancien ſecrétaire perpétuel de l’académie des ſciences, obſerva ſur les onze heures du ſoir, un arc-en-ciel lunaire, auſſi marqué, auſſi diſtinct & auſſi grand que ceux occaſionnés par la lumière du ſoleil, & avec des nuances ſenſibles dans la lueur blanchâtre dont il étoit formé. Cette lueur étoit preſqu’auſſi vive que celle de la lune, & les dégradations de lumière paroiſſoient produire un vert d’eau. Il y avoit diſtinctement le pied d’un ſecond arc, ſon milieu préciſément au nord-eſt, la lune en face, comme cela devoit être, & dans l’inſtant il venoit d’y avoir une petite ondée, pouſſée par le vent du ſud-oueſt.

Le 19 août 1788, j’obſervai à Béziers, avec pluſieurs perſonnes, environ à huit heures & trois quarts du ſoir, un arc-en-ciel lunaire double. La lune, qui avoit été à ſon plein le 16, à dix heures du ſoir, étoit alors au commencement du ſigne du bélier ; elle s’étoit levée à 7 heures 35 minutes, & ſa hauteur étoit d’environ 15 degrés.

Dans ce temps, la lune brilloit vers l’orient, & ſon éclat paroiſſoit d’autant plus vif, qu’il y avoit des nuages du côté du ſud-eſt, & vers le nord-nord-oueſt. Au couchant, étoit une eſpèce de brouillard qui ſe réſolvoit en petite pluie, & dont pluſieurs gouttes tomboient au lieu même où étoient les obſervateurs, ſitué entre l’aſtre & le phénomène. Tournant le dos à l’aſtre & regardant l’occident, je vis, d’une manière très-diſtincte, deux arcs-en-ciel ou iris lunaires. Ils me parurent avoir la même élévation que celle des iris ſolaires, lorſque le ſoleil eſt à une hauteur au-deſſus de l’horiſon égale à celle où étoit alors la lune. Leur amplitude étoit la même, ainſi que l’intervalle qui les ſéparoit. La largeur des bandes étoit d’environ 2 degrés, & les deux arcs étoient parfaitement concentriques.

La lumière, dont brilloit ces arcs, fut d’abord continue & ſans aucune interruption ; enſuite, une portion de deux arcs diſparut, c’étoit celle qui étoit du côté du nord & à ma droite. Cette partie retranchée des deux arcs égaloit le cinquième de la longueur totale : je remarquai alors des nuages de ce côté.

La couleur de ces arcs étoit d’un ton foible. Dans l’arc intérieur, on diſtinguoit à peine une foible nuance d’orangé, un jaune pâle, un vert bleuâtre, peu éclatant & auſſi foible que celui des halo ou couronnes qui environnent aſſez ſouvent la lune. Ces couleurs étoient même ſi pâles & ſi peu marquées, qu’on ne pouvoit diſtinguer leurs limites. Celles de l’arc extérieur étoient de beaucoup plus foibles, & ſi lavées, qu’elles ne ſembloient être qu’un blanc bleuâtre.

Après que ce météore eut paru ainſi nuancé pendant cinq à ſix minutes, on le vit enſuite ne préſenter que deux arcs blancs d’une teinte plus ou moins claire. Sa durée totale fut de demi-heure environ, après laquelle il diſparut, non tout-à-coup, mais par parties, les lacunes étant plus ou moins grandes. Je remarquerai que ce météore étoit déja formé, lorſque je l’apperçus, & que ſa durée a pu être plus longue.

À neuf heures & quart, les nuages ſe répandirent à l’eſt, & le ciel s’éclaircit enſuite au couchant & au nord.

Quelques heures avant l’apparition de ce météore, à ſix heures & demie, on vit des éclairs ; il y eut un foible tonnerre & une petite pluie. À neuf heures & demie du ſoir, du côté du ſud-oueſt, j’obſervai encore des éclairs, de même que pendant une partie de la nuit. Le baromètre étoit à vingt-ſept pouces huit lignes.

D’après tout ce qui a été démontré ſur la cauſe des arcs-en-ciel ſolaires, on pense bien que les arcs-en-ciel lunaires ſont auſſi formés par la réfraction que ſouffrent les rayons de la lune dans les gouttes de pluie qui tombent la nuit. Si on ne les apperçoit qu’à la pleine lune ou aux environs de cette phaſe, c’eſt que dans les autres temps la lumière de cet aſtre eſt trop foible pour frapper la vue après deux réfractions & une réflexion. L’arc-en-ciel lunaire, lorſqu’il eſt bien coloré, a toutes les mêmes couleurs que le ſolaire, excepté qu’elles ſont preſque toujours plus foibles ; principalement à cauſe de la différente intenſité des rayons de la lune, qui, ſelon les expériences & les calculs de M. Bouguer, ſont 300 000 fois moins denſes que ceux du ſoleil. On peut ajouter à cette cauſe celle de la différente diſpoſition du milieu que traverſent les rayons de la lune, car la maſſe d’air, pendant la nuit eſt plus chargée de vapeurs ou de vapeurs plus denſes, qui peuvent quelquefois être telles, qu’il n’y ait point de couleurs.

Arc-en-terre. L’arc-en-terre ne diffère qu’accidentellement de l’arc-en-ciel, & ſeulement par ſa poſition ; celui-ci paroit dans les cieux & celui-là ſur la terre. Mais tous les deux dépendent des mêmes cauſes de la réfraction & de la réflexion des rayons du ſoleil dans des gouttes d’eau, & de la décompoſition de la lumière en ſes couleurs primitives. On obſerve quelquefois dans les prairies ſur les gouttes de pluie ou de roſée, qui y ſont tombées, des arcs-en-ciel renverſés, de cette espèce ; Rohault en fait mention ; j’en ai vu trois ou quatre fois dont les couleurs étoient très-vives, & qui ne différoient preſque pas de celles de l’arc-en-ciel ordinaire.

Les conditions nécessaires pour la formation de ce phénomène ſur la terre, ſont toujours que le ſpectateur doit tourner le dos au ſoleil, & être placé entre le phénomène & cet aſtre, que la ligne qui paſſe par le centre du ſoleil, l’œil de l’obſervateur & le centre de l’arc, doit faire avec les rayons de lumière les mêmes angles dont on a parlé. Auſſi faut-il que le ſpectateur ſoit ſur un lieu élevé, & que le ſoleil ſe ſoit levé depuis quelque temps, ou qu’il ſoit près de ſon coucher. Les différens degrés d’élévation du ſoleil & de l’obſervateur font varier la grandeur de l’arc-en-terre ; on peut même, dans des circonſtances favorables, voir le cercle entier coloré des ſept couleurs priſmatiques.

Arc-en-ciel marin. C’eſt une portion d’anneau ou bande demi circulaire, ornée de couleurs priſmatiques, qu’on apperçoit ſur la ſurface de la mer, dans le temps où le ſoleil eſt à une certaine hauteur au-deſſus de l’horiſon. [ L’arc-en-ciel marin est un phénomène, qui paroit quelquefois lorſque la mer eſt extrêmement tourmentée, & que le vent agitant la ſuperficie des vagues, fait que les rayons du ſoleil qui tombent deſſus, s’y rompent & y peignent les mêmes couleurs que dans les gouttes de pluie ordinaire. M. Bowrzes obſerve dans les tranſactions philoſophiques, que les couleurs de l’arc-en-ciel marin ſont moins vives, moins diſtinctes & de moindre durée que celle de l’arc-en-ciel ordinaire, & qu’on y diſtingue à peine plus de deux couleurs ; ſavoir, du jaune du côté du ſoleil, & un vert pâle du côté oppoſé.

Mais ces arcs sont plus nombreux ; car on en voit ſouvent 20 ou 30 à la fois : ils paroiſſent à midi, & dans une poſition contraire à celle de l’arc-en-ciel, c’eſt-à-dire, renversés ; ce qui est une ſuite néceſſaire de ce que nous avons dit en expliquant les phénomènes de l’arc-en-ciel ſolaire. ]

Si on obſerve ces arcs-en-ciel marins d’un lieu élevé, comme d’un cap, ou du haut des mâts, ils paroiſſent renverſés ; & ſi dans le même temps, ainſi qu’on l’a obſervé quelquefois, un nuage qui paſſe, ſe réſout en pluie, on apperçoit un ſecond arc dont les extrémités paroiſſent ſe réunir avec celles de l’iris renversé, & préſenter un cercle entier, ou plutôt un anneau complet coloré.

On apperçoit encore des arcs-en-ciel de cette eſpèce ſur la ſurface d’un lac ou d’un étang, lorſque l’eau ſeroit agitée par le vent, de manière à élever des vagues & ſur-tout de petites molécules ou gouttelettes d’eau, dans leſquelles les rayons du ſoleil ſeroient réfractés, réfléchis, & décompoſés, comme ils le ſont dans les gouttes de pluie. On peut en voir de même ſur la ſuperficie des grands fleuves, le ſpectateur étant toujours à une certaine hauteur, de même que le ſoleil à une élévation convenable. Il eſt même poſſible qu’on obſerve encore un arc renverſé, ſi les rayons du ſoleil ſont réfléchis de la ſurface d’un lac tranquille, ſur un brouillard ou ſur des gouttes de pluie tombant à une diſtance convenable.

Arc-en-ciel des cataractes et des cascades.

Les différentes eſpèces d’arcs-en-ciel dont nous avons parlé juſqu’ici, ne ſont guère que momentanées ; mais ceux qu’on obſerve dans les caſcades & dans les cataractes, ſont, en quelque ſorte permanens. On ne doit pas être plus ſurpris de cette permanence, que de voir conſtamment un arc-en-ciel artificiel, toutes les fois qu’on diſpose une ſuite de boules de verre pleines d’eau d’une manière convenable, ſelon la belle expérience de Descartes, & que le ſpectateur étant placé entre le ſoleil & les boules, les rayons du ſoleil y éprouvent les mêmes réfraction, réflexion & décompoſition que dans les gouttes de pluie. Ce phénomène devient encore permanent lorſque, tournant le dos au ſoleil, on fait jaillir de l’eau en l’air, afin qu’elle retombe en petite pluie, & que les poſitions reſpectives de l’aſtre, de l’obſervateur & des gouttes d’eau ſont analogues à celles qui ont lieu dans les arcs-en-ciel ordinaires. Ce phénomène eſt plus brillant lorſqu’on met un corps noir derrière les gouttes d’eau.

L’arc-en-ciel de la caſcade de Terni, en Ombrie, eſt un des plus beaux de ce genre : comme il a été ſouvent obſervé, nous allons entrer dans quelque détail, d’après M. l’abbé Richard, qui paroît avoir ſuivi ce phénomène avec attention. La rivière de Vélino, qui forme la magnifique caſcade de Terni, après être ſortie du lac de Luco, prend un cours précipité ſur un niveau penchant, juſqu’à ce qu’elle ſoit arrivée à l’extrémité de la montagne del Marmore, d’où elle fait un ſaut perpendiculaire d’environ deux cents pieds de hauteur ſur des rochers, où elle ſe briſe avec tant d’efforts, qu’il s’en élève un nuage que l’on peut comparer à une pouſſière humide, (un polverino d’aqua, diſent les Italiens) & qui ſe ſoutient toujours à quelques toiſes au-deſſus du niveau de la montagne ; de ſorte que tous les environs ſont enveloppés d’un brouillard continuel, aſſez épais pour intercepter les rayons directs de la lumière, ſi léger, qu’il ne détrempe point le terrain qu’il arroſe ſans ceſſe.

Ce brouillard, vu du côté oppoſé à la caſcade, reçoit les rayons du ſoleil qui s’y réfractent & s’y réfléchiſſent de manière à former, tantôt pluſieurs arcs-en-ciel qui ſe croiſent, changent de place, s’élèvent ou s’abaiſſent relativement à la force que le mouvement inférieur de l’eau imprime au brouillard qu’ils colorent, & à la direction des vents qui diſperſent plus ou moins d’un côté ou d’un autre, les gouttelettes d’eau. Lorſque le vent du midi raſſemble le brouillard contre la montagne, on ne voit qu’un ſeul grand arc qui couronne toute la caſcade & ſes environs. Il y a des circonſtances où les couleurs de ces iris ſe confondent les unes dans les autres ; néanmoins, dans ces cas, on y remarque toujours trois zônes bien prononcées. On obſerve auſſi que toutes les particules aqueuſes ſont fort agités ; & ce mouvement continuel de molécules colorées qui ſe ſondent inſenſiblement les unes dans les autres, ajoutent à la ſingularité de ce beau ſpectacle.

La caſcade du fleuve St.-Laurent, en Canada, préſente également un arc-en-ciel pérenne, toujours fixé dans le même endroit, & par le temps le plus ſerein. Cet arc ſe forme auſſi ſur une eſpèce de brouillard, & dépend auſſi des poſitions reſpectives du ſoleil, de l’obſervateur, & des gouttes d’eau, de même que des pouvoirs réfractif & réflectif de ces gouttes, & des différens degrés de réfrangibilité des rayons ſolaires. L’eau du fleuve Saint-Laurent tombant de plus de deux cents pieds de hauteur, fait rejaillir dans l’air une quantité prodigieuſe de petites gouttes d’eau qui forment un nuage, ou, ſi l’on veut, une bruine viſible, même à la diſtance de cinq lieues, & où le ſoleil peint toujours un arc-en-ciel avec ſes plus belles couleurs, plus étendu & plus majestueux que celui de la caſcade de Terni.

V. On a fait en divers temps, & notamment depuis peu, des efforts pour renverſer la théorie newtonienne ſur l’arc-en-ciel : on va voir avec quel ſuccès M. l’abbé P… ayant publié, il y a deux ou trois ans, un petit ouvrage dans cette vue, M. de Plaugergnes en fit la réfutation, qui fut lue dans un memoire adreſſé à l’académie de Montpellier ; c’eſt de ce dernier qu’on a extrait ce qui ſuit :

On a objecté contre la théorie de Newton ſur l’arc-en ciel : 1o. Que l’expérience qu’on fait avec la boule de verre pleine d’eau, qui ſert de preuve à cette théorie, n’eſt pas concluante, parce que cette boule étant compoſée de verre & d’eau & non pas ſimplement d’eau, comme il faudroit qu’elle le fût pour repréſenter exactement ce qui ſe paſſe dans les gouttes de pluie, les réfractions qui s’opèrent dans cette boule, ſont différentes de celles qui ont lieu dans les gouttes de pluie ; & l’on ne doit pas par conſéquent prétendre que la réfraction de la lumière, dans ces gouttes, doive produire les mêmes effets que dans la boule de verre employée dans cette expérience.

On peut répondre à cela qu’il eſt très-vrai que la réfraction de la lumière à travers de deux milieux différens, tels que le verre & l’eau dont eſt compoſée la boule qu’on emploie dans l’expérience, qui ſert de preuve à la théorie de l’arc-en-ciel, eſt un peu différente de celle qui auroit lieu dans une ſimple boule d’eau ; mais cette différence n’en apporte aucune dans l’ordre & la nature du phénomène en général, & elle n’influe que ſur la valeur des angles que les rayons émergens efficaces font avec la ligne d’aspect. Ces angles ſont plus petits lorſque les rayons émergent de la boule après une ſeule réflexion, & au contraire plus grands lorſqu’ils émergent de la boule après deux réflexions dans la boule de verre remplie d’eau, que dans une ſphère compoſée ſeulement de ce fluide. Cette différence qui ſeroit conſidérable ſi la boule de verre, qui renferme l’eau, étoit fort épaiſſe, ſe réduit à quelques minutes, lorſqu’on emploie, pour cette expérience, une boule de verre fort mince : c’eſt ce qu’il eſt aiſé de prouver par le calcul.

Mais on peut couper court à l’objection, en répétant l’expérience d’Antoine de Dominis avec une ſphère abſolument identique, relativement au but qu’on ſe propoſe, à une ſphère d’eau ; il ſuffit, pour cela, d’arrondir en boule un morceau de glace, & de le ſuſpendre, comme la boule de verre, vis-à-vis du ſoleil. Si on ſe place enſuite entre cet aſtre & la boule de glace, & qu’on faſſe deſcendre lentement cette boule, on apercevra ſucceſſivement dans la partie ſupérieure de cette boule, & enſuite dans l’inférieure, les mêmes couleurs, & dans le même ordre que celles que l’on obſerve dans l’arc-en-ciel extérieur & intérieur ; & les angles que les rayons émergens qui produisent ces couleurs, feront avec la ligne d’aſpect, ſeront exactement les mêmes que ceux qui ont lieu dans l’arc-en-ciel naturel, & ne différeront que de très-peu des angles que les rayons colorés émergens font avec la ligne d’aſpect, lorſqu’on fait cette expérience de la manière ordinaire avec une boule de verre pleine d’eau, cette boule de verre étant fort mince.


Cette expérience, répétée un grand nombre de fois avec un ſuccès conſtant, paroît déciſive ; car on n’imagine pas que l’on veuille chicaner ſur ce que la réfraction de la glace n’eſt peut-être pas parfaitement égale à celle de l’eau, la différence de la puiſſance réfractive de ces deux milieux étant preſque inſensible & même douteuſe, ſuivant les expériences de M. de la Hire, conſignées dans les mémoires de l’académie des ſciences.

2o. Il paroît, d’après la théorie de l’arc-en-ciel, que les couleurs provenant des gouttes de pluie, devroient être d’autant plus vives, que le nombre de ces gouttes eſt plus conſidérable ; cependant on obſerve quelquefois que, quoiqu’il pleuve fortement, l’arc-en-ciel paroît très-foible, & quelquefois au contraire il paroît très-vif, quoique la pluie qui tombe par fois ſoit médiocre.

En général, les couleurs de l’arc-en-ciel ſont d’autant plus vives, qu’il pleut plus abondamment à l’opposite du ſoleil, ainſi que cela doit être, ſuivant la théorie. Il eſt vrai que ſi en même temps il pleut fortement dans l’endroit où eſt placé le ſpectateur, ou entre le ſpectateur & le ſoleil, l’éclat de ce phénomène pourra en être fort affoibli, parce que les rayons de lumière destinés à le produire, ſeront en partie détournés ou réfléchis par les gouttes de pluie qu’ils rencontreront avant que d’arriver à l’endroit où ils doivent produire leur effet ; mais cet affoibliſſement n’eſt qu’accidentel, & n’infirme en rien la théorie.

3o. Suivant l’explication reçue, le ſpectateur, le ſoleil & le centre de l’arc-en-ciel doivent ſe trouver ſur une ſeule & même ligne ; cependant il arrive ſouvent qu’une des branches de l’arc-en-ciel paroît être extrêmement proche du ſpectateur, & l’autre fort éloignée ; enſorte que la première branche eſt fort près, & la ſeconde fort loin de la ligne d’aſpect.

Cette objection n’en eſt pas une pour quelqu’un qui eſt au fait de la théorie de l’arc-en-ciel ; car cette théorie ne ſuppoſe autre choſe que l’égalité des angles que les rayons efficaces de la même eſpèce doivent faire de toute part avec la ligne d’aſpect ; ce qui n’a rien de commun avec le plus ou le moins d’éloignement des points d’où partent ces rayons à cette ligne d’aſpect ; cependant il est bon d’expliquer ici pourquoi les branches de l’arc-en-ciel paroiſſent quelquefois ſi inégalement éloignées du ſpectateur.

Cet effet doit arriver toutes les fois que, pleuvant dans un endroit ſans pleuvoir dans l’autre, le plan qu’on peut imaginer eſt de ſéparer l’eſpace où il pleut de celui où il ne pleut pas, & qu’on peut nommer, pour abréger, plan terminant de la pluie, eſt oblique par rapport à la ligne d’aſpect ou à l’axe du cône, formé par les rayons colorés dont la pointe eſt à l’œil du ſpectateur ; car, ſoit S le ſoleil que nous ſuppoſerons (fig. 430) pour plus de ſimplicité dans le plan de l’horiſon, O l’œil du spectateur, S O la ligne d’aſpect ; ſuppoſons qu’il pleuve dans l’eſpace Α B C D, ſitué de telle manière que le plan vertical C D, en-deçà duquel il ne tombe plus de pluie, ou le plan terminant de la pluie ſoit obliquement placé par rapport à la ligne d’aſpect S O ; enſorte que l’angle D E O ſoit obtus, & que l’angle C E O ſoit aigu ; ſi par le point O on mène les lignes O F, O G, de manière que les angles E O F, E O G ſoient, par exemple, chacun de 41°, il eſt clair que l’œil O verra du rouge en F & en G, qui ſeront par conſéquent les extrémités de l’arc rouge : or, il eſt évident que l’extrémité G eſt bien plus proche de l’œil O que l’extrémité F, & conſéquemment elle paroîtra bien plus proche de la ligne d’aſpect. Cependant, puiſque les angles E O F, E O G, ſont égaux, l’œil n’en eſt pas moins au ſommet du cône H O F, dans la ſurface duquel ſont placés, ſuivant la théorie, tous les rayons émergens efficaces qui peuvent lui donner la ſenſation du rouge, & qui formeront un arc de cette couleur qui paroît à leur ſens la figure d’une portion d’ellipſe. Le même raiſonnement ayant lieu pour les rayons des autres couleurs, s’applique, comme on voit, à l’arc-en-ciel entier.

Dans le mois d’avril 1786, M. de Flaugergnes aperçut un de ces arcs-en-ciel dont l’inégalité, dans la diſtance de ces branches oppoſées, étoit frappante. Quoiqu’il vit tout de ſuite qu’elle venoit de l’obliquité du plan terminant de la pluie, il voulut cependant s’aſſurer ſi les angles que les rayons efficaces fourniſſent avec la ligne d’aſpect, étoient égaux. Dans cette vue, il plaça une eſpèce de récipiangle, compoſé de deux règles mobiles, autour d’un clou, & garnies de pinules ; de manière que le plan de cet inſtrument étant parfaitement horiſontal, le rayon viſuel qui paſſoit par les pinules d’une des branches, alloit aboutir au point de l’horiſon qui étoit l’azimuth du ſoleil. & que le rayon viſuel paſſant par les pinules de la ſeconde branche, allât aboutir à la partie rouge d’une des extrémités de l’arc-en-ciel. Après s’être bien aſſuré de cette diſpoſition, il retourna l’inſtrument, en ayant attention que le rayon viſuel, paſſant par les pinules de la première branche, allât toujours aboutir au même point azimuthal. Après avoir rendu le plan de l’inſtrument parfaitement horiſontal, il viſa le long des pinules de la ſeconde branche, & il remarqua que le rayon viſuel, dirigé le long de ces pinules, alloit aboutir au rouge de l’autre extrémité de l’arc ; enſorte que les angles compris entre les lignes tirées des parties rouges de ces extrémités de l’arc-en-ciel au centre de l’inſtrument, & la ligne paſſant par ce centre & allant aboutir au point azimuthal du ſoleil, étoient égaux, c’eſt-à-dire, chacun de 142° environ ; de ſorte que les supplémens de ces angles, ou les angles que les rayons venus des extrémités rouges de l’arc faiſoient avec le plan vertical qui paſſoit par la ligne d’aſpect, étoient égaux malgré l’inégalité de diſtance de ces extrémités ; d’où l’on pouvoit conclure que le centre de l’instrument, ou l’œil, lorſqu’il occupoit ſa place, étoit au ſommet du cône formé par les rayons efficaces émergens des gouttes de pluie, & conſéquemment dans l’axe de ce cône, malgré l’apparence contraire. La hauteur du ſoleil, lors de cette obſervation, étoit à-peu-près de 12 degrés.

4o. D’après la théorie de Newton, il doit paroître, en même temps deux arcs-en-ciel, l’interne & l’externe ; cependant il arrive ſouvent qu’on n’en voit que d’interne, quoiqu’il pleuve aſſez fortement pour que ce dernier arc paroiſſe avec beaucoup de vivacité.

Les gouttes de pluie qui produiſent l’arc-en-ciel interne relativement à un ſpectateur, ne peuvent produire l’arc-en-ciel externe pour ce même ſpectateur, à moins qu’il ne s’approche de ces gouttes, & de manière que les rayons efficaces, après deux réflexions, & qui émergent de ces gouttes en faiſant un angle de 54° avec la ligne d’aſpect, parviennent à son œil, au lieu des rayons efficaces, émergent des gouttes après une seule réflexion, en faiſant un angle de 41 à 42 degrés avec la ligne d’aſpect, qui y arrivoient dans le premier cas : ainſi de ce que les gouttes d’eau qui produiſent l’arc interne, exiſtent, il ne s’enſuit nullement qu’on doive voir l’arc externe : il faut de plus qu’il pleuve dans un eſpace aſſez grand, pour ſouſtendre un angle de 54° degrés d’amplitude tout autour de la ligne d’aſpect ; & quelquefois même avec cette dernière condition, l’arc externe ne paroît pas ſenſiblement par la raiſon que, comme il ſe fait dans les gouttes de pluie deux réflexions & deux réfractions de la lumière qui le produit, il ſe perd beaucoup de cette lumière, ſoit par abſorption, ſoit par tranſmiſſion ; enſorte que pour peu que le ſoleil ſoit obſcurci par les nuages ou les vapeurs, & que la pluie ſoit rare, il n’arrive à l’œil qu’un trop petit nombre de rayons efficaces après deux réflexions, pour pouvoir faire une impreſſion ſenſible ſur cet organe, & l’on ne peut voir l’arc-en-ciel : mais ce qui ſuffit pour justifier la théorie, c’eſt que les deux arcs ne manquent jamais de paroître toutes les fois que le ſoleil brille avec éclat, & qu’il pleut fortement à l’oppoſite de cet aſtre & dans un eſpace ſuffiſamment étendu. C’eſt la grande perte qui ſe fait de la lumière ſolaire dans les réflexions qu’elle éprouve dans les gouttes d’eau, qui fait qu’on ne voit tout au plus que deux arcs-en-ciel, tandis que, ſuivant la théorie, il devroit en paroître un nombre infini, comme celui des réflexions poſſibles (théoriquement parlant) de la lumière dans les gouttes de pluie.

5o. Si l’arc-en-ciel eſt produit ſeulement par la réfraction de la lumière dans les gouttes de pluie, comment peut-il être viſible lorsque la pluie eſt extrêmement rare ?

Tous les phyſiciens connoiſſent que l’œil poſsède, à un bien plus haut degré que les autres ſens, la faculté ſingulière de conſerver la ſenſation cauſée par un objet extérieur pendant quelque temps après que cet objet a ceſſé d’agir ſur cet organe : c’eſt par cette raiſon qu’un charbon ardent que l’on fait tourner, paroît comme un cercle de feu ; c’eſt auſſi, ce ſemble, par la même propriété que les couleurs de l’arc-en-ciel paroiſſent ſenſiblement, quoique les gouttes de pluie qui les réfléchiſſent ; ſoient très-rares. Suppoſons en effet qu’une goutte de pluie réfléchiſſe un rayon rouge ſur la rétine, ce rayon y produira une impreſſion qui, quoique légère, y ſubſistera pendant quelque temps, & lors même que la goutte étant deſcendue, n’enverra plus de rayons rouges à l’œil. Si alors une ſeconde goutte prend en deſcendant la place de la première, & envoie de même un rayon rouge à l’œil, l’impreſſion que ce rayon produira ſur la rétine, s’uniſſant à celle qu’a produite le rayon rouge réfléchi par la première goutte, il en réſultera une impreſſion beaucoup plus forte, & elle le ſera bien plus ſi les gouttes ſe ſuccèdent aſſez vîte pour que les impreſſions ſucceſſives des rayons rouges réfléchis par cinq à ſix gouttes, puiſſent, par la faculté qu’a l’œil de les retenir, devenir, en quelque façon, ſimultanées ; & l’on ſent aſſez que dans ce cas, l’œil aura une ſenſation aſſez vive du rouge ; il en eſt de même pour les autres couleurs ; il paroît donc que c’eſt à cette cauſe qu’eſt due l’apparence ſenſible des couleurs de l’arc-en-ciel, malgré la rareté de la pluie, & que ce phénomène perdroit dans tous les cas beaucoup de son éclat, ſi les gouttes de pluie qui le produiſent, au lieu de ſe ſuccéder les unes aux autres, devenoient immobiles & fixes dans le même endroit. Ce qui doit confirmer donc cette opinion, c’eſt que, malgré la multitude des gouttes de roſée dont l’herbe des prairies eſt couverte le matin, on ne voit jamais l’arc-en-terre auſſi bien marqué & auſſi éclatant que l’arc-en-ciel. M. de Flaugergnes dit ne l’avoir jamais vu, quoiqu’il ait été ſe promener cent & cent fois dans cette intention, & qu’il en ait vu ſouvent quelque apparence. Il n’y a guère que le P. Pardies, jéſuite, qui s’étant trouvé apparemment dans des circonſtances heureuses, ait vu cet aſtre terreſtre bien marqué & avec des couleurs vives. (Journal des ſavans, du 7 février 1667.)

Au reſte, quoique l’arc-en-ciel paroiſſe quelquefois avant qu’il pleuve & après qu’il a ceſſé de pleuvoir, ce n’eſt que relativement à l’eſpace où ſe trouve le ſpectateur ; car il eſt de fait qu’il pleut toujours dans l’endroit où paroît un arc-en-ciel.

6o. D’après la théorie newtonienne de l’arc-en-ciel, les arcs viſibles de ce phénomène doivent être ſeulement au nombre de deux & concentriques. Comment donc expliquer, ſuivant cette théorie, pourquoi ces arcs paroiſſent quelquefois au nombre de trois ou de quatre, & que dans ce cas il y en a toujours quelqu’un d’excentrique, & même quelquefois fort éloigné des autres ?

On doit diſtinguer deux eſpèces d’arcs-en-ciel excentriques, ceux qui ont leurs centres dans le plan vertical qui paſſe par la ligne d’aſpect, c’eſt-à-dire, dans le même plan vertical où ſe trouve le centre des deux arcs-en-ciel ordinaires, & ceux dont le centre eſt hors de ce plan. De la première eſpèce eſt celui que M. Halley obſerva en 1698 à Cheſter : ce grand aſtronome vit trois arcs-en-ciel en même temps, dont deux étoient les mêmes que l’arc-en-ciel intérieur & extérieur qui paroiſſent ordinairement ; le troiſième étoit preſque auſſi vif que le ſecond, & ſes couleurs étoient arrangées comme celles du premier arc ; ſes deux jambes repoſoient à terre au même endroit où repoſoient celles du premier arc-en-ciel, & il coupoit en haut le troiſième arc-en-ciel, diviſant cet arc à-peu-près en trois parties égales. D’abord, on ne voyoit pas la partie de cet arc qui étoit à gauche, mais elle parut enſuite fort éclatante. Les points où cet arc coupoit l’arc extérieur, parurent enſuite ſe rapprocher ; & bientôt la partie ſupérieure du troiſième arc-en-ciel ſe confondit avec l’arc-en-ciel extérieur ; alors l’arc-en-ciel extérieur perdit ſa couleur en cet endroit, comme cela arrive lorſque les couleurs ſe confondent & tombent les unes ſur les autres ; mais aux endroits où les deux couleurs rouges tombèrent l’une ſur l’autre, la couleur rouge parut avec plus d’éclat que celle du premier arc-en-ciel. M. Sanguerd a vu, en 1685, un ſemblable arc-en-ciel dont il fait mention dans ſa phyſique ; & un pareil phénomène fut obſervé par M. Celſius, en Dalécartie, province de Suède, le 8 août 1743, vers les 6 à 7 heures du ſoir. On trouve encore dans le journal des ſavans, en 1666, une obſervation pareille, faite par M. Etienne, chanoine de Chartres.

Vitellion dit avoir vu à Padoue, quatre arcs-en-ciel en même-temps.

M. Langwith a vu en Angleterre un arc-en-ciel ſolaire avec ſes couleurs ordinaires ; & ſous ce premier arc-en-ciel on en voyoit un autre, dans lequel il y avoit tant de vert, qu’on ne pouvoit diſtinguer ni le jaune ni le bleu. Dans un autre temps il parut encore un arc-en-ciel avec les couleurs ordinaires, au-deſſus duquel on remarquoit un arc bleu, d’un jaune claire en haut, & d’un vert foncé en bas : on voyoit de temps en temps au-deſſous, deux arcs de pourpre rouge, & deux de pourpre tirant ſur le vert. Le plus bas de tous ces arcs étoit de couleur de pourpre, mais fort foible ; & il paroiſſoit & diſparoiſſoit à différentes repriſes.

Ces arcs, dont le centre eſt différent de celui des deux arcs-en-ciel, mais cependant placé dans le même plan vertical où ſe trouve le centre des deux arcs-en-ciel ordinaires, l’œil du ſpectateur & le centre du ſoleil, ſont produits par les rayons du ſoleil, réfléchis par quelque rivière ou par quelque lac qui ſe trouve derrière le ſpectateur, entre ce ſpectateur & le ſoleil. C’eſt M. Halley qui, le premier, a découvert cette cauſe des arcs-en-ciel excentriques de la première eſpèce, à l’occaſion du phénomène dont on vient de donner la deſcription d’après lui. Il remarqua qu’il y avoit entre le ſoleil & lui, la rivière de Dée, qui coule à Cheſter ; & que les rayons de cet aſtre, réfléchis par la ſurface de l’eau, produiſoient le troisième arc-en-ciel. Pour comprendre comment cet effet peut arriver. Soit S (fig. 431) le ſoleil, O un ſpectateur qui regarde à l’oppoſite de cet aſtre, un eſpace où il pleut actuellement, & qui eſt éclairé de ces rayons. Ce ſpectateur verra, comme il a été dit, deux arcs-en-ciel Α B C D, dont le centre ſera en E dans la ligne d’aſpect S O. Mais s’il ſe trouve entre le ſpectateur O & le ſoleil S, quelque lac dont la ſurface ſoit aſſez unie pour pouvoir réfléchir les rayons du ſoleil dans le même ordre qu’ils ont lors de leur incidence, ces rayons réfléchis tomberont ſur les gouttes de pluie, de la même manière que s’ils venoient d’un ſecond ſoleil S ; par conſéquent, ces rayons produiront pour le ſpectateur O, l’apparence d’un troiſième arc-en-ciel F G H, & même d’un quatrième, ſi la quantité de rayons réfléchis par la ſurface de l’eau, eſt aſſez conſidérable pour que ceux qui arrivent à l’œil, après deux réflexions conſécutives au-dedans des gouttes de pluie, ſoient encore en nombre ſuffisant pour pouvoir faire une impreſſion ſensible ſur cet organe, ce qui doit arriver très-rarement. Or, l’angle de réflexion O I K étant égal à l’angle d’incidence S I L, & les deux angles O I K, S, I L étant égaux, puiſqu’ils ſont oppoſés au ſommet, l’angle S I L eſt égal à l’angle S, I L : de ſorte que le troiſième arc-en-ciel F G H doit avoir exactement la même apparence que s’il étoit produit par les rayons d’un ſecond ſoleil S, qui fût autant abaiſſé au-deſſus de l’horiſon que le vrai ſoleil S eſt élevé au-deſſus ; d’où il s’enſuit que le centre M de ce troiſième arc doit être ſitué au-deſſus du centre E des deux premiers arcs, & dans le même plan vertical, paſſant par ce point E, par l’œil du ſpectateur & par le centre du ſoleil ; puiſque par la loi de la reflexion le rayon réfléchi & le rayon incident doivent toujours être dans un même plan perpendiculaire à la ſurface réfléchiſſante ; par conſéquent ce troiſième arc doit couper les deux premiers arcs en deux endroits différens. On voit de plus qu’à meſure que le ſoleil s’abaiſſera vers l’horiſon, l’angle S, I L qui eſt toujours égal à l’angle S l L, diminuera, de ſorte que le centre M du troiſième arc s’abaiſſant, tandis que le centre E des deux arcs ordinaires Α B, C D s’élève, les arcs C D & F G H, ſe rapprocheront & pourront même ſe confondre enſemble dans leur partie ſupérieure ; ce qui eſt parfaitement conforme à ce qu’a obſervé M. Halley, comme on l’a dit.

À l’égard des arcs-en-ciel excentriques de la ſeconde eſpèce, dont le centre ſe trouve hors du plan vertical qui paſſe par la ligne d’aſpect, & qui par conſéquent ne peuvent être produits, comme les précédens, par la réflexion des rayons du ſoleil sur la ſurface de quelque rivière ou de quelque lac, ils ſont extrêmement rares. M. Flaugergnes a eu le bonheur, il y a quelques années, d’en voir un aſſez bien marqué, & ce qui lui fit encore plus de plaiſir, de voir évidemment la cauſe qui le produiſoit. On va rapporter ici ſon obſervation, avec d’autant plus de ſatisfaction, qu’on ne ſache pas qu’aucun phyſicien ait découvert la vraie cauſe de ces arcs-en-ciel excentriques.

Un jour de printemps de l’année 1783, ſur les cinq heures du ſoir, le ciel, après une forte ondée de pluie, s’étant découvert du côté du couchant, tandis qu’il pleuvoit encore fortement du côté du levant, les deux arcs-en-ciel ordinaires parurent avec beaucoup d’éclat. Comme ce ſavant étoit occupé à les conſidérer, il aperçut en dehors & au nord du ſecond arc, une portion d’environ dix à douze degrés d’un troiſième arc dont les couleurs étoient ſemblables à celles de l’arc intérieur & dans le même ordre, le violet en dedans & le rouge en dehors, mais plus foibles & plus confuſes. Cet arc étant auſſi plus large que l’arc intérieur, & autant qu’il en peut juger par ſa courbure, il appartenoit à un cercle d’un diamètre égal à celui de l’arc intérieur, mais dont le centre étoit placé à une vingtaine de degrés au nord du centre de l’arc intérieur, & un peu au-deſſus de la ligne horiſontale qui paſſoit par ce dernier centre. Ce phénomène le ſurprit beaucoup, & il ne ſavoit abſolument à quoi l’attribuer, lorſque s’étant retourné du côté du ſoleil, il vit à une vingtaine de degrés au-deſſus de cet aſtre, un petit nuage blanc reſplendiſſant, d’une lumière ſi vive, qu’on l’auroit pris pour un parhélie, s’il eût été arrondi plus régulièrement. Il penſa auſſitôt que ce pouvoit être là la cause du troiſième arc, & il ne put en douter lorſque, quelque temps après, la lumière que refléchiſſoit le nuage s’étant affoiblie, ce troiſième arc diſparut totalement.

D’après cette obſervation, il paroît que les arcs-en-ciel excentriques, dont les centres ne ſont pas placés dans le plan vertical qui paſſe par la ligne d’aſpect, ont pour cauſe la lumière réfléchie sur les gouttes de pluie par quelque nuage qui ſe trouve dans des circonſtances favorables pour en réfléchir ainſi une quantité ſuffisante, & produire par là l’effet d’un ſecond ſoleil.

7o. Comment expliquer dans la théorie newtonienne de l’arc-en-ciel, les quatre ou cinq arcs colorés qui paroiſſent en dedans de l’arc intérieur, & qui ſont concentriques & contigus à cet arc ?

C’eſt ici le point le plus délicat de la théorie de l’arc-en-ciel, & aucun phyſicien ne paroît avoir tenté d’expliquer la production de ces arcs colorés, concentriques intérieurs, & contigus à l’arc-en-ciel interne, quoique leur apparition ſoit conſtante, toutes les fois que les circonſtances ſont favorables pour que ce phénomène puiſſe paroître dans tout ſon éclat. On va expoſer ici quelques conjectures que M. Flaugergnes a formées ſur ce ſujet, après avoir expoſé exactement le fait.

Toutes les fois que l’arc-en-ciel paroît avec éclat, on obſerve dans l’arc intérieur, & tout contre, d’autres arcs intérieurs contigus & concentriques à cet arc : ces arcs ſont colorés, mais leurs couleurs ſont d’autant plus foibles, & ces arcs sont d’autant plus étroits, qu’ils s’éloignent de l’arc principal en s’approchant vers le centre. Il a une fois diſtingué juſqu’à cinq de ces arcs ; le premier étoit coloré de rouge, de jaune, de vert & de bleu, dans le même ordre que l’arc intérieur & les derniers ſeulement de vert & de rouge. Je penſe que ces arcs ſont produits par les rayons qui émergent des gouttes d’eau, convergens entr’eux, & qui, arrivant ainſi fort ſerrés à l’œil, peuvent être efficaces de même que les rayons qui émergent parallèles entr’eux. Pour bien entendre ceci, il faut ſe rappeler, ce qu’il eſt bien facile de démontrer, que ſi deux rayons R S r ſ émergent de la demi-ſphère tranſparente Α B, fig. 432, en faiſant leurs angles de réfraction S R D ſ r d du même côté, & que l’angle de réfraction ſ r d, ou rayons r ſ, dont le point d’émergence eſt le plus éloigné du point Α, ſoit plus grand que l’angle de refraction S R D du rayon S R, ces deux rayons émergens ſeront convergens, parallèles ou divergens entr’eux au ſortir de la ſphère, ſuivant que l’angle R C r au centre de la ſphère ſera plus petit, égal ou plus grand que la différence des angles de réfraction ; & ſi, au contraire, l’angle de réfraction du rayon dont le point d’émergence eſt le plus éloigné du point Α, eſt le plus petit, les deux rayons émergens ſeront toujours divergens entr’eux. D’où il s’enſuit que ſi des rayons parallèles tombent ſur une ſphère tranſparente, telle qu’une goutte d’eau, & ſont réfléchis par la ſurface poſtérieure de cette ſphère, de manière qu’entre les deux réfractions qui ſe font en entrant & en ſortant de cette ſphère, il y ait une réflexion intermédiaire ; 1o. ceux de ces rayons dont la poſition eſt telle, qu’après avoir été réfractés en entrant dans la ſphère, ils concourent vers un foyer placé au-delà de la ſurface poſtérieure de cette ſphère, ſortiront de la ſphère après la ſeconde réfraction, divergens entr’eux ; 2o. ceux de ces rayons qui concourent vers un foyer placé ſur la ſurface poſtérieure de la ſphère ſortiront de cette ſphère parallèles entr’eux ; 3o. enfin, ceux de ces rayons dont le foyer eſt en dedans de la ſphère, ſortiront de cette ſphère convergens entre eux, ſi l’arc compris entre les points d’incidence, ſur la ſurface poſtérieure des rayons réfractés eſt plus petit que la moitié de l’arc compris entre les rayons incidens ; &, au contraire, divergent ſi cet arc eſt plus grand que cette moitié.

Cela posé, il eſt clair, par la théorie de l’arc-en-ciel expoſée ci-deſſus, que les rayons qui émergent, divergeant entr’eux des gouttes de pluie, ne contribuent en rien à la production de ce phénomène, parce que ces rayons étant extrêmement rares, lorſqu’ils arrivent à l’œil, ne peuvent faire aucune impreſſion ſenſible ſur cet organe, & que les couleurs qu’on y remarque ſont dues aux rayons qui émergeant des gouttes parallèles entr’eux, & arrivant à l’œil fort ſerrés, peuvent produire une ſenſation vive, & ſont nommés efficaces pour cette raiſon. Mais, indépendamment de ces rayons efficaces, on voit aiſément que parmi les rayons qui émergent convergens entr’eux des gouttes de pluye, ceux dont le point de convergence eſt très-proche de l’œil, arrivent à cet organe fort serrés entr’eux, & ſont ainſi capables d’y produire une impreſſion ſenſible. Mais, comme ce degré de convergence dépend du rapport qu’il y a entre les arcs compris entre les points d’incidence des rayons ſur la ſurface antérieure & poſtérieure de la ſphère, il s’enſuit que de tous les rayons qui émergent des gouttes avec un pareil degré de convergence, il ne parviendra à l’œil que ceux qui ſortent des gouttes qui ſe trouvent ſituées à-peu-près dans un même plan. Ceux qui émergent ſous le même angle des gouttes plus éloignées de l’œil, ſe croiſant avant que d’arriver à l’œil, parviennent à cet organe divergens entr’eux, & par conſéquent inefficaces : néanmoins, il peut en même temps émerger de ces gouttes des rayons moins convergens, ou, pour parler plus exactement, convergens vers un point plus éloigné, qui peuvent parvenir encore convergens à l’œil, & être par conſéquent efficaces. L’arc produit par ſes rayons ſera au-deſſous du premier, & d’autant plus que le plan des gouttes dont ils émergent, eſt plus éloigné du plan des premières gouttes ; car la convergence dont il s’agit ici, eſt une affection produite dans les rayons par la situation relative des points d’émergence. Il ſuit de là, 1o. qu’on doit voir pluſieurs arcs colorés concentriques & ſemblables à l’arc principal intérieur qui doivent leurs origines aux rayons convergents dans leur émergence : tout ce qu’on vient de dire a lieu pour chaque eſpèce de rayons colorés en particulier. 2o. Ces arcs doivent être tous renfermés dans l’arc intérieur principal, puiſque les rayons efficaces qui produiſent ce dernier arc, ſont les plus grands angles qu’il eſt poſſible avec l’axe, & par conſéquent, la plus grande ſurface conique poſſible autour de la ligne d’aſpect : donc les autres ſurfaces coniques, produites par les différentes eſpèces de rayons convergens qui peuvent être efficaces, ſont renfermés dans celles-là, & par conſéquent les cercles auxquels on rapporte ces rayons doivent être renfermés dans le cercle auquel on rapporte les rayons efficaces qui produiſent l’arc principal. 3o. Ces arcs doivent être d’autant plus foibles & plus étroits, qu’ils ſont plus éloignés de l’arc principal & plus proche du centre, à cauſe que la quantité des rayons qui émergent des gouttes, convergens entr’eux & par-conſéquent capables de pouvoir devenir efficaces, eſt d’autant moindre que ces gouttes ſont plus éloignées de l’œil : ces rayons ſont de plus moins ſerrés entr’eux, & il s’en perd beaucoup par l’interpoſition des autres gouttes qui ſe trouvent placées entre l’œil & les premières, & d’autant plus que ces gouttes ſont plus reculées & plus éloignées de l’œil. 4o. Enfin, quoique ces arcs intérieurs ſoient parfaitement ſemblables à l’arc principal extérieur, pour les couleurs & pour l’ordre dans lequel elles ſont rangées, ces couleurs ne doivent pas paroître avec autant d’évidence que dans cet arc principal, par la raiſon que ces arcs étant rangés relativement à l’œil, les uns au-deſſous des autres, de manière qu’ils ſe recouvrent en partie & en deſcendent graduellement, la couleur rouge d’un de ces arcs doit coïncider avec la couleur jaune de l’arc ſupérieur : ce qui produit une couleur orangée qui ſe confond avec le rouge de l’arc ſupérieur & qui ne paroît en être que la continuation, la couleur jaune de l’arc inférieur ſe confondant avec la couleur verte de l’arc ſupérieur, & la couleur verte de l’arc inférieur ſe confondant avec la bleue, ces quatre eſpèces de couleurs doivent former du vert par leur mélange ; enſorte qu’on ne doit guère diſtinguer dans ces arcs intérieurs que le rouge le vert & le bleu. Comme cette dernière couleur, par ſa foibleſſe & par ſa poſition, eſt la plus ſujète à être altérée & à ſe changer en vert, tandis que la force de la teinte rouge rend cette couleur la moins ſuſceptible de changement, on ne doit plus voir dans les arcs les plus intérieurs que du rouge & du vert, comme effectivement on l’obſerve dans le phénomène en queſtion.

La théorie précédente eſt confirmée par l’expérience : ſi l’on regarde l’arc-en-ciel intérieur au travers de l’angle réfringent du priſme dont le tranchant ſoit parallèle & du même côté que la bande rouge, & qui ſoit incliné de manière que les réfractions ſe détruiſent, l’arc-en-ciel intérieur paroîtra réduit à une bande blanche, & les autres arcs intérieurs paroîtront de même réduits à de petites bandes blanches fort étroites ; ce qui fait voir que ces arcs ſont produits par une cauſe analogue à celle qui produit l’arc-en-ciel intérieur. De plus, ſi l’on fait tomber ſur le ſpectre ſolaire, formé par un faiſceau de rayons réfractés au travers d’un priſme & projetés ſur une ſurface blanche un autre faiſceau, réfracté au travers d’un priſme ſemblable au premier, placé dans la même ſituation, & ſeulement un peu plus incliné, de manière que le rouge du ſecond ſpectre tombe sur le jaune du premier, le jaune du ſecond ſur le verd du premier, &c. l’aſſemblage de ces deux ſpectres n’offrira plus, lorſqu’on le regardera d’un peu loin, (attendu la foibleſſe des rayons violets) que du rouge du verd & du bleu ; & ſi l’on fait coïncider de la même manière pluſieurs ſpectres placés ainſi graduellement un peu au-deſſous les uns des autres, on ne verra plus à la longue dans ces aſſemblages de ſpectres, que du rouge & du verd, comme dans les arcs qui accompagnent l’arc-en-ciel intérieur.

On devroit voir des arcs colorés, ſemblables aux précédens, autour de l’arc-en-ciel extérieur, à l’exception que leurs couleurs ſont dans un ordre renverſé. Ces arcs doivent leur origine aux rayons qui, parallèles dans leur incidence ſur la ſurface d’une goutte de pluye, ſont tellement placés, qu’après s’être croiſés en dedans de cette goutte, l’arc compris entre les points d’incidence de ces rayons ſur la ſurface antérieure & à l’arc compris entre les points d’incidence ſur la ſurface poſtérieure des mêmes rayons réfractés dans un rapport plus petit que celui de trois à un, mais plus grand que celui de trois à deux ; enſorte que ces rayons émergent de cette goutte, convergens entr’eux. Comme en général les couleurs de l’arc-en-ciel extérieur ſont foibles à raiſon de la petite quantité de rayons qui peuvent le produire, & que ces arcs, par leur poſition, doivent ſe trouver dans une partie des nuées qui eſt aſſez éclairée, ils ne doivent paroître que difficilement, & on n’a pu encore les obſerver avec préciſion.

Au, reſte on auroit tort de s’imaginer que les arcs dont on vient de parler puſſent avoir pour cauſe les rayons qui émergent efficaces après trois, quatre, cinq, &c. réflexions dans les gouttes de pluye ; car, indépendamment de ce que ces rayons ſont de beaucoup trop foibles pour pouvoir produire quelque impreſſion ſur la rétine, l’amplitude, la largeur & la poſition des arcs qu’ils produiſent, ne s’accordent nullement avec celle des arcs qu’on vient d’éxaminer, comme on peut s’en convaincre aiſément par l’inſpection de la table ſuivante, calculée avec le plus grand ſoin, en ſuppoſant le diamètre du ſoleil de trente-deux minutes, & le rapport des ſinus des angles d’incidence & de réfraction des rayons rouges & violets, dont le paſſage de l’eau dans le verre :: 138 : 183 : 185.

Ordre des
arcs-en-ciel,
ou nombre des réflexions. demi-amplitude. largeur. ſituation.
I. 0 2 d. 38 m. à l’oppoſite du ſoleil
II. 0 4 d. 21 m. à l’oppoſite du ſoleil
III. 0 5 d. 52 m. du même côté que le ſoleil
IV. 0 7 d. 20 m.
V. 0 8 d. 42 m. à l’oppoſite du ſoleil