Encyclopédie méthodique/Physique/ATOMISME

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ATOMISME. Par cette expreſſion on entend le ſyſtême de phyſique corpuſculaire qu’ont ſoutenu un grand nombre de philoſophes anciens & quelques ſavans modernes. Poſſidonius fait remonter l’origine du dogme des atomes à Moſchus le phénicien, avant la guerre de Troye. Pythagore paroît avoir appris cette doctrine en Orient ; & Ecphantus, célèbre pythagoricien, a témoigné (apud ſtapœum) que les unités dont Pythagore diſoit que tout eſt compoſé, n’étoient que des atomes ; ce qu’Ariſtote aſſure auſſi en divers endroits. Empédocle disoit de même que la nature de tous les corps ne venoit que du mélange & de la ſéparation des particules, & quoiqu’il admît les quatre élémens, il prétendoit que ces élémens étoient eux mêmes compoſés d’atomes ou de corpuſcules. Ce n’eſt pas ſans raiſon que Lucrèce loue ſi fort Empédocle, puiſque sa phyſique eſt à pluſieurs égards la même que celle d’Épicure. Pour Anaxagore, quoiqu’il fût atomiſte, il avoit un ſentiment particulier, qui eſt que chaque choſe étoit compoſée des atomes de ſon eſpèce, les os, d’atomes d’os, les corps rouges d’atomes rouges, &c.

La doctrine des atomes n’a été proprement réduite en ſyſtème que par Leucippe & Démocrite ; c’eſt ce qui a fait que Diogène Laërce & pluſieurs autres auteurs les en ont regardés comme les inventeurs. « Leucippe, dit Ariſtote, & ſon compagnon Démocrite, diſent que les principes de toutes choſes ſont le plein & le vuide, le corps & l’eſpace, dont l’un eſt quelque choſe, & l’autre n’eſt rien, & que les cauſes de la variété des autres êtres ſont ces trois choſes, la figure, la diſpoſition & la ſituation. »

Si on veut avoir une idée complette de l’atomiſme ou ſyſtême des atomes, chez les anciens, il faut lire le fameux poème de Lucrèce ; en voici un précis. Le monde eſt nouveau, mais la matière dont il eſt compoſé eſt éternelle. Il y a toujours eu une quantité immenſe & infinie d’atomes ou de corpuscules durs, crochus, quarrés, oblongs & de toutes ſortes de figures ; tous indiviſibles, tous en mouvement & faiſant effort pour avancer ; tous deſcendant & traverſant le vuide ; s’ils avoient toujours continué leur route de la ſorte, il n’y auroit jamais eu d’assemblages, & le monde ne ſeroit pas : mais quelques-uns allant de côté, cette légère déclinaiſon en ſerra & accrocha pluſieurs enſemble : de-là ſe ſont formées diverſes maſſes, un ciel, un ſoleil, une terre, un homme, une intelligence & une ſorte de liberté. Rien n’a été fait avec deſſein ; les jambes n’ont pas été faites pour porter le corps & pour marcher ; les doigts n’ont pas été pourvus d’articulations pour ſaisir les objets, ni la bouche garnie de dents pour broyer les alimens, ni les yeux ſi bien organiſés pour voir ; mais nous faiſons uſage de ce que nous trouvons capable de nous rendre ſervice. Le tout s’eſt fait par haſard ; tout ſe continue de même, & les eſpèces ſe perpétuent encore par haſard.

Ce ſyſtème eſt un tiſſu d’abſurdités révoltantes, victorieuſement réfutées par pluſieurs auteurs, & entr’autres par le Cardinal de Polignac dans ſon anti-Lucrèce ; voyez auſſi l’hiſtoire du ciel par Pluche : cet article eſt abrégé de M. Formey.

Gaſſendi & quelques modernes ont admis les atomes de Leucipe, de Démocrite & d’Épicure, mais ils ont réformé ce ſyſtème vicieux, & en ont banni les abſurdités que réprouvent la ſaine raiſon. L’illuſtre Gaſſendi, parmi nous, eſt le premier & le plus fameux des atomiſtes modernes. Voyez la notice hiſtorique de Gassendi dans ce dictionnaire. Bernier a été un de ſes principaux diſciples, & a préſenté dans un ouvrage un précis de ce qui ſe trouve de relatif à cet objet dans les œuvres de Gaſſendi. Dans cet atomiſme moderne, les atomes ne ſont plus éternels, ni mis au haſard ; ils ont été produits & dirigés par l’intelligence infinie qui a créé l’univers. Voyez encore l’article Corpusculaire.