Encyclopédie méthodique/Physique/AXIOME

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AXIOME. C’eſt une propoſition ſi évidente, par elle-même, qu’elle n’a beſoin, pour être admiſe, d’aucune démonſtration. Si quelqu’un refuſoit de croire un axiome, ce ſeroit une preuve que les termes qui compoſent la propoſition ne lui ſeroient pas bien connus, il faudroit alors les lui expliquer, & auſſitôt il ſeroit convaincu de la vérité de l’axiôme. Les propoſitions ſuivantes ſont regardées comme des axiômes.

Un tout eſt plus grand qu’aucune de ſes parties, & il eſt égal à la totalité des parties.

Deux quantités égales à une troiſième ſont égales entre elles.

Si on augmente ou ſi on diminue deux grandeurs égales d’une même quantité, l’égalité aura toujours lieu.

Si les grandeurs ſont inégales, l’inégalité ſubſiſtera encore après l’augmentation ou la diminution d’une même quantité.

Tout nombre eſt pair ou impair.

Si deux figures quelconques, appliquées l’une ſur l’autre, ſe couvrent parfaitement, elles ſont égales en ſurface.

Tout effet ſuppoſe une cauſe.

Il eſt impoſſible qu’une choſe ſoit & ne ſoit pas, &c. &c……

On peut aſſurer d’une choſe, tout ce qui eſt dans l’idée claire qu’on en a.

Afin qu’on puiſſe juſtement apprécier les divers axiômes qu’on propoſe dans diverſes circonſtances, il ne ſera pas hors de propos de rapporter ici ce qu’en a dit quelque part M. d’Alembert. « Qu’eſt-ce que la plupart de ces axiômes dont la géométrie eſt ſi orgueilleuſe, ſi ce n’eſt l’expreſſion d’une même idée ſimple par deux ſignes ou mots différens ? celui qui dit que deux & deux font quatre, a-t-il une connoiſſance de plus que celui qui ſe contenteroit de dire que deux & deux font deux & deux ? les idées de tout, de partie, de plus grand & de plus petit, ne ſont-elles pas, à proprement parler, la même idée ſimple & individuelle, puiſqu’on ne ſauroit avoir l’une ſans que les autres ſe préſentent toutes en même-temps ? nous devons, comme l’ont obſervé quelques philoſophes, bien des erreurs à l’abus des mots ; c’eſt peut-être à ce même abus que nous devons ſes axiômes. Je ne prétends point cependant en condamner l’uſage ; je veux ſeulement faire obſerver à quoi il ſe réduit ; c’eſt à nous de rendre les idées ſimples plus familières par l’habitude, & plus propres aux différens uſages auxquels nous pouvons les appliquer. J’en dis à-peu-près autant, quoiqu’avec les reſtrictions convenables, des théorèmes mathématiques. Considérez ſans préjugés, ils ſe réduiſent à un aſſez petit nombre de vérités primitives. Qu’on examine une ſuite de propoſitions de géométrie déduites les unes des autres, enſorte que deux propoſitions voiſines ſe touchent immédiatement & ſans aucun intervalle, on s’appercevra qu’elles ne ſont toutes que la première propoſition qui ſe défigure, pour ainſi dire, ſucceſſivement, & peu-à-peu dans le paſſage d’une conſéquence à la ſuivante ; mais qui pourtant n’a point réellement multiplié par cet enchaînement, & n’a fait que recevoir différentes formes. C’eſt à-peu-près comme ſi l’on vouloit exprimer cette propoſition par le moyen d’une langue qui ſe ſeroit inſenſiblement dénaturée, & qu’on l’exprimât ſucceſſivement de diverſes manières qui repréſentaſſent les différens états par leſquels la langue a paſſé. Chacun de ces états ſe reconnoîtroit dans celui qui en ſeroit immédiatement voiſin ; mais dans un état plus éloigné, on ne le démêleroit plus, quoi qu’il fût toujours dépendant de ceux qui l’auroient précédé, & deſtiné à tranſmettre les mêmes idées. On peut donc regarder l’enchaînement de pluſieurs vérités géométriques, comme des traductions, plus ou moins différentes, & plus ou moins compliquées de la même propoſition, & ſouvent de la même hypothèſe. Ces traductions ſont au reſte fort avantageuſes par les divers uſages qu’elles nous mettent à portée de faire du théorême qu’elles expriment, uſages plus ou moins eſtimables à proportion de leur importance & de leur étendue ; mais en convenant du mérite réel de la traduction mathématique d’une propoſition, il faut reconnoître auſſi que ce mérite réſide originairement dans la propoſition même… Il en eſt de même des vérités phyſiques & des propriétés des corps dont nous apercevons la liaison. Toutes ces propriétés bien rapprochées, ne nous offrent, à proprement parler, qu’une connoiſſance ſimple & unique. Si d’autres, en plus du grand nombre, ſont détachées pour nous, & forment des vérités différentes ; c’eſt à la foibleſſe de nos lumières que nous devons ce triſte avantage ; & l’on peut dire que notre abondance, à cet égard, eſt l’effet de notre indigence même ». Cette vertu, par exemple, que les corps électriques étant frottés, acquierrent d’attirer de petits corpuſcules ; & celle de produire, dans les animaux, une commotion violente, ſont deux choſes pour nous, c’en ſeroit une ſeule ſi nous pouvions remonter à la première cauſe. L’univers pour qui ſauroit l’embraſſer d’un ſeul point de vue, ne ſeroit, s’il eſt permis de le dire, qu’un fait unique & une grande vérité.

Les axiômes ne ſont pas non plus des vérités qui ſoient connues les premières, car des propoſitions générales ne ſont jamais que le réſultat de nos connoiſſances particulières ; les axiomes ne ſont donc pas le principe de nos connoiſſances, ils ſuppoſent au contraire que nous les avons acquiſes pour d’autres moyens, puiſque les premières idées qui ſont dans l’eſprit, ſont celles des choſes particulières.